Chaque croyance pure, ainsi que le statut de chaque action, cela est fixe (muta'ayyan) auprès de Dieu. Le ijtihad consiste à faire l'effort de trouver cela, éventuellement en interaction avec le Réel - Mais possèdes-tu les compétences nécessaires pour te prononcer au sujet de la question quant à laquelle tu donnes un avis (que ce soit une question de Tafsîr du Coran, des Ussûl ul-hadîth, de la 'Aqîda pure ou du Fiqh, etc.) ?

--- a) Commettre une action qui est dûment interdite, cela est interdit. Ne pas accomplir une action qui est dûment obligatoire, cela est interdit. (Rappel : certaines actions sont obligatoires seulement lorsque la cause (sabab), le principe motivant ('illah) et les conditions d'applicabilité (shurût) sont présents. Sinon elles ne sont pas instituées.)

--- b) Mais dire d'une action interdite qu'elle est autorisée, cela est encore plus grave que le a). Dire d'une action qui est dûment obligatoire qu'elle n'est pas obligatoire, cela est également plus grave que ce qui a été évoqué en a). De même encore, dire d'une action qui n'est réellement pas instituée qu'elle est instituée (mashrû'), cela est plus grave qu'une action de type a).
Tout cela constitue en fait une croyance (i'tiqâd) qu'on a au sujet de cette action, et qu'on exprime donc par son dire.

--- c) Et diffuser parmi les musulmans que telle action interdite est autorisée, ou que telle action obligatoire n'est pas obligatoire, ou que telle action non-obligatoire est obligatoire, cela est encore plus grave que le b).

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--- b) Imaginez ainsi quelqu'un qui commet une action qui est une kabîra (qu'il est donc interdit de faire), mais il la commet en pensant qu'elle est autorisée, et il pense ainsi parce qu'il suit sur le sujet l'avis d'un mujtahid / muftî qui lui a dit que cela est autorisé… Ou imaginez quelqu'un qui a une croyance qui est de dhalâl (donc qu'il est interdit d'adopter), mais il a adopté cette croyance parce qu'il pense que c'est là la croyance correcte de l'islam, et ce car il suit à son sujet un 'âlim lui ayant enseigné que c'est là la croyance correcte de l'islam… Que dire de ce que fait cet homme ?

--- c) Et, plus encore, imaginez un 'âlim qui a qualifié cette croyance de dhalâl de : "croyance orthodoxe de l'islam", ou qui a qualifié cette action interdite de : "autorisée" : des centaines de personnes vont le suivre et dire alors que de cette croyance de dhalâl qu'elle est "la bonne croyance", ou de cette action interdite qu'elle est autorisée. Que dire de ce que fait cet érudit ?

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La réponse à ces questions (quant aux cas b et c) est qu'il existe en fait ici 6 points :

--- le statut que cette action (appréhendée en sa forme complète, ce qui fait intervenir de nombreux paramètres) a auprès de Dieu (حكم العمل عند الله) : interdite, ou bid'a ; ou licite, ou encore obligatoire (1) ;

--- l'homme qui déclare cette même action : "autorisée", ou : "non-obligatoire" (respectivement), et ce suite à un effort d'interprétation qu'il a fait (3) (الشخص المعيّن الذي اجتهد فأفتى حسب اجتهاده بجواز أو مشروعية أو حلّة هذا العمل) ;

--- l'homme qui pratique (ou, dans le second cas, délaisse) cette action, suivant en cela l'avis que l'homme venant d'être évoqué a émis (2) (الشخص المعيّن الذي ارتكب هذا العمل على جهل أنه محرّم أو بدعة أو حلال) ;

--- l'application en ce monde, par le muftî, à cet homme se réclamant de l'islam, du qualificatif s'appliquant - en théorie - à celui qui commet cette action (ou, dans le second cas, délaisse cette action) (exemple : "baghî" ; ou : "murtadd" ; ou : "kâfir") (5) (إنفاذ المفتي على ذلك الشخص المعيّن اسمَ من يرتكب هذا العمل السيّء) ;

--- l'application en ce monde, par le qâdhî, à cet homme, de la sanction liée - en théorie - à celui qui commet cette action (ou, dans le second cas, délaisse cette action) (6) (تنفيذ القاضي على ذلك الشخصِ المعيّنِ العقابَ الدنيويَ الذي نصّ عليه لارتكاب هذا العمل السيّء) ;

--- l'inscription, par l'ange, dans le Livre de Comptes de cet homme, d'un péché (4) (كتابة المَلَك في الصحيفة ارتكابَ هذا الشخص المعيّنِ هذا العملَ السيء،)

--- l'application dans l'autre monde, par Dieu, de la sanction qui - dans les Textes - menace celui qui commet cette action (ou, dans le second cas, délaisse cette action) (1, 2 et 3) (تنفيذ الله تعالى على ذلك الشخصِ المعيّنِ العقابَ الأخرويَ الذي تَوعَّدَ به مَن يرتكاب هذا العمل السيّء).

