Tableau (arabe et français) récapitulatif des degrés de divergences entre tous les avis existant chez ceux qui se réclament de l'islam - درجات الاختلافات الواقعة بين مجموع المنتسبين إلى الإسلام - Avec des exemples au travers d'avis et de propos émis par des ulémas et autres - (1/4)

Tout avis différent de celui que tu as appris dans ton enfance ou que tu as entendu de tes shuyûkh de référence, n'est pas systématiquement "un avis de dhalâl" (ou en urdu : "de gumrâhî") ! Parfois cela l'est réellement, mais parfois cela ne l'est pas car il y a alors seulement une divergence de type "ijtihâdî" sur la question. Ensuite, parfois, l'erreur est certaine (qat'î), alors que d'autres fois la détermination de l'avis erroné peut seulement être supposée (zannî)...

Voici un tableau récapitulatif des différents degrés de divergences existant entre tous ceux qui se réclament de l'islam :

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Mes grands remerciements à A. qui a consacré de son temps à reproduire au format informatique ce croquis réalisé par moi au crayon. Jazâkallâhu fi-d-dârayn !

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I) Nous avons ici un total de 7 catégories de divergences d'avis :

1) - A :
"الاختلاف لفظي فقط"
"La divergence est dans la formulation seulement" ;

2) - B.A :
"الاختلاف حقيقي، ولكن الكل صواب، لأن في السنة وسعة"
"La divergence est réelle, mais chaque propos est correct, car la Sunna offre une pluralité de façons de faire" ;

3) - B.B.A :
"الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، ولكن الاختلاف مبنيّ على اختلاف الواقع، سبَّب في جريان أو عدم جريان الحكم الشرعي الواحد عليه"
"La divergence est réelle, et un seul des avis est correct, mais la divergence est due à une différence de réels, laquelle a entraîné l'application / la non-application du même hukm" ;

3') - B.B.A' :
"الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، ولكن الاختلاف مبنيّ على اختلاف في العلم بالواقع، سبَّب في جريان أو عدم جريان الحكم الشرعي الواحد عليه"
"La divergence est
réelle, et un seul des avis est correct, mais la divergence est due à une différence dans la connaissance du réel, ce qui a entraîné l'application / la non-application du même hukm" ;

4) - B.B.B.1 :
"الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، والاختلاف واقع في الحكم المستنبط من النصوص نفسه؛ ولكن تعيين القول الصواب والقول الخطأ: ظنّيّ فقط"
"La divergence est réelle, un seul des avis est correct, la divergence concerne le hukm lui-même, mais la détermination de l'avis correct n'est possible qu'à un niveau zannî (supposé)" ;

5)
- B.B.B.2.1 :
"الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، والاختلاف
واقع في الحكم المستنبط من النصوص نفسه؛ وتعيين القول الصواب والقول الخطأ: يمكن بالقطع؛ ولكن  القول الخطأ: مبنيّ على اجتهاد سائغ؛ فيكون هذا القول الخطأ: خطأ اجتهاديًّا قطعيا"
"La divergence est réelle, un seul des avis est correct, la divergence concerne le hukm lui-même, et la détermination de l'avis correct est possible à un niveau qat'î (certain), mais l'avis erroné repose malgré tout sur un ijtihâd digne de ce nom" ;

6) - B.B.B.2.2.1 :
"الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، والاختلاف واقع في الحكم المستنبط من النصوص نفسه؛ وتعيين القول الصواب والقول الخطأ: يمكن بالقطع؛ والقول الخطأ: مبنيّ على غير اجتهاد سا
ئغ؛ وهذا القول الخطأ: ضلال"
"La divergence est réelle, un seul des avis est correct, la divergence concerne le hukm lui-même, la détermination de l'avis correct est possible à un niveau qat'î (certain), et l'avis erroné repose sur autre chose qu'un ijtihâd digne de ce nom : en fait, cet avis erroné constitue une déviance (dhalâl)" ;

7) - B.B.B.2.2.2 :
"الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، والاختلاف واقع في الحكم المستنبط من النصوص نفسه، وتعيين القول الصواب والقول الخطأ: يمكن بالقطع؛ والقول الخطأ: مبنيّ على غير اجتهاد سائغ؛ وهذا القول الخطأ: كفر أكبر"
"La divergence est réelle, un seul des avis est correct, la divergence concerne le hukm lui-même, la détermination de l'avis correct est possible à un niveau qat'î (certain), et l'avis erroné repose sur autre chose qu'un ijtihâd digne de ce nom : en fait, cet avis erroné constitue du kufr akbar".

