Des preuves des liens d'affection (mahabba) existant entre 'Alî ibn Abî Tâlib (رضي الله عنه) et sa descendance, et de Grands Compagnons tels que Abû Bakr, Omar, 'Uthmân (رضي الله عنهم) et leur descendance respective : des mariages ont eu lieu, et des enfants ont reçu les mêmes prénoms

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Quand toute une tribu ou tout un clan en déteste un(e) autre à cause de ce qu'un des leurs a fait alors que les autres sont restés solidaires de lui, cette tribu / ce clan refuse que ses fils se marient avec des filles de chez eux, comme elle / il refuse de donner ses filles en mariage à des fils de chez eux ; à moins que ce fils ou cette fille de chez eux se désolidarise de sa tribu / son clan.

C'est bien ce qui s'est passé avec les Banû Hâshim et les Banu-l-Muttalib en l'an 7 du prophétat : tous les autres clans des Quraysh et même de Banû Kinâna refusèrent d'avoir des relations de mariage avec eux tant qu'ils ne livreraient pas le Prophète ; à cette occasion, Abû Lahab se désolidarisa de son clan les Banû Hâshim. "حدثنا الوليد، حدثنا الأوزاعي، قال: حدثني الزهري، عن أبي سلمة، عن أبي هريرة رضي الله عنه، قال: قال النبي صلى الله عليه وسلم من الغد يوم النحر، وهو بمنى: "نحن نازلون غدا بخيف بني كنانة، حيث تقاسموا على الكفر". يعني ذلك المحصب. وذلك أن قريشا وكنانة تحالفت على بني هاشم وبني المطلب أن لا يناكحوهم ولا يبايعوهم، حتى يسلموا إليهم النبي صلى الله عليه وسلم" (al-Bukhârî, 1513, Muslim, 1314/344 : le commentaire qui suit le matn est peut-être de al-Walîd ibn Muslim, ou de al-Awzâ'ï).

On ne se marie pas avec des personnes que l'on considère "fauteuses de trouble", ou "traîtres", ou "renégates".
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Et on ne se marie pas non plus avec des personnes du même clan que celles fauteuses de trouble ou renégates... à moins que les premières aient clairement désavoué les secondes.
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Par ailleurs, des mariages conclus dans un clan renforcent les liens d'affection déjà existants avec ce clan, ou entraînent de tels liens d'affection.

Ainsi, le Prophète (sur lui soit la paix) s'est marié avec Ummu Habîba, fille de Abû Suf'yân ibn Harb (pourtant alors chef des Quraysh polycultistes de La Mecque, en guerre contre les musulmans de Médine). S'il a pu le faire,  c'est parce que Ummu Habîba avait renié la religion polycultiste, étant devenue musulmane. Elle avait émigré en Abyssinie avec son mari d'alors, mais celui-ci avait apostasié là-bas, puis y était mort. Le Prophète avait alors épousé cette veuve.
Or, du côté de Abû Suf'yân, même si sa fille adhérait à l'islam, religion qu'il combattait, le mariage de cette fille avec le Prophète de l'islam avait atténué son inimitié : d'après le commentaire de Ibn Abbâs, le verset : "عَسَى اللَّهُ أَن يَجْعَلَ بَيْنَكُمْ وَبَيْنَ الَّذِينَ عَادَيْتُم مِّنْهُم مَّوَدَّةً وَاللَّهُ قَدِيرٌ وَاللَّهُ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" : "Il est à espérer que Dieu suscitera de l'affection entre vous et entre ceux vis-à-vis de qui [pour Lui] vous avez [actuellement] de l'inimitié" (Coran 60/7) concerne aussi, dans une mesure moindre, le moment où des motifs d'affection plus particuliers, sur le plan dunyawî, sont apparus : cela [a commencé à se réaliser vis-à-vis de Abû Suf'yân] par le fait que le Prophète épousa Ummu Habîba, fille de celui-ci : "عسى الله أن يجعل بينكم وبين الذين عاديتم منهم مودة}: وهذا بأن يسلم الكافر؛ وقد أسلم قوم منهم بعد فتح مكة وخالطهم المسلمون، كأبي سفيان ابن حرب والحارث بن هشام وسهيل بن عمرو وحكيم بن حزام. وقيل: "المودة": تزويج النبي صلى الله عليه وسلم أم حبيبة بنت أبي سفيان، فلانت عند ذلك عريكة أبي سفيان، واسترخت شكيمته في العداوة. قال ابن عباس: كانت المودة بعد الفتح** تزويج النبي صلى الله عليه وسلم أم حبيبة بنت أبي سفيان؛ وكانت تحت عبيدالله بن جحش، وكانت هي وزوجها من مهاجرة الحبش" (Tafsîr ul-Qurtubî) (** أي فتح الحديبية). Vu qu'il existe plusieurs relations quant à l'année où le Prophète - sur lui soit la paix - a épousé Ummu Habîba (l'an 4 / l'an 5 / l'an 6 / l'an 7 : BN, 4/161-163), si on retient ce commentaire de Ibn Abbas - selon lequel ce mariage a entraîné un certain radoucissement chez Abû Sufyân -, ce mariage ne peut avoir eu lieu qu'après la bataille des Coalisés, puisque jusqu'alors il n'y avait pas de radoucissement chez lui - or cette bataille se produisit en l'an 5. Il reste alors comme possibilités pour la date du mariage : l'an 6, et l'an 7.

