Le Prophète (sur lui soit la paix) a-t-il vraiment chargé 'Alî d'aller exécuter quelqu'un, mais, ensuite, 'Alî, arrivé devant l'homme, s'est rendu compte qu'il était complètement innocent de ce dont on l'accusait ? Le Prophète aurait-il donc ordonné d'exécuter quelqu'un qui s'est par la suite avéré être innocent ?

Une objection :

"On trouve dans les ouvrages classiques et soi-disant authentiques du hadîth, des choses invraisemblables, qui touchent soit à la fiabilité de notre bien-aimé Prophète, soit à la fiabilité de l'ouvrage.

Vous je ne sais pas, mais en ce qui me concerne, le choix est vite fait.

Tenez par exemple : l'Authentique de Muslim contient ce récit ô combien étrange : D'après Anas ibn Mâlik, le Prophète aurait envoyé Alî ibn Abî Tâlib exécuter quelqu'un sous prétexte qu'il aurait eu des relations intimes avec Maria, concubine [surriyya] du Prophète. Or quand Alî est allé exécuter la tâche, il s'est aperçu que l'homme en question était eunuque, et s'est donc retenu d'appliquer l'ordre du Prophète !

Le Prophète aurait donc ordonné une exécution sur la base de ce qui s'est avéré être complètement faux !

Ne voyez-vous pas que ces ouvrages de hadîths sont à remettre en question..."

-

Réponse :

Le récit auquel vous faites allusion est celui-ci : "حدثني زهير بن حرب، حدثنا عفان، حدثنا حماد بن سلمة، أخبرنا ثابت، عن أنس، أن رجلا كان يتهم بأم ولد رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم لعلي: "اذهب فاضرب عنقه". فأتاه علي، فإذا هو في ركي يتبرد فيها، فقال له علي: "اخرج"، فناوله يده فأخرجه، فإذا هو مجبوب ليس له ذكر، فكف علي عنه، ثم أتى النبي صلى الله عليه وسلم، فقال: "يا رسول الله إنه لمجبوب ما له ذكر" :
Anas ibn Mâlik raconte :
"Un homme était soupçonné par rapport à la Ummu Walad du Messager de Dieu.
Le Messager de Dieu dit alors à Alî : "Va et exécute-le."
(Alî) arriva jusqu'à lui alors qu'il était dans un puits, s'y rafraichissant.
Alî lui dit : "Sors", lui tendit la main, et l'en fit sortir.
Et voilà que l'homme était eunuque. Alî se retint par rapport à lui.
Puis il vint auprès du Prophète - que Dieu l'élève et le salue - et lui dit : "Messager de Dieu, cet (homme) est eunuque"
(Muslim, 2771).

L'objection que vous soulevez, d'autres que vous et moi - et bien plus érudits - l'avaient déjà relevée, et l'avait exprimée à l'écrit - en toute honnêteté et franchise.

Ainsi, dans son Commentaire du Résumé de Sahîh Muslim, al-Qurtubî (Abu-l-Abbâs) écrit que c'étaient des Hypocrites qui faisaient courir ce bruit. Puis il écrit : "Ce propos soulève une objection : Comment le (Prophète) - que Dieu l'élève et le salue - aurait-il ordonné l'exécution de cet homme, alors qu'il n'y avait aucun motif de sa mise à mort, et que [d'ailleurs] cette (absence de motif) est devenue claire lorsque l'état de cet homme s'est révélé ?" : "وقوله - صلى الله عليه وسلم - لعلي: "اذهب فاضرب عنقه": في هذا اللفظ إشكال، وهو: أنه - صلى الله عليه وسلم - كيف يأمر بضرب عنق هذا الرجل، ولم يكن هناك موجب للقتل، وقد ظهر ذلك حين انكشف حال الرجل؟" (Al-Muf'him li mâ ashkala min talkhîssi Kitâbi Muslim).

Ibn ul-Qayyim écrit pour sa part : "Cette décision (du Prophète) a été difficile à comprendre à de nombreuses personnes" : "وقد أشكل هذا القضاء على كثير من الناس" (Zâd ul-ma'âd, 5/16).

