Le Chiisme et ses différents degrés

Question :

Bonjour. Je souhaiterais savoir comment les musulmans sunnites considèrent les musulmans chiites. Je suppose que ma question nécessite un long développement. Cependant c'est une question qui m'intéresse car j'envisage de venir à l'islam.

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Réponse :

Bonjour.

J'ai abordé de façon générale les différents schismes (avec le sens général que ce mot possède en français) dans des articles. Plusieurs schismes et déviances sont effectivement et hélas apparus de la Communauté du Prophète, le premier schisme étant celui des kharijites, qui sont entrés en scène pendant le califat de l'illustre Compagnon Ali (que Dieu l'agrée).

Certaines déviances sont telles qu'elles font sortir de l'islam, d'autres conduisent à dévier de la voie qui a été celle du Prophète (sur lui la paix) et de ses Compagnons sans aller jusqu'à faire sortir de l'islam. Et le Prophète Muhammad (sur lui la paix) avait prédit l'apparition de ces déviances : "Ma communauté se divisera en 73 branches, 72 seront dans le feu sauf une...".

Le Prophète avait demandé que l'on s'attache à deux choses pour éviter les risques de déviances : la Sunna et la Jamâ'ah. Je vous suggère de lire à ce sujet les quatre articles suivants :
--- As-Sunna ;
--- Al-Jamâ'ah ;
--- As-Sunna wa-l-Jamâ'ah ;
--- Qu'est-ce qu'une Bid'a ?.

Les musulmans sunnites se réfèrent justement au cadre de la Sunna et de la Jamâ'ah, et c'est pourquoi on les appelle "Ahl us-Sunna wa-l-Jamâ'ah", d'où le terme "sunnite".
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Le terme "Chiisme" (au sens usuel, 'urfî, du terme, comme nous le verrons) désigne : "le fait de conférer à 'Alî ibn Abî Talib une valeur qui est en excès par rapport à celle que la Sunna et la Jamâ'ah lui ont véritablement conférée" :
--- s'il s'agit du degré a (que nous verrons plus bas), cela constitue une Khata' Qat'î Ijtihâdî ;
--- s'il s'agit du degré b, cela constitue du Dhalâl (et celui qui y adhère est Hors Ahl us-Sunna wa-l-Jamâ'ah) ;
--- le degré d constitue du
Kufr.

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I) Introduction : Que signifie le terme "Shî'a" (francisé en "chiite") au sens littéral ?

Le terme "Shî'a" est présent dans le Coran. Il signifie seulement : "groupe". A partir de là, il désigne aussi : "les partisans de...", "ceux qui sont solidaires de... et le suivent" :

On le voit bien dans les versets coraniques qui emploient ce terme, parmi lesquels ceux-ci :
--- "وَلَا تَكُونُوا مِنَ الْمُشْرِكِينَ مِنَ الَّذِينَ فَرَّقُوا دِينَهُمْ وَكَانُوا شِيَعًا كُلُّ حِزْبٍ بِمَا لَدَيْهِمْ فَرِحُونَ" (Coran 30/31-32) ;
--- "إِنَّ الَّذِينَ فَرَّقُواْ دِينَهُمْ وَكَانُواْ شِيَعًا لَّسْتَ مِنْهُمْ فِي شَيْءٍ إِنَّمَا أَمْرُهُمْ إِلَى اللّهِ ثُمَّ يُنَبِّئُهُم بِمَا كَانُواْ يَفْعَلُونَ" (Coran 6/159) ;
--- "إِنَّ فِرْعَوْنَ عَلَا فِي الْأَرْضِ وَجَعَلَ أَهْلَهَا شِيَعًا يَسْتَضْعِفُ طَائِفَةً مِّنْهُمْ يُذَبِّحُ أَبْنَاءهُمْ وَيَسْتَحْيِي نِسَاءهُمْ إِنَّهُ كَانَ مِنَ الْمُفْسِدِينَ" (Coran 28/4) ;
--- "وَدَخَلَ الْمَدِينَةَ عَلَى حِينِ غَفْلَةٍ مِّنْ أَهْلِهَا فَوَجَدَ فِيهَا رَجُلَيْنِ يَقْتَتِلَانِ هَذَا مِن شِيعَتِهِ وَهَذَا مِنْ عَدُوِّهِ فَاسْتَغَاثَهُ الَّذِي مِن شِيعَتِهِ عَلَى الَّذِي مِنْ عَدُوِّهِ" (Coran 28/15) ;
--- "قُلْ هُوَ الْقَادِرُ عَلَى أَن يَبْعَثَ عَلَيْكُمْ عَذَابًا مِّن فَوْقِكُمْ أَوْ مِن تَحْتِ أَرْجُلِكُمْ أَوْ يَلْبِسَكُمْ شِيَعاً وَيُذِيقَ بَعْضَكُم بَأْسَ بَعْضٍ" (Coran 6/65).

On le voit aussi dans ces deux hadîths :
--- "عن حذيفة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لكل أمة مجوس ومجوس هذه الأمة الذين يقولون لا قدر. من مات منهم فلا تشهدوا جنازته، ومن مرض منهم فلا تعودوهم. وهم شيعة الدجال، وحق على الله أن يلحقهم بالدجال" (Abû Dâoûd, 4692 ; dha'îf) ;
--- "عن ابن عمر قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ينزل الدجال في هذه السبخة بمرقناة (...). ثم يسلط الله المسلمين عليه، فيقتلونه ويقتلون شيعته، حتى إن اليهودي ليختبئ تحت الشجرة أو الحجر، فيقول الحجر أو الشجرة للمسلم: "هذا يهودي تحتي فاقتله" : Ahmad, n° 5353 : dha'îf à cause de la 'an'ana de Ibn Is'hâq.)