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II) Par ailleurs :

- Les 2 catégories de divergences A et B.A appartiennent à l'espèce (naw') de divergence qui est nommée : "اختلاف تنوع".

- Les 4 catégories de divergences B.B.B.1, B.B.B.2.1, B.B.B.2.2.1 et B.B.B.2.2.2 appartiennent à l'espèce (naw') de divergence nommée : "اختلاف تضاد".

- Quant à la catégorie de divergence B.A.A, elle est composite (مركّب) : elle relève par certains aspects de l'espèce "اختلاف تنوع", et par d'autres aspects de l'espèce (naw') : "اختلاف تضاد".

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III) La plupart de ces catégories existent également à propos des croyances pures :

En effet,

-  à propos des avis relatifs à des points liés aux normes concernant les actions visibles : les 7 catégories de divergences figurant dans le tableau existent ;

- et à propos des avis relatifs à des points de croyances pures5 catégories de divergences existent, sur le total des 7 catégories du tableau. En effet, par rapport aux questions liées aux croyances pures, les catégories B.A et B.B.A n'existent pas. Mais les autres catégories existent, elles.

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IV) Par ailleurs encore :

- Tout avis qui relève de la catégorie B.B.B.1 ou de la catégorie B.B.B.2.1 est appelé : "رأي اجتهادي" ou encore : "رأي مبنيّ علی اجتهاد سائغ" :
--- si cet avis relève de la catégorie B.B.B.1, alors déterminer s’il est correct ou s’il est erroné, cela n’est possible qu’à un niveau zannî ;
--- et si cet avis relève de la catégorie B.B.B.2.1, alors déterminer s’il est correct ou s’il est erroné, cela est possible à un niveau certain (qat’î).

- Par contre, tout avis qui relève de la catégorie B.B.B.2.2.1 ou de la catégorie B.B.B.2.2.2 est appelé : "رأي غير اجتهادي" ou encore : "رأي مبنيّ علی غير اجتهاد سائغ".

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Et il peut arriver que, à propos d'une question donnée, 3 avis ont vu le jour, mais qu'il y ait alors :
- 1 d'eux qui est erroné de façon certaine (qat'î) ;
- et 2 autres qui sont tels que déterminer lequel d'entre eux est correct et lequel est erroné, cela n’est possible qu’à un niveau zannî.

Ainsi, à propos de la question de savoir ce qu'il est autorisé à l'homme de regarder chez la demoiselle qu'il envisage d'épouser :
- l'avis de Dâoûd az-zâhirî (qui dit qu'on peut alors voir tout son corps) est une khata' ijtihâdî qat'î ;
- par contre, entre l'avis disant qu'il est alors autorisé de regarder seulement son visage et ses mains, et l'avis disant qu'il est alors autorisé de regarder ce qu'un homme peut regarder chez sa mahram, déterminer lequel de ces deux avis est correct et lequel est erroné, cela n'est possible qu'à un niveau zannî.

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De même, à propos de la même question, il arrive que, par rapport à par exemple 3 avis ayant vu le jour :
- il y en ait 1 qui soit correct de façon qat’î ;
- un 2nd soit erroné de façon qat'î mais malgré tout mabnî 'ala-jtihâdin sâ'ïgh ;
- enfin un 3ème qui, lui, soit erroné de façon qat'î et ghayr ijtihâdî.

Ainsi, à propos de la question de savoir si Dieu a Deux Mains :
- l'avis qui dit que la formule "Yadâhu" est à appréhender en son sens propre, et Dieu a donc Deux Mains, mais on n'en connaît pas le comment : cet avis est l'avis correct ;
- l'avis qui dit que la formule "Yadâhu", on n'en connaît pas le sens : cela peut être à appréhender en son sens propre (Dieu a donc bien Deux Mains), comme cela peut être appréhender en son sens figuré (et alors Dieu n'a pas Deux Mains) ; cet avis est une khata' ijtihâdî qat'î ; c'est l'avis de Maturidites ;
- l'avis qui dit que la formule "Yadâhu" est à appréhender en son sens figuré : il s'agit de la Puissance, ou de la Force de Dieu : Dieu n'a pas Deux Mains, cela est certain ; cet avis est une khata' ghayr ijtihâdî : c'est du dhalâl ; c'est l'avis des Jahmites et des Mutazilites.