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Par contre, lorsque le Prophète n'a pas autorisé 'Alî ibn Abî Tâlib à se marier avec Juwayriya fille de Abû Jahl, pourtant musulmane, ce ne fut pas parce qu'elle était fille de Abû Jahl, mais parce que 'Alî était déjà marié à sa fille Fâtima : la preuve en est que le Prophète dit alors explicitement que 'Alî avait le droit de prendre Juwayriya comme épouse, car elle était (en soi) licite pour lui, mais à condition de divorcer au préalable de Fâtima (fin de citation). En fait :
--- soit 'Alî avait pris comme engagement explicite, lors de son mariage avec Fâtima, qu'il ne prendrait pas de seconde épouse tant que Fâtima serait mariée à lui (FB 6/110) ;
--- soit il était connu (ma'rûf) que tant qu'on était marié à une fille du Prophète, on ne pouvait pas prendre de seconde épouse (ZM 5/117-118).
Mais 'Alî avait oublié cela.
Quant à la désignation de la demoiselle, dans le hadîth, par : "la fille de l'ennemi de Dieu", ce n'était pas sa filiation la raison du refus du Prophète : il dit explicitement que le fait que 'Alî se marie avec elle était en soi licite pour lui.

Ce fut après la conquête de La Mecque (FB 6/110), en l'an 8, que Alî demanda en mariage Juwayriya fille de Abû Jahl (ce dernier était décédé depuis l'an 2). C'est parce qu'ils savaient que 'Alî était déjà époux de Fâtima que les oncles paternels de cette demoiselle vinrent alors demander au Prophète l'autorisation de marier leur nièce aussi à son gendre (al-Hâkim : FB 9/407). De son côté, ayant eu vent du projet de son mari, Fâtima vint se plaindre de cela à son père : "Les gens de ton clan prétendent que tu ne te mets pas en colère pour tes filles ! Voilà Alî qui veut se marier avec la fille de Abû Jahl".
Le Prophète fit alors un discours dans lequel il fit les éloges de son autre gendre Abu-l-'Âs ibn ur-Rabî', qui lui "avait parlé et dit la vérité, et fait une promesse et tenu celle-ci".
Puis il dit : "Les fils de Hishâm ibn ul-Mughîra m'ont demandé l'autorisation de marier leur fille à 'Alî ibn Abî Tâlib. Je n'en donne pas l'autorisation, je n'en donne pas l'autorisation, je n'en donne pas l'autorisation ! sauf si 'Alî ibn Abî Tâlib se sépare de ma fille et se marie avec la leur. Je ne rends pas illicite ce qui est licite, ni ne rends licite ce qui est illicite, mais la fille du Messager de Dieu et la fille de l'ennemi de Dieu ne seront pas rassemblées auprès du même homme. Fâtima est une partie de moi ; je crains que cela la trouble dans son Dîn [= qu'elle tombe alors dans de la Ghayra malvenue]".