Al-Asfahânî : "شيع: الشياع: الانتشار والتقوية. يقال: "شاع الخبر"، أي: كثر وقوي؛ و"شاع القوم": انتشروا وكثروا؛ و"شيعت النار بالحطب": قويتها. والشيعة: من يتقوى بهم الإنسان وينتشرون عنه. ومنه قيل للشجاع: "مشيع". يقال: شيعة وشيع وأشياع، قال تعالى: {وإن من شيعته لإبراهيم}، {هذا من شيعته وهذا من عدوه}، {وجعل أهلها شيعا}، {في شيع الأولين}، وقال تعالى: {ولقد أهلكنا أشياعكم}" (Al-Muf'radât).

Ibn ul-Athîr : "شيع (هـ) فيه "القدرية شيعة الدجال" أي أولياؤه وأنصاره. وأصل الشيعة: الفرقة من الناس؛ وتقع على الواحد والاثنين والجمع، والمذكر والمؤنث بلفظ واحد، ومعنى واحد. (...) وتجمع الشيعة على شيع. وأصلها من المشايعة، وهي المتابعة والمطاوعة" (An-Nihâya, Ibn ul-Athîr).

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II) Le terme "Chiite" en son sens particulier, est l'abréviation de "Shî'atu 'Alî", pour : "partisans de 'Alî" :

Parmi les troubles qui ont vu le jour dans la Umma Muhammadiyya ('alâ sâhibi-hâ as-salât wa-s-salâm) figurent les batailles qui ont eu lieu opposant deux groupes musulmans menés par certains illustres Compagnons. Lire à ce sujet :
--- Uthmân ibn 'Affân face aux épreuves (que Dieu l'agrée) ;
--- Le malentendu entre 'Alî ibn Abî Tâlib d'une part, et d'autre part Aïcha, Talh'a et az-Zubayr (dans un premier temps), puis Mu'âwiya et 'Amr ul-'Âs (dans un second temps) (que Dieu les agrée tous) ;
---Le califat de Mu'âwiya (que Dieu l'agrée) ;
--- Le califat de Yazîd ibn Mu'âwiya - Le martyre de al-Hussein (que Dieu l'agrée) à Kerbala.

Face à cette division, 4 postures et attitudes ont vu le jour chez les musulmans : A ; B.1 et B.2 ; de la 3ème s'et séparée plus tard une 4ème : B.2.2 (la 3ème étant alors devenue la B.2.1) :

--- A) l'une a consisté à se ranger à l'appel de Mu'âwiya et de 'Amr ibn ul-'Âs : l'exigence de l'application du talion aux meurtriers de 'Uthmân avant la reconnaissance du califat de 'Alî ;

--- B) face à cette exigence se trouvaient les autres musulmans, qui, eux, reconnaissaient le califat de 'Alî : soit ils lui avaient fait allégeance ; soit ils reconnaissaient son califat comme étant établi mais ne lui ont pas fait allégeance à cause de la division existante (ce fut le cas de Abdullâh ibn Omar).
Parmi le groupe B :
----- B.1) certains demeurèrent à l'écart des marches de 'Alî contre d'abord Aïcha, Talh'a et az-Zubayr, ensuite Mu'âwiya et 'Amr ibn ul-Âs (A), considérant qu'il faisait là une khata' qat'î ijtihâdî (ce fut le cas de Sa'd ibn Abî Waqqâs, Abdullâh ibn Omar, et d'autres grands Compagnons)
----- B.2) d'autres se joignirent à 'Alî quand il marcha contre Mu'âwiya. Parmi ce groupe, par la suite :
-------- B.2.1) certains restèrent fidèles jusqu'au bout à 'Alî (ce fut le cas de 'Ammâr ibn Yâssir, par exemple) ;
-------- B.2.2) d'autres se séparèrent par la suite de lui et le traitèrent (lui aussi) de kâfir (ce furent ceux qui avaient assassiné 'Uthmân, et qui allaient être appelés "les Kharijites").

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L'avis correct ayant été de rester à l'écart (B.1) de la confrontation entre 'Alî et Mu'âwiya, les autres groupes, qui y ont pris part, ont pour leur part été appelés :
--- d'un côté : "Shî'atu Mu'âwiya" - "le groupe de Mu'âwiya" -, parfois aussi appelé : "Shî'atu Awliyâ'ï 'Uthmân" - "le groupe des proches de 'Uthmân" : eux furent la tendance "A" ;
--- et de l'autre : "Shî'atu 'Alî" - littéralement : "groupe de 'Alî" - : eux furent la tendance "B.2" ; après qu'une partie d'entre lui se sépara de lui pour constituer le "B.2.2", ce groupe allait devenir restreint au "B.2.1".

Hakîm ibn Af'lah avait employé ce terme "Shî'ah" au sujet de ces deux groupes, quand il avait dit à Sa'd ibn Hishâm ibn 'Âmir, parlant de Umm ul-mu'minîn Aïcha (que Dieu l'agrée), qu'il lui avait suggéré de ne rien dire au sujet d'aucun de ces deux groupes : "عن زرارة، أن سعد بن هشام بن عامر (...) أتى ابن عباس، فسأله عن وتر رسول الله صلى الله عليه وسلم. فقال ابن عباس: "ألا أدلك على أعلم أهل الأرض بوتر رسول الله صلى الله عليه وسلم؟" قال: "من؟" قال: "عائشة. فأتها، فاسألها، ثم ائتني فأخبرني بردها عليك"، فانطلقت إليها. فأتيت على حكيم بن أفلح، فاستلحقته إليها، فقال: "ما أنا بقاربها، لأني نهيتها أن تقول في هاتين الشيعتين شيئا، فأبت فيهما إلا مضيا". قال: فأقسمت عليه، فجاء فانطلقنا إلى عائشة، فاستأذنا عليها، فأذنت لنا، فدخلنا عليها، فقالت: "أحكيم؟" فعرفته. فقال: "نعم". فقالت: "من معك؟" قال: "سعد بن هشام". قالت: "من هشام؟" قال: "ابن عامر". فترحمت عليه وقالت خيرا - قال قتادة: وكان أصيب يوم أحد" (Muslim, 746).