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Et voici ce que nous pouvons dire ici au sujet de ces 6 points :

--- 1) La croyance pure / l'action en question reste en soi mauvaise : "العمل منكر", ou, au contraire, bonne et obligatoire : "العمل معروف ومأمور به".

Le fait est que la croyance correcte et le hukm correct sont, auprès de Dieu, fixes (muta'ayyan).
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De même, la menace de la sanction (
wa'îd) qui est attachée (par les textes) à celui qui adhère à une croyance de dhalâl ou qui commet une action interdite (kabîra), ou au contraire qui délaisse cette croyance nécessaire ou cette action obligatoire, cette menace reste attachée à l'adoption de la croyance, la commission de l'action. ou, au contraire, le délaissement de l'action.

Je parle là de l'action en sa forme complète, ce qui fait intervenir de nombreux paramètres.

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--- 2) Cependant, la personne du commun qui a adopté cette croyance en soi erronée / a commis cette action en soi interdite / a délaissé cette action obligatoire : seulement par suivisme (taqlîd) d'un érudit (que nous évoquerons en 3), lequel avait dit de cette croyance qu'elle est correcte ou de cette action qu'elle est au moins autorisée / non-obligatoire, cette personne n'aura pas, dans l'autre monde, la sanction qui est attachée à cela (évoquée en 1) si elle a suivi cet érudit dans la mesure où elle pensait réellement qu'il a les compétences voulues et où elle ne pouvait pas savoir que ce personnage s'est trompé. "لا يلتحق الوعيد الأخرويّ المنوط بارتكاب هذا العمل، بالشخص المعيّن الذي ارتكب هذا العمل على جهل أنه محرّم أو بدعة". La menace de sanction attachée à cette croyance ou action ne s'appliquera pas à cette personne dans l'autre monde. Car la condition (shart) à l'application est que la personne aura eu connaissance du caractère mauvais de cette croyance ou action. Les preuves sont exposées dans un autre article.

"لأن لحوق الوعيد بالمعين مشروط بشروط وانتفاء موانع؛ ونحن لا نعلم ثبوت الشروط وانتفاء الموانع في حقه.
وفائدة الوعيد بيان أن هذا الذنب سبب مقتض لهذا العذاب.
والسبب قد يقف تأثيره على وجود شرطه وانتفاء مانعه.
يبين هذا أنه قد ثبت أن النبي صلى الله عليه وسلم "لعن الخمر وعاصرها ومعتصرها وحاملها والمحمولة إليه وشاربها وساقيها وبائعها ومبتاعها وآكل ثمنها". وثبت عنه في صحيح البخاري عن عمر أن رجلا كان يكثر شرب الخمر فلعنه رجل فقال النبي صلى الله عليه وسلم "لا تلعنه، فإنه يحب الله ورسوله". فنهى عن لعن هذا المعين وهو مدمن خمر، لأنه يحب الله ورسوله؛ وقد لعن شارب الخمر على العموم"
(MF 12/484).

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--- 3) Plus encore, l'érudit qui a fait son effort d'interprétation (ijtihâd) et, en fonction, a enseigné cette croyance erronée comme étant correcte / a émis la fatwa que cette action interdite est autorisée / a émis la fatwa que cette action obligatoire est non-obligatoire (érudit dont l'enseignement ou la fatwa a été suivi par de nombreuses personnes du commun), cet érudit-là n'aura lui non plus, dans l'autre monde, la sanction qui y est attachée, dès lors qu'il avait réellement les compétences requises et qu'il a réellement fait un effort de recherche conséquent, avant de se prononcer ; il aura même une récompense pour son effort de recherche. "لا يلتحق الوعيد الأخرويّ المنوط بإجازة العمل السيء، بالشخص المعيّن الذي اجتهد فأفتى حسب اجتهاده بجواز أو مشروعية هذا العمل". La menace attachée à cette action ne s'appliquera pas, dans l'autre monde, à cet homme non plus.

