Abdullâh ibn Omar a-t-il sur la fin de sa vie regretté de n'avoir pas combattu Mu'âwiya et son groupe, sous la direction de 'Alî ibn Abî Tâlib (رضي الله عنهم) ?

Question :

J'ai lu vos articles concernant les batailles que Mawlâ 'Alî ibn Abî Tâlib (karramallâhu waj'ha-hû) dut mener contre Aïcha d'abord et contre Mu'âwiya ensuite.

Mais vos explications ne tiennent pas, car plus tard Abdullah ibn Omar regretta d'être resté neutre, et de ne pas avoir combattu le groupe Bâghî avec 'Alî. C'est là que réside la clé pour la compréhension : ce n'est que plus tard qu'il a fini par se rendre compte de la dangerosité de Mu'âwiya. Les regrets sont inutiles et viennent trop tard, mais mieux vaut tard que jamais. En tous cas on voit que Mawlâ 'Alî a eu entièrement raison d'aller combattre Mu'âwiya.

Normal, puisque c'est Rasûlullâh (sallallâhu 'alayhi wa sallama) lui-même qui lui avait dit qu'il devrait combattre 3 groupes insurgés : il y a donc les gens de Jamal, ceux de Siffîn, et les Kharijites.

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Réponse :

Louange à Allah, que Ses Salutations soient sur Ses Prophètes et en particulier le dernier d'entre eux, et qu'Allah soit satisfait de tous les Compagnons de ce dernier prophète, et salue également sa famille.

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--- Alî ibn Abî Tâlib (que Dieu l'agrée) n'est pas n'importe qui : c'est le 4ème plus valeureux des Compagnons du Prophète, ainsi que son cousin (il fait donc partie de ses Ahl ul-Bayt aussi). Cependant, il n'est pas infaillible dans ce qu'il entreprend (c'est le Prophète - que Dieu le rapproche de Lui et le salue - qui l'est).

--- Pour rappel :
----- la bataille de Jamal (Alî contre le groupe de Aïcha, Tal'ha et az-Zubayr) eut lieu en
jumâdâ al-âkhira de l'an 36 ;
----- la bataille de Siffîn (Alî contre le groupe de Mu'âwiya et 'Amr ibn ul-'Âs) eut lieu en safar de l'an 37 ;
----- et la bataille de Nehrawân (ou encore : "de an-Nahr") (Alî contre le groupe des Kharijites repliés à Nehrawân) eut lieu en safar de l'an 38.

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I) Concernant la parole de Abdullâh ibn Omar (que Dieu les agrée) : "Je n'ai de regret quant à aucune chose, excepté que je n'ai pas combattu avec Alî - que Dieu l'agrée - le groupe Bâghî" : "ما آسى على شيء إلا أني لم أقاتل مع علي - رضي الله عنه - الفئة الباغية" : de qui parlait-il ?

– Le groupe de Mu'awiya (que Dieu l'agrée) constituait certes un groupe Bâghî : "Pauvre 'Ammâr : le groupe Bâghî le tuera. Ils les appellera vers le Paradis, eux l'appelleront vers le Feu" : "عن أبي سعيد قال: كنا نحمل لبنة لبنة وعمار لبنتين لبنتين، فرآه النبي صلى الله عليه وسلم فينفض التراب عنه، ويقول: "ويح عمار، تقتله الفئة الباغية، يدعوهم إلى الجنة، ويدعونه إلى النار." قال: يقول عمار: أعوذ بالله من الفتن"(al-Bukhârî, 2657) / "عن أبي سعيد الخدري، قال: أخبرني من هو خير مني أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال لعمار حين جعل يحفر الخندق، وجعل يمسح رأسه، ويقول: "بؤس ابن سمية، تقتلك فئة باغية" (Muslim, 2915 : Abû Sa'îd voulait parler ici de Abû Qatâqa) ; "عن أم سلمة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال لعمار: "تقتلك الفئة الباغية" (Muslim, 2916) ; "عن أبي هريرة قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أبشر يا عمار تقتلك الفئة الباغية" (at-Tirmidhî, 3800). C'est 'Alî ibn Abî Tâlib qui avait raison dans le fond du litige : il fallait reconnaître son autorité inconditionnellement. Mais Mu'âwiya avait une shub'ha. Lire : Chaque croyance pure, ainsi que le statut de chaque action, cela est fixe (muta'ayyan) auprès de Dieu. Le ijtihad consiste à faire l'effort de trouver cela, éventuellement en interaction avec le Réel.

Mais ce n'est pas le groupe de Mu'âwiya que Abdullâh ibn Omar désignait dans sa parole : "Je n'ai de regret quant à aucune chose, excepté que je n'ai pas combattu avec Alî le groupe Bâghî" ; il dit aussi : "J'ai retenu ma main, n'ayant pas avancé. (Mais) celui qui combat dans le cas établi est meilleur" : "عن ميمون بن مهران قال: سمعت عبد الله بن عمر يقول: "كففت يدي فلم أقدم، والمقاتل على الحق أفضل" قال الحاكم رحمه الله تعالى: "شرح هذا الحديث وبيانه فيما حدثناه أبو ... قال: سمعت عبد الله بن عمر يقول: "ما آسى على شيء إلا أني لم أقاتل مع علي رضي الله عنه الفئة الباغية" (al-Mustad'rak, 6360 ; Al-Istî'ab de Ibn Abd il-Barr).

Alî lui-même a, après la bataille de Siffîn, regretté être allé combattre le groupe de Mu'âwiya ("عن الحارث، قال: لما رجع علي من صفين، علم أنه لا يملك أبدا، فتكلم بأشياء كان لا يتكلم بها، وحدث بأحاديث كان لا يتحدث بها. فقال فيما يقول: "أيها الناس، لا تكرهوا إمارة معاوية، والله لو قد فقدتموه لقد رأيتم الرؤوس تندر من كواهلها كالحنظل" : Ibn Abî Shayba, 37854), et, un peu plus tard, a fait les éloges de la posture de Sa'd ibn Abî Waqqâs et Abdullâh ibn Omar, restés en retrait par rapport à ces batailles ("عن محمد بن الضحاك الحزامي، قال: قام علي بن أبي طالب رضي الله عنه على منبر الكوفة حين اختلف الحكمان، فقال: "قد كنت نهيتكم عن هذه الحكومة فعصيتموني". (...) ثم التفت إلى الناس، فقال: "لله منزل نزله سعد بن مالك وعبد الله بن عمر، والله لئن كان ذنبا إنه لصغير مغفور، ولئن كان حسنا إنه لعظيم مشكور" (Al-Mu'jam al-kabîr, at-Tabarânî, 319) ; nous y reviendrons plus bas.
Or 'Alî est décédé en l'an 40 de l'hégire.
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Déjà nous avons dans ce regret de 'Alî ibn Abî Tâlib une preuve supplémentaire que c'était bien sur le base d'un ijtihâd personnel qu'il était allé combattre le groupe de Mu'âwiya en l'an 37. Le fait est que 'Alî a dit par ailleurs :
"Je ne suis pas à appliquer une sanction fixée à quelqu'un puis qu'il (en) meure et que j'en ressente en moi de l'affliction. Sauf le buveur d'alcool : s'il meurt (à cause de l'application de la sanction proposée par moi à Omar), je donnerai la diya, car le Prophète n'avait pas institué ce (nombre)" : "عن عمير بن سعيد، عن علي قال: "ما كنت أقيم على أحد حدا فيموت فيه فأجد منه في نفسي؛ إلا صاحب الخمر، لأنه إن مات وديته، لأن رسول الله صلى الله عليه وسلم لم يَسُنّه" (al-Bukhârî 6396, Muslim 1707).
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Ensuite il serait étrange que de croire que Abdullâh ibn Omar (qui a vécu jusqu'en l'an 73 de l'hégire), aurait regretté n'avoir pas participé, aux côtés de 'Alî, à un combat que ce dernier lui-même avait, plus de 33 années auparavant, regretté avoir mené, et par rapport auquel il avait fait les éloges de ce même Abdullâh ibn Omar, qui n'y avait pas participé !
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En fait, dans le propos sus-cité, en disant :
"le groupe Bâghî", qu'il regrettait ne pas avoir combattu aux côtés de 'Alî ibn Abî Tâlib, Abdullâh ibn Omar parlait des Kharijites, que 'Alî avait combattus en l'an 38.
C'est bien 'Alî ibn Abî Tâlib (que Dieu l'agrée) qui avait qualifié les Kharijites de Bâghî. En effet, après qu'il les ait combattus, quelqu'un lui demanda à leur sujet : "Sont-ils des Mushrik ? - Du Shirk ils ont fui, avait répondu 'Alî. - Sont-ils des Munâfiq ? - Les Munâfiq n'évoquent Dieu que peu ! - Qui sont-ils donc ? - Des gens qui ont fait Bagh'y contre nous" : "عن طارق بن شهاب، قال: كنت عند عليّ، فسئل عن أهل النهر: "أهم مشركون؟" قال: "من الشرك فروا!" قيل: "فمنافقون هم؟" قال: "إن المنافقين لا يذكرون الله إلا قليلا!" قيل له: "فما هم؟" قال: "قوم بغوا علينا"" (Ibn Abî Shayba, 37942 ; voir aussi As-Sunan ul-kub'râ, al-Bayhaqî, 16800).
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Et c'est le fait de les combattre qui constituait
"le cas établi" - puisque ayant été ordonné par le Prophète (sur lui soit la paix) pour le moment où ils passeraient à l'offensive, nous le verrons plus bas - dont Abdullâh ibn Omar a parlé dans son autre propos sus-cité : "Et celui qui combat dans le cas établi est meilleur (que moi, qui suis resté en retrait de la totalité de ces batailles)".
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Sans oublier que Abdullâh ibn Omar avait ensuite, en l'an 68 ou 69, failli devoir lui-même combattre un autre groupe de Kharijites encore, menés par Najda ibn 'Amîr al-Hanafî. Najda avait conquis al-Yamâma et agrandissait son émirat
 ; et, en l'an 68 ou 69, après avoir accompli le pèlerinage à La Mecque, il avait eu l'intention de conquérir Médine. Apprenant cela et sachant qu'il faisait des captives parmi les femmes et tuait des enfants chez ses vaincus, Ibn Omar s'était préparé à le repousser par les armes, et avait exhorté les Médinois à le faire : "عن نافع، قال: لما سمع ابن عمر بنجدة قد أقبل وأنه يريد المدينة وأنه يسبي النساء ويقتل الولدان، قال: "إذا لا ندعه وذلك"؛ وهمّ بقتاله وحرض الناس. فقيل له: "إن الناس لا يقاتلون معك، ونخاف أن تترك وحدك". فتركه" (Ibn Abî Shayba, 37887) (voir aussi 37912). Mais ensuite Najda n'avait pas pris la direction de Médine.
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Tout cela fait que c'est des Kharijites que Abdullâh ibn Omar parlait lorsque, à la fin de sa vie, il dit regretter n'avoir pas combattu, aux côtés de 'Alî ibn Abî Tâlib, le
groupe Bâghî.