Le Prophète (sur lui soit la paix) avait pour sa part employé les termes "fi'a" et "tâ'ïfa" pour, à son époque, désigner les deux futurs groupes A et B.2.1 :
--- "La fin du monde ne viendra pas tant que deux groupes ne se combattent, une grande tuerie se produira entre deux, la proclamation des deux sera la même chose…" : "عن أبي هريرة رضي الله عنه، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "لا تقوم الساعة حتى يقتتل فئتان فيكون بينهما مقتلة عظيمة، دعواهما واحدة" (al-Bukhârî, 3413, voir FB 6/753 ; Muslim, 157) ;
--- un jour, alors que le Prophète (sur lui soit la paix) faisait un sermon, al-Hassan, encore enfant, était apparu ; le Prophète avait alors dit de son petit-fils : "Mon fils que voici est un chef. Et peut-être que Dieu réconciliera par son intermédiaire deux grands groupes de musulmans" : "فقال الحسن: ولقد سمعت أبا بكرة يقول: رأيت رسول الله صلى الله عليه وسلم على المنبر والحسن بن علي إلى جنبه، وهو يقبل على الناس مرة، وعليه أخرى ويقول: "إن ابني هذا سيد، ولعل الله أن يصلح به بين فئتين عظيمتين من المسلمين" (al-Bukhârî 2704, 3629, 3746, 7109, at-Tirmidhî 3775, Abû Dâoûd 4662, FB 13/77) ;
--- "عن أبي سعيد الخدري، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "تمرق مارقة عند فرقة من المسلمين، يقتلها أولى الطائفتين بالحق" (Muslim, 1064).

Et il avait employé le terme "mâriqa" pour désigner le futur groupe B.2.2 :
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"عن أبي سعيد الخدري، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "تمرق مارقة عند فرقة من المسلمين، يقتلها أولى الطائفتين بالحق" (Muslim, 1064).

Il avait également fait allusion au groupe B.1 par le biais d'au moins une personne :
--- "عن محمد، قال: قال حذيفة: "ما أحد من الناس تدركه الفتنة إلا أنا أخافها عليه، إلا محمد بن مسلمة؛ فإني سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "لا تضرك الفتنة" (Abû Dâoûd, 4663).

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Au début, les termes "Shî'atu 'Alî" n'avaient que leur sens littéral : il ne s'agissait que d'une dénomination sur le plan politique, sans croyance particulière caractérisant tout le groupe de "ceux qui avaient suivi 'Alî dans sa marche contre Aïcha, Talh'a et az-Zubayr d'abord, puis contre Mu'âwiya et 'Amr il-'Âs" (B.2) :

Toute la Shî'atu 'Alî (B.2) ne s'était pas constituée sur la base d'une croyance particulière. Au contraire, beaucoup parmi eux considéraient Abû Bakr, Omar et 'Uthmân meilleurs que 'Alî : ils accompagnaient ce dernier seulement dans sa marche pour faire entrer de force la région de Shâm sous son autorité politique.

Parmi les partisans de 'Alî (B.2), certains seulement avaient une croyance particulière :
--- certains considéraient 'Alî meilleur que 'Uthmân seulement (mais pas que Abû Bakr et Omar) (il s'agit de la croyance évoquée plus bas sous la désignation : "a") ; parmi eux :
-------- certains ne disaient cependant pas du mal de 'Uthmân : ils considéraient 'Alî meilleur que 'Uthmân, et accompagnaient 'Alî dans sa marche pour faire entrer de force le groupe mené par Aïcha, Ta'lha et az-Zubayr, puis la région de Shâm - menée par Mu'âwiya et 'Amr ibn ul-'Âs - sous l'autorité politique du calife ; mais ils ne disaient pas de mal de 'Uthmân ;
-------- d'autres disaient du mal de 'Uthmân, mais sans le traiter de kâfir ;
-------- d'autres encore allaient jusqu'à traiter 'Uthmân de kâfir ; ce furent eux qui allaient, peu après, se séparer de 'Alî et se mettre à le traiter lui aussi de kâfir ;
--- enfin, un très petit nombre parmi tous ces partisans de 'Alî considéraient ce dernier meilleur que Abû Bakr et Omar (il s'agit de la croyance évoquée plus bas sous la désignation : "b"). Ces gens furent concernés par la parole suivante de 'Alî : "Nul ne me donnera plus de valeur que Abû Bakr et Omar sans que je lui applique la sanction pour calomnie" : "لا يفضلني أحد على أبي بكر وعمر" (que nous verrons plus bas) ; Abdullâh ibn Saba' était ainsi.

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Or les termes "Shî'atu 'Alî" ne sont plus maintenant utilisés avec ce sens littéral qu'ils avaient aux tous débuts : désormais, l'usage leur a conféré un sens particulier, 'urfî.
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Par différenciation d'avec ce sens
'urfî, ceux du premier sens sont désormais dits : "Ash-Shî'at ul-Ûla" (الشيعة الأولى) : cela désigne donc - comme nous l'avons vu - seulement ceux qui se sont rangés sous la bannière de 'Alî pour aller combattre Mu'âwiya (B.2) (cela tout en gardant à l'esprit que, certes, certains d'entre ce groupe avaient dûment une croyance déviante, disant que 'Alî est meilleur que Abû Bakr et Omar).

