La Palestine et les leçons du 8 mai et du 11 novembre

Les dates du 8 mai et du 11 novembre sont chaque année l'occasion pour les Français de se rappeler qu'ils ont dû chèrement défendre leur terre contre l'envahisseur. En effet, ils sont persuadés avoir le droit et le devoir de défendre par les armes leur patrie face aux invasions extérieures. Ils ne cessent ainsi de glorifier la conduite de leur compatriotes qui "résistèrent" à l’occupation de leur terre. Cinquante ans après, ils dénoncent et condamnent toujours sous le titre de "collaborateurs" tous ceux qui acceptèrent l'occupation de leur pays… Même le Maréchal Pétain, héros de la grande guerre, allait devoir partir en exil. Et les livres n'en finissent plus de paraître qui dénoncent encore et sans cesse : "L'opinion française sous Vichy" (Seuil), "Les Patrons sous l'Occupation" (Odile Jacob), etc.
 
Curieusement cependant, le "devoir de mémoire" semble être anesthésié et la conviction du "devoir de résistance face à l'occupant" semble changer dès qu’il s’agit de comprendre les réactions d’un autre peuple. Car existe-t-il des âmes capables de comprendre la résistance palestinienne de 1948 face à l’invasion sioniste ? Bien sûr, on dira et on répètera que 2000 ans auparavant, cette terre appartenait aux ancêtres de ces modernes colons. Mais alors, les Indiens d’Amérique n’auraient-ils pas le droit de revendiquer tout le territoire des USA parce que celui-ci leur appartenait il y a 500 ans ?

Pour citer l'écrivain anglais Arthur Koestler : "La déclaration Balfour constitue un des documents politiques les plus improbables de tous les temps. C'est un document par lequel une première nation promettait solennellement à une seconde nation le pays d'une troisième nation. Aucun plaidoyer ne saurait en rien diminuer l'originalité du procédé. Il est vrai que les Arabes vivaient en Palestine sous la domination turque, mais ils y vivaient depuis des siècles et il ne fait pas de doute que ce pays était le leur, au sens généralement admis du mot."
Dans le but d'apporter une réparation aux exactions commises depuis des siècles sur le peuple israélite en Europe, on lui avait en effet offert la terre d'un autre peuple, innocent, lui, de ce genre d'exactions. (Le livre de Bruno Guigue est particulièrement intéressant à ce sujet : Aux sources du conflit israélo-arabe – L'invisible remords de l'Occident, L'Harmattan.)

Y a-t-il aujourd'hui des âmes capables de comprendre les actes désespérés du peuple palestinien, qui s’oppose désespérément à toute une armée parce que même ce que les Nations Unies lui accordent théoriquement de sa terre initiale est occupé : Jérusalem-Est (proclamée "capitale éternelle et indivisible" avec Jérusalem-Ouest), la Cisjordanie (dont 59 % restent sous le contrôle exclusif de l'occupant, 24 % sous contrôle mixte, et seulement 17 % sont rétrocédés). D'ailleurs, en fait de rétrocession, celle-ci est assez singulière : le peuple palestinien n'y a même pas le droit de construire de nouveaux puits ! sur sa propre terre !

Curieusement ici, les termes changent : les maquisards Français furent des "résistants" et leurs actes de sabotage de "hauts faits de résistance", mais les Palestiniens, eux, sont "opposés à la paix"… Les Palestiniens doivent-ils renoncer à leur terre, ou doivent-ils faire comme les résistants Français après l'armistice de 1940 signé par Pétain ? Que des éléments religieux soient présents dans le cas de la Palestine ne change rien au droit des peuples.

La paix, tout le monde en parle, tout le monde la veut. Mais il s'agit d'œuvrer pour une paix juste et globale, fondée sur le droit, et non de mettre en place une paix déséquilibrée, imposée par le bon droit du plus fort. Sinon l'Histoire ne sera qu'un perpétuel recommencement.

Et à bien réfléchir, n'est-ce pas la paix déséquilibrée du Traité de Versailles de 1919, signée après l'armistice du 11 novembre 1918, qui contenait en germe tous les éléments d'un second conflit, encore plus meurtrier que le premier ?

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