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(Le même propos global que celui sus-cité - mais avec cette fois le terme "ikhwânu-nâ" - est relaté de 'Alî au sujet des gens de Jamal :
--- "يزيد بن هارون عن شريك، عن أبي العنبس، عن أبي البختري، قال: سئل علي عن أهل الجمل، قال: قيل: أمشركون هم؟ قال: من الشرك فروا. قيل: أمنافقون هم؟ قال: إن المنافقين لا يذكرون الله إلا قليلا. قيل: فما هم؟ قال: "إخواننا بغوا علينا" : Ibn Abî Shayba, 37763, al-Bayhaqî dans As-Sunan ul-kub'râ, 16791 ; cependant, la chaîne est interrompue entre Abû-l-Bakhtarî et 'Alî ; par ailleurs, elle passe par Sharîk, qui parfois fait des erreurs.
--- "أخبرنا أبو عبد الله الحافظ وأبو سعيد ابن أبى عمرو قالا: حدثنا أبو العباس محمد بن يعقوب، حدثنا أحمد بن عبد الجبار، حدثنا حفص بن غياث، عن عبد الملك بن سلع، عن عبد خير قال: سئل على - رضي الله عنه - عن أهل الجمل فقال: "إخواننا بغوا علينا، فقاتلناهم. وقد فاءوا، وقد قبلنا منهم" : al-Bayhaqî dans As-Sunan ul-kub'râ, 16832 : Ahmad ibn Abd il-Jabbâr est dha'îf.
Voir cette tahqîq par un auteur extérieur.)

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Le sens littéral de Bagh'y :

Bagh'y veut dire littéralement : "vouloir dépasser la modération dans ce que l'on recherche" : "البغي: طلب تجاوز الاقتصاد فيما يتحرى، تجاوزه أم لم يتجاوزه، فتارة يعتبر في القدر الذي هو الكمية، وتارة يعتبر في الوصف الذي هو الكيفية، يقال: بغيت الشيء: إذا طلبت أكثر ما يجب، وابتغيت كذلك" (Muf'radât ur-Râghib), cela autant dans le bien, que de façon mauvaise : "والبغي على ضربين: أحدهما محمود، وهو تجاوز العدل إلى الإحسان، والفرض إلى التطوع. والثاني مذموم، وهو تجاوز الحق إلى الباطل، أو تجاوزه إلى الشبه" (Ibid.).
D'où :
--- le sens de "faire l'effort d'obtenir", présent dans le verbe "ibtighâ'" ("وأما الابتغاء فقد خص بالاجتهاد في الطلب" : op. cit.),
--- et le sens de "dépasser la mesure", comme dans l'expression : "بغى الجرح: تجاوز الحد في فساده" (op. cit.) ; ce qui fait que le terme a été employé aussi pour signifier : "s'enorgueillir" : "وبغى: تكبر، وذلك لتجاوزه منزلته إلى ما ليس له" (op. cit.), comme dans le verset : "إِنَّ قَارُونَ كَانَ مِن قَوْمِ مُوسَى فَبَغَى عَلَيْهِمْ" (Coran 28/76) ; et aussi pour signifier : "faire preuve d'injustice", comme dans le verset : "ذَلِكَ وَمَنْ عَاقَبَ بِمِثْلِ مَا عُوقِبَ بِهِ ثُمَّ بُغِيَ عَلَيْهِ لَيَنصُرَنَّهُ اللَّهُ" (Coran 22/60).

C'est avec ce dernier sens que le terme "Bagh'y" a été employé dans ces célèbres vers : "عن البراء رضي الله عنه، قال: رأيت رسول الله صلى الله عليه وسلم يوم الأحزاب ينقل التراب، وقد وارى التراب بياض بطنه، وهو يقول:
"لولا أنت ما اهتدينا، ولا تصدقنا ولا صلينا
فأنزلن سكينة علينا، وثبت الأقدام إن لاقينا
إن الألى قد بغوا علينا، إذا أرادوا فتنة أبينا" (al-Bukhârî, 2682, Muslim, 1803).
""إن الأولى"؛ أي: إن هؤلاء الكفار. "بغوا"، أصله: بغيوا، فقلبت الياء ألفا، وحذفت لسكونها وسكون الواو، ومعناه: ظلموا. "إذا أرادوا فتنة أبينا"؛ يعني: إذا أرادوا أن يوقعونا في الكفر والضلالة، امتنعنا عن قبوله" (Al-Mafâtîh fî shar'h il-massâbîh). "قد بغوا علينا"؛ أي: ظلمونا بإخراجنا من مكة. "إذا أرادوا فتنة": أراد بها: الرد إلى الكفر. "أبينا"؛ أي: امتنعنا" (Shar'h ul-massâbîh, Ibn ul-Malik). "والمراد بالفتنة: القتل والنهب والرد إلى الكفر؛ قال تعالى: {إن يثقفوكم يكونوا لكم أعداء ويبسطوا إليكم أيديهم وألسنتهم بالسوء وودوا لو تكفرون" (Shar'h ut-Tîbî). "وقوله: (إذا أرادوا فتنة) أي: ردنا إلى الكفر" (Lama'ât ut-tanqîh).

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Pour ce qui est du Bagh'y par rapport à l'émir, il faut distinguer :

--- le Bagh'y 'ala-l-amîr ;
--- et le Bagh'y 'an il-amîr.
"على أن من الفقهاء الأئمة من يرى أن أهل البغي الذين يجب قتالهم هم الخارجون على الإمام بتأويل سائغ؛ لا الخارجون عن طاعته" (MF 25/504).