"فإن الله سبحانه كما غفر للمجتهد إذا أخطأ، غفر للجاهل إذا أخطأ ولم يمكنه التعلم. بل المفسدة التي تحصل بفعل واحد من العامة محرما لم يعلم تحريمه ولم يمكنه معرفة تحريمه: أقل بكثير من المفسدة التي تنشأ من إحلال بعض الأئمة لما قد حرمه الشارع وهو لم يعلم تحريمه ولم يمكنه معرفة تحريمه. ولهذا قيل: "احذروا زلة العالم فإنه إذا زل زل بزلته عالم". قال ابن عباس رضي الله عنهما: "ويل للعالم من الأتباع". فإن كان هذا معفوا عنه مع عظم المفسدة الناشئة من فعله، فلأن يعفى عن الآخر مع خفة مفسدة فعله أولى.
نعم يفترقان من وجه آخر، وهو أن هذا اجتهد فقال باجتهاد، وله من نشر العلم وإحياء السنة ما تنغمر فيه هذه المفسدة. وقد فرق الله بينهما من هذا الوجه، فأثاب المجتهد على اجتهاده وأثاب العالم على علمه ثوابا لم يشركه فيه ذلك الجاهل.
فهما مشتركان في العفو مفترقان في الثواب.
ووقوع العقوبة على غير المستحق ممتنع، جليلا كان أو حقيرا. فلا بد من إخراج هذا الممتنع من الحديث بطريق يشمل القسمين"
(MF 20/274 ;
Raf' ul-malâm, p. 56).

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--- 4) Toute action que tout homme fait est consignée dans le Livre de Comptes de celui-ci. Cela inclut - d'après l'un des avis - même ses actions qui sont mubâh. Et, d'après l'une des interprétations, même la mauvaise action que l'homme aura commise puis qu'il aura compensée par une bonne action ou qu'il se sera fait pardonner par une demande de pardon (istighfâr), cette mauvaise action demeurera transcrite dans son Livre, avec, à côté, la mention "compensée par..." / "pardonnée à cause de...". Y aurait-il donc que la croyance mauvaise ou l'action mauvaise que l'homme aura adoptée ou commise parce qu'il aura sincèrement cru (à cause d'un taqlîd ou d'un ijtihâd) qu'elle était correcte, cette croyance ou action sera, elle aussi, écrite dans son Livre de Comptes comme : "commission de telle mauvaise action", mais, avec, à côté, la mention : "excusée pour cause de taqlîd / ijtihâd", ou encore : "non-acquise en tant que désobéissance à Dieu, et ce pour cause de taqlîd / ijtihâd" ? "وهل يكتب في الصحيفة الأخروية لأعمال ذلك الشخص المعيّن ارتكاب هذا العمل السيء، مع كتابة أنّه معفوّ عنه بسبب جهله عن حكمه الحقيقيّ؟".

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--- 5) "وهل يسمّى ذلك الشخص المعيّن في الدنيا باسم من يرتكب هذا العمل السيّء؟". Est-ce que, sur le plan dunyawî, on qualifiera cette personne par le nom qualifiant celui de qui a commis cette mauvaise action (si celle-ci est faite publiquement), alors même qu'elle ne savait pas que ce qu'elle fait là est interdit ? Est-ce qu'on dira d'elle qu'elle est :
----- une Bâghî (si elle a fait Bagh'y en croyant que ce qu'elle fait est bien) ? Oui, car elle est ainsi : elle fait du Bagh'y.
----- une Murtadd /Kâfir si elle a dit une parole de Kufr par ignorance, tout en continuant de se réclamer de l'islam ? Non, car pour que l'action soit de l'"irtidâd" en pareil cas de figure, il faut que la personne ait eu connaissance du fait que cela est parole de kufr ; tant qu'il n'y a pas eu iqâmat ul-hujja, les humains ne peuvent pas appeler l'action de cette personne "irtidâd" : les hommes n'appelleront donc pas non plus cette personne : "murtadd". On ne lui appliquera pas non plus (bi-l-'ayn) le qualificatif : "kâfir". Par contre, oui, cette personne a dûment prononcé une parole de kufr akbar, et on pourra donc dire d'elle : "prononciatrice de parole de kufr akbar".

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--- 6) "وهل يعاقب عقابًا دنيويًّا - من جانب القاضي والأمير - الشخص المعيّن الذي ارتكب هذا العمل السيء ولا يعرف أنه محرّم أو بدعة؟".
Lire pour ce point l'article suivant : La sanction temporelle ('uqûba shar'iyya dunyawiyya), est-elle applicable à un musulman ignorant ?.