-
Al-Qurtubî explique qu'en fait, cette narration que Muslim (mort en 262) a mentionnée de l'événement est raccourcie ; la version détaillée a été relatée par al-Bazzâr (mort en 292) dans son Musnad, sur la foi de la relation cette fois de Alî ibn Abî Tâlib (que Dieu l'agrée) lui-même : "حدثنا أبو كريب، قال: نا يونس بن بكير، عن محمد بن إسحاق، عن إبراهيم بن محمد بن علي بن أبي طالب (رضي الله عنه) عن أبيه، عن جده علي، قال: كثر على مارية أم إبراهيم في قبطي ابن عم لها كان يزورها، ويختلف إليها، فقال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: "خذ هذا السيف فانطلق، فإن وجدته عندها فاقتله." قال: قلت: "يا رسول الله، أكون في أمرك إذا أرسلتني كالسكة المحماة لا يثنيني شيء حتى أمضي لما أمرتني به؟ أم الشاهد يرى ما لا يرى الغائب؟؟ قال: "بل الشاهد يرى ما لا يرى الغائب." فأقبلت متوشح السيف؛ فوجدته عندها، فاخترطت السيف؛ فلما رآني أقبلت نحوه، تخوف أنني أريده، فأتى نخلة فرقى فيها، ثم رمى بنفسه على قفاه، ثم شغر برجله، فإذا به أجب أمسح، ما له قليل ولا كثير. فغمدت السيف، ثم أتيت رسول الله صلى الله عليه وسلم وأخبرته، فقال: "الحمد لله الذي يصرف عنا أهل البيت"". وهذا الحديث لا نعلمه يروى عن النبي صلى الله عليه وسلم من وجه متصل عنه إلا من هذا الوجه بهذا الإسناد" :
Alî ibn Abî Tâlib raconte :
"Des rumeurs avaient cours au sujet de Mâriya la mère de Ibrâhîm, par rapport à un [autre] copte, cousin à elle, qui lui rendait visite et se rendait auprès d'elle.
Le Messager de Dieu me dit alors : "Prends cette épée et pars ; si tu le vois auprès d'elle, alors exécute-le."
Je dis : "Messager de Dieu, serai-je par rapport à ton ordre lorsque tu m'envoies, comme le clou ayant été chauffé, rien ne me faisant plier jusqu'à ce que j'ai réalisé ce pour quoi tu m'as dépêché ? Ou bien est-ce [la règle] "Celui qui est présent voit ce que l'absent ne voit pas" ?"
Il me dit :
"C'est plutôt : "Celui qui est présent voit ce que l'absent ne voit pas."
Je m'avançai donc, ayant porté l'épée en bandoulière. Je vis l'homme auprès d'elle. Je dégainai alors l'épée. Lorsqu'il me vit avancer (ainsi) vers lui, il craignit que j'en aie après lui. Il se rendit alors à un dattier et y grimpa ; puis s'en fit tomber, sur le dos. Puis il leva la jambe [pour se relever] ; et voilà qu'il était eunuque. Je rengainai alors l'épée.
Puis je me rendis auprès du Prophète et l'en informai. Il dit : "Louange à Dieu qui détourne de nous, Ahl ul-Bayt [les cas d'infidélité]""
(Musnad ul-Bazzâr, 634).

Certes, cette narration est d'une moindre authenticité que l'autre : il y a ici la 'an'ana de Muhammad ibn Is'hâq. Cela serait peut-être la raison pour laquelle Muslim n'a pas donné place à cette narration dans son Sahîh.
Il n'empêche qu'il s'agit seulement de la narration plus détaillée d'un événement dont une narration concise existe avec pour sa part une chaîne de bonne qualité (sahîh).

Et l'événement devient dès lors plus clair : comme cela est dit explicitement ici, le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) n'avait pas chargé 'Alî d'aller exécuter cet homme, point à la ligne. 

Oui, le Prophète avait dit, dans une première phrase, à 'Alî : "Si tu le trouves auprès d'elle, alors exécute-le".
Cependant, immédiatement après, dans une phrase faisant suite à son questionnement, il lui avait précisé ce dont la substance est : "Il ne s'agit pas de l'exécuter sans aucune autre considération ; car "Celui qui est présent voit ce que l'absent ne voit pas"".

Par cette dernière phrase : "Celui qui est présent voit ce que l'absent ne voit pas", le Prophète (sur lui soit la paix) :
--- 1) soit exprimait qu'il ne savait pas du tout de quoi il retourne (car il n'est pas 'âlim ul-ghayb : il ne connaissait pas chaque chose se passant dans le réel), et chargeait donc 'Alî d'aller tirer cette histoire au clair ;
--- 2) soit savait que la rumeur était infondée, mais exprimait seulement qu'il voulait que 'Alî fasse le geste du dégainement de l'épée devant cet homme.