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En fait, par la suite 2 déplacements ont eu lieu, le 2nd étant un déplacement du sens :

- Primo : "Shî'atu 'Alî" est devenu peu à peu "ash-Shî'ah", par abréviation : il y a eu remplacement du Mudhâf Ilayh par l'article défini "Al". Ce terme a revêtu un sens usuel, désignant à lui seul "les partisans de 'Alî", et cela probablement parce que ceux-ci ont continué à exister, avec quelques épisodiques révoltes armées contre le pouvoir (Zayd ibn 'Alî, depuis la ville de Kûfa, contre Hishâm ibn 'Abd il-Malik en l'an 122 ; Muhammad an-nafs uz-zakiyya depuis Médine, et son frère Ibrâhim en Irak, contre les Abbassides en l'an 145 ; al-Hussein ibn Alî ibn il-Hassan al-Muthallath contre les Abbassides en l'an 169). Ibn ul-Athîr : "وقد غلب هذا الاسم على كل من يزعم أنه يتولى عليًّا رضي الله عنه وأهل بيته، حتى صار لهم اسمًا خاصًّا؛ فإذا قيل: "فلان من الشيعة"، عرف أنه منهم؛ و"في مذهب الشيعة كذا": أي عندهم" (An-Nihâya). (Cette abréviation est comparable à celle ayant vu le jour avec : "Madînat un-Nabî", devenue : "AL-Madîna".)

- Secundo : "Shî'atu 'Alî" s'est mis à désigner un groupe avec une croyance spécifique : a minima celle selon laquelle 'Alî est meilleur que Abû Bakr (soit la croyance b que nous allons voir ci-après) (Zayd ibn 'Alî ibn il-Hussein ibn 'Alî avait cette croyance, laquelle était très minoritaire à l'époque de 'Alî ibn Abî Tâlib, et que ce dernier combattait) : en chaire de la ville de Bassora, 'Alî dit : "Il m'est parvenu que des gens disent que je suis plus valeureux que Abû Bakr et Omar. Nul ne me donnera plus de valeur que Abû Bakr et Omar sans que je lui applique la sanction pour calomnie" : "حدثنا عبد الله قال: حدثني هدية بن عبد الوهاب قثنا أحمد بن يونس قثنا محمد بن طلحة، عن أبي عبيدة بن الحكم، عن الحكم بن جحل قال: سمعت عليا يقول: "لا يفضلني أحد على أبي بكر وعمر إلا جلدته حد المفتري" (Fadhâ'ïl us-sahâba, Ahmad ibn Hanbal, 49) ; et en chaire de la ville de Kûfa : "Il m'est parvenu que des gens disent que je suis plus valeureux que Abû Bakr et Omar. Si j'avais été précédé en cela, j'aurais appliqué une sanction ; mais je n'aime pas (appliquer) une sanction alors qu'on ne m'a pas précédé en cela. Celui qui dit quelque chose de cela est un calomniateur ; (il mérite) la sanction prévue pour le calomniateur. Après le Messager de Dieu, le meilleur des humains [composant cette Umma], c'est Abû Bakr ; ensuite Omar. Et nous avons fait des choses, après eux, par rapport auxquelles Dieu rendra le Jugement qu'Il aimera" : "حدثنا أحمد قثنا هيثم بن خارجة، والحكم بن موسى، قالا: نا شهاب بن خراش قال: حدثني الحجاج بن دينار، عن أبي معشر، عن إبراهيم النخعي قال: ضرب علقمة بن قيس هذا المنبر فقال: "خطبنا علي على هذا المنبر، فحمد الله وذكره ما شاء الله أن يذكره، ثم قال: "ألا إنه بلغني أن أناسا يفضلوني على أبي بكر وعمر. ولو كنت تقدمت في ذلك لعاقبت، ولكني أكره العقوبة قبل التقدم. فمن قال شيئا من ذلك فهو مفتر، عليه ما على المفتري. إن خير الناس بعد رسول الله صلى الله عليه وسلم أبو بكر، ثم عمر. وإنا أحدثنا بعدهم أحداثا يقضي الله فيها ما أحب". ثم قال: "أحبب حبيبك هونا ما، عسى أن يكون بغيضك يوما ما، وأبغض بغيضك هونا ما، عسى أن يكون حبيبك يوما ما" (Fadhâ'ïl us-sahâba, Ahmad ibn Hanbal, 484).

En fait, l'attribution à 'Alî d'une plus grande supériorité que celle qui est véritablement la sienne, cela a vu le jour à plusieurs degrés :

a) le fait d'avoir comme croyance que 'Alî est meilleur que 'Uthmân ibn 'Affân (cela existait chez certains de ses Partisans, comme nous l'avons vu plus haut) : cela constitue certes une khata' ijtihâdî qat'î mais pas un propos de dhalâl ; et cela n'est pas considéré comme consistant en "un cas de chiisme / un type de chiisme" - ليس جزئيًا من جزئيات كلّيّ التشيع، وفردًا من أفراد كلّيّ التشيع -, mais comme consistant en "un élément parmi les éléments qui sont constitutifs d'un cas de chiisme" - لكن هو جزء من أجزاء أصل التشيّع - (comme nous le verrons plus bas) ;

b) le fait d'avoir comme croyance que 'Alî est meilleur que Abû Bakr et Omar : cela constitue de la bid'a ainsi qu'un propos de dhalâl ;

le Chiisme, "التشيّع", compris comme "doctrine qui est hors Ahl us-Sunna wa-l-Jamâ'ah", commence à partir de ce degré b ;

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c) le fait d'avoir comme croyance que Abû Bakr et Omar ont usurpé le califat, que ce dernier a été invalide, et de les détester : cela constitue "الغلوّ في التشيّع", et c'est du Rafdh (الرفض) ; cela est la croyance du Chiisme Imamite (الإماميّة), dit également : Ithnâ-'Asharî (الاثناعشريّة) ;

d) le fait d'avoir comme croyance que dire que Abû Bakr et Omar étaient kâfir, cela est action de bien : cela constitue du Rafdh extrême : "الغلوّ في الرفض" ;

e) le fait d'avoir comme croyance que 'Alî a quelque chose de divin ; cela constitue la croyance des Nusayrî.

