Dieu a-t-Il créé le Trône avant le Calame, ou le Calame avant le Trône ?

Il y a divergence d'avis sur ce point (Ibn Kathîr a également fait allusion à cette divergence dans son Al-Bidâya wa-n-nihâya, tome 1 pp. 11-12).

Le fait est que 'Ubâda ibn us-Sâmit relate que le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "إن أول ما خلق الله القلم فقال له: اكتب. قال: رب وماذا أكتب؟ قال: اكتب مقادير كل شىء حتى تقوم الساعة" : "La première chose que Dieu a créée est le Calame. Il lui a alors dit : "Ecris !" Il dit alors : "Et qu'écrirai-je ?" Il dit : "Ecris les destinées de toute chose jusqu'à ce que se tienne la fin du monde"" (Abû Dâoûd 4700 ; une version voisine est rapportée par at-Tirmidhî 2155, 3319).

Certains ulémas ont appréhendé ce hadîth selon sa littéralité ('alâ zâhirihî), et ont donc dit : "C'est, de façon absolue, le Calame que Dieu a créé en premier".

D'autres ulémas sont d'avis que cette primauté de la création du Calame est relative et pas absolue, et ce à cause des deux données suivantes…

D'une part une des versions du hadîth est celle que nous avons reproduite plus haut, où on constate qu'il y a la particule "fâ'" entre les deux phrases, celle évoquant la création du Calame et celle parlant du fait que Dieu lui a dit d'écrire les destinées ; cette particule exprimant l'immédiateté de l'action du verbe de la seconde phrase par rapport à celui de la première, ce hadîth montre que les destinées ont été écrites immédiatement après la création du Calame.

Or, d'autre part, 'Abdullâh ibn Amr relate que le Prophète a dit : "كتب الله مقادير الخلائق قبل أن يخلق السموات والأرض بخمسين ألف سنة؛ قال: وعرشه على الماء" : "Dieu a écrit les destinées des créatures 50 000 ans avant d'avoir créé les cieux et la Terre ; Son Trône était alors sur l'Eau" (Muslim 2653 ; une version voisine est rapportée par at-Tirmidhî 2156). Ce hadîth, disent ces ulémas, montre que lorsque les destinées des créatures ont été écrites, le Trône et l'Eau existaient déjà.

Nous avons donc, disent les ulémas tenants du second avis, ceci :
- quand les destinées ont été écrites, le Trône et l'Eau existaient déjà ;
- or les destinées ont été écrites immédiatement après la création du Calame ;
- donc, quand le Calame a été créé, le Trône et l'Eau existaient déjà ;
- dès lors, dans le hadîth "La première chose que Dieu a créée est le Calame", la primauté qui est évoquée est une primauté seulement relative, et non pas absolue.

Par ailleurs (mais cela ne vaut que d'après l'une de ses interprétations), il y a le hadîth suivant (cité de façon détaillé dans un autre article) : "عن عمران بن حصين رضي الله عنهما، قال: دخلت على النبي صلى الله عليه وسلم، وعقلت ناقتي بالباب، فأتاه ناس من بني تميم فقال: "اقبلوا البشرى يا بني تميم." قالوا: "قد بشرتنا فأعطنا" مرتين. ثم دخل عليه ناس من أهل اليمن، فقال: "اقبلوا البشرى يا أهل اليمن، إذ لم يقبلها بنو تميم." قالوا: "قد قبلنا يا رسول الله." قالوا: "جئناك نسألك عن هذا الأمر؟ قال: "كان الله ولم يكن شيء غيره/ معه/ قبله، وكان عرشه على الماء، وكتب في الذكر كل شيء، و/ ثم خلق السموات والأرض" : des Yéménites dirent au Prophète : "Nous sommes venus à toi afin d'acquérir la compréhension (natafaqqaha) dans la religion, et afin de te questionner au sujet du début de cela, qu'était-ce ('an awwali hâdha-l-amr, mâ kâna) ?" ; le Prophète leur répondit : "Dieu était, et il n'y avait aucune chose autre que Lui (ghayruhû) / avec Lui (ma'ahû) / avant Lui (qab'lahû). Et Son Trône était sur l'Eau. Et Il écrivit dans le Dhikr toute chose. Et (wa) / Ensuite (thumma) Il créa les cieux et la Terre". D'après l'une de ses interprétations, ce hadîth est à comprendre ainsi :  "Dieu était, et il n'y avait aucune chose autre que Lui (ghayruhû). Ensuite Il créa l'Eau. Ensuite il créa le Trône sur l'Eau. Ensuite Il écrivit dans le Dhikr toute chose. Ensuite Il créa les cieux et la terre" (d'après Fat'h ul-bârî 6/347).

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Ibn Jarir at-Tabarî (Fat'h ul-bârî 6/348) et Al-Albânî (Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha 1/258) (entre autres) sont du premier avis .

Ibn Taymiyya et Ibn Abi-l-'Izz (parmi tant d'autres) sont du second avis (Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, p. 345). Ibn Hajar dit même que c'est là l'avis de la majorité des ulémas (Fat'h ul-bârî 6/348).

Wallâhu A'lam.

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