Par ailleurs, "trouver un homme auprès d'une femme", présent dans la première phrase, cela :
--- a) a un sens apparent (zâhirî),
--- b) mais est également parfois un euphémisme (kinâya) signifiant en fait : "le trouver en train d'avoir des relations intimes avec cette femme" : on le voit dans cette autre parole, dite au sujet du célèbre cas de l'époque du Prophète, ayant entraîné le Li'ân : "وكان الذي وجد عند أهله آدم خدلا كثير اللحم جعدا قططا، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "اللهم بين" (al-Bukhârî, 5010, Muslim, 1497). Il existe aussi ces mots : "trouver un homme avec une femme" : "يا رسول الله، أرأيت الرجل يجد مع امرأته رجلا أيقتله؟" (Muslim, 1498).
-

Dès lors, 3 possibilités apparaissent :

-

--- 1.b : La première option sus-citée (1) mariée avec le sens kinâ'ï (b) : Le Prophète ne savait pas de quoi il en retourne : il dépêcha donc 'Alî pour aller tirer cette affaire au clair : si 'Alî trouvait l'homme en train de commettre l'adultère avec Mâria, il devait l'exécuter ("أو أنه بعث عليا ليرى القصة؛ فإن كان ما بلغه عنه حقا قتله؛ ولهذا قال في هذه القصة أو غيرها: "أكون كالسكة المحماة؟ أم الشاهد يرى ما لا يرى الغائب" : As-Sârim, p. 60).

-

--- 2.a' : La seconde option sus-citée (2) mariée avec le sens zâhirî (a) : Le Prophète savait que la rumeur était fausse. Par contre, il voulait que cet homme cesse de se rendre aussi fréquemment auprès de Mâria. Il dépêcha 'Alî en l'ayant muni d'une épée, et en l'ayant chargé de dégainer celle-ci dès qu'il verrait l'homme assis auprès de Mâria ; mais il ne devait pas l'exécuter seulement pour cela. L'objectif du Prophète était que l'homme cesse de s'asseoir autant à côté de celle-ci ("لم يرد حقيقة القتل، إنما أراد تخويفه ليزدجر عن مجيئه إليها" : Zâd ul-ma'âd, 5/16). Par contre, le Prophète ne savait pas tout ce qui allait se passer, à savoir qu'on allait savoir que cet homme est eunuque.

-

--- 2.a'' : La seconde option sus-citée (2) mariée avec le sens zâhirî (a) : Le Prophète savait que la rumeur était fausse. Mais, suite aux rumeurs entretenues par des Hypocrites, il dépêcha 'Alî en l'ayant muni d'une épée, et en l'ayant chargé de dégainer celle-ci dès qu'il verrait l'homme assis auprès de Mâria : le Prophète avait su par révélation que ce geste ferait apparaître la vérité aux yeux de tous ("فأحب رسول الله صلى الله عليه وسلم أن يعرف الصحابة براءته وبراءة مارية، وعلم أنه إذا عاين السيف، كشف عن حقيقة حاله؛ فجاء الأمر كما قدره رسول الله صلى الله عليه وسلم" : Zâd ul-ma'âd, 5/16).
-
Cela comme, un autre jour, il avait su par révélation que le voleur de grain reviendrait auprès de Abû Hurayra : "عن أبي هريرة رضي الله عنه، قال: وكلني رسول الله صلى الله عليه وسلم بحفظ زكاة رمضان، فأتاني آت فجعل يحثو من الطعام فأخذته، وقلت: والله لأرفعنك إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: إني محتاج، وعلي عيال ولي حاجة شديدة، قال: فخليت عنه، فأصبحت، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "يا أبا هريرة، ما فعل أسيرك البارحة؟" قال: قلت: يا رسول الله، شكا حاجة شديدة، وعيالا، فرحمته، فخليت سبيله، قال: "أما إنه قد كذبك، وسيعود". فعرفت أنه سيعود، لقول رسول الله صلى الله عليه وسلم إنه سيعود. فرصدته، فجاء يحثو من الطعام" (al-Bukhârî, 2187) ; ou encore que, un autre jour encore, quelqu'un empêcherait 'Ammâr ibn Yâssir de puiser l'eau dans le puits où, lors d'un bivouac pendant un déplacement, il allait se rendre : "عن الحسن قال: قال عمار بن ياسر: "قد قاتلت مع رسول الله صلى الله عليه وسلم الإنس والجن"، فقيل له: "ما هذا؟ قاتلت الإنس، فكيف قاتلت الجن؟" قال: "نزلنا مع رسول الله صلى الله عليه وسلم منزلا. فأخذت قربتي ودلوي لأستقي، فقال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أما إنه سيأتيك آت يمنعك من الماء". فلما كنت على رأس البئر إذا رجل أسود كأنه مرس فقال: "لا والله لا تستقي اليوم منها ذنوبا واحدا"، فأخذته وأخذني فصرعته، ثم أخذت حجرا فكسرت به أنفه ووجهه، ثم ملأت قربتي. فأتيت بها رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال: "هل أتاك على الماء من أحد؟" فقلت: "عبد أسود"، فقال: "ما صنعت به؟" فأخبرته، قال: "أتدري من هو؟" قلت: "لا"، قال: "ذاك الشيطان، جاء يمنعك من الماء" (Ibn Sa'd dans ses
Tabaqât).