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Chez les ulémas postérieurs, c'est celui qui a a minima la croyance b ("Alî ibn Abî Tâlib est le meilleur de tous les Compagnons") qui est dit "chiite". 
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Le seul fait de dire que 'Alî est meilleur que 'Uthmân (soit la croyance a) est certes une erreur (khata' qat'î ijtihâdî), cependant, dans le 'Urf des ulémas postérieurs, cela n'est pas nommé : "chiisme" / "تشيّع".
Cela
ne constitue pas : "un cas de chiisme" (ce terme exprimant désormais un cas de déviance, dhalâl istilâhî) : "فرد من التشيّع / جزئيّ من التشيّع".
Par contre, cela peut être désigné comme étant : "شيءٌ من التشيّع" / "جزء من التشيع" :
"un petit quelque chose de chiisation".
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De même en est-il du musulman qui critique de façon trop accentuée Mu'âwiya, 'Amr ibn ul-'Âs et al-Mughîra ibn Shu'ba (Compagnons qui furent des adversaires de 'Alî), mais sans aller jusqu'à les traiter de Munâfiq ou de Fâssiq : on dit alors de ce musulman : "فيه شيءٌ قليل من التشيّع" :
"il y a en lui un petit quelque chose de chiisation".
Adh-Dhahabî écrit ainsi au sujet de an-Nassâ'ï : "فيه قليل تشيّعٍ وانحرافٍ عن خصوم الإمام علي كمعاوية وعمرو، والله يسامحه" (Siyaru A'lâm in-nubalâ').
Ce que Mullâ 'Alî al-qârî a dit en commentaire du hadîth parlant de la
Fi'a Bâghiya qui tuera 'Ammâr ibn Yâssir relève lui aussi apparemment d'un cas de "قليلُ تشيّعٍ" : voici ce qu'il a écrit : "قلت: فإذًا كان الواجب عليه أن يرجع عن بغيه بإطاعته الخليفة، ويترك المخالفة وطلب الخلافة المنيفة. فتبين بهذا أنه كان في الباطن باغيا، وفي الظاهر متسترا بدم عثمان مراعيا مرائيا. فجاء هذا الحديث عليه ناعيا، وعن عمله ناهيا، لكن كان ذلك في الكتاب مسطورا، فصار عنده كل من القرآن والحديث مهجورا. فرحم الله من أنصف ولم يتعصب ولم يتعسف، وتولى الاقتصاد في الاعتقاد، لئلا يقع في جانبي سبيل الرشاد من الرفض والنصب بأن يحب جميع الآل والصحب" (Mirqât ul-mafâtîh, commentaire du hadîth 5878).
Ibn Taymiyya écrit pour sa part : "هذا مع أن الحاكم منسوب إلى التشيع؛ وقد طلب منه أن يروي حديثا في فضل معاوية، فقال: "ما يجيء من قلبي، ما يجيء من قلبي"؛ وقد ضربوه على ذلك، فلم يفعل؛ وهو يروي في الأربعين أحاديث ضعيفة بل موضوعة عند أئمة الحديث، كقوله بقتال الناكثين والقاسطين والمارقين. لكن تشيعه وتشيع أمثاله من أهل العلم بالحديث كالنسائي وابن عبد البر وأمثالهما لا يبلغ إلى تفضيله على أبي بكر وعمر؛ فلا يعرف في علماء الحديث من يفضله عليهما؛ بل غاية المتشيع منهم أن يفضّله على عثمان، أو يحصل منه كلام، أو إعراض عن ذكر محاسن من قاتله" (
Minhâj us-Sunna).

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Les Zaydites adhèrent à la croyance b :

Les Zaydites se réclament de Zayd ibn 'Alî ibn Hussayn ibn 'Alî ibn Abî Tâlib. Ce personnage considérait 'Alî supérieur à tous les Compagnons, mais considérait également (à la différence des Rafidhites) que Abû Bakr et Omar sont deux grands Compagnons, et que leur califat est valide.

Le fait de considérer 'Alî meilleur que Abû Bakr et Omar constitue du Dhalâl (c'est ce qu'a écrit Ibn Taymiyya).
Ibrâhim an-Nakha'î a dit ceci : "Celui qui confère plus de valeur à 'Alî sur Abû Bakr et Omar, celui-là a rabaissé les Compagnons du Messager de Dieu : les Muhâjirûn et les Ansâr ; et je ne sais pas s'il sera perdu ou pas" : "حدثنا عبد الله، قثنا عبد الله بن عمر أبو عبد الرحمن قثنا الوليد بن بكير التميمي قثنا سفيان بن سعيد الثوري، عن فضيل بن غزوان، عن أبي معشر، عن إبراهيم قال: "من فضل عليا على أبي بكر وعمر، فقد أزرى على أصحاب رسول الله: المهاجرين والأنصار. ولا أدري هل يعطب أم لا؟" (Fadhâ'ïl us-sahâba, Ahmad ibn Hanbal, 309).