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V) Un exemple pour chacune de ces 7 catégories :

- 1) Divergences de la catégorie A : "الاختلاف لفظي فقط" : "La divergence est dans la formulation seulement" :

--- Concernant un point de croyances :
Est-ce que l'accomplissement des actions obligatoires est une partie de la foi, ou un corollaire de la foi ?
Ibn Taymiyya écrit en substance que du moment qu'on reconnaît qu'un minimum de pratique extérieure de la catégorie générale "action de bien obligatoire" est nécessaire pour le (maintien du) minimum de la foi (Asl ul-îmân), la divergence est seulement de formulation : que l'on dise que les actes obligatoires sont une partie de la foi, ou que l'on dise qu'elles sont un corollaire de la foi, cela revient à la même chose : il s'agit d'une divergence de formulation seulement. "فلا يكون الرجل مؤمنا بالله ورسوله مع عدم شيء من الواجبات التي يختص بإيجابها محمد صلى الله عليه وسلم. ومن قال بحصول الإيمان الواجب بدون فعل شيء من الواجبات، سواء جعل فعل تلك الواجبات لازما له أو جزءا منه (فهذا نزاع لفظي)، كان مخطئا خطأ بينا. وهذه بدعة الإرجاء التي أعظم السلف والأئمة الكلام في أهلها وقالوا فيها من المقالات الغليظة ما هو معروف" (MF 7/621). Voir MF 7/584 aussi.
Un autre exemple : Les communautés croyantes antérieurs au prophète Muhammad (sur lui soit la paix) sont-elles qualifiées de "muslim", ou pas ? Ce n'est qu'une divergence dans la formulation : tout dépend si on appréhende ce terme "muslim" en son sens général, ou particulier : "وقد تنازع الناس فيمن تقدم من أمة موسى وعيسى هل هم مسلمون أم لا؟ وهو نزاع لفظي! فإن الإسلام الخاص الذي بعث الله به محمدا صلى الله عليه وسلم المتضمن لشريعة القرآن: ليس عليه إلا أمة محمد صلى الله عليه وسلم. والإسلام اليوم عند الإطلاق يتناول هذا. وأما الإسلام العام المتناول لكل شريعة بعث الله بها نبيا: فإنه يتناول إسلام كل أمة متبعة لنبي من الأنبياء" (MF 3/94).
Un autre exemple encore : Certaines actions extérieures constituent du kufr akbar (lire notre article : Qu'est-ce que le minimum de la Foi (Asl ul-îmân) ?) ; mais sont-elles des actions constituant du kufr akbar, ou bien (comme le disent les hanafites) que ce sont là des actions qui impliquent le kufr akbar ? Personnellement je ne vois pas cela comme relevant d'une vraie divergence, puisque le résultat est, ici, sur ce point précis, le même. D'ailleurs on trouve cette dernière formulation dans cet écrit de Ibn Taymiyya aussi : "وما كان كفرا من الأعمال الظاهرة (كالسجود للأوثان وسب الرسول ونحو ذلك) فإنما ذلك لكونه مستلزما لكفر الباطن؛ وإلا، فلو قدر أنه سجد قدام وثن ولم يقصد بقلبه السجود له بل قصد السجود لله بقلبه، لم يكن ذلك كفرا؛ وقد يباح ذلك إذا كان بين مشركين يخافهم على نفسه* فيوافقهم في الفعل الظاهر ويقصد بقلبه السجود لله، كما ذكر أن بعض علماء المسلمين وعلماء أهل الكتاب فعل نحو ذلك مع قوم من المشركين حتى دعاهم إلى الإسلام فأسلموا على يديه، ولم يظهر منافرتهم في أول الأمر" (MF 14/120) (* بسبب أنهم أكرهوه على الفعل بوعيد القتل).