-
En fait 'Alî avait de lui-même deviné que le Prophète ne l'envoyait pas exécuter cet homme sans aucune autre considération ; et qu'il l'envoyait :
--- soit (1.b) tuer l'homme seulement s'il le trouvait en train de commettre l'adultère avec Mâria ("فهذا يدل على أن أمره بقتله إنما كان بشرط أن يجده عندها على حالة تقتضي قتله. ولما فهم عنه علي ذلك، سأله، فبين له بيانا شافيا" : MFHM) ;
--- soit (2.a' & 2.a'') seulement dégainer l'épée devant l'homme s'il le voyait assis auprès de Mâria, et non pas le tuer.
'Alî s'assura donc de ce que le Prophète l'envoyait faire : il demanda au Prophète (en substance) : "Pour peu que je le trouve auprès de Mâria [sens zâhirî : a] : dois-je appliquer ton ordre à la lettre, et exécuter donc cet homme ? ou bien dois-je plutôt seulement dégainer l'épée et observer ce qui se passera alors ?" ; et le Prophète (sur lui soit la paix) lui répondit qu'il ne s'agissait pas d'exécuter l'homme sans aucune autre considération, car il devait plutôt observer...
Que devait-il observer ? le seul fait de trouver l'homme auprès de Mâria ? Impossible, puisque cela était déjà mentionné dans la première phrase en tant que condition à l'exécution de la sentence : "Prends cette épée et pars, et si tu le vois auprès d'elle, alors exécute-le". La seconde phrase ("C'est plutôt : "Celui qui est présent voit ce que l'absent ne voit pas") induisait donc d'observer une tout autre chose que seulement s'il était auprès d'elle.

Cette précision acquise, 'Alî s'en alla faire ce que le Prophète lui avait ordonné.
Et, justement, dans le récit qu'il a fait de l'événement, Alî ne dit pas que, ayant vu l'homme auprès de Mâria, il fut déterminé à le tuer, et que l'homme le comprit et donc s'enfuit. Non : il raconte que, ayant vu l'homme auprès de Mâria, il dégaina l'épée ; "alors, lorsque l'homme me vit avancer vers lui, il craignit que je m'en prenne à lui, se rendit jusqu'à un dattier, et y grimpa" : "فلما رآني أقبلت نحوه، تخوف أنني أريده، فأتى نخلة فرقى فيها". Ces mots de 'Alî montrent eux aussi qu'il n'avait nullement eu l'intention de tuer l'homme simplement parce qu'il l'avait vu être aux côtés de Mâria : il fallait observer ce qui se passerait ensuite. (Sinon 'Alî aurait dit : "فلما رآني أقبلت نحوه، فهم أنني جئتُ لأقتله".)

Je penche vers l'une des deux possibilités 2.a' et 2.a''. Ceci parce que, par le simple fait d'avoir vu l'homme auprès de Mâria, 'Alî dégaina l'épée : c'était donc bien le sens a ("trouver l'homme assis auprès de Mâria").