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--- Mu'âwiya et son groupe furent, par rapport au calife 'Alî ibn Abî Tâlib, un groupe Bâghî 'an il-amîr (bi Bagh'yin Mujarrad), et ce depuis que 'Alî devint calife (dhu-l-hijja de l'an 35) jusqu'à ce que, suite à l'arbitrage (ramadan de l'an 37), Mu'âwiya se proclame calife - et ce sur la base d'une nouvelle shub'ha - : à partir de ce moment-là, Mu'âwiya devint Bâghî 'ala-l-amîr, et 'Alî était alors dans le droit de le combattre. ("الوجه الثاني: أنها صارت باغية في أثناء الحال بما ظهر منها من نصب إمام وتسميته أمير المؤمنين ومن لعن إمام الحق ونحو ذلك؛ فإن هذا بغي. بخلاف الاقتتال قبل ذلك، فإنه كان قتال فتنة" : MF 4/443. "وحينئذ فبعد التحكيم والتشيع وظهور البغي، لم يقاتلهم علي ولم تطعه الشيعة في القتال. ومن حينئذ ذمت الشيعة بتركهم النصر مع وجوبه. وفي ذلك الوقت سموا شيعة، وحينئذ صاروا مذمومين بمعصية الإمام الواجب الطاعة - وهو أمير المؤمنين علي بن أبي طالب. ولما تركوا ما يجب من نصره، صاروا أهل باطل وظلم" : MF 4/444). ("عن عبد الله بن عمرو بن العاص قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: (...) ومن بايع إماما فأعطاه صفقة يده وثمرة قلبه، فليطعه إن استطاع؛ فإن جاء آخر ينازعه، فاضربوا عنق الآخر" : Muslim, 1844 : "فإن جاء آخر ينازعه، فاضربوا عنق الآخر": معناه: ادفعوا الثاني فإنه خارج على الإمام؛ فإن لم يندفع إلا بحرب وقتال فقاتلوه؛ فإن دعت المقاتلة إلى قتله، جاز قتله ولا ضمان فيه لأنه ظالم متعد في قتاله" : Shar'h Muslim, an-Nawawî, 12/234. "عن أبي سعيد الخدري، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إذا بويع لخليفتين، فاقتلوا الآخر منهما" : Muslim, 1853).
Après ce moment-là, 'Alî fit d'ailleurs de nouveau des préparatifs pour le combattre, mais dut ensuite les employer pour faire face aux Kharijites. Après avoir combattu ces derniers, il tenta de mobiliser à nouveau ses partisans pour aller combattre Mu'âwiya et les gens de Shâm, mais cette fois ses partisans ne le suivirent plus (BN 7/338-343 ; 7346-348).

--- Les Kharijites repliés sur Harûrâ' puis à Nehrawân furent un groupe Bâghî 'an il-amîr (bi Bagh'yin Muqtarin bi Bid'a).
Et ce jusqu'à ce qu'ils attaquent (tuant et pillant) ; à ce moment-là ils devinrent Bâghî 'ala-l-muslimîn / Muhâribûn sâ'ûna fi-l-ardhi fassâdan.

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En fait le Prophète (sur lui soit la paix) avait annoncé des récompenses dans l'autre monde pour ceux qui combattraient les Kharijites lorsqu'ils apparaîtraient et se mettraient à tuer des musulmans [c'est-à-dire quand ils deviendraient Muhâribûn sâ'ûn fi-l-ardhi fassâdan] :
--- 'Alî a relaté du Prophète qu'il a dit : "فإن قتلهم أجر لمن قتلهم يوم القيامة" (al-Bukhârî, 3415, Muslim, 1066/154) : et 'Alî a dit : "لو يعلم الجيش الذين يصيبونهم ما قضي لهم على لسان نبيهم صلى الله عليه وسلم، لاتكلوا عن العمل" (Muslim, 1066/156) ;
--- Ibn Mas'ûd a relaté du Prophète qu'il a dit : "عن عاصم، عن زر، عن عبد الله، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يخرج قوم في آخر الزمان، سفهاء الأحلام أحداث - أو قال: حدثاء - الأسنان، يقولون من خير قول الناس، يقرءون القرآن بألسنتهم لا يعدو تراقيهم. يمرقون من الإسلام كما يمرق السهم من الرمية. فمن أدركهم، فليقتلهم، فإن في قتلهم أجرا عظيما عند الله لمن قتلهم" (Ahmad 3831) ;
--- Anas et Abû Sa'îd al-Khud'rî ont relaté du Prophète qu'il a dit : "عمرو، قال: حدثني قتادة، عن أبي سعيد الخدري، وأنس بن مالك، عن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "سيكون في أمتي اختلاف وفرقة، قوم يحسنون القيل ويسيئون الفعل، يقرءون القرآن لا يجاوز تراقيهم، يمرقون من الدين مروق السهم من الرمية، لا يرجعون حتى يرتد على فوقه، هم شر الخلق والخليقة. طوبى لمن قتلهم وقتلوه. يدعون إلى كتاب الله وليسوا منه في شيء. من قاتلهم كان أولى بالله منهم." قالوا: يا رسول الله، ما سيماهم؟ قال: "التحليق" (Abû Dâoûd, 4765, Ahmad, 13338) ;
--- Abû Umâma a lui aussi relaté chose voisine du Prophète : "عن سيار قال: جيء برءوس من قبل العراق فنصبت عند باب المسجد، وجاء أبو أمامة فدخل المسجد فركع ركعتين، ثم خرج إليهم، فنظر إليهم فرفع رأسه فقال: "شر قتلى تحت ظل السماء" ثلاثا، "وخير قتلى تحت ظل السماء من قتلوه". وقال: "كلاب النار" ثلاثا. ثم إنه بكى، ثم انصرف عنهم، فقال له قائل: يا أبا أمامة أرأيت هذا الحديث؟ حيث قلت: كلاب النار، شيء سمعته من رسول الله صلى الله عليه وسلم أو شيء تقوله برأيك؟ قال: "سبحان الله إني إذا لجريء لو سمعته من رسول الله صلى الله عليه وسلم مرة أو مرتين"، حتى ذكر سبعا "لخلت أن لا أذكره". فقال الرجل: لأي شيء بكيت؟ قال: رحمة لهم أو من رحمتهم" (Ahmad 22151) ;
--- etc.

Ayant pris connaissance de ces hadîths et ayant réalisé plus tard que le groupe de gens s'étant regroupés à Nehrawân étaient bien ceux que le Prophète avait évoqué dans ces hadîths, Abdullâh ibn Omar a donc regretté ne pas avoir participé, aux côtés de 'Alî, à la bataille de Nehrawân contre ces gens, de sorte qu'il aurait obtenu lui aussi ces récompenses.
"قال عند الموت: "ما آسى على شيء إلا على أني لم أقاتل الطائفة الباغية مع علي رضي الله عنه"؛ يريد بذلك قتال الخوارج. وإلا فهو لم يبايع لا لعلي ولا غيره، ولم يبايع معاوية إلا بعد أن اجتمع الناس عليه؛ فكيف يقاتل إحدى الطائفتين؟ وإنما أراد المارقة التي قال فيها النبي صلى الله عليه وسلم: "تمرق مارقة على حين فرقة من الناس، يقتلهم أدنى الطائفتين إلى الحق". وهذا حدث به أبو سعيد. فلما بلغ ابن عمر قول النبي صلى الله عليه وسلم في الخوارج وأمره بقتالهم، تحسر على ترك قتالهم" (
Kitâb un-Nubuwwât, p. 193).

Qu'est-ce qui l'en avait empêché ?
Tout simplement le fait qu'il était, dès le départ, demeuré à Médine, à l'écart des différentes agitations qui voyaient alors le jour, et ne s'était nullement engagé aux côtés de 'Alî, s'étant même retenu de lui avoir fait allégeance (à cause de la forte division qui demeurait alors). C'est ce qui fit qu'il ne participa pas au combat que 'Alî mena contre les Kharijites, regroupés à Nehrawan (en Irak).

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Par ailleurs, au début de l'apparition de ce groupe, 'Alî lui-même n'était pas certain que ces gens regroupés à Nehrawân étaient bien ceux que le Prophète avait évoqués et dont il avait dit que s'il (avait affaire à) eux, il les éradiquerait.
Voyant qu'ils s'en étaient pris à des vies et à des biens, 'Alî a pensé [zann ghâlib] que c'était bien eux dont le Prophète avait parlé ("والله، إني لأرجو أن يكونوا هؤلاء القوم: فإنهم قد سفكوا الدم الحرام، وأغاروا في سرح الناس. فسيروا على اسم الله" : Muslim 1066/156 ; Abû Dâoûd, 4768 ; an-Nassâ'ï dans Al-Kub'râ, 8518).
Après la bataille de Nehrawân (ou "an-Nahr"), après avoir fait chercher et avoir trouvé parmi leurs tués l'homme correspondant à la description faite à son époque par le Prophète, 'Alî eut la confirmation, et parvint alors à la certitude - al-yaqîn -, que ces gens qu'il venait de combattre étaient bien ceux que le Prophète avait évoqués ("فقال علي رضي الله عنه: "التمسوا فيهم المخدج"، فالتمسوه فلم يجدوه. فقام علي رضي الله عنه بنفسه حتى أتى ناسا قد قتل بعضهم على بعض، قال: "أخروهمفوجدوه مما يلي الأرض. فكبر، ثم قال: "صدق الله، وبلّغ رسوله" : Muslim 1066/56 ; Abû Dâoûd, 4768 ; an-Nassâ'ï dans Al-Kub'râ, 8518). Cela alors même que, après la bataille, malgré les recherches, dans un premier temps on n'avait pas trouvé cet homme, certains parmi l'armée de 'Alî s'étaient mis à douter : "فقال علي: "اطلبوا الرجل فيهم". قال: فطلب الناس، فلم يجدوه حتى قال بعضهم: "غرنا ابن أبي طالب من إخواننا حتى قتلناهم"؛ فدمعت عين علي، قال: فدعا بدابته فركبها فانطلق حتى أتى وهدة فيها قتلى بعضهم على بعض؛ فجعل يجر بأرجلهم حتى وجد الرجل تحتهم؛ فأخبروه. فقال علي: "الله أكبر". وفرح الناس ورجعوا" (Ibn Abî Shayba, 37914). Mais quand, enfin, on trouva le corps de cet homme, 'Alî dit : "Allâhu Akbar". Il se prosterna également (Ibn Abî Shayba, 37928). Il dit alors : "Dieu a dit vrai. Et Son Messager a transmis (ce qu'il tenait de Dieu)".