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C'est bien parce que le statut de chaque croyance et de chaque action est fixe auprès de Dieu (Point 1), qu'on lit le hadîth suivant :

Envoyant des hommes en campagne (c'était le contexte à l'époque où il vivait à Médine), le Prophète (sur lui soit la paix) dit ainsi à celui qu'il avait désigné pour être leur chef :
"وإذا حاصرت أهل حصن فأرادوك أن تنزلهم على حكم الله فلا تنزلهم على حكم الله ولكن أنزلهم على حكمك فإنك لا تدرى أتصيب حكم الله فيهم أم لا" :
"Et si tu assièges les gens d'une place fortifiée et qu'ils te demandent d'accepter leur reddition selon le jugement de Dieu, alors ne leur dis pas de se rendre selon le jugement de Dieu, mais dis-leur de se rendre selon ton jugement, car tu ne sais pas si tu atteindras le hukm de Dieu à leur sujet ou pas"
(Muslim, 1731).
Cette interdiction n'est pas spécifique à l'époque du Prophète, et elle est l'une des preuves que tout ijtihad ne conduit pas forcément à atteindre l'avis juste : un seul avis est juste (Shar'h Muslim, 12/40, Al-Qawl ul-mufîd, p. 1077). Et étant donné que, à propos de ceux qui se rendent, il y a une pluralité de solutions et qu'il est nécessaire (d'après un avis) d'avoir recours à celle de ces solutions qui convient le plus (al-aslah), le commandant de l'armée ne sait pas si sa décision correspondra à ce que Dieu agrée pour cette circonstance ou si elle ne lui correspondra pas. Plutôt que de dire alors :
"Ceci est le jugement que Dieu a rendu à votre sujet", il s'agit donc pour lui de dire : "Voici ce que je décide à votre sujet", ou encore : "J'accepte votre reddition selon ce que j'ai compris du jugement de Dieu en la matière".
An-Nawawî écrit en commentaire : "هذا النهي أيضا على التنزيه والاحتياط. وفيه حجة لمن يقول ليس كل مجتهد مصيبا بل المصيب واحد وهو الموافق لحكم الله تعالى في نفس الأمر"
(Shar'h Muslim, 12/40).
Ibn ul-Uthaymîn écrit en commentaire : "أما بعد انقطاع الوحي، فينزلون على حكم الله؛ واجتهادنا في إصابة حكم الله يعتبر صوابا إذا لم يتبين خطؤه، لأن الله لا يكلف نفسا إلا وسعها، وقد قال تعالى: {فَاتَّقُوا اللَّهَ مَا اسْتَطَعْتُمْ}. وهذا أصح؛ لأنه يحكم للمجتهد بإصابته الحكم ظاهرا شرعا، وإن كان قد يخطئ. وإن حصل الاحتراز بأن يقول: "ننزلك على ما نفهم من حكم الله ورسوله": فهو أولى، لأنك إذا قلت "على ما نفهم"، صار الأمر واضحا أن هذا حكم الله بحسب فهمنا، لا بحسب الواقع فيما لو اتضح خلافه" (
Al-Qawl ul-mufîd, p. 1077). Plus loin : "فائدة: لا ينبغي أن يقال لمفت: "ما حكم الإسلام في كذا؟" أو: "ما رأي الإسلام في كذا؟" فإنه قد يخطئ فلا يصيب حكم الإسلام. ولا يقول مفت: "حكم الإسلام كذا!" لأنه قد يخطئ، ولكن يقيد فيقول: "حكم الإسلام فيما أرى: كذا وكذا". إلا فيما هو نص واضح صريح، فلا بأس. مثل أن يقال: "ما حكم الإسلام في أكل الميتة؟" فيقول: "حكم الإسلام في أكل الميتة أنه حرام" (Al-Qawl ul-mufîd, p. 1084).

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Les quatre textes suivants (le dernier étant une parole de 'Ammâr) prouvent le Point 1 : l'action reste interdite même quand elle est fondée sur un ijtihâd digne de ce nom : 