-
La possibilité 2.a'' est comparable, disent certains ulémas, au célèbre épisode avec le prophète Salomon (sur lui soit la paix), devant qui passèrent les deux femmes qui se disputaient l'enfant restant (l'autre ayant été emporté par un loup) : ayant appris ce que son père David (sur lui soit la paix) venait de rendre comme jugement, pour sa part Salomon dit : "Apportez-moi un couteau, afin que je coupe l'(enfant) (et en partage les deux moitiés) entre les deux (femmes)".
Or Salomon n'avait évidemment pas l'intention de couper le bébé en deux : même s'il affirma qu'il allait couper l'enfant en deux, il voulait seulement, par ce qu'il menaçait de réaliser ainsi, faire apparaître la vérité : qui était la mère véritable du bébé restant.
Ce fut la même chose ici : le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) voulait seulement faire apparaître la vérité : dégainer l'épée devant l'homme allait avoir l'effet escompté.
Ce parallèle a été fait par quelque érudit, et a été relaté par Ibn ul-Qayyim : "وتأوله بعضهم على أنه صلى الله عليه وسلم لم يرد حقيقة القتل، إنما أراد تخويفه ليزدجر عن مجيئه إليها؛ قال: وهذا كما قال سليمان للمرأتين اللتين اختصمتا إليه في الولد: "علي بالسكين حتى أشق الولد بينهما"، ولم يرد أن يفعل ذلك، بل قصد استعلام الأمر من هذا القول، ولذلك كان من تراجم الأئمة على هذا الحديث: "باب الحاكم يوهم خلاف الحق ليتوصل به إلى معرفة الحق". فأحب رسول الله صلى الله عليه وسلم أن يعرف الصحابة براءته وبراءة مارية، وعلم أنه إذا عاين السيف، كشف عن حقيقة حاله؛ فجاء الأمر كما قدره رسول الله صلى الله عليه وسلم" (Zâd ul-ma'âd, 5/16).

-
Voici exactement ce que al-Qurtubî a écrit sur le sujet :
"ويزول هذا الإشكال بأن هذا الحديث رواه أبو بكر البزار فساق فيه أكمل من هذا وأوضح، فقال فيه: عن علي بن أبي طالب - رضي الله عنه - قال: كثر على مارية في قبطي ابن عم لها كان يزورها، ويختلف إليها، فقال لي رسول الله - صلى الله عليه وسلم -: "خذ هذا السيف فانطلق، فإن وجدته عندها فاقتله" قال: قلت: يا رسول الله! أكون في أمرك كالسكة المحماة، لا يثنيني شيء، حتى أمضي لما أمرتني، أم الشاهد يرى ما لا يرى الغائب؟ فقال: "بل الشاهد يرى ما لا يرى الغائب"، وذكر الحديث بنحو ما تقدم. فهذا يدل على أن أمره بقتله إنما كان بشرط أن يجده عندها على حالة تقتضي قتله. ولما فهم عنه علي ذلك، سأله، فبين له بيانا شافيا. فزال ذلك الإشكال، والحمد لله ذي الجلال.
ويحتمل أن يقال: إن ذلك خرج من النبي - صلى الله عليه وسلم - مخرج التغليظ والمبالغة في الزجر، على موجب الغيرة الجبلية.
والأول أليق وأسلم. والله بحقائق الأمور أعلم.
وفيه من الفقه: إعمال النظر، والاجتهاد، وترك الجمود على الظواهر، وأنه يجوز الاطلاع على العورة عند الضرورة، كتحمل شهادة الزنى، كما صار إليه مالك" (Al-Muf'him).
Avant cela : "وقوله في حديث أنس: "أن رجلا كان يتهم بأم ولد رسول الله - صلى الله عليه وسلم -" هذه مارية أم إبراهيم، ولد رسول الله - صلى الله عليه وسلم -، كان يزورها رجل قبطي، فتكلم المنافقون في ذلك وشنعوا، فأظهر الله براءتها بما ظهر من حال الرجل - وهذا نحو مما جرى لعائشة رضي الله عنها حتى برأها الله تعالى، وأظهر من حال المرمي أنه حصور. كل ذلك مبالغة في صيانة حرم رسول الله - صلى الله عليه وسلم - وإظهار تكذيب من تفوه بشيء من ذلك" (Ibid.).