"عن المسور بن مخرمة، قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول وهو على المنبر: "إن بني هشام بن المغيرة استأذنوا في أن ينكحوا ابنتهم علي بن أبي طالب. فلا آذن، ثم لا آذن، ثم لا آذن، إلا أن يريد ابن أبي طالب أن يطلق ابنتي وينكح ابنتهم. فإنما هي بضعة مني، يريبني ما أرابها، ويؤذيني ما آذاها" (al-Bukhârî, 4932). "عن المسور بن مخرمة، قال: إن عليا خطب بنت أبي جهل، فسمعت بذلك فاطمة، فأتت رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقالت: "يزعم قومك أنك لا تغضب لبناتك! وهذا علي ناكح بنت أبي جهل. فقام رسول الله صلى الله عليه وسلم، فسمعته حين تشهد، يقول: "أما بعد أنكحت أبا العاص بن الربيع، فحدثني وصدقني. وإن فاطمة بضعة مني وإني أكره أن يسوءها. والله لا تجتمع بنت رسول الله صلى الله عليه وسلم وبنت عدو الله عند رجل واحد" فترك علي الخطبة" (al-Bukhârî, 3523, Muslim 2449). "عن المسور بن مخرمة، قال: "إن علي بن أبي طالب خطب ابنة أبي جهل على فاطمة عليها السلام، فسمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يخطب الناس في ذلك على منبره هذا وأنا يومئذ محتلم، فقال: "إن فاطمة مني، وأنا أتخوف أن تفتن في دينها"، ثم ذكر صهرا له من بني عبد شمس، فأثنى عليه في مصاهرته إياه، قال: "حدثني، فصدقني ووعدني فوفى لي. وإني لست أحرم حلالا، ولا أحل حراما، ولكن والله لا تجتمع بنت رسول الله صلى الله عليه وسلم، وبنت عدو الله أبدا" (al-Bukhârî, 2943).

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I) Ci-après on découvrira que, entre 'Alî ibn Abî Tâlib et/ou sa descendance, et Abû Bakr, Omar, Uthmân et/ou leur descendance, il y a eu de nombreux liens de mariage.

Ces liens de mariage montrent que l'idée selon laquelle tous ceux et toutes celles qui avaient soutenu le califat de Abû Bakr, de Omar et de Uthmân auraient été considérés Murtadd par 'Alî ibn Abî Tâlib et les siens, cette idée est erronée : si 'Alî et sa descendance les avaient considérés Murtadd, ou même mauvais, ils n'auraient pas accepté que des mariages de personnes de leur proche famille voient le jour avec eux.

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A) Ja'far as-Sâdiq descend, par sa mère Ummu Farwa, directement de Abû Bakr as-Siddîq, et ce par deux des fils de celui-ci : Abd ur-Rahmân ibn Abî Bakr et Muhammad ibn Abî Bakr : 

En effet, Muhammad al-Bâqir, l'arrière-petit-fils de 'Alî ibn Abî Tâlib, s'est marié avec Ummu Farwa, arrière-petite-fille de Abû Bakr.

Al-Qâssim ibn Muhammad ibn Abî Bakr (l'un des Fuqahâ' de Médine) avait épousé sa cousine germaine, Asmâ' bintu 'Abd ir-Rahmân ibn Abî Bakr.

Le schéma suivant expose cela :

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B) 'Alî ibn Abî Tâlib a donné en mariage à Omar ibn ul-Khattâb une des deux filles qu'il a eues de Fâtima bint Rassûlillâh : Ummu Kulthûm bint 'Alî : Cela suite à la demande en mariage adressée à lui par Omar. Ce mariage eut lieu en l'an 17 a.h.

Imagine-t-on un homme pieux, courageux et fort comme 'Alî ibn Abi Tâlib "livrer" sa fille à un homme qu'il détesterait et qu'il croirait être mauvais, voire "murtadd" ?