--- Concernant des actions :
Celui qui dort et n'a pas pu se réveiller pour accomplir la prière rituelle à son heure légale n'est pas fautif si cela s'est fait sans manquement de sa part (il avait donc bien pris ses précautions pour se réveiller, mais son réveil n'a pas fonctionné par exemple). Il devra accomplir cette prière rituelle quand il se réveillera, cela est certain. Cependant, certains ulémas sont d'avis que, même lorsqu'il dormait, l'obligation de la prière était sur lui mais l'accomplissement concret de celle-ci ne devient obligatoire sur lui que lorsqu'il se réveille ; tandis que d'autres sont d'avis que tant qu'il dormait, l'obligation de la prière n'était pas sur lui lui. Cette divergence est de formulation seulement.
Ibn Taymiyya écrit :
"والنائم ليس عليه أن يفعل الصلاة حال نومه بلا نزاع. لكن تنازع العلماء هل وجبت في ذمته، بمعنى أنه وجب عليه أن يفعلها إذا استيقظ؟ أو يقال لم تجب في ذمته لكن انعقد سبب وجوبها؟ على قولين.
وجمهور العلماء على أنها قضاء؛ ومنهم من يقول هي أداء.
والنزاعان لفظيان.
ويشبه هذا النزاع فيمن غلب على ظنه في الواجب على التراخي أنه يموت في هذا الوقت، فإنه يجب تقديمه؛ فلو لم يمت، ثم فعله؛ فهل يكون أداء (كقول الجمهور) أو قضاء (كقول الباقلاني أو غيره)؟ فيه نزاع، ولا تأثير لهذا النزاع في الأحكام، وإنما هو نزاع لفظي فقط. بل لو اعتقد بقاء الوقت فصلى أداء، ثم تبين خروجه، أو بالعكس: صحت الصلاة من غير نزاع أعلمه. وقال أبو العباس في قديم خطه: قول الباقلاني قياس المذاهب إذ الاعتبار بحالة غلبة الظن لا بما يخالفها، وذلك كما قلنا من غير خلاف أعلمه في المذاهب في المعضوب الذي لا يرجى برؤه إذا حج عن نفسه، ثم برئ أنه لا يلزمه إعادة الحج، فاعتبرنا حالة غلبة الظن ولم نعتبر تبين فساده، ولا أعرف بينهما فرقا.
باب الأذان والإقامة: والصحيح أنهما فرض كفاية، وهو ظاهر مذهب أحمد وغيره. وقد أطلق طوائف من العلماء أن الأذان سنة؛ ثم من هؤلاء من يقول إنه إذا اتفق أهل بلد على تركه قوتلوا؛ والنزاع مع هؤلاء قريب من النزاع اللفظي، فإن كثيرا من العلماء من يطلق القول بالسنة على ما يذم تاركه ويعاقب تاركه شرعا؛ وأما من زعم أنه سنة لا إثم على تاركه، فقد أخطأ"
(Al-Ikhtiyârât al-'ilimiyya, in Al-Fatâwâ al-kub'râ, 5/320-321 dans l'édition que je possède).

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- 2) Divergences de la catégorie B.A : "الاختلاف حقيقي، ولكن الكل صواب، لأن في السنة وسعة" : "La divergence est réelle, mais chaque propos est correct, car la Sunna offre une pluralité de façons de faire" :

