Quand on va débuter la récitation de at-Tawbah, lira-t-on ou non la Basmala ?

Question (posée oralement) :

Quand on commence sa récitation du Coran par la sourate al-Barâ'ah, doit-on ou non réciter la formule "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm" ?

-

Réponse :

Il y a divergence d'avis par rapport au cas précis que tu évoques. Note que cette sourate est tantôt nommée al-Barâ'ah, tantôt at-Tawbah.

Mais d'abord il faut comprendre pourquoi la formule "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm" ne figure pas au début de cette sourate, contrairement à toutes les autres.
Ibn Abbâs raconte : "J'ai dit à Uthmân :
- Qu'est-ce qui vous a amenés à prendre la sourate al-Anfâl – qui fait partie des mathânî – et la sourate al-Barâ'ah [= at-Tawbah] – qui fait partie des mi'în –, à les joindre l'une à l'autre, à ne pas écrire la ligne "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm", et à les placer toutes deux parmi les sourates as-sab' at-tuwal ? Qu'est-ce qui vous amenés à faire ainsi ?
- Le Prophète (sur lui la paix)
, me dit Uthmân, recevait en révélation plusieurs sourates. Quand il recevait en révélation quelque partie du Coran il appelait quelque scribe et disait : "Placez ces versets dans telle sourate". Et quand il recevait en révélation un verset du Coran, il disait : "Placez ce verset dans telle sourate". La sourate al-Anfâl faisait partie des sourates à avoir été révélées dans les premières années de son installation à Médine, et la sourate al-Barâ'ah parmi les dernières à lui avoir été révélées. Le thème de ces deux sourates est voisin. Mais le Prophète est décédé sans nous avoir dit [contrairement à ce qu'il faisait pour les autres sourates] si al-Barâ'ah faisait partie de al-Anfâl [ou pas]. C'est pourquoi j'ai joint l'une à l'autre, n'ai pas écrit la ligne "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm" et les ai placées parmi as-sab' at-tuwal" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 876, at-Tirmidhî, n° 3086, an-Nassâ'ï, Ibn Mâja, authentifié par Ibn Hibbân : cf. Fat'h ul-bârî, tome 9 p. 29).
C'est-à-dire que, ne sachant pas s'il s'agissait de deux sourates distinctes ou bien d'une seule, la commission de Compagnons chargée de préparer les copies coraniques a, sur demande de Uthmân, eu recours à une solution intermédiaire, alliant les deux possibilités :
– deux dénominations différentes ont été gardées, montrant qu'il peut effectivement s'agir de deux sourates ;
– mais, d'un autre côté, la ligne "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm" n'a pas été écrite entre les deux, montrant qu'il peut tout aussi bien s'agir d'une seule et même sourate.

-
Maintenant deux cas se présentent lors de la récitation de la sourate at-Tawbah :
--- soit tu récites le Coran et, au cours de la récitation, tu parviens au début de la sourate at-Tawbah (ibtidâ' ul-barâ'ah fî wassat it-tilâwa) (cas A) ;
--- soit tu débutes ta récitation du Coran par le début de la sourate at-Tawbah (ibtidâ' ut-tilâwa bi awwal il-barâ'ah) (cas B).

-
--- Cas A) Quand on récite le Coran et que, au cours de la récitation, on termine al-Anfâl et on parvient au début de la sourate at-Tawbah, à l'unanimité on ne récite pas la formule "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm" (dite "Basmala"), puisqu'elle n'est pas écrite entre les deux sourates.

--- Cas B) Par contre, si on commence la récitation du Coran par le premier verset de la sourate at-Tawbah, alors, après la récitation de "A'ûdhu billâhi min ash-shaytân ir-rajîm" (ou autre formule de sens voisin), récitera-t-on ou non la formule "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm" ? C'est la question que tu poses...

----- Certains ulémas spécialistes de la récitation du Coran sont d'avis que même dans ce cas B on ne récite pas la "Basmala".
Ash-Shâtibî (al-muqrî) est de cet avis. Il écrit :
"Wa mahmâ tassil'hâ aw bada'ta barâ'atan ; (…) lasta mubasmilan".
"Et que tu (en) relies la (récitation à celle d'une autre sourate) [= cas A] ou que tu débutes (la récitation du Coran par celle de) Barâ'ah [= cas B], Tu ne réciteras pas la formule "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm" (…)."
En Inde, certains professeurs de tajwîd (dont Cheikh Muhammad Siddîq, mon professeur) sont du même avis : et, disent-ils, c'est parce que le consensus (ijmâ') des ulémas a établi que ce n'est pas là un lieu de récitation de la formule de la "Basmala" ; cette règle de non-récitation s'applique donc, poursuivent-ils, à tous les cas de figure, qu'ils soient A ou B.

----- Cheikh Thânwî est quant à lui d'avis que dans ce cas B on récite la formule "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm".
Il écrit : "Jab is [sûrat] par bismillâh na hôné kî wajah ma'lûm hô ga'ï, ké ihtimâl-é juz'iyyat-é sûrat hé, tô thâbit huwâ ké :
- djô sharkhs khûd sûrat sé qirâ'at shurû' karé [= cas B] yâ us ké darmiyân sé kahîn shurû' karé, in dônôn hâlatôn mein woh bismillâh parhé ;
- aur djô ûpar sé parhtâ âtâ hô [= cas A] woh bidûn-é bismillâh is sûrat kô shurû' karé, jayssâ ké mutlaqan sab sûratôn ké ajzâ kâ yéhî hukm hé"
(Bayân ul-qur'ân 4/95).

-

Humblement j'ai toujours pensé que c'est l'avis de Cheikh Thânwî qui correspond le plus à la règle générale : quand on récite alors la formule "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm", c'est seulement parce qu'on commence à réciter le Coran.

On peut raisonner de la façon suivante :
- quand on est en train de réciter une sourate, on ne se met pas, au beau milieu de cette sourate, à réciter la "Basmala" ;
- par contre, si on débute la récitation du Coran par un verset situé au milieu d'une sourate, alors on peut réciter la "Basmala", par recherche de la "baraka".
Le cas de la sourate at-Tawbah est semblable :
- quand on a débuté la récitation du Coran par sourate al-Anfâl par exemple, et qu'après avoir terminé celle-ci on débute la sourate at-Tawba, alors on ne récite pas la "Basmala", car Uthmân ne savait pas si at-Tawbah formait ou non une sourate distincte ; on est donc dans le même cas que si l'on se trouvait au milieu de la sourate par laquelle on avait débuté sa récitation (tilâwa) ; c'est pourquoi on ne récite alors pas la "Basmala" ;
- mais quand on commence la récitation du Coran par la sourate at-Tawbah, c'est comme si on commençait la récitation du Coran par un verset situé au milieu d'une sourate ; pourquoi, alors, ne pas pouvoir réciter la "Basmala" ?

Je te conseille cependant de garder à l'esprit qu'il y a sur le sujet la divergence d'avis que je t'ai dite, que "li-l-ikhtilâfi fi-l-mas'alati massâgh" et qu'il n'y a donc pas à faire preuve de dureté par rapport à celui de ces deux avis qu'on trouve plus pertinent.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Print Friendly, PDF & Email