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On voit qu'un même terme (ici "Bâghî"), s'appliquant à deux choses différentes selon deux intensités différentes ("le groupe de Mu'âwiya" comme "le groupe des Kharijites"), peut, dans un texte précis (ici le propos de Abdullâh ibn Omar), ne désigner qu'une seule de ces deux choses ("le groupe des Kharijites"), à l'exclusion de l'autre ("le groupe de Mu'âwiya") :

On a un autre exemple de ce phénomène avec le terme "Fitna"...

--- Alors que sévissait une Fitna entre deux groupes musulmans (les Banû Umayya et Abdullâh ibn uz-Zubayr) (il s'agit possiblement de ce que la Sunna avait nommé : "Fitnat ul-Ahlâs"), deux hommes vinrent trouver Abdullâh ibn Omar, et l'un d'eux lui demanda pourquoi il ne participait pas à la lutte armée contre Abdullâh ibn uz-Zubayr, alors que Dieu a dit : "Et combattez-les jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de Fitna" (Coran 2/193, 8/39). Ibn Omar répondit à cet homme : "Sais-tu (déjà) ce qu'est la Fitna (évoquée dans ce verset) ?" Avant de lui expliquer qu'il s'agissait des persécutions que des Polycultistes Arabes infligeaient à des musulmans, afin de les faire apostasier. Il ajouta : "Ce n'est pas comme votre lutte armée pour le pouvoir !" :
"عن نافع، عن ابن عمر رضي الله عنهما أتاه رجلان في فتنة ابن الزبير فقالا: "إن الناس صنعوا، وأنت ابن عمر وصاحب النبي صلى الله عليه وسلم، فما يمنعك أن تخرج؟" فقال: "يمنعني أن الله حرم دم أخي". فقالا: "ألم يقل الله: {وقاتلوهم حتى لا تكون فتنة}؟" فقال: "قاتلنا حتى لم تكن فتنة، وكان الدين لله. وأنتم تريدون أن تقاتلوا حتى تكون فتنة، ويكون الدين لغير الله"" (al-Bukhârî, 4243). "عن سعيد بن جبير، قال: خرج علينا عبد الله بن عمر، فرجونا أن يحدثنا حديثا حسنا، قال: فبادرنا إليه رجل فقال: "يا أبا عبد الرحمن، حدثنا عن القتال في الفتنة، والله يقول: {وقاتلوهم حتى لا تكون فتنة}." فقال: "هل تدري ما الفتنة، ثكلتك أمك؟ إنما كان محمد صلى الله عليه وسلم يقاتل المشركين وكان الدخول في دينهم فتنة. وليس كقتالكم على الملك" (al-Bukhârî, 6682).

--- La même déduction avait eu lieu de la part d'un homme venu faire la même interpellation à Sa'd ibn Waqqâs, sur la base du même verset, cette fois possiblement au sujet de ce que la Sunna avait nommé : "al-Fitnat ullatî tamûju ka mawj il-ba'hr" ; Sa'd lui avait fait la même réponse que Ibn Omar devait faire plus tard : il n'y avait alors pas, dans le réel, le même type de Fitna que celui évoqué dans le verset : "قال سعد: "وأنا والله لا أقتل مسلما حتى يقتله ذو البطين" - يعني أسامة. قال: قال رجل: "ألم يقل الله: {وقاتلوهم حتى لا تكون فتنة ويكون الدين كله لله}؟" فقال سعد: "قد قاتلنا حتى لا تكون فتنة. وأنت وأصحابك تريدون أن تقاتلوا حتى تكون فتنة" (Muslim, 96).
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On voit ici que malgré qu'il y avait bien une Fitna dans le réel, celle-ci n'était pas la Fitna énoncée dans les versets 2/193 et 8/39.
La communauté de nom chez deux choses ne suffit pas toujours à entraîner l'application du même hukm à ces deux choses.

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II) Concernant le célèbre hadîth où le Prophète (sur lui soit la paix) avait annoncé : "Il en est parmi vous qui combattra concernant l'interprétation de ce Coran, comme j'ai combattu concernant le fait qu'il a été descendu (de Dieu)", avant de révéler qu'il s'agit de celui qui était alors en train de recoudre la sandale (soit 'Alî) :

Il s'agit de nouveau du combat que 'Alî dut mener contre les Kharijites.

"عن أبيه قال: سمعت أبا سعيد الخدري يقول: كنا جلوسا ننتظر رسول الله صلى الله عليه وسلم، فخرج علينا من بعض بيوت نسائه، قال: فقمنا معه، فانقطعت نعله، فتخلف عليها علي يخصفها، فمضى رسول الله صلى الله عليه وسلم ومضينا معه ثم قام ينتظره، وقمنا معه، فقال: "إن منكم من يقاتل على تأويل هذا القرآن، كما قاتلت على تنزيله". فاستشرفنا وفينا أبو بكر وعمر. فقال: "لا، ولكنه خاصف النعل"؛ يعني عليا رضي الله. قال: فجئنا نبشره، قال: وكأنه قد سمعه" (Ahmad, 11289, 11773 ; Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 2487).
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Cela tombe sous le sens : ce sont bien les Kharijites qui avaient des déviances dans l'interprétation du Coran ; et pas 'Aïcha, Tal'ha, az-Zubayr, Mu'âwiya et 'Amr ibn ul-'Âs !
D'où ces termes du Prophète (sur lui soit la paix) :
"combattra concernant l'interprétation de ce Coran" : "يقاتل على تأويل هذا القرآن".
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Ibn Abbâs n'avait-il pas évoqué la mauvaise compréhension que les Kharijites avaient des versets
Mutashâbih du Coran : "عن ابن طاوس، عن أبيه، عن ابن عباس، أنه ذكر ما يلقى الخوارج عند القرآن فقال: "يؤمنون عند محكمه، ويهلكون عند متشابهه" (Ibn Abî Shayba, 37902).
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C'est cette mauvaise interprétation de certains versets coraniques qui fut la base de l'attaque que les Kharijites firent des autres musulmans. Ibn Omar l'avait dit : "وكان ابن عمر يراهم شرار خلق الله، وقال: "إنهم انطلقوا إلى آيات نزلت في الكفار فجعلوها على المؤمنين" (cité ta'lîqan par al-Bukhârî) ; "وصله الطبري في مسند علي من تهذيب الآثار من طريق بكير بن عبد الله بن الأشج أنه سأل نافعا: "كيف كان رأي ابن عمر في الحرورية؟" قال: "كان يراهم شرار خلق الله. انطلقوا إلى آيات الكفار فجعلوها في المؤمنين". قلت: وسنده صحيح" (Fat'h ul-bârî).