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Les Rafidhites adhèrent à la croyance c et, pour certains, à la croyance d :

Comme l'a écrit ash-Shâmî, certes, certains chiites sont allés très loin et ont adopté des croyances qui constituent clairement du Kufr Akbar : par exemple dire que l'ange Gabriel s'est trompé entre Muhammad (sur lui la paix) et Ali et qu'il devait en fait remettre la révélation à Ali. [Cela revient à une croyance de kufr akbar comme celle citée plus haut en e.]
De même, écrit ash-Shâmî, calomnier Aïcha, l'épouse du Prophète, de "femme adultère", ou dire que Abû Bakr n'était pas un Compagnon du Prophète, ce sont aussi sont des paroles de Kufr Akbar.

Par contre, écrit ash-Shâmî à propos du fait de dire du mal (Sabb) de Abû Bakr et de Omar (radhiyallâhu 'anhuma), que l'on retrouve chez les chiites Rafidhites, cela est bien entendu grave [et constitue une déviance (Dhalâl)], mais ne constitue pas du Kufr Akbar.

"وبهذا ظهر أن الرافضي إن كان ممن يعتقد الألوهية في علي، أو أن جبريل غلط في الوحي، أو كان ينكر صحبة الصديق، أو يقذف السيدة الصديقة، فهو كافر، لمخالفته القواطع المعلومة من الدين بالضرورة؛ بخلاف ما إذا كان يفضل عليا أو يسب الصحابة، فإنه مبتدع لا كافر، كما أوضحته في كتابي تنبيه الولاة والحكام عامة أحكام شاتم خير الأنام أو أحد الصحابة الكرام عليه وعليهم الصلاة والسلام" (Radd ul-muhtâr, 4/135).
"نعم لا شك في تكفير من قذف السيدة عائشة - رضي الله تعالى عنها -، أو أنكر صحبة الصديق، أو اعتقد الألوهية في علي، أو أن جبريل غلط في الوحي، أو نحو ذلك من الكفر الصريح المخالف للقرآن؛ ولكن لو تاب تقبل توبته. هذا خلاصة ما حررناه في كتابنا تنبيه الولاة والحكام، وإن أردت الزيادة فارجع إليه واعتمد عليه ففيه الكفاية لذوي الدراية" (Ibid., 6/378).
"أقول: نعم نقل في البزازية عن الخلاصة أن الرافضي إذا كان يسب الشيخين ويلعنهما، فهو كافر؛ وإن كان يفضل عليا عليهما، فهو مبتدع. اهـ. وهذا لا يستلزم عدم قبول التوبة. على أن الحكم عليه بالكفر مشكل، لما في الاختيار: اتفق الأئمة على تضليل أهل البدع أجمع وتخطئتهم؛ وسبّ أحد من الصحابة وبغضه لا يكون كفرا، لكن يضلَّل إلخ" (Ibid., 6/377).
"وكذا قال في شرح منية المصلي: إن سابّ الشيخين ومنكر خلافتهما ممن بناه على شبهة له: لا يكفر؛ بخلاف من ادعى أن عليا إله وأن جبريل غلط، لأن ذلك ليس عن شبهة واستفراغ وسع في الاجتهاد بل محض هوى اهـ وتمامه فيه. قلت: وكذا يكفر قاذف عائشة، ومنكر صحبة أبيها، لأن ذلك تكذيب صريح القرآن كما مر في الباب السابق" (Ibid., 6/413-414).

Cependant, précise Cheikh Manzûr Nu'mânî, cette non-takfîr de la part de ash-Shâmî ne peut pas s'appliquer aux croyances chiites disant que le Coran actuel est un Coran falsifié et que les imams chiites sont infaillibles au même titre que les prophètes : ces deux croyances, écrit an-Nu'mânî, constituent bel et bien du Kufr Akbar (Khomeinî aur Ithnâ' Ashariyya ké bâré mein 'ulamâ'-é kirâm kâ muttafaqah fays'la, tome 2 p. 20, note de bas page).

Ibn Taymiyya dit pour sa part que le fait de faire Takfîr de la grande majorité des Compagnons, cela constitue du Kufr Akbar : "وأما من جاوز ذلك إلى أن زعم أنهم ارتدوا بعد رسول الله صلى الله عليه وسلم إلا نفرا قليلا لا يبلغون بضعة عشر نفسا، أو أنهم فسقوا، عامتهم: فهذا لا ريب أيضا في كفره، فإنه مكذّب لما نصه القرآن في غير موضع من الرضى عنهم والثناء عليهم. بل من يشك في كفر مثل هذا، فإن كفره متعين؛ فإن مضمون هذه المقالة أن نقلة الكتاب والسنة كفار أو فساق، وأن هذه الأمة التي هي خير أمة أخرجت للناس وخيرها هو القرن الأول كان عامتهم كفارا، أو فساقا! ومضمونها أن هذه الأمة شر الأمم، وأن سابقي هذه الأمة هم شرارها؛ وكفر هذا مما يُعلم بالاضطرار من دين الإسلام" (As-Sârim, pp. 586-587).

Quant au fait de faire Takfîr de Abû Bakr, Omar et 'Uthmân (et ne rien dire des autres) au prétexte qu'ils auraient "usurpé le califat, qui avait été promis par le Prophète à 'Alî", je ne sais pas (لا أدري) si cela demeure dans le Dhalâl ou va jusqu'au Kufr Akbar.
Le fait est que les Kharijites font le Takfîr de 'Uthmân, Alî, Mu'âwiya et 'Amr ibn ul-'Âs, et cela également sur la base de prétextes fallacieux, et pourtant la majorité des ulémas n'ont pas dit que les Kharijites sont allés jusqu'au Kufr Akbar.
"قال سحنون رحمه الله: "من كفّر أحدًا من أصحاب النبي صلى الله عليه وسلم، عليا أو عثمان أو غيرهما، يوجع ضربًا" (Ash-Shifâ, 2/253).