-

Deux choses sont à ajouter :

Ce niveau extrême dans le choix de l'astuce destinée à faire apparaître la vérité, cela semble être réservé aux juges qui sont aussi prophètes. Quant au juge lambda, il peut et va avoir recours à des astuces, mais il ne semble pas qu'il puisse aller jusque là : il ne va pas menacer quelqu'un de trancher son enfant en deux (comme le prophète Salomon l'a fait), ni dégainer une arme (comme Alî l'a fait sur ordre du prophète Muhammad), afin de faire apparaître la vérité, wallâhu A'lam.

Par ailleurs, un mari qui - cette fois - voit dûment un homme avoir des relations intimes avec son épouse à lui, n'a pas le droit de le tuer. Le cas du Prophète était l'une de ses spécificités : "علم أن قتله لما انتهكه من حرمته" (As-Sârim, p. 60) ; "فعلم أنهم كانوا يرون قتل من استحل حرمة رسول الله صلى الله عليه وسلم" (Ibid.).
Pour tout autre mari qui trouve un homme en train de commettre cela avec son épouse, alors, s'il est en Dâr ul-islâm, il ira chercher 4 témoins pour faire le constat, pour ensuite porter l'affaire devant un juge ; ou bien il aura recours au Li'ân ; ou, tout simplement, il divorcera (tatlîq) de cette femme ; mais il ne tuera pas cet homme ainsi. Il y a sur le sujet le célèbre hadîth suivant, avec Sa'd ibn 'Ubâda (que Dieu l'agrée) : "عن أبي هريرة، أن سعد بن عبادة الأنصاري قال: "يا رسول الله، أرأيت الرجل يجد مع امرأته رجلا أيقتله؟" قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا"، قال سعد: "بلى، والذي أكرمك بالحق"، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "اسمعوا إلى ما يقول سيدكم" (Muslim, 1498/14) ; "عن أبي هريرة، قال: قال سعد بن عبادة: "يا رسول الله، لو وجدت مع أهلي رجلا لم أمسه حتى آتي بأربعة شهداء؟" قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "نعم". قال: "كلا والذي بعثك بالحق، إن كنت لأعاجله بالسيف قبل ذلك". قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "اسمعوا إلى ما يقول سيدكم، إنه لغيور، وأنا أغير منه، والله أغير مني" (Muslim, 1498/16). Ici, l'une des interprétations est que le Prophète a subtilement désapprouvé la parole de Sa'd : il a voulu d'une part excuser Sa'd devant les autres Compagnons pour sa parole semblant contredire ce que lui, le Prophète, venait de dire : l'excuse était que Sa'd avait beaucoup de Ghayra ; en même temps et d'autre part, le Prophète rappela à Sa'd que la Ghayra est à garder sous contrôle, vu qu'il venait de dire de ne pas tuer l'homme que le mari verrait en train de commettre cela (Zâd ul-ma'âd, 5/408).

-

Il reste un point :

--- Dans la version rapportée par Muslim sur la foi de la relation de Anas ibn Mâlik, il est dit que lorsque 'Alî arriva près de lui, l'homme était assis dans un puits, s'y rafraichissant.
--- Alors que dans la version rapportée par al-Bazzâr sur la foi de la relation de Alî ibn Abî Tâlib, il est dit que l'homme se trouvait alors auprès de Mâria, s'enfuit en voyant Alî s'avancer, grimpa sur un dattier puis se jeta par terre.

Certes. Sur ce point précis, les deux relations divergent de façon apparemment irréconciliable.

Mais c'est justement ce qu'on appelle un point de Idhtirâb (اضطراب).
Cela est présent au sujet d'autres points aussi, au sein d'autres narrations.

-
Un autre exemple :

Quand le Prophète (sur lui soit la paix) décéda, que Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) ne voulut pas y croire et harangua les gens présents sur place, puis que Abû Bakr (que Dieu l'agrée) arriva, et, après s'être rendu dans l'appartement du Prophète et avoir constaté le décès de ce dernier, en ressortit, il demanda à Omar de se calmer / de s'assoir ; puis lui-même tint un petit discours. Que fit alors Omar ibn ul-Khattâb :
--- s'assit-il immédiatement ?
--- ou bien resta-t-il debout ?