--- Concernant des actions visibles :
– Pendant la prière rituelle, lever les mains jusqu'aux oreilles ou bien jusqu'aux épaules.
- Pendant la prière rituelle, placer ses mains l'une sur l'autre au-dessus ou bien au-dessous du nombril ("والعمل على هذا عند أهل العلم من أصحاب النبي صلى الله عليه وسلم، والتابعين، ومن بعدهم: يرون أن يضع الرجل يمينه على شماله في الصلاة. ورأى بعضهم أن يضعهما فوق السرة؛ ورأى بعضهم أن يضعهما تحت السرة؛ وكل ذلك واسع عندهم" : Jâmi' ut-Tirmidhî).
- Les différentes formules de l'invocation que l'on fait quand on est assis pendant la prière (formules du tashahhud de Ibn Mas'ûd, de Omar, de Ibn Abbâs, etc.).
- Le fait d'accomplir 2 ou bien 4 cycles lors de la prière recommandée (râtib) avant la prière du début de l'après-midi.
- Les formules de l'appel à la prière (avec ou sans tarjî' ; la iqâma avec les formules répétées 1 seule fois, ou 2 fois).
- Quand on se salue (taslîm), faire la poignée de mains (musâfaha) avec 1 seule main, ou bien avec ses 2 mains (Cheikh Yûnus Sahâranpûrî).
Ibn Taymiyya écrit : "أما أنواع الاختلاف فهي في الأصل قسمان : ـ اختلاف تنوع؛ ـ واختلاف تضاد. واختلاف التنوع على وجوه: منه ما يكون كل واحد من القولين أو الفعلين حقا مشروعا (كما في القراءات التي اختلف فيها الصحابة حتى زجرهم رسول الله صلى الله عليه وسلم عن الاختلاف وقال كلاكما محسن. ومثله اختلاف الأنواع في صفة الأذان والإقامة والاستفتاح، والتشهدات، وصلاة الخوف، وتكبيرات العيد، وتكبيرات الجنازة، إلى غير ذلك مما شرع جميعه، وإن كان قد يقال إن بعض أنواعه أفضل). ثم نجد لكثير من الأمة في ذلك من الاختلاف ما أوجب اقتتال طوائف منهم؛ كاختلافهم على شفع الإقامة وإيتارها ونحو ذلك. وهذا عين المحرم. ومن لم يبلغ هذا المبلغ فتجد كثيرا منهم في قلبه من الهوى لأحد هذه الأنواع والإعراض عن الآخر أو النهي عنه ما دخل به فيما نهى عنه النبي صلى الله عليه وسلم" (Iqtidhâ' us-sirât il-mustaqîm, pp. 37-38).
(Egalement : Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, 2/778).

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3) Divergences de la catégorie B.A.A ("الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، ولكن الاختلاف مبنيّ على اختلاف الواقع، سبَّب في جريان أو عدم جريان الحكم الشرعي الواحد عليه" : "La divergence est réelle, et un seul des avis est correct, mais la divergence est due à une différence de réels, qui a entraîné l'application / la non-application du même hukm") / et de la catégorie B.A.A' ("الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، ولكن الاختلاف مبنيّ على اختلاف في العلم بالواقع، سبَّب في جريان أو عدم جريان الحكم الشرعي الواحد عليه" : "La divergence est réelle, et un seul des avis est correct, mais la divergence est due à une différence dans la connaissance du réel, ce qui a entraîné l'application / la non-application du même hukm") :

--- De type B.A.A et concernant une action visible :
– Des ulémas ont dit de certains vêtements de telle coupe qu'ils ne devaient pas être portés par les musulmans. Mais ils l'ont dit parce que dans le contexte dans lequel ils se trouvaient, ces vêtements étaient le symbole de non-musulmans. Si le contexte change, la règle change également. Ibn Taymiyya écrit ainsi :
"وهذا كما أن الكفار من اليهود والنصارى إذا لبسوا ثوب الغيار من أصفر وأزرق، نهي عن لباسه لما فيه من التشبه بهم؛ وإن كان لو خلا عن ذلك، لم يكره.
وفي بلاد لا يلبس هذه الملابس عندهم إلا الكفار فنهي عن لبسها؛ والذين اعتادوا ذلك من المسلمين لا مفسدة عندهم في لبسه.
ولهذا كره أحمد وغيره لباس السواد لما كان في لباسه تشبه بمن يظلم أو يعين على الظلم وكره بيعه لمن يستعين بلبسه على الظلم؛ فأما إذا لم يكن فيه مفسدة لم ينه عنه" (MF 17/487-488).