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Quelques textes en arabe :

Ibn Taymiyya :
"وحدث في أيامه الشيعة* لكن كانوا مختفين بقولهم لا يظهرونه لعلي وشيعته**؛ بل كانوا ثلاث طوائف:
طائفة تقول: إنه إله وهؤلاء لما ظهر عليهم أحرقهم بالنار وخد لهم أخاديد عند باب مسجد بني كندة وقيل إنه أنشد:

لما رأيت الأمر أمرا منكرا ... أججت ناري ودعوت قنبرا
وقد روى البخاري في صحيحه عن ابن عباس قال: أتي علي بزنادقة فحرقهم بالنار ولو كنت أنا لم أحرقهم؛ لنهي النبي صلى الله عليه وسلم أن يعذب بعذاب الله ولضربت أعناقهم لقوله: "من بدل دينه فاقتلوه" وهذا الذي قاله ابن عباس هو مذهب أكثر الفقهاء وقد روي أنه أجلهم ثلاثا.
والثانية: "السابة" وكان قد بلغه عن ابن السوداء أنه كان يسب أبا بكر وعمر، فطلبه؛ قيل: إنه طلبه ليقتله؛ فهرب منه.
والثالثة: "المفضلة" الذين يفضلونه على أبي بكر وعمر. فتواتر عنه أنه قال: "خير هذه الأمة بعد نبيها أبو بكر ثم عمر": وروى ذلك البخاري في صحيحه عن محمد بن الحنفية أنه سأل أباه: "من خير الناس بعد رسول الله صلى الله عليه وسلم؟" فقال: "أبو بكر". قال: "ثم من؟" قال: "عمر". وكانت الشيعة الأولى لا يتنازعون في تفضيل أبي بكر وعمر، وإنما كان النزاع في علي وعثمان. ولهذا قال شريك بن عبد الله: "إن أفضل الناس بعد رسول الله صلى الله عليه وسلم أبو بكر وعمر". فقيل له: "تقول هذا وأنت من الشيعة؟" فقال: "كل الشيعة كانوا على هذا. وهو الذي قال هذا على أعواد منبره؛ أفنكذبه فيما قال؟" ولهذا قال سفيان الثوري: "من فضل عليا على أبي بكر وعمر فقد أزرى بالمهاجرين والأنصار. وما أرى يصعد له إلى الله عز وجل عمل وهو كذلك" رواه أبو داود في سننه؛ وكأنه يعرض بالحسن بن صالح بن حيي، فإن الزيدية الصالحية وهم أصلح طوائف الزيدية ينسبون إليه" (MF 13/33-34).
* بالمعنى العرفيّ
** بالمعنى اللغويّ
الزيدية الذين يفضلون عليا على أبي بكر" (MF 13/237).
"وأما لفظ الرافضة فهذا اللفظ أول ما ظهر في الإسلام لما خرج زيد بن علي بن الحسين في أوائل المائة الثانية في خلافة هشام بن عبد الملك واتبعه الشيعة، فسئل عن أبي بكر وعمر فتولاهما وترحم عليهما فرفضه قوم فقال: "رفضتموني رفضتموني"، فسموا الرافضة؛ فالرافضة تتولى أخاه أبا جعفر محمد بن علي؛ والزيدية يتولون زيدا وينسبون إليه. ومن حينئذ انقسمت الشيعة* إلى زيدية ورافضة إمامية" (MF 13/35-36).
* بالمعنى العرفيّ

الشيعة* هم ثلاث درجات:
شرها: الغالية الذين يجعلون لعلي شيئا من الإلهية أو يصفونه بالنبوة. وكفر هؤلاء بين لكل مسلم يعرف الإسلام. وكفرهم من جنس كفر النصارى من هذا الوجه، وهم يشبهون اليهود من وجوه أخرى.
والدرجة الثانية: وهم الرافضة المعروفون، كالإمامية وغيرهم، الذين يعتقدون أن عليا هو الإمام الحق بعد النبي صلى الله عليه وسلم، بنص جلي أو خفي، وأنه ظلم ومنع حقه، ويبغضون أبا بكر وعمر ويشتمونهما. وهذا هو عند الأئمة سيما الرافضة وهو بغض أبي بكر وعمر وسبهما.
والدرجة الثالثة: المفضلة من الزيدية وغيرهم، الذين يفضلون عليا على أبي بكر وعمر، ولكن يعتقدون إمامتهما وعدالتهما ويتولونهما. فهذه الدرجة وإن كانت باطلة، فقد نسب إليها طوائف من أهل الفقه والعبادة؛ وليس أهلها قريبا ممن قبلهم بل هم إلى أهل السنة أقرب منهم إلى الرافضة؛ لأنهم ينازعون الرافضة في إمامة الشيخين وعدلهما وموالاتهما، وينازعون أهل السنة في فضلهما على علي، والنزاع الأول أعظم؛ ولكن هم المرقاة التي تصعد منه الرافضة، فهم لهم باب"
(Al-Fatâwâ al-kub'râ, 6/369-370).
* بالمعنى العرفيّ

"فلما حدثت الفرقة بعد مقتل عثمان، ظهرت بدعة الحرورية، وتقدم بعقوبتها الشيعة من الأصناف الثلاثة: الغالية حيث حرقهم علي بالنار، والمفضلة حيث تقدم بجلدهم ثمانين، والسبائية حيث توعدهم وطلب أن يعاقب ابن سبأ بالقتل أو بغيره فهرب منه" (MF 20/301-302).