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Ash-Shâtibî cite cette question que Omar ibn ul-Khattâb se posa un jour : "Comment cette Umma pourra-t-elle se diviser alors que son prophète est le même et sa qibl'a est la même ?", à qui Ibn Abbâs proposa cette réponse : "Chef des croyants, le Coran avait été descendu sur nous, nous l'avons lu et avons su au sujet de quoi (tel verset) est descendu. Après nous il y aura des gens qui liront le Coran et ne sauront pas au sujet de quoi (tel verset) est descendu ; ils auront un avis personnel à son sujet ; lorsqu'ils auront cet avis personnel, ils se diviseront, et lorsqu'ils se diviseront ils se combattront". Ash-Shâtibî cite cela pour illustrer l'importance de connaître les causes de révélation de certains versets : "الجهل بأسباب التنزيل مُوْقِعٌ في الشبه والإشكالات، ومُوْرِدٌ للنصوص الظاهرة مَوْرِدَ الإجمال حتى يقع الاختلاف، وذلك مظنة وقوع النزاع. ويوضح هذا المعنى ما روى أبو عبيد عن إبراهيم التيمي، قال: خلا عمر ذات يوم، فجعل يحدث نفسه: "كيف تختلف هذه الأمة ونبيها واحد، وقبلتها واحدة؟" فأرسل إلى ابن عباس، فقال: "كيف تختلف هذه الأمة ونبيها واحد وقبلتها واحدة؟" فقال ابن عباس: "يا أمير المؤمنين! إنا أنزل علينا القرآن فقرأناه، وعلمنا فيما نزل، وإنه سيكون بعدنا أقوام يقرءون القرآن ولا يدرون فيما نزل، فيكون لهم فيه رأي، فإذا كان لهم فيه رأي اختلفوا، فإذا اختلفوا اقتتلوا." قال: فزجره عمر وانتهره؛ فانصرف ابن عباس. ونظر عمر فيما قال؛ فعرفه. فأرسل إليه، فقال: أَعِدْ عليَّ ما قلتَ." فأعاده عليه؛ فعرف عمر قوله وأعجبه". وما قاله صحيح في الاعتبار. ويتبين بما هو أقرب؛ فقد روى ابن وهب عن بكير أنه سأل نافعا: كيف كان رأي ابن عمر في الحرورية؟ قال: "يراهم شرار خلق الله، إنهم انطلقوا إلى آيات أنزلت في الكفار فجعلوها على المؤمنين". فهذا معنى الرأي الذي نبه ابن عباس عليه، وهو الناشئ عن الجهل بالمعنى الذي نزل فيه القرآن" (Al-Muwâfaqât, 2/311)

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Conformément au hadîth sus-cité concernant celui qui recoud la sandale, 'Alî ibn Abî Tâlib (que Dieu l'agrée) fut donc celui qui combattit ces Kharijites par rapport à la fausse interprétation qu'ils firent de ces versets, lorsqu'ils donnèrent à cette interprétation une suite concrète dans le réel, tuant et pillant d'autres musulmans.

Et c'est bien ainsi que al-Baghawî a commenté ce hadîth (Shar'h us-sunna, n° 2557), l'ayant inséré dans "باب قتال الخوارج والملحدين".
C'est également ainsi que at-Tahâwî l'a commenté (Shar'hu Mushkil il-âthâr, numéros 4058-4061).

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At-Tahâwî a distingué ce hadîth de l'autre hadîth relaté par 'Alî lui-même, qui contenait une menace adressée aux Quraysh suite au propos de Suhayl ibn 'Amr, et qui, pour sa part, a été prononcé non pas à Médine mais lors de Sul'h ul-Hudaybiya (qui est rapporté par at-Tahawî au numéro 4053, par at-Tirmidhî au numéro 3715, et cité dans la Silsila Sahîha en 5/642-643) : cette menace-là, dit at-Tahâwî, n'a pour sa part pas été appliquée (cf. Shar'h Mushkil il-âthâr) : "عن ربعي بن حراش قال: حدثنا علي بن أبي طالب بالرحبة، قال: "لما كان يوم الحديبية خرج إلينا ناس من المشركين فيهم سهيل بن عمرو وأناس من رؤساء المشركين، فقالوا: "يا رسول الله خرج إليك ناس من أبنائنا وإخواننا وأرقائنا وليس لهم فقه في الدين، وإنما خرجوا فرارا من أموالنا وضياعنا فارددهم إلينا. فإن لم يكن لهم فقه في الدين سنفقههم". فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "يا معشر قريش لتنتهن أو ليبعثن الله عليكم من يضرب رقابكم بالسيف على الدين. قد امتحن الله قلوبهم على الإيمان". قالوا: "من هو يا رسول الله؟" فقال له أبو بكر: "من هو يا رسول الله؟" وقال عمر: "من هو يا رسول الله؟" قال: "هو خاصف النعل". وكان أعطى عليا نعله يخصفها". قال: ثم التفت إلينا علي فقال: "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "من كذب علي متعمدا فليتبوأ مقعده من النار" (at-Tirmidhî, 3715).

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III) Des différences entre la bataille de Nehrawan contre les Kharijites, et les batailles de Jamal et de Siffîn :

Dans la Sunna, on trouve annonce du fait que 'Alî combattrait les Kharijites, et on trouve aussi ordre de les combattre. Par contre, on y trouve annonce de la bataille de Jamal, ainsi qu'annonce de la bataille de Siffîn, mais pas ordre de mener ces batailles (on trouve au contraire éloge de celui qui mettrait fin au désaccord perdurant après la bataille de Siffîn) :

--- Voici la prophétie annonçant que ce combat contre les Kharijites aurait lieu : "عن أبي سعيد الخدري، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "تمرق مارقة عند فرقة من المسلمين، يقتلها أولى الطائفتين بالحق" (Muslim, 1064/150). "ويخرجون على حين فرقة من الناس" (al-Bukhârî, 3414 etc., Muslim, 1064/148). Et voici l'ordre de mener ce combat : "عن سويد بن غفلة، قال: قال علي رضي الله عنه: إذا حدثتكم عن رسول الله صلى الله عليه وسلم، فلأن أخر من السماء أحب إلي من أن أكذب عليه. وإذا حدثتكم فيما بيني وبينكم، فإن الحرب خدعة. سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "يأتي في آخر الزمان قوم حدثاء  الأسنان، سفهاء الأحلام، يقولون من خير قول البرية، يمرقون من الإسلام كما يمرق السهم من الرمية، لا يجاوز إيمانهم حناجرهم. فأينما لقيتموهم فاقتلوهم، فإن قتلهم أجر لمن قتلهم يوم القيامة" (al-Bukhârî, 3415, Muslim, 1066/154). "يقتلون أهل الإسلام ويدعون أهل الأوثان، لئن أنا أدركتهم لأقتلنهم قتل عاد" (al-Bukhârî, 3166, Muslim, 1066/143). Plus haut vous avez déjà lu que le Prophète avait promis une récompense dans l'autre monde à ceux qui, à l'époque de 'Alî, prendraient les armes contre les Kharijites. Et 'Alî a cité ce hadîth pour justifier le combat qu'il a mené contre eux.

--- Dans la Sunna on trouve annonce de la marche de Aïcha : "عن قيس بن أبي حازم، قال: لما أقبلت عائشة بلغت مياه بني عامر ليلا نبحت الكلاب، قالت: "أي ماء هذا؟" قالوا: "ماء الحوأب"، قالت: "ما أظنني إلا أني راجعة". فقال بعض من كان معها: "بل تقدمين فيراك المسلمون، فيصلح الله عز وجل ذات بينهم"، قالت: "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال لنا ذات يوم: "كيف بإحداكن تنبح عليها كلاب الحوأب؟" (Ahmad, 24254), ainsi que du combat de Jamal : "عن ابن عباس، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أيتكن صاحبة الجمل الأدبب، يقتل حولها قتلى كثيرة تنجو بعد ما كادت؟" (Ibn Abî Shayba, 37785). Par contre, on ne trouve pas ordre de marcher contre le groupe de Aïcha. Au contraire, questionné par Qays au sujet de la marche qu'il a entreprise [vers l'Irak, pour ramener le groupe de Aïcha, Talh'a et az-Zubayr] : a-t-elle comme source un dire du Prophète, ou bien un avis personnel, 'Alî répondit : "Le Messager de Dieu ne m'avait rien enjoint à ce sujet ; ce n'est qu'un avis personnel" : "عن قيس بن عباد، قال: قلت لعلي رضي الله عنه: "أخبرنا عن مسيرك هذا: أعهدٌ عهده إليك رسول الله صلى الله عليه وسلم، أم رأي رأيته؟" فقال: "ما عهد إلي رسول الله صلى الله عليه وسلم بشيء، ولكنه رأي رأيته" (Abû Dâoûd, 4666).