--- Lorsque, au sujet des 70 ennemis mecquois capturés à Badr (Muslim 1763), le Prophète (sur lui soit la paix) consulta des Compagnons quant à savoir ce qu'il convenait de faire, puis retint l'avis de Abû Bakr selon qui il fallait les libérer contre rançon, les versets suivants furent alors révélés : "Un prophète n'a pas à faire de prisonniers tant qu'il n'a pas affaibli (l'ennemi) sur terre. Vous vouliez le bien (matériel) d'ici-bas, et Dieu veut [pour vous] [l'action qui confère la réussite dans] l'au-delà. Et Dieu est Puissant, Sage. N'était une décision de la part de Dieu déjà passée, un châtiment énorme vous aurait touché pour ce que vous avez pris" (Coran 8/67-68 : le terme "ithkhân" a plusieurs sens, dont celui d'"affaiblir"). Ces versets furent insérés dans la sourate Al-Anfâl (sourate 8 du Coran).
Le verset de la sourate Muhammad, Coran 47/4 (فَإِذا لَقِيتُمُ الَّذِينَ كَفَرُوا فَضَرْبَ الرِّقَابِ حَتَّى إِذَا أَثْخَنتُمُوهُمْ فَشُدُّوا الْوَثَاقَ فَإِمَّا مَنًّا بَعْدُ وَإِمَّا فِدَاء حَتَّى تَضَعَ الْحَرْبُ أَوْزَارَهَا), qui dit explicitement au Prophète que c'est une fois que l'ennemi a été affaibli qu'il s'agit de faire des prisonniers :
--- d'après un avis, il fut révélé plus tard, après ces versets de la sourate Al-Anfâl, en tant que rappel ;
--- et d'après l'autre avis, ce verset avait déjà été révélé avant cet événement ; simplement le Prophète pensait que le ithkhân requis avait déjà été réalisé, or il ne l'avait pas été à un niveau suffisant, et c'est pourquoi Dieu intervint par les versets 8/67-68, pour dire qu'il y avait eu une khata' ijtihâdî qat'î dans l'application concrète (wâqi') du hukm (Bayân ul-qur'ân).
Quelle est cette "décision déjà passée de la part de Dieu" sans laquelle un châtiment temporel aurait touché les Compagnons ?
L'un des avis sur cette question (voir d'autres avis in  Zâd ul-massîr, 3/259-260) est qu'il s'agit du fait que Dieu ne châtie pas celui qui a entrepris quelque chose d'erroné suite à un ijtihâd (Bayân ul-qur'ân 4/88, note de bas de page).
C'est à cet événement que, plus tard, Omar ibn ul-Khattâb faisait allusion quand, énumérant les choses par rapport auxquelles, disait-il, "j'ai abondé dans le sens de mon Dieu", il citait : "les captifs de Badr" (Muslim 2399 ; voir aussi Fat'h ul-bârî 1/654-655).

--- A Uhud, les 40 (sur 50 hommes) qui quittèrent le poste que le Prophète leur avait assigné, l'action de ces archers fut une désobéissance (ma'siya) : "وَلَقَدْ صَدَقَكُمُ اللّهُ وَعْدَهُ إِذْ تَحُسُّونَهُم بِإِذْنِهِ حَتَّى إِذَا فَشِلْتُمْ وَتَنَازَعْتُمْ فِي الأَمْرِ وَعَصَيْتُم مِّن بَعْدِ مَا أَرَاكُم مَّا تُحِبُّونَ مِنكُم مَّن يُرِيدُ الدُّنْيَا وَمِنكُم مَّن يُرِيدُ الآخِرَةَ ثُمَّ صَرَفَكُمْ عَنْهُمْ لِيَبْتَلِيَكُمْ وَلَقَدْ عَفَا عَنكُمْ وَاللّهُ ذُو فَضْلٍ عَلَى الْمُؤْمِنِينَ" (Coran 3/152).
Cependant, Dieu leur pardonna cela : "وَلَقَدْ عَفَا عَنكُمْ" (Coran 3/152). Par ailleurs, leur action fut fondée sur un ijtihad digne de ce nom : ils avaient pensé que la bataille était terminée, vu que les musulmans avaient réussi à enfoncer les lignes adverses et que les Mecquois fuyaient : "ظهر أصحابكم فما تنتظرون؟" : "Les vôtres ont eu la victoire ! Qu'attendez-vous ?" (al-Bukhârî, 2874). Ils voulaient dire que l'ordre du Prophète était motivé (ma'lûl) par la nécessité de parer au risque que des Mecquois attaquent l'armée musulmane en passant par cette colline. Or, maintenant que les Mecquois étaient en déroute, ce risque n'existait plus, et ils pouvaient donc quitter leur poste : la 'illa n'étant plus présente, le hukm ne s'appliquait plus.
Leur chef ainsi qu'un petit nombre d'entre eux les supplièrent de ne rien faire de tel, mais, convaincus de la rectitude de leur raisonnement, 40 d'entre eux partirent. Or le Prophète (sur lui soit la paix) leur avait, justement, dit clairement et explicitement qu'ils ne devaient, même s'ils voyaient les musulmans l'emporter sur l'ennemi, pas quitter leur poste ; et que, plus encore, même s'ils voyaient les musulmans être défaits, ils ne devaient pas venir leur prêter main-forte : "لا تبرحوا! إن رأيتمونا ظهرنا عليهم فلا تبرحوا؛ وإن رأيتموهم ظهروا علينا فلا تعينونا" : "Ne quittez pas (ce lieu) ! Si vous nous voyez avoir le dessus sur eux, ne partez pas (de là). Et si vous les voyez avoir le dessus sur nous, ne venez pas nous apporter de l'aide" (al-Bukhârî, 3817). "إن رأيتمونا تخطفنا الطير، فلا تبرحوا مكانكم هذا، حتى أرسل إليكم؛ وإن رأيتمونا هزمنا القوم وأوطأناهم، فلا تبرحوا حتى أرسل إليكم" : "Si vous nous voyez (perdre au point que) les oiseaux (de proie) emportent nos (corps), ne quittez pas ce lieu, jusqu'à ce que je vous envoie appeler. Et si vous nous voyez avoir eu la victoire sur ces gens et les avoir vaincus, ne bougez pas jusqu'à ce que je vous envoie appeler" (al-Bukhârî, 2874).
Mais ils oublièrent
. C'est pourquoi Dieu fit les reproches suscités. Dieu leur a cependant pardonné cela.

