La prière est-elle annulée si un être passe devant celui qui prie ?

Question :

Assalâmu 'alaykum. Dans une mosquée de ma ville, l'imam a affirmé que si une femme passait devant un homme en prière (salât), la prière de cet homme était invalide et il fallait qu'il la refasse. J'aimerais que vous m'apportiez des éclaircissements. Merci.

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Réponse :

Wa 'alaykum us-salâm.

La question que vous posez est un classique du droit musulman : le fait qu'une femme passe devant un homme en prière annule-t-il la prière de cet homme ?

En fait, l'imam dont vous parlez a sûrement fondé son avis sur le hadîth du Prophète (sur lui la paix) qui dit : "... Si celui qui prie n'a pas placé devant lui quelque chose de semblable à la partie arrière du palanquin [c'est-à-dire une sut'rah], sa prière (salât) sera coupée par l'âne, la femme et le chien noir" (rapporté par Muslim, n° 510).

Se fondant sur la lettre de ce hadîth, l'école juridique zâhirite, de même que quelques mujtahid comme al-Hassan al-Basrî, sont d'avis que si celui qui prie n'a pas placé devant lui de sut'ra (objet destiné à marquer l'endroit où l'on prie), sa salât est effectivement annulée si une femme, un âne ou un chien noir venait à passer devant lui. Et il faut qu'il accomplisse de nouveau cette prière.

Ahmad ibn Hanbal est lui d'avis que la salât sera annulée si un chien noir venait à passer devant celui qui prie dès lors que celui-ci n'a pas placé de sut'ra devant lui. Quant à la femme et à l'âne, Ahmad n'a pas donné de réponse définitive.

La plupart des mujtahidûn - Abû Hanîfa, Mâlik et ash-Shâfi'î inclus - sont cependant d'avis que la salât d'un tel homme ne sera pas annulée juridiquement si le cas cité ci-dessus venait à se produire. Cet homme n'a donc pas à recommencer sa prière.

Ces érudits expliquent l'autre hadîth, celui que nous avons cité au début de notre réponse, ainsi : par les mots "sa prière (salât) sera coupée par l'âne, la femme et le chien noir", il faut comprendre "la valeur de sa prière risque d'être diminuée s'il se laisse déconcentrer par ces êtres qui passent devant lui" (Hujjat ullâh il-bâligha, Shâh Waliyyullâh, tome 2 p. 6). An-Nawawî écrit : "وأما الجواب عن الأحاديث الصحيحة التي احتجوا بها فمن وجهين، أصحهما وأحسنهما ما أجاب به الشافعي والخطابي والمحققون من الفقهاء والمحدثين، أن المراد بالقطع: القطع عن الخشوع والذكر، للشغل بها والالتفات إليها، لا أنها تفسد الصلاة؛ (...) فهذا الجواب هو الذي نعتمده. وأما ما يدعيه أصحابنا وغيرهم من النسخ، فليس بمقبول إذ لا دليل عليه" (Al-Majmû') ; voir aussi Sharh Muslim (4/227).

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Synthèse de la réponse :

Les opinions sont divergentes entre les mujtahidûn au sujet de savoir si la prière (salât) de celui qui n'a pas placé de sut'ra devant lui reste valide si une femme, un chien ou un âne venait à passer devant lui. Selon l'école zâhirite, la prière est alors annulée et il faut la recommencer. Selon la plupart des érudits, la prière n'est pas annulée. Et c'est cette opinion qui paraît pertinente par rapport aux arguments invoqués.

Laissez-moi cependant vous dire une chose : n'allez pas polémiquer avec votre imam et ne cherchez pas à lui imposer cette opinion.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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