"ولم يتهم أحد من الشيعة** الأولى بتفضيل علي على أبي بكر وعمر، بل كانت عامة الشيعة الأولى الذين يحبون عليا يفضلون عليه أبا بكر وعمر، لكن كان فيهم طائفة ترجحه على عثمان. وكان الناس في الفتنة صاروا شيعتين: شيعة عثمانية، وشيعة علوية. وليس كل من قاتل مع علي كان يفضله على عثمان، بل كان كثير منهم يفضل عثمان عليه، كما هو قول سائر أهل السنة" (MS 2/).
** بالمعنى اللغويّ

"كما يقول كثير من خيار الشيعة*، الزيدية: "إن عليا كان أفضل من أبي بكر وعمر وعثمان، ولكن كانت المصلحة الدينية تقتضي خلافة هؤلاء لأنه كان في نفوس كثير من المسلمين نفور عن علي بسبب من قتله من أقاربهم، فما كانت الكلمة تتفق على طاعته، فجاز تولية المفضول لأجل ذلك". فهذا القول يقوله كثير من خيار الشيعة*، وهم الذين ظنوا أن عليا كان أفضل، وعلموا أن خلافة أبي بكر وعمر حق لا يمكن الطعن فيها؛ فجمعوا بين هذا وهذا بهذا الوجه" (MS 3/).
* بالمعنى العرفيّ

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Adh-Dhahabî :
"ليس تفضيل علي [على عثمان] برفض ولا هو ببدعة، بل قد ذهب إليه خلق من الصحابة والتابعين. فكل من عثمان وعلي ذو فضل وسابقة وجهاد، وهما متقاربان في العلم والجلالة؛ ولعلهما في الآخرة متساويان في الدرجة؛ وهما من سادة الشهداء رضي الله عنهما. ولكن جمهور الأمة على ترجيح عثمان على علي؛ وإليه نذهب. والخطب في ذلك يسير.

والأفضل منهما بلا شك أبو بكر وعمر. من خالف في هذا فهو شيعي جلد.
ومن أبغض الشيخين واعتقد عدم صحة إمامتهما فهو رافضي مقيت.
ومن سبّهما واعتقد أنهما ليسا بإمامَي هدي فهو من غلاة الرافضة" (Siyaru A'lâm in-nubalâ').

La position de Ibn Hajar est légèrement différente :
"فالتشيع في عرف المتقدمين هو اعتقاد تفضيل علي على عثمان، وأنّ علياً كان مصيباً في حروبه، وأنّ مخالفه مخطيء، مع تقديم الشيخين وتفضيلهما. وربما اعتقد أنّ عليا أفضل الخلق بعد رسول الله صلى الله عليه وسلم. وإذا كان معتقد ذلك ورعاً ديناً صادقاً مجتهداً فلا ترد روايته بهذا، ولاسيما إذا كان غير داعية.
وأما التشيع في عرف المتأخرين، فهو الرفض المحض؛ فلا تقبل رواية الرافضي، ولا كرامة"
(Tah'dhîb ut-tah'dhîb, Abbân ibn Taghlib).
"والتشيع محبـة علي وتقديمه على الصحابة.
فمن قدمه على أبي بكر وعمر فهو غال في تشيعه، ويُطلق عليه رافضي.
فإنْ انضاف إلى ذلك السب والتصريح بالبغض، فـغـال في الرفض.
وإنْ اعتقـد الرجعـة إلى الدنيـا فأشـد في الغلو"
(Had'y us-sârî).

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Je voudrais terminer cette réponse en citant l'érudit indien Abu-l-Hassan Alî An-Nadwî, qui a laissé, à ce sujet aussi, des propos pleins de sagesse et de bon sens. Il écrit :

"Imaginez que dans une ville d'Occident ou d'ailleurs dans le monde non-musulman, un musulman soit en train de faire une magnifique conférence sur l'islam, et qu'il évoque tout ce que l'islam peut apporter au monde d'aujourd'hui. Imaginez maintenant qu'un non-musulman présent sur les lieux et pétri des ouvrages de certains chiites, se lève et, se basant sur ces ouvrages, interpelle le conférencier en ces termes : "Vous êtes en train de nous dire que l'islam peut apporter de bien aux âmes et aux sociétés d'aujourd'hui. J'en doute fort ! En effet, à l'époque qui a suivi le Prophète lui-même, malgré les efforts extraordinaires que celui-ci a faits pendant 23 années, tous ceux qui avaient embrassé l'islam en compagnie du Prophète, l'avaient vu et avaient écouté ses propos – et ils avaient été très nombreux lors du Pèlerinage d'Adieu selon les dires de vos historiens –, tous ceux-là ont, immédiatement après la mort du Prophète, apostasié à l'exception de 4 d'entre eux seulement [c'est ce que disent certains chiites] ! Quel bien peut apporter aujourd'hui un message qui n'a, dès les premiers temps, pas pu garder convaincus plus que quatre personnes sur un total de milliers de fidèles Compagnons du Prophète ? Comment pouvez-vous aujourd'hui nous présenter l'islam et nous dire qu'il possède la clé pour les problèmes de notre époque, quand les premiers musulmans eux-mêmes ont été si peu touchés par son message ?"

"Quelle réponse, questionne an-Nadwî, donnerez-vous à cet homme ? Le portrait des premiers musulmans que brossent les imamites, écrit an-Nadwî, fait hélas qu'un homme intelligent et cultivé pourrait dire – et il aurait alors entièrement le droit de le dire – : "Puisque, dans ses premiers instants et malgré les efforts extraordinaires de son plus grand prédicateur (le Prophète), le message de l'islam n'a pas été capable de laisser une empreinte assez forte pour que ceux qui ont vécu en sa compagnie, l'ont vu et entendu, restent fidèles à son message après sa mort, comment pouvez-vous nous dire que ce message et cette religion pourraient apporter du bien à l'humanité aujourd'hui, quatorze siècles plus tard ? Quelle promesse de pureté des cœurs et d'éducation des âmes y a-t-il dans une telle religion ?" (D'après ce qu'a écrit Abu-l-Hassan Alî an-Nadwî, Préface à l'ouvrage de an-Nu'mânî).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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