--- De type B.A.A' et concernant une action visible :
– L'interprétation de l'école hanafite quant à la détermination de ce dont l'absorption annule le jeûne est comme suit : l'absorption, volontairement ou suite à une mégarde (khata'), d'une chose conséquente (quelle qu'elle soit), qui parvient alors par une voie directe jusqu'à l'intérieur du corps (jawf), cela annule le jeûne. Il y a divergence avec d'autres mujtahidûn sur ce point précis, et cette divergence là relève de la catégorie B.B.B.1 (nous en dirons un peu plus bas). Mais ce qui nous intéresse ici c'est que, tout en conservant cette interprétation hanafite, le  contemporain Muftî Rafî' Uthmânî a été amené (sur la base des découvertes récentes en anatomie humaine) à apporter, à des questions précises, des réponses différentes de celles des hanafites antérieurs. C'est le même principe qu'il a appliqué, mais ce sont les connaissances humaines qui ont changé et qui l'ont amené à dire que le pivot de la règle (manât ul-hukm, wa huwa-l-iftâr) n'est en fait pas présent dans des cas où, auparavant, on le pensait être présent. D'où divergence dans les réponses. Par rapport à ces hanafites antérieurs, il y a là une divergence de la catégorie B.A.A'.
Muftî Rafî' dit par exemple que mettre des gouttes dans l'oreille saine (dont le tympan n'est pas perforé) n'annule pas le jeûne, car on sait maintenant que ces gouttes n'atteignent pas l'intérieur du corps. Et il précise que tous les ulémas hanafites des siècles précédents qui disaient que cela annule le jeûne l'ont dit uniquement parce qu'ils croyaient que le conduit auditif mène directement à l'intérieur du corps appelé "jawf" ; or on sait maintenant, suite aux progrès des connaissances en anatomie, que ce n'est pas le cas.
Muftî Rafî' écrit :
"ولا فطر إذا لم يصل المفطر إلى الجوف المعتبر: كالإقطار فى الإحليل خلافا لأبى يوسف؛ والاحتشاء فى فرج المرأة الداخل خلافا لمشايخ الحنفية؛ والإقطار فى الأذن إن كانت الطبلة سليمة خلافا لجميع الحنفية؛ ومداواة الآمة خلافا لأبى حنيفة وعامة المشايخ [وفق التحقيق المعاصر فى جميع هذه الصور].(...).
وما ذكره أبو يوسف فى الإحليل، ومشايخ الحنفية فى فرج المرأة الداخل، وجميع الحنفية فى الأذن، وأبو حنيفة وعامة المشايخ فى مداواة الآمة: فمبنيّ على أن بينها وبين الجوف المعتبر مسلك مباشرةً أو بواسطة جوف آخر تبعًا، كما قد صرحوا به؛ وهو خلاف التحقيق؛ وليس هذا من باب الفقه بل من باب الطب، كما نبه عليه المرغينانى وتبعه ابن نجيم"
(Dhâbit ul-fitr fî majâl it-tadâwî).

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- 4) Divergences de la catégorie B.B.B.1 : "الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، والاختلاف واقع في الحكم المستنبط من النصوص نفسه؛ ولكن تعيين القول الصواب والقول الخطأ: ظنّيّ فقط" : "La divergence est réelle, un seul des avis est correct, la divergence concerne le hukm lui-même, mais la détermination de l'avis correct n'est possible qu'à un niveau zannî (supposé)" :

--- Concernant un point de croyances :
"سبعة يظلهم الله فى ظله يوم لا ظل إلا ظله" : "Sept personnes sont telles que Dieu les mettra à l'ombre dans Son Ombre, le jour où il n'y aura d'ombre que Son Ombre". Ce célèbre hadîth parle de "l'ombre de Dieu". Mais est-ce véritablement l'Ombre de Dieu, ou une ombre de quelque chose, ombre que Dieu créera ?
----- Ibn Bâz dit que Dieu a véritablement une ombre, comme cela sied à Son Etre : "في حديث السبعة الذين يظلهم الله في ظله يوم لا ظل إلا ظله، فهل يوصف الله تعالى بأن له ظلاً؟ نعم، كما جاء في الحديث. وفي بعض الروايات: "في ظل عرشه"، لكن الصحيحين: "في ظله". فهو له ظل يليق به سبحانه لا نعلم كيفيته، مثل سائر الصفات: الباب واحد عند أهل السنة والجماعة. والله ولي التوفيق" (source : binbaz.org) ;
----- Ibn ul-'Uthaymîn dit que ce sera une ombre de quelque chose, une ombre que Dieu créera, mais pas l'ombre de Dieu : "والمراد بالظل هنا: ظل يخلقه الله عز وجل يوم القيامة يظلل فيه من شاء من عباده، وليس المراد ظل نفسه جل وعلا؛ لأن الله نور السموات والأرض، ولا يمكن أن يكون الله ظلاً من الشمس، فتكون الشمس فوقه وهو بينها وبين الخلق (...). والصواب أنه ظل يخلقه الله عز وجل في ذلك اليوم: إما من الغمام أو من غير ذلك؛ الله أعلم، لكنه ظل يستر الله به من شاء من عباده حر الشمس" (source : ibnothaimeen.com) ;
----- Ibn ul-Qayyim dit que ce sera l'ombre du Trône de Dieu : "الخمسون: أنك إذا تأملت السبعة الذين يظلهم الله عز وجل في ظل عرشه يوم لا ظل إلا ظله، وجدتهم إنما نالوا ذلك الظل بمخالفة الهوى" (Rawdhat ul-muhibbîn, p. 426).
Qui traiterait lequel de ces savants d'égaré ?
Personne, car aucun de ces avis ne constitue du dhalâl ; plus encore : il s'agit d'une divergence ijtihâdî zannî.