--- L'action (al-bagh'y al-mujarrad) de Mu'âwiya et de 'Amr ibn ul-'Âs (que Dieu les agrée) par rapport à 'Alî (que Dieu l'agrée) fut en soi interdite, et le wa'îd de l'autre monde y étant attaché fut ce qui figure dans ce hadîth (cela relève du point 1) : "عن عكرمة، قال لي ابن عباس ولابنه علي: انطلقا إلى أبي سعيد فاسمعا من حديثه، فانطلقنا فإذا هو في حائط يصلحه، فأخذ رداءه فاحتبى، ثم أنشأ يحدثنا حتى أتى ذكر بناء المسجد، فقال: كنا نحمل لبنة لبنة وعمار لبنتين لبنتين، فرآه النبي صلى الله عليه وسلم فينفض التراب عنه، ويقول: "ويح عمار، تقتله الفئة الباغية، يدعوهم إلى الجنة، ويدعونه إلى النار." قال: يقول عمار: أعوذ بالله من الفتن"" : "Pauvre  'Ammâr : le groupe insurgé le tuera. Ils les appellera vers le Paradis, eux l'appelleront vers le Feu" (al-Bukhârî, 436, 2657) / "عن أبي سعيد الخدري، قال: أخبرني من هو خير مني أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال لعمار، حين جعل يحفر الخندق، وجعل يمسح رأسه، ويقول: "بؤس ابن سمية، تقتلك فئة باغية" (Muslim, 2915) (le M 2916 est relaté par Ummu Salama). Appeler au feu consiste en une action kabîra, et désigne ici : faire le contraire d'appeler à obéir au calife, Alî.
Cependant, vu que ces deux Compagnons étaient sincères et avaient fait un ijtihâd, ils n'auront pas le péché d'avoir commis cette action (cela relève du point 3). Ibn Hajar écrit : "فإن قيل: كان قتله بصفين وهو مع علي، والذين قتلوه مع معاوية، وكان معه جماعة من الصحابة، فكيف يجوز عليهم الدعاء إلى النار؟ فالجواب أنهم كانوا ظانين أنهم يدعون إلى الجنة - وهم مجتهدون لا لوم عليهم في اتباع ظنونهم -؛ فالمراد بـ"الدعاء إلى الجنة": الدعاء إلى سببها، وهو طاعة الإمام؛ وكذلك كان عمار يدعوهم إلى طاعة علي وهو الإمام الواجب الطاعة إذ ذاك. وكانوا هم يدعون إلى خلاف ذلك، لكنهم معذورون للتأويل الذي ظهر لهم" (FB 1/701).
------- Pour ce qui est du péché d'avoir tué 'Ammâr, il ne revient pas à tout le groupe de Mu'âwiya, mais seulement à la personne qui l'a dûment tué, ainsi qu'aux personnes qui approuvent et se réjouissent du fait qu'il ait été tué : "ثم "إن عمارا تقتله الفئة الباغية" ليس نصا في أن هذا اللفظ لمعاوية وأصحابه؛ بل يمكن أنه أريد به تلك العصابة التي حملت عليه حتى قتلته، وهي طائفة من العسكر. ومن رضي بقتل عمار، كان حكمه حكمها. ومن المعلوم أنه كان في العسكر من لم يرض بقتل عمار: كعبد الله بن عمرو بن العاص، وغيره؛ بل كل الناس كانوا منكرين لقتل عمار، حتى معاوية وعمرو" (MF 35/76-77). Le fait d'avoir mentionné tout le groupe est chose que l'on retrouve par exemple pour Uhud, où Dieu s'est adressé par un "et lorsque vous" général, pour reprocher ce qu'en fait seulement 40 d'entre les musulmans ayant participé à la bataille (ils étaient 700) ont fait.
------- Par contre, ce qui demeure ici est l'appellation "bâghiya" : ni Mu'âwiya ni Amr ibn ul-'Âs ni ceux de son groupe qui étaient sincères et avaient fait un ijtihâd digne de ce nom ne seront sanctionnés dans l'autre monde pour avoir fait ici bagh'y 'an tâ'at il-amîr : "وكل من كان باغيا، أو ظالما، أو معتديا، أو مرتكبا ما هو ذنب، فهو قسمان: متأول؛ وغير متأول. فالمتأول المجتهد: كأهل العلم والدين، الذين اجتهدوا، واعتقد بعضهم حل أمور، واعتقد الآخر تحريمها كما استحل بعضهم بعض أنواع الأشربة، وبعضهم بعض المعاملات الربوية، وبعضهم بعض عقود التحليل والمتعة، وأمثال ذلك، فقد جرى ذلك وأمثاله من خيار السلف؛ فهؤلاء المتأولون المجتهدون غايتهم أنهم مخطئون، وقد قال الله تعالى: {ربنا لا تؤاخذنا إن نسينا أو أخطأنا}، وقد ثبت في الصحيح أن الله استجاب هذا الدعاء. وقد أخبر سبحانه عن داود وسليمان عليهما السلام إنما حكما في الحرث، وخص أحدهما بالعلم والحكم، مع ثنائه على كل منهما بالعلم والحكم. والعلماء ورثة الأنبياء؛ فإذا فهم أحدهم من المسألة ما لم يفهمه الآخر، لم يكن بذلك ملوما ولا مانعا لما عرف من علمه ودينه؛ وإن كان ذلك مع العلم بالحكم، يكون إثما وظلما، والإصرار عليه فسقا، بل متى علم تحريمه ضرورة، كان تحليله كفرا. فالبغي هو من هذا الباب: أما إذا كان الباغي مجتهدا ومتأولا ولم يتبين له أنه باغ، بل اعتقد أنه على الحق وإن كان مخطئا في اعتقاده، لم تكن تسميته "باغيا" موجبة لإثمه، فضلا عن أن توجب فسقه" (MF 35/75-76).
Ce qui n'implique pas que tous les musulmans ayant participé à la même action soient, eux, dans le même cas, et que nul parmi eux n'auront acquis cela en tant que péché. Au contraire, parmi les musulmans des deux camps, il en étaient dont l'intention était tout autre et qui n'avaient pas fondé leur action sur un ijtihad ni sur un taqlîd : "فائدة: ومما ينبغي أن يعلم أنه - وإن كان المختار الإمساك عما شجر بين الصحابة والاستغفار للطائفتين جميعا وموالاتهم - فليس من الواجب اعتقاد أن كل واحد من العسكر لم يكن إلا مجتهدا متأولا كالعلماء؛ بل فيهم المذنب والمسيء، وفيهم المقصر في الاجتهاد لنوع من الهوى (لكن إذا كانت السيئة في حسنات كثيرة كانت مرجوحة مغفورة" (MF 4/434).

