L'islam a-t-il ordonné l'excision de la femme ?

Question :

L'islam a-t-il ordonné une forme de circoncision pour la femme comme il l'a fait en ce qui concerne l'homme ?

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Réponse :

Avant de répondre à votre question, nous voudrions rappeler qu'il existe de par le monde trois ou quatre formes de "circoncisions" féminines :
--- 1) le fait d'enlever le demi-prépuce (c'est à dire le capuchon qui recouvre la partie antérieure du gland clitoridien) ;
--- 2) la clitoridectomie, qui consiste à enlever le clitoris lui-même ; et éventuellement les deux petites lèvres aussi ;
--- 3) la circoncision pharaonique, où sont enlevés : le demi-prépuce, le clitoris, les petites lèvres et les grandes lèvres ;
--- 4) l'infibulation, qui consiste à placer un anneau (fibule) entre les grandes lèvres ou à coudre ces grandes lèvres.

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Voici ce que nous dirons maintenant par rapport à votre question :

I) D'après l'avis qui paraît pertinent, en islam la "circoncision" féminine (même sous sa forme 1 citée ci-dessus) ne fait pas l'objet d'une obligation ; ni même d'une recommandation. En commentaire du hadîth (dh'aîf) induisant une différence entre le statut (hukm) de la circoncision masculine et celui de la circoncision féminine : "الختان سنة للرجال، مكرمة للنساء" (Ahmad, 20719), Ibn Hajar relate cet avis en ces termes : "أو يكون في حق الرجال للندب، وفي حق النساء للإباحة" (voir Fat'h ul-bârî, tome 10 p. 419).
Certes, d'autres ulémas ont dit que la circoncision féminine est recommandée (mustahabb) ; d'autres encore qu'elle est obligatoire (wâjib).
Cependant, des hadîths disant de la pratiquer, aucun n'est authentique (sahîh) ou bon (hassan) : 'Awn ul-ma'bûd, dernières lignes du commentaire du hadîth n° 5271 ; Fiqh us-sunna, tome 1 p. 33, note de page ; Tahrîr ul-mar'a, tome 6 p. 150.

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II) En Arabie, depuis avant l'époque du Prophète (sur lui la paix), une certaine forme de circoncision féminine était pratiquée. C'est bien pourquoi un autre hadîth, évoquant ce qui rend le bain complet (ghusl) obligatoire, affirme que celui-ci est obligatoire dès lors que "la partie circoncise (de l'homme) dépasse la partie circoncise (de la femme)" : "عن سعيد بن المسيب، عن عائشة، قالت: قال النبي صلى الله عليه وسلم: "إذا جاوز الختان الختان، وجب الغسل" (at-Tirmidhî, 109). Cela a été dit parce que certaines femmes étaient circoncises. Al-'Aynî écrit : "وختان المرأة موضع قطع جلدة منها كعرف الديك في فم الرجل. وذلك لأنه مدخل ومخرج الولد والمني والحيض؛ وفوق مدخل الذكر مخرج البول؛ وبينهما جلدة رقيقة؛ وفوق مخرج البول جلدة رقيقة تقطع منها في الختان، وهو ختان المرأة. فإذا غابت الحشفة في الفرج فقد حاذى ختانه ختانها، والمحاذاة هي التقاء الختانين فإنه إذا تحاذيا التقيا، ولهذا يقال التقى الفارسان إذا تحاذيا وإن لم يتصادفا والتصقا. ولكن يقال موضع ختان المرأة الخفاض. فذكر الختانين بطريق التغليب كالعمرين والقمرين. وفي الدراية: ذكر الختانين بناء على عادة العرب فإنهم يختنون النساء" (Al-Binâya, shar'h ul-Hidâya).
"والختان اسم لفعل الخاتن ولموضع الختان أيضا" (Fat'h ul-bârî, 10/418). ".والختن قطع جلدة كمرته. وخفاض المرأة والخفض قطع جُلَيْدَة في أعلى فرجها، تشبه عرف الديك، بينها وبين مدخل الذكر جلدة رقيقة. وإنما ثنيا بلفظ واحد تغليبا وله نظائر وقاعدته رد الأثقل إلى الأخف والأدنى إلى الأعلى" (Fat'h ul-bârî, 1/512).
De quoi s'agissait-il ?

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III) Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit que cela devait rester dans le cadre de la forme 1 et ne pas prendre la forme 2 (ne parlons donc plus de la forme 3, et encore moins de la forme 4). Il a dit ainsi à une femme de Médine qui pratiquait la circoncision féminine : "عن أم عطية الأنصارية، أن امرأة كانت تختن بالمدينة، فقال لها النبي صلى الله عليه وسلم: "لا تنهكي، فإن ذلك أحظى للمرأة وأحب إلى البعل" : "N'enlève pas. Cela sera (source) de plaisir pour la femme et plus apprécié par le mari" (Abû Dâoûd, n° 5271, authentifié par al-Albânî).

Al-Mâwardî (qui, pour sa part, est d'avis que la circoncision féminine est obligatoire, voir plus haut, en I), a écrit qu'il ne s'agit pas d'enlever le clitoris mais seulement la peau qui le recouvre : "قال الماوردي: ختانها قطع جلدة تكون في أعلى فرجها، فوق مدخل الذكر، كالنواة أو كعرف الديك. والواجب قطع الجلدة المستعلية منه، دون استئصاله" (Fat'h ul-bârî, 10/418).