--- Concernant une action :
Qu'est-ce qui est tel que son absorption volontaire annule le jeûne ?
--- L'école hanafite est d'avis qu'il s'agit de tout ce qui est conséquent*, et qui est absorbé volontairement ou suite à une mégarde (khata') et qui parvient jusqu'à l'intérieur du corps (jawf) par une voie directe. (* Et pas par exemple de la poussière avalée par mégarde.)
--- Pour sa part Ibn Taymiyya est d'avis qu'il s'agit :
----- d'une part de tout ce qui est absorbé par le biais d'une action dont la forme même constitue "manger" et "boire ("yussammâ : ak'lan wa shurban") : en un mot : le fait d'absorber quelque chose par la voie bucco-pharyngale (fût-ce une boulette de papier) ;
----- et d'autre part ce qui revient à la même chose que manger et boire ("mâ fî ma'na-l-ak'l wa-sh-shurb"), quand c'est par une autre voie que la bucco-pharyngale qu'une chose est introduite (par exemple la voie rectale) ; il s'agit alors de considérer la nature de la chose qui est introduite à "l'intérieur du corps" : si cette chose est nourrissante pour l'organisme ("yughaddhi-l-jassad"), le jeûne est annulé, car cela revient à la même chose que de manger et de boire ("huwa fî ma'na-l-ak'l wa-sh-shurb") ; si par contre elle ne nourrit pas l'organisme, le jeûne n'est pas annulé.
Mettre un suppositoire laxatif annule le jeûne d'après l'école hanafite, mais pas d'après Ibn Taymiyya.
S'injecter du glucose par voie veineuse n'annule pas le jeûne d'après l'école hanafite, mais l'annule d'après le principe de Ibn Taymiyya.

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- 5) Avis erronés relevant de la catégorie B.B.B.2.1 : "الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، والاختلاف واقع في الحكم المستنبط من النصوص نفسه؛ وتعيين القول الصواب والقول الخطأ: يمكن بالقطع؛ ولكن  القول الخطأ: مبنيّ على اجتهاد سائغ؛ فيكون هذا القول الخطأ: خطأ اجتهاديًّا قطعيا" : "La divergence est réelle, un seul des avis est correct, la divergence concerne le hukm lui-même, et la détermination de l'avis correct est possible à un niveau qat'î (certain), mais l'avis erroné repose malgré tout sur un ijtihâd digne de ce nom" :

--- Concernant un point de croyances :
- l'avis qui dit que la formule "Yadâhu", on n'en connaît pas le sens (تفويض المعنى) : cela peut être à appréhender en son sens propre (Dieu a donc bien Deux Mains), comme cela peut être à appréhender en son sens figuré (et alors Dieu n'a pas Deux Mains) ; cet avis est une khata' ijtihâdî qat'î ; c'est l'avis des Ash'arites et des Maturidites.

--- Concernant une action :
- l'avis de Dâoûd az-zâhirî, qui dit que la demoiselle précise que l'on envisage d'épouser, il est autorisé de regarder alors tout son corps : cela est une khata' ijtihâdî qat'î.