--- De même, on lit l'annonce de la bataille de Siffîn : "عن أبي هريرة رضي الله عنه، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "لا تقوم الساعة حتى يقتتل فئتان، فيكون بينهما مقتلة عظيمة، دعواهما واحدة" (al-Bukhârî, 3413, avec FB 6/753, Muslim, 157). "عن أبي سعيد الخدري، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "تمرق مارقة عند فرقة من المسلمين، يقتلها أولى الطائفتين بالحق" (Muslim, 1064/150). Par contre, questionné par Qays au sujet du fait qu'il s'était joint à 'Alî pour aller combattre Mu'âwiya [afin de le faire rentrer sous son autorité], est-ce que le Prophète le lui avait enjoint, 'Ammâr répondit : "Le Messager de Dieu ne nous avait rien enjoint qu'il n'ait enjoint à tous les hommes" : "عن قيس، قال: قلت لعمار: "أرأيتم صنيعكم هذا الذي صنعتم في أمر عليّ: أرأيا رأيتموه؟ أو شيئا عهده إليكم رسول الله صلى الله عليه وسلم؟" فقال: "ما عهد إلينا رسول الله صلى الله عليه وسلم شيئا لم يعهده إلى الناس كافة، ولكن حذيفة أخبرني عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: قال النبي صلى الله عليه وسلم: "في أصحابي اثنا عشر منافقا؛ فيهم ثمانية لا يدخلون الجنة حتى يلج الجمل في سم الخياط، ثمانية منهم تكفيكهم الدبيلة؛ وأربعة" لم أحفظ ما قال شعبة فيهم" (Muslim, 2779/9). "عن قيس بن عباد، قال: قلنا لعمار: "أرأيت قتالكم، أرأيا رأيتموه - فإن الرأي يخطئ ويصيب -؟ أو عهدا عهده إليكم رسول الله صلى الله عليه وسلم؟" فقال: "ما عهد إلينا رسول الله صلى الله عليه وسلم شيئا لم يعهده إلى الناس كافة"، وقال: "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "إن في أمتي" قال شعبة: وأحسبه قال: "حدثني حذيفة"، وقال غندر: أراه قال: "في أمتي اثنا عشر منافقا لا يدخلون الجنة ولا يجدون ريحها حتى يلج الجمل في سم الخياط؛ ثمانية منهم تكفيكهم الدبيلة، سراج من النار يظهر في أكتافهم، حتى ينجم من صدورهم" (Muslim, 2779/10).
Au contraire, on voit le Prophète faire les éloges de son petit-fils, qui mettrait fin à la dissension qui avait pris place entre le groupe de 'Alî et le groupe de Mu'âwiya : Un jour, alors que le Prophète (sur lui soit la paix) faisait un sermon, al-Hassan, encore enfant, était apparu ; le Prophète avait alors dit de son petit-fils : "Mon fils que voici est un chef. Et peut-être que Dieu réconciliera par son intermédiaire deux grands groupes de musulmans" : "فقال الحسن: ولقد سمعت أبا بكرة يقول: رأيت رسول الله صلى الله عليه وسلم على المنبر والحسن بن علي إلى جنبه، وهو يقبل على الناس مرة، وعليه أخرى، ويقول: "إن ابني هذا سيد، ولعل الله أن يصلح به بين فئتين عظيمتين من المسلمين" (al-Bukhârî 2704, 3629, 3746, 7109, at-Tirmidhî 3775, Abû Dâoûd 4662, FB 13/77).

Si combattre Mu'âwiya dès le départ (quand il était seulement Bâghî 'an il-amîr) était chose obligatoire, le Prophète n'aurait pas fait les éloges de al-Hassan parce qu'il mettrait fin à ce litige, se désistant de son droit au profit de ce même Mu'âwiya !
Certes, al-Hassan n'était pas dans le même cas de figure que son père 'Alî : ce dernier était le calife en droit ; tandis que, lorsque al-Hassan fut nommé calife par les gens d'Irak (en ramadan 40), Mu'âwiya se proclamait déjà calife et avait acquis une autorité
de facto sur un certain nombre de régions.
Cependant, vu que cette proclamation par Mu'âwiya, concomitante au califat de 'Alî,
n'avait pas été suivie par toutes les régions de la Dâr ul-islâm, al-Hassan était dans son droit, lui qui avait été désigné calife par les autres régions (il n'était donc pas dans le cas visé par ces hadîths : "عن أبي سعيد الخدري، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إذا بويع لخليفتين، فاقتلوا الآخر منهما" : Muslim, 1853 ; "وسيكون خلفاء. فيكثرون". قالوا: فما تأمرنا؟ قال: "فوا ببيعة الأول فالأول" : al-Bukhârî, 3268, Muslim, 1842).
Mais al-Hassan se désista de ce droit en rabî' ul-awwal / rabî' al-âkhir / jumâdâ al-ûlâ de l'an 41, et ce pour réaliser la concorde entre les musulmans ; ce que, d'ailleurs, certaines personnes d'Irak lui reprochèrent vivement).
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De plus, on a dans cette noble action de al-Hassan ibn 'Alî la preuve que celui-ci ne considérait nullement Mu'âwiya comme un
Munâfiq : car si c'était le cas, il ne se serait jamais désisté du califat pour remettre à pareille personne l'autorité califale sur la Dâr ul-islâm...

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--- Quant aux hadîths attribués à la relation de Abû Ayyûb, dans laquelle on lit ceci : "عن عقاب بن ثعلبة، حدثني أبو أيوب الأنصاري، في خلافة عمر بن الخطاب رضي الله عنه قال: "أمر رسول الله صلى الله عليه وسلم علي بن أبي طالب بقتال الناكثين، والقاسطين، والمارقين" (al-Hâkim, 4674), à la relation de Abû Sa'îd, à la relation de Ibn Mas'ûd, enfin à la relation de 'Alî, dans laquelle on lit le même propos (et parfois ce commentaire de la part de 'Alî : "فأما القاسطون، فأهل الشام. وأما الناكثون، فذكرهم. وأما المارقون، فأهل النهروان"), ils ne sont pas authentiques (Ibn Kathîr : BN 7/330-334 ; voir aussi Silsilat ul-ahâdîth idh-dha'îfa wa-l-mawdhû'a, n° 4907, 10/557-567).

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Dans les propos de 'Alî lui-même, on trouve une grande différence entre la perception qu'il avait du combat qu'il a mené contre les Kharijites, et celle qu'il avait du combat qu'il a mené contre les gens de al-Jamal puis contre ceux de Shâm :

----- Au sujet du combat contre les Kharijites (l'événement de an-Nahr), il a dit à ses compagnons d'armes de ce jour-là : "Si (je n'avais la crainte) que vous deveniez fiers, je vous relaterais ce que, par le biais de la parole de Muhammad - que Dieu le rapproche de Lui et le salue -, Dieu a promis à ceux qui les tueraient" : "لولا أن تبطروا، لحدثتكم بما وعد الله الذين يقتلونهم على لسان محمد صلى الله عليه وسلم" (Muslim, 1066/155). "عن سلمة بن كهيل، حدثني زيد بن وهب الجهني، أنه كان في الجيش الذين كانوا مع علي رضي الله عنه، الذين ساروا إلى الخوارج، فقال علي رضي الله عنه: "أيها الناس إني سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "يخرج قوم من أمتي يقرءون القرآن، ليس قراءتكم إلى قراءتهم بشيء، ولا صلاتكم إلى صلاتهم بشيء، ولا صيامكم إلى صيامهم بشيء، يقرءون القرآن يحسبون أنه لهم وهو عليهم، لا تجاوز صلاتهم تراقيهم. يمرقون من الإسلام كما يمرق السهم من الرمية. لو يعلم الجيش الذين يصيبونهم، ما قضي لهم على لسان نبيهم صلى الله عليه وسلم، لاتكلوا عن العمل. وآية ذلك أن فيهم رجلا له عضد، وليس له ذراع، على رأس عضده مثل حلمة الثدي، عليه شعرات بيض". فتذهبون إلى معاوية وأهل الشام وتتركون هؤلاء يخلفونكم في ذراريكم وأموالكم؟ والله، إني لأرجو أن يكونوا هؤلاء القوم، فإنهم قد سفكوا الدم الحرام، وأغاروا في سرح الناس. فسيروا على اسم الله". قال سلمة بن كهيل: فنزلني زيد بن وهب منزلا. حتى قال: مررنا على قنطرة، فلما التقينا وعلى الخوارج يومئذ عبد الله بن وهب الراسبي، فقال لهم: ألقوا الرماح، وسلوا سيوفكم من جفونها، فإني أخاف أن يناشدوكم كما ناشدوكم يوم حروراء، فرجعوا فوحشوا برماحهم، وسلوا السيوف، وشجرهم الناس برماحهم، قال: وقتل بعضهم على بعض. وما أصيب من الناس يومئذ إلا رجلان. فقال علي رضي الله عنه: "التمسوا فيهم المخدج"، فالتمسوه فلم يجدوه، فقام علي رضي الله عنه بنفسه حتى أتى ناسا قد قتل بعضهم على بعض، قال: "أخروهمفوجدوه مما يلي الأرض، فكبر، ثم قال: "صدق الله، وبلغ رسوله". قال: فقام إليه عبيدة السلماني، فقال: يا أمير المؤمنين، ألله الذي لا إله إلا هو، لسمعت هذا الحديث من رسول الله صلى الله عليه وسلم؟ فقال: إي، والله الذي لا إله إلا هو، حتى استحلفه ثلاثا، وهو يحلف له" (Muslim 1066/156).