Dans cet autre écrit, d'un autre juriste, on voit de nouveau que, même chez les ulémas d'avis que cela est nécessaire, il ne s'agissait pas de clitoridectomie, mais seulement de la forme 1 : enlever le capuchon, ou une partie de celui-ci : "وأفاد الشيخ أبو عبد الله بن الحاج في المدخل أنه اختلف في النساء: هل يخفضن عموما؟ أو يفرق بين نساء المشرق فيخفضن، ونساء المغرب فلا يخفضن لعدم الفضلة المشروع قطعها منهن، بخلاف نساء المشرق" (Fat'h ul-bârî, 10/419).

Ibn Nujaym écrit quant à lui : "لأن ختان الرجل هو موضع القطع، وهو ما دون مؤخرة الحشفة. وختان المرأة موضع قطع جلدة منها - كعرف الديك - فوق الفرج؛ وذلك لأن مدخل الذكر هو مخرج المني والولد والحيض؛ وفوق مدخل الذكر مخرج البول - كإحليل الرجل -؛ وبينهما جلدة رقيقة يقطع منها في الختان. فحصل أن ختان المرأة متسفل، تحت مخرج البول؛ وتحت مخرج البول مدخل الذكر. فإذا غابت الحشفة في الفرج فقد حاذى ختانه ختانها. ولكن يقال لموضع ختان المرأة الخفاض؛ فذكر الختانين بطريق التغليب. قيد بالتواري لأن مجرد التلاقي لا يوجب الغسل" (Al-Bah'r ur-râ'ïq).

Al-'Azîm-âbâdî écrit en commentaire des mots "(source) de plaisir pour la femme et plus apprécié par le mari", employés dans le Hadîth ci-dessus : "Ceci parce que la peau qui se trouve entre les deux cotés du sexe féminin, et le clitoris, lorsqu'ils sont touchés de la façon appropriée (…), la femme en ressent du plaisir au point d'atteindre parfois l'orgasme sans qu'il y ait pénétration. En effet, cette partie du corps est très innervée et donc très délicate. C'est pour cette raison qu'il a été dit à cette dame (qui pratiquait la circoncision féminine ce qu'il lui a été dit). Afin que le mari (de l'autre dame) appréciera d'avoir des jeux amoureux faits avec elle (…). Et tout ceci sera la cause de plus d'amour et d'entente entre l'époux et l'épouse. Ce que j'ai dit là est mentionné dans les ouvrages de médecine" : "فإن ذلك) أي عدم المبالغة في القطع وإبقاء بعض النواة والغدة على فرجها (أحظى للمرأة) أي أنفع لها وألذ (وأحب إلى البعل) أي إلى الزوج. وذلك لأن الجلد الذي بين جانبي الفرج والغدة التي هناك - وهي النواة - إذا دلكا دلكا ملائما بالإصبع أو بالحك من الذكر، تلتذ كمال اللذة حتى لا تملك نفسها وتنزل بلا جماع. فإن هذا الموضع كثير الأعصاب فيكون حسه أقوى ولذة الحكة هناك أشد. ولهذا أمرت المرأة في ختانها لإبقاء بعض النواة والغدة لتلتذ بها بالحك ويحبها زوجها بالملاعبة معها ليتحرك مني المرأة ويذوب - لأن منيها بارد بطيء الحركة -، فإذا ذاب وتحرك قبل الجماع بسبب الملاعبة، يسرع إنزالها فيوافق إنزالها إنزال الرجل - فإن مني الرجل لحرارته أسرع إنزالا -. وهذا كله سبب لازدياد المحبة والألفة بين الزوج والزوجة. وهذا الذي ذكرته هو مصرح في كتب الطب. والله أعلم" ('Awn ul-ma'bûd sharh sunan Abî Dâoûd, commentaire du hadîth sus-cité).
La limite fixée par le Prophète a donc justement comme objectif que l'épouse ne soit pas privée d'un droit qui lui était déjà reconnu par les sources musulmanes : la satisfaction sur le plan intime. D'ailleurs le droit musulman reconnaît comme cause légitimant le divorce au profit de l'épouse le fait que son mari soit impuissant ou refuse d'avoir des relations intimes avec elle. Nous sommes donc ici exactement à l'opposé de l'objectif poursuivi dans d'autres cultures (priver la femme du plaisir qui lui revient au moment de l'acte intime).
J'avais pensé d'abord ne pas reproduire le texte de al-Azîm Abâdî cité ci-dessus, à cause de la multitude de détails anatomiques qui y figurent, mais j'ai ensuite réalisé que le faire était nécessaire par rapport à votre question, pour prouver au moins trois choses :
--- a) nos ulémas n'ont pas hésité (bien sûr en restant dans le cadre éthique voulu) à aborder des sujets tels que celui-ci ;
--- b) ce commentaire nous permet de voir que l'islam n'a pas comme objectif que l'homme ait une sexualité épanouie et pas la femme ;
--- c) comme l'a dit cet érudit en commentaire des mots du Hadîth, le mari est plus heureux lorsque son épouse vit avec lui une sexualité épanouie ; comment un homme pourrait-il vouloir une ablation du clitoris de la femme afin, au contraire, que celle-ci ne ressente presque plus rien tout au long de sa vie ?

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Synthèse de la réponse :

La circoncision de la femme n'est pas, d'après l'avis qui paraît pertinent, obligatoire ; ni même recommandée (même la "circoncision" féminine sous sa forme 1 citée plus haut).
Une "forme de circoncision" pour les femmes était pratiquée chez certains Arabes avant la venue de l'islam, et le Prophète y a apporté comme restriction le fait que ne soit pas enlevé le clitoris. L'objectif est que la femme ne soit pas privée de ce qui lui revient de droit au moment des relations intimes avec son mari.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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