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- 6) Avis erronés relevant de la catégorie B.B.B.2.2.1 : "الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، والاختلاف واقع في الحكم المستنبط من النصوص نفسه؛ وتعيين القول الصواب والقول الخطأ: يمكن بالقطع؛ والقول الخطأ: مبنيّ على غير اجتهاد سائغ؛ وهذا القول الخطأ: ضلال" : "La divergence est réelle, un seul des avis est correct, la divergence concerne le hukm lui-même, la détermination de l'avis correct est possible à un niveau qat'î (certain), et l'avis erroné repose sur autre chose qu'un ijtihâd digne de ce nom : en fait, cet avis erroné constitue une déviance (dhalâl)" :

--- Concernant un point de croyances :
- l'avis qui dit que la formule "Yadâhu" est à appréhender de façon certaine en son sens figuré : il s'agit de la Puissance, ou de la Force de Dieu : Dieu n'a pas Deux Mains, cela est certain ; cet avis est une khata' ghayr ijtihâdî : c'est du dhalâl ; c'est l'avis des Jahmites et des Mutazilites.

--- Concernant une action :
- Le combat (qitâl) qui est institué (mashrû') dans le Coran, est-ce uniquement du combat purement défensif (difâ' mahdh), ou est-ce que, en sus du combat défensif (difâ'), le Coran parle aussi de combat purement offensif (iqdâm mahdh) ?
Dire que le combat purement offensif (B.5) n'existe pas (ghayr mashrû') en islam, c'est un avis de déviance (dhalâl ghayru kufr), écrit Muftî Taqî. Par contre, dire que le combat purement défensif B.1 n'existe pas en islam, c'est tenir un avis de kufr akbar (Dars-é Tirmidhî, 5/207).
(Alors, bien sûr, aujourd'hui le combat offensif (lire notre autre article) ne peut pas être appliqué, vu les accords internationaux de non-agrandissement des territoires (lire notre article). Par ailleurs, il y a, entre les ulémas, divergence d'avis quant au principe ('illa) entraînant le caractère institué (mashrû') d'entrer en belligérance avec une cité de façon purement offensive (iqdâm mah'dh) : – certains ulémas pensent que c'est le simple fait que cette cité est une Dâr ul-kufr ; – d'autres disent que c'est le fait que cette cité Dâr ul-kufr constitue une puissance de kufr à l'échelle régionale ou mondiale ; – d'autres encore disent que c'est le fait que cette cité Dâr ul-kufr n'accorde pas à ses habitants la liberté de se convertir à l'islam. Cependant, nous ne parlons pas ici de l'applicabilité ou de la non-applicabilité d'un tel combat, ni des conditions énoncées par les ulémas pour son applicabilité autrefois. Nous parlons seulement du caractère "existant en islam" (mashrû'iyya).)

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- 7) Avis erronés relevant de la catégorie B.B.B.2.2.2 : "الاختلاف حقيقي، والصواب واحد فقط، والاختلاف واقع في الحكم المستنبط من النصوص نفسه، وتعيين القول الصواب والقول الخطأ: يمكن بالقطع؛ والقول الخطأ: مبنيّ على غير اجتهاد سائغ؛ وهذا القول الخطأ: كفر أكبر" : "La divergence est réelle, un seul des avis est correct, la divergence concerne le hukm lui-même, la détermination de l'avis correct est possible à un niveau qat'î (certain), et l'avis erroné repose sur autre chose qu'un ijtihâd digne de ce nom : en fait, cet avis erroné constitue du kufr akbar" :

--- Concernant des points de croyances :
- Dire que Dieu n'est pas capable de ressusciter un corps dont les éléments ont été éparpillés un peu partout.
- Dire que Dieu ne sait pas tout à l'avance : "ولهذا كفر الأئمة كمالك والشافعي وأحمد من قال: "إن الله لم يعلم أفعال العباد حتى يعملوها"؛ بخلاف غيرهم من القدرية" (MF 8/428-430)
- Dire que Ahmad de Qadian est un prophète, et son prophétat est seulement une réflexion (انعكاس) de celui de Muhammad Ibn Abdillah (que Dieu le bénisse et le salue).
- Dire que l'ange Gabriel s'est trompé entre 'Alî (que Dieu l'agrée) et Muhammad Ibn Abdillah (que Dieu le bénisse et le salue).

--- Concernant une action :
- Dire que depuis le décès du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue), la Zakat n'est plus une obligation.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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