----- Par contre, le jour de al-Jamal, voyant la bataille, il dit : "Ô Dieu, ce n'est pas cela que j'ai voulu. Ô Dieu, ce n'est pas cela que j'ai voulu" : "المحاربي، عن ليث، قال حدثني حبيب بن أبي ثابت، أن عليا قال يوم الجمل: اللهم ليس هذا أردت. اللهم ليس هذا أردت" (Ibn Abî Shayba, 37852). Alors que la bataille faisait rage le jour de al-Jamal, il dit à son fils : "Ô Hassan, j'aurais aimé être mort 20 années avant cela" : "عن أبي الضحى، قال: قال سليمان بن صرد الخزاعي للحسن بن علي: "أعذرني عند أمير المؤمنين، فإنما منعني من يوم الجمل كذا وكذا." قال: فقال الحسن: "لقد رأيته حين اشتد القتال يلوذ بي ويقول: "يا حسن، لوددت أني مت قبل هذا بعشرين حجة" (Ibn Abî Shayba, 37835). Abû Sâlih relate le même propos de 'Alî : "عن أبي صالح، قال: قال علي يوم الجمل: "وددت أني كنت مت قبل هذا بعشرين سنة" (Ibn Abî Shayba, 37824). Ayant trouvé, après la bataille, le corps de Tal'ha, 'Alî le mit en position assise, essuya de son visage la terre, puis se tourna vers al-Hassan et dit : "J'aurais aimé être mort avant cela" : "ابن إدريس، عن ليث، عن طلحة بن مصرف، أن عليا أجلس طلحة يوم الجمل ومسح عن وجهه التراب، ثم التفت إلى حسن فقال: "إني وددت أني مت قبل هذا" (Ibn Abî Shayba, 37796). Ayant également trouvé après la bataille le corps de Muhammad ibn Talh'a, dit as-Sajjâd, 'Alî en fut aussi affecté, et son fils al-Hassan lui dit alors : "Ô mon père, je t'avais dit de ne pas entreprendre cette marche. Mais Untel et Untel ont eu le dessus dans ta prise de décision" : "وروينا عن محمد بن حاطب قال: لما فرغنا من قتال يوم الجمل قام علي بن أبي طالب، والحسن بن علي، وعمار بن ياسر، وصعصعة بن صوحان، والأشتر، ومحمد بن أبي بكر، يطوفون في القتلى. فأبصر الحسن بن علي قتيلا مكبوبا على وجهه، فأكبه على قفاه، فقال: "إنا لله وإنا إليه راجعون! هذا فرع قريش، والله". فقال له أبوه: "ومن هو يا بني؟" فقال: "محمد بن طلحة". فقال: "إنا لله وإنا راجعون! إن كان - ما علمته - لشابا صالحا"، ثم قعد كثيبا حزينا. فقال له الحسن: "يا أبت، قد كنت أنهاك عن هذا المسير، فغلبك على رأيك فلان وفلان". قال: "قد كان ذلك يا بني. فلوددت أني مت قبل هذا بعشرين سنة" (Al-Istî'âb, Ibn Abd il-Barr).
(Il est à noter que Aïcha - que Dieu l'agrée - regretta pour sa part avoir fait cette marche : Ibn Abî Shayba, 37811, 37818.)

----- De même, retourné de Siffîn, 'Alî dit : "Ô les gens, ne détestez pas (l'existence de) l'émirat de Mu'âwiya ; car s'il venait à disparaître, vous verriez des têtes voler de leurs épaules, comme des coloquintes" : "عن الحارث، قال: لما رجع علي من صفين، علم أنه لا يملك أبدا، فتكلم بأشياء كان لا يتكلم بها، وحدث بأحاديث كان لا يتحدث بها. فقال فيما يقول: "أيها الناس، لا تكرهوا إمارة معاوية، والله لو قد فقدتموه لقد رأيتم الرؤوس تندر من كواهلها كالحنظل" (Ibn Abî Shayba, 37854) (voir aussi Dalâ'ïl un-nubuwwa, al-Bayhaqî) (MS 3/283). De même, questionné au sujet de ceux qui furent tués à Siffîn, Alî dit : "Nos tués et leurs tués seront dans le Paradis. Et l'affaire reviendra (auprès de Dieu) à moi et à Mu'âwiya" : "عن يزيد بن الأصم، قال: سئل علي عن قتلى يوم صفين، فقال: "قتلانا وقتلاهم في الجنة. ويصير الأمر إِلَيّ وإِلَى معاوية" (Ibn Abî Shayba, 37880).

----- Après ce qu'il advint de l'arbitrage faisant suite à Siffîn, 'Alî fit l'éloge de la position adoptée par Sa'd ibn Abî Waqqâs et Abdullâh ibn Omar (lesquels étaient demeurés à l'écart des deux batailles de Jamal et de Siffîn) : "A Dieu revient (la faveur de) la position que Sa'd ibn Mâlik et de Abdullâh ibn Omar ont adoptée : par Dieu, si (leur position) est un péché, alors c'en est un petit, qui est pardonné ; et si elle est une bonne action, alors elle est grande, remerciée" : "حدثنا الحسن بن علي الطوسي، حدثنا الزبير بن بكار، حدثني يحيى بن محمد بن الضحاك الحزامي، عن أبيه، قال: قام علي بن أبي طالب رضي الله عنه على منبر الكوفة حين اختلف الحكمان، فقال: "قد كنت نهيتكم عن هذه الحكومة فعصيتموني". فقام إليه فتى آدم فقال: "إنك والله ما نهيتنا، ولكنك أمرتنا ودمرتنا. فلما كان فيها ما تكره، برأت نفسك ونحلتنا ذنبك". فقال له علي رضي الله عنه: "وما أنت وهذا الكلام، قبحك الله. والله لقد كانت الجماعة، فكنت فيها خاملا؛ فلما ظهرت الفتنة، نجمت فيها نجوم قرن الماعزة". ثم التفت إلى الناس، فقال: "لله منزل نزله سعد بن مالك وعبد الله بن عمر، والله لئن كان ذنبا إنه لصغير مغفور، ولئن كان حسنا إنه لعظيم مشكور" (Al-Mu'jam al-kabîr, at-Tabarânî, 319). Ce n'est pas l'arbitrage lui-même que 'Alî dit ici avoir refusé (puisqu'il était au contraire d'accord avec l'arrêt des combats et la tenue dudit arbitrage), mais le fait que ce soit Abû Mûssâ al-Ash'arî qui l'y représente ; en effet, il avait proposé d'autres noms, mais ses partisans lui avaient "imposé" Abû Mûssâ (cf. BN 7/299). Or 'Alî savait bien que Abû Mûssâ était opposé à la gestion qu'il avait faite des deux crises avec les Bughât (que Dieu agrée tous les Compagnons de Son Messager).
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Cela alors même que 'Alî (que Dieu l'agrée) a dit par ailleurs qu'il n'éprouverait aucun regret suite à la grave conséquence non-voulue que l'application de toute sanction instituée par Dieu ou Son Messager entraînerait ; et que ce n'est par rapport à ce genre de grave conséquence non-voulue qu'entraînerait l'application d'une sanction proposée par lui qu'il éprouverait du regret : "عن عمير بن سعيد، عن علي قال: "ما كنت أقيم على أحد حدا فيموت فيه فأجد منه في نفسي؛ إلا صاحب الخمر، لأنه إن مات وديته، لأن رسول الله صلى الله عليه وسلم لم يَسُنّه" (al-Bukhârî 6396, Muslim 1707). Apparemment Alî parle ici du nombre "80" : il voulait dire que le Prophète n'a pas institué ce nombre 80 ; le fait est que ce même 'Alî a dit par ailleurs que le Prophète avait appliqué 40 : "جلد النبي صلى الله عليه وسلم أربعين، وجلد أبو بكر أربعين، وعمر ثمانين، وكل سنة؛ وهذا أحبّ إليّ" (Muslim, 1707) ; alors même que c'est lui qui avait proposé à Omar ibn ul-Khattâb ce nombre 80 : "عن ثور بن زيد الديلي أن عمر بن الخطاب استشار في الخمر يشربها الرجل. فقال له علي بن أبي طالب: "نرى أن نجلده ثمانين؛ فإنه إذا شرب سكر، وإذا سكر هذي، وإذا هذي افترى" أو كما قال. فجلد عمر في الحد ثمانين" (Muwatta' Mâlik).
C'est là une preuve supplémentaire que, si 'Alî a regretté ce que les Batailles de Jamal et de Siffîn ont entraîné, c'est qu'il est allé mener ces batailles de Jamal et de Siffîn sur la base d'un ijtihâd personnel, et non pas sur l'indication d'un texte clair.