--- L'action (al-bagh'y al-mujarrad) de Aïcha, Talh'a et az-Zubayr (que Dieu les agrée) par rapport à 'Alî (que Dieu l'agrée) restait en soi interdite, et c'est pourquoi 'Ammâr ibn Yâssir tint à Kufa ce célèbre propos : "Aïcha s'est dirigée vers Bassora. Par Dieu, elle est épouse de votre Prophète en ce monde et dans la vie dernière. Mais Dieu - Béni et Elevé - vous a mis à l'épreuve afin de savoir : est-ce à Son (Ordre) que vous obéissez, ou à (celui de) Aïcha" : "عن أبي مريم عبد الله بن زياد الأسدي، قال: لما سار طلحة والزبير وعائشة إلى البصرة، بعث علي عمار بن ياسر وحسن بن علي، فقدما علينا الكوفة، فصعدا المنبر، فكان الحسن بن علي فوق المنبر في أعلاه، وقام عمار أسفل من الحسن، فاجتمعنا إليه، فسمعت عمارا، يقول: "إن عائشة قد سارت إلى البصرة. ووالله إنها لزوجة نبيكم صلى الله عليه وسلم في الدنيا والآخرة، ولكن الله تبارك وتعالى ابتلاكم، ليعلم إياه تطيعون أم هي" (al-Bukhârî, 6687). Se mobiliser de la sorte, de façon organisée, pour exiger l'application du talion aux assassins de 'Uthmân, alors que cette application relève des prérogatives du calife, et que celui-ci, Alî, avait décidé, à cause de la situation dans laquelle il se trouve, de remettre cela à plus tard, cela était contraire à l'obéissance à Dieu. Cependant, vu que Aïcha, Tal'ha et az-Zubayr (que Dieu les agrée) étaient sincères et avaient fait cela par ijtihâd, ils n'ont pas acquis cela en tant que désobéissance à Dieu.