----- Dans la narration faite par Aïcha, il est dit que dès que Abû Bakr commença à parler, Omar s'assit : "ثم خرج فقال: "أيها الحالف على رسلكفلما تكلم أبو بكر، جلس عمر. فحمد الله أبو بكر وأثنى عليه، وقال: "ألا من كان يعبد محمدا صلى الله عليه وسلم فإن محمدا قد مات، ومن كان يعبد الله فإن الله حي لا يموت"، وقال: "{إنك ميت وإنهم ميتون}"، وقال: "{وما محمد إلا رسول قد خلت من قبله الرسل أفإن مات أو قتل انقلبتم على أعقابكم ومن ينقلب على عقبيه فلن يضر الله شيئا وسيجزي الله الشاكرين}"، قال: فنشج الناس يبكون" (al-Bukhârî, 3467).
----- Tandis que dans celle faite par Ibn Abbâs, il est dit qu'il refusa de s'assoir et que ce ne fut que plus tard, après le discours de Abû Bakr, que ses jambes ne le portèrent plus et qu'il tomba au sol : "قال الزهري: وحدثني أبو سلمة، عن عبد الله بن عباس، أن أبا بكر خرج وعمر بن الخطاب يكلم الناس فقال: "اجلس يا عمرفأبى عمر أن يجلس. فأقبل الناس إليه، وتركوا عمر، فقال أبو بكر: "أما بعد فمن كان منكم يعبد محمدا صلى الله عليه وسلم، فإن محمدا قد مات، ومن كان منكم يعبد الله فإن الله حي لا يموت، قال الله: {وما محمد إلا رسول قد خلت من قبله الرسل}إلى قوله {الشاكرين}. وقال: والله لكأن الناس لم يعلموا أن الله أنزل هذه الآية حتى تلاها أبو بكر، فتلقاها منه الناس كلهم، فما أسمع بشرا من الناس إلا يتلوها." فأخبرني سعيد بن المسيب، أن عمر قال: "والله ما هو إلا أن سمعت أبا بكر تلاها، فعقرت، حتى ما تقلني رجلاي، وحتى أهويت إلى الأرض حين سمعته تلاها؛ علمت أن النبي صلى الله عليه وسلم قد مات" (al-Bukhârî, 4187).

Idhtirâb sur cet autre point précis aussi, au sein de deux narrations du même événement...

-
Un autre exemple encore

Le puits de al-Hudaybiya était peu abondant en eau. Et quand les 1500 Compagnons arrivèrent sur les lieux en l'an 6 de l'hégire, ils eurent tôt fait de le mettre à sec. Le Prophète (sur lui soit la paix) fit alors quelque chose qui, par la permission de Dieu, fit venir l'eau abondamment. Mais que fit-il exactement :
--- plaça-t-il une flèche dans le puits ?
--- ou bien demanda-t-il un peu de l'eau de ce puits, s'en gargarisa la bouche, puis la rejeta dans le puits ?

--- La narration de al-Miswar ibn Makhrama relate le premier point : "قال: فعدل عنهم حتى نزل بأقصى الحديبية على ثمد قليل الماء، يتبرضه الناس تبرضا، فلم يلبثه الناس حتى نزحوه وشكي إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم العطش، فانتزع سهما من كنانته، ثم أمرهم أن يجعلوه فيه، فوالله ما زال يجيش لهم بالري حتى صدروا عنه" (al-Bukhârî, 2581).
--- Celle de al-Barâ' rapporte le second : "عن البراء رضي الله عنه، قال: كنا يوم الحديبية أربع عشرة مائة والحديبية بئر، فنزحناها، حتى لم نترك فيها قطرة، فجلس النبي صلى الله عليه وسلم على شفير البئر، فدعا بماء فمضمض ومج في البئر. فمكثنا غير بعيد ثم استقينا حتى روينا، وروت، أو صدرت ركائبنا" (al-Bukhârî, 3384) ; "قال: أنبأنا البراء بن عازب رضي الله عنهما، أنهم كانوا مع رسول الله صلى الله عليه وسلم يوم الحديبية ألفا وأربع مائة أو أكثر، فنزلوا على بئر فنزحوها، فأتوا رسول الله صلى الله عليه وسلم، فأتى البئر وقعد على شفيرها، ثم قال: "ائتوني بدلو من مائها"، فأتي به، فبصق فدعا، ثم قال: "دعوها ساعة". فأرووا أنفسهم وركابهم حتى ارتحلوا" (al-Bukhârî, 3920).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Print Friendly, PDF & Email