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----- Les Kharijites vaincus par lui et ses hommes, Alî les réduisit à l'état d'esclaves : "عن الحكم، أن عليا قسم بين أصحابه رقيق أهل النهر ومتاعهم كله" (Ibn Abî Shayba, 37935) ; "عن الحكم، قال: خمس علي أهل النهر" (Ibn Abî Shayba, 37934) (Ibn Omar était pour sa part d'avis que cela n'est pas à partager : 37936).

----- Par contre, les captifs des gens de al-Jamal vaincus, Alî refusa qu'ils soient réduits à l'état d'esclaves (Ibn Abî Shayba, 37780) : il ne partagea que les bêtes et les armes gagnées sur les vaincus (37820, 37797, 37764, 37765, 37789).

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Dans un rêve fait par un élève de Abdullâh ibn Mas'ûd, on trouve aussi une différence entre les Kharijites d'un côté, et les gens de Siffîn de l'autre :

Cet élève de Ibn Mas'ûd, 'Amr ibn Shurahbîl, vit en rêve que tels et tels hommes, tués lors de la bataille de Siffîn, les uns parmi le groupe de Mu'âwiya, et les autres parmi le groupe de 'Alî, étaient au Paradis ; puis il s'entendit dire que les Kharijites tués à an-Nahr étaient dans une difficulté dans l'autre monde :
"عن أبي وائل، قال: رأى في المنام أبو ميسرة عمرو بن شرحبيل - وكان من أفضل أصحاب عبد الله - قال: "رأيت كأني أدخلت الجنة؛ فرأيت قبابا مضروبة، فقلت: "لمن هذه؟" فقيل: "هذه لذي الكلاع وحوشب" - وكانا ممن قتل مع معاوية يوم صفين -؛ قال: قلت: "فأين عمار وأصحابه؟" قالوا: "أمامك"؛ قلت: "وكيف وقد قتل بعضهم بعضا؟" قال: قيل: "إنهم لقوا الله فوجدوه واسع المغفرة". قال: فقلت: "فما فعل أهل النهر؟" قال: "فقيل: "لقوا برحا" (Ibn Abî Shayba, 37844).

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Quelques autres personnages :

--- Abû Ayyûb al-Ansârî (que Dieu l'agrée) ne participa pas à Siffîn ; par contre, il participa à la bataille contre les Kharijites : "شبابة قال: حدثنا شعبة، قال: سألت الحكم: "هل شهد أبو أيوب صفين؟" قال: "لا. ولكن شهد يوم النهر" (Ibn Abî Shayba, 37879).

--- Sahl ibn Hunayf (que Dieu l'agrée), qui était aux côtés de 'Alî, dira à ceux qui refusèrent l'arrêt des combats à Siffîn que, auparavant, chaque fois que lui et les siens avaient dû combattre, cela avait débouché sur quelque chose de positif, mais que, cette fois, "nous n'obturons pas un côté sans qu'un autre côté jaillit sur nous : nous ne savons pas comment le résoudre" ; il a dit cela pour appuyer le bien-fondé de l'arrêt de ce combat, et l'acceptation par 'Alî de l'arbitrage : "عن أبي وائل، قال كنا بصفين، فقام سهل بن حنيف، فقال: "أيها الناس اتهموا أنفسكم" (al-Bukhârî, 3011) ; "عن أبي وائل قال: لما قدم سهل بن حنيف من صفين أتيناه نستخبره، فقال: "اتهموا الرأي، فلقد رأيتني يوم أبي جندل ولو أستطيع أن أرد على رسول الله صلى الله عليه وسلم أمره لرددت، والله ورسوله أعلم. وما وضعنا أسيافنا على عواتقنا لأمر يفظعنا إلا أسهلن بنا إلى أمر نعرفه، قبل هذا الأمر: ما نسد منها خصما إلا انفجر علينا خصم، ما ندري كيف نأتي له" (al-Bukhârî, 3953) (Muslim, 1785).

--- Abû Wâ'ïl (qui est un Tâbi'î Mukhadh'ram) dit pour sa part : "J'ai participé à Siffîn. Et combien mauvais fut Siffîn" : "وقال أبو وائل: "شهدت صفين، وبئست صفون" (al-Bukhârî, 6878).

--- Suwayd ibn ul-Hârith, qui participa à la bataille de al-Jamal, dit : "Ah, si je n'avais pas participé !" : "غندر، عن شعبة، عن عمرو بن مرة، قال: سمعت سويد بن الحارث، قال: "لقد رأيتنا يوم الجمل وإن رماحنا ورماحهم لمتشاجرة؛ ولو شاءت الرجال لمشت عليهم؛ يقولون: الله أكبر، ويقولون: سبحان الله الله أكبر، ويقولون: ليس فيها شك. وليتني لم أشهد!" ويقول عبد الله بن سلمة: "ولكني ما سرني أني لم أشهد. ولوددت أن كل مشهد شهده علي شهدته" (Ibn Abî Shayba, 37769) (tandis que Abdullâh ibn Salima, lui, exprima son contentement d'avoir participé aux batailles de Jamal et de Siffîn : "عن عبد الله بن سلمة، قال - وقد كان شهد مع علي الجمل وصفين - وقال: "ما يسرني بهما كل ما على وجه الأرض" : Ibn Abî Shayba, 37924).

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Abdullâh ibn Omar lui-même a fait une différence entre le cas des Kharijites et le cas des batailles liées au Bagh'y Mujarrad 'an il-amîr :

--- Abdullâh ibn Omar n'a participé à aucune bataille liée à l'autorité : ni à l'époque de 'Alî, ni, plus tard, à l'époque de Abdullâh ibn uz-Zubayr. A l'époque du califat de Yazîd, quand les gens de Médine récusèrent son autorité, Ibn Omar fut opposé à cela, et resta fidèle à l'allégeance qu'il lui avait faite.

--- Par contre, Abdullâh ibn Omar lui-même faillit devoir plus tard combattre un autre groupe de Kharijites, menés par Najda ibn 'Amîr al-Hanafî, un kharijite. Najda avait conquis al-Yamâma et agrandissait sa dawla. Or, en l'an 68 ou 69, après avoir accompli le pèlerinage à La Mecque, il eut l'intention de conquérir Médine. Apprenant cela et sachant qu'il faisait des captives parmi les femmes et tuait des enfants chez ses vaincus, Ibn Omar se prépara à le repousser par les armes, et exhorta les Médinois à le faire : "عن نافع، قال: لما سمع ابن عمر بنجدة قد أقبل وأنه يريد المدينة وأنه يسبي النساء ويقتل الولدان، قال: "إذا لا ندعه وذلك"؛ وهمّ بقتاله وحرض الناس. فقيل له: "إن الناس لا يقاتلون معك، ونخاف أن تترك وحدك". فتركه" (Ibn Abî Shayba, 37887) (voir aussi 37912).
Mais ensuite Najda se détourna de Médine : "وحج نجدة سنة ثمان وستين، وقيل سنة تسع وستين، وهو في ثمانمائة وستين رجلا، وقيل في ألفي رجل وستمائة رجل. وصالح ابن الزبير على أن يصلي كل واحد بأصحابه ويقف بهم ويكف بعضهم عن بعض. فلما صدر نجدة عن الحج، سار إلى المدينة. فتأهب أهلها لقتاله، وتقلد عبد الله بن عمر سيفا. فلما كان نجدة بنخل أخبر بلبس ابن عمر السلاح، فرجع إلى الطائف" (Al-Kâmil fi-t-ta'rîkh, Ibn ul-Athîr).

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'Alî a fait montre d'une grande mansuétude vis-à-vis des gens de Shâm lors de la bataille de Siffîn :

Il leur a laissé accès à l'eau, alors que c'est lui qui en avait le contrôle (Ibn Abî Shayba, 37850).

Il a accepté l'arrêt des combats et l'arbitrage, proposés par les gens de Shâm, alors qu'il était arrivé à dominer la bataille à Siffîn.

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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Que Dieu agrée tous les Compagnons de Son dernier Prophète.

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A lire après cet article :

--- La question du choix du dirigeant. Et si le choix concret diffère de l'idéal, il n'est pas autorisé de chercher à renverser le dirigeant en place. - Ceux qui cherchent à le faire ont tort, et ils en deviennent des Bughât 'ala-l-amîr ; cependant, cela n'est pas suffisant pour faire d'eux des Kharijites.

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