"قال ثعلبة بن أبي مالك: إن عمر بن الخطاب رضي الله عنه قسم مروطا بين نساء من نساء المدينة، فبقي مرط جيد، فقال له بعض من عنده: "يا أمير المؤمنين، أعط هذا ابنة رسول الله صلى الله عليه وسلم التي عندكيريدون أم كلثوم بنت علي. فقال عمر: "أم سليط أحق"، وأم سليط من نساء الأنصار، ممن بايع رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال عمر: "فإنها كانت تزفر لنا القرب يوم أحد" (al-Bukhârî, 2725).

"فقال الحافظ في "التلخيص" (صـ291-292): فائدة: روى عبد الرزاق وسعيد بن منصور في "سننه" (520 -521) وابن أبي عمر وسفيان عن عمرو بن دينار عن محمد بن على (...) أن عمر خطب إلى علي ابنته أم كلثوم. فذكر له صغرها. فقيل له: "إن ردك، فعاوده". فقال له علي: "أبعث بها إليك، فإن رضيت فهي امرأتك". فأرسل بها إليه. فكشف عن ساقيها، فقالت: "لولا أنك أمير المؤمنين لصككت عينك". وهذا يشكل على من قال إنه لا ينظر غير الوجه والكفين" (Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 1/205-206).

Certaines narrations disent que, alors qu'il parlait à 'Alî de bien vouloir le marier à sa fille (car celui-ci évoqua la différence d'âge, ainsi que le fait qu'il projetait de la marier à Abdullâh ibn Ja'far ibn Abî Tâlib), et/ou après avoir annoncé à d'autres personnes que 'Alî avait consenti à le marier à sa fille, Omar dit que son objectif était seulement de bénéficier de ce qu'il avait entendu le Prophète (sur lui soit la paix) formuler ainsi : "كل سبب ونسب منقطع يوم القيامة، إلا سببي ونسبي" : "Chaque lien de mariage et de parenté disparaîtra le Jour de la Résurrection, sauf le lien de mariage avec (les gens de) ma (parenté), et le lien de parenté avec moi" (ce dernier hadîth a pour sa part été authentifié à cause de la multitude de ses chaînes dans Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, n° 2036 : 5/58-64 ; mais est dha'îf d'après d'autres spécialistes). "سببي" veut ici dire : "صهري".
Lire l'explication de ce hadîth (s'il est véritablement authentique) dans mon article sur la Tabarruk.

Omar ibn ul-Khattâb et Ummu Kulthûm bint Alî eurent un fils : Zayd ibn Omar ; ainsi qu'une fille : Ruqayya bint Omar.

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Par ailleurs, quelques générations après, ce fut une descendante directe de Omar ibn ul-Khattâb (par son fils Abdullâh ibn Omar), Juwayriya, qui se maria avec un descendant direct de 'Alî ibn Abî Tâlib (par son fils al-Hussein et son petit-fils Zayn ul-'âbidîn) : al-Hassan al-Aftsas.

Et de cette union naquirent deux fils.

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Le schéma suivant montre ces liens de ce mariage :

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C) Dans la descendance de 'Alî ibn Abî Tâlib, il y a eu plusieurs mariages avec des personnes de la descendance de 'Uthmân ibn 'Affân : 

Le schéma suivant le démontre parfaitement, où le même numéro figurant dans deux petits cœurs symbolise un lien de mariage ayant vu le jour entre les porteurs de ces deux cœurs :

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II) Dans la descendance de 'Alî ibn Abî Tâlib, on trouve des prénoms tels que : Muhammad, 'Alî, Hassan, Hussein, Fâtima, Ja'far, Zaynab, mais aussi les prénoms : Aïcha, Abû Bakr, Omar et 'Uthmân : 

Or nul être sensé au monde ne donne à ne serait-ce que l'un de ses enfants le prénom qui est par excellence celui d'une personne qu'il déteste et considère "mauvaise", "traître" ou "renégate". 

Ceci est encore une preuve éclatante du fait que, malgré quelques désaccords, des liens d'affection et d'estime très forts étaient présents entre 'Alî ibn Abî Tâlib et sa descendance d'une part, et les Grands Compagnons sus-cités d'autre part.

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III) A lire ensuite

--- Qu'est-ce que le Chiisme ?.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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