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Pour autant, par rapport au point 3 plus haut évoqué, il y a encore 2 perspectives qui entrent en compte :

--- I) Quel est le niveau d'erreur par rapport à cette croyance pure / cette croyance liée à cette action dans l'échelle des gravités : Est-ce une erreur constituant du kufr ? constituant du dhalâl ? ou une erreur "ijtihâdî" seulement ?

--- II) Est-ce que l'homme qui a enseigné cette croyance / a délivré cet avis, avait toutes les compétences pour se prononcer ? Si oui, a-t-il réellement fait tout l'effort possible avant de se prononcer ?

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Ces 2 autres perspectives se détaillent comme suit...

- A) Il y a celui qui avait les compétences requises pour se prononcer sur ce point.
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B) Et il y a celui qui n'avait pas les compétences requises pour se prononcer.

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- A) Pour ce qui est de celui qui avait les compétences requises pour se prononcer sur ce point :

-- A.1) S'il a fourni tous les efforts voulus, puis a émis l'avis ; alors :
----- A.1.1) s'il est parvenu à l'avis qui est "correct" auprès de Dieu, alors il aura 2 récompenses auprès de Dieu ;
----- A.1.2) si l'avis qu'il a émis est différent de celui qui est "correct" auprès de Dieu, mais que l'erreur est de niveau "ijtihâdî" seulement (voir I), alors, il sera excusé auprès de Dieu (ma'dhûr) d'avoir déclaré autorisé ce qui est en fait interdit, et, plus encore, il aura une récompense (ma'jûr) pour l'effort d'interprétation qu'il a fait ;
----- A.1.3) et si l'avis qu'il a émis constitue une erreur de niveau "dhalâl" (voir I), alors il sera excusé (ma'dhûr) auprès de Dieu pour son erreur, mais (wallâhu A'lam) ne sera pas récompensé pour son effort, car l'avis est de niveau "dhalâl" ;

-- A.2) s'il n'a pas fourni tous les efforts nécessaires : il a alors commis un péché. Ibn Taymiyya écrit : "يقصر في الاستدلال فيقول قبل أن يبلغ النظر نهايته، مع كونه متمسكا بحجة؛ أو يغلب عليه عادة أو غرض يمنعه من استيفاء النظر لينظر فيما يعارض ما عنده، وإن كان لم يقل إلا بالاجتهاد والاستدلال فإن الحد الذي يجب أن ينتهي إليه الاجتهاد قد لا ينضبط للمجتهد. ولهذا كان العلماء يخافون مثل هذا خشية ألا يكون الاجتهاد المعتبر قد وجد في تلك المسألة المخصوصة. فهذه ذنوب. لكن لحوق عقوبة الذنب بصاحبه إنما تنال لمن لم يتب، وقد يمحوها الاستغفار والإحسان والبلاء والشفاعة والرحمة" (MF 20/255-256 : Raf' ul-malâm, p. 34) ;

-- A.3) s'il a su, au fond de lui-même, que tel avis est juste, mais a émis un avis différent, par intérêt personnel : il a alors commis un péché plus grand encore. "من يغلبه الهوى ويصرعه حتى ينصر ما يعلم أنه باطل" (MF 20/256). "وقد نص الإمام أحمد وغيره على أنه ليس لأحد أن يعتقد الشيء واجبا أو حراما، ثم يعتقده غير واجب ولا حرام، بمجرد هواه. مثل أن يكون طالبا لشفعة الجوار فيعتقدها أنها حق له؛ ثم إذا طلبت منه شفعة الجوار اعتقدها أنها ليست ثابتة! أو مثل من يعتقد إذا كان أخا مع جد أن الإخوة تقاسم الجد؛ فإذا صار جدا مع أخ اعتقد أن الجد لا يقاسم الإخوة. أو إذا كان له عدو يفعل بعض الأمور المختلف فيها كشرب النبيذ المختلف فيه ولعب الشطرنج وحضور السماع، أن هذا ينبغي أن يهجر وينكر عليه؛ فإذا فعل ذلك صديقه اعتقد ذلك من مسائل الاجتهاد التي لا تنكر. فمثل هذا ممكن في اعتقاده حل الشيء وحرمته ووجوبه وسقوطه بحسب هواه! هو مذموم بخروجه خارج عن العدالة. وقد نص أحمد وغيره على أن هذا لا يجوز" (MF 20/220-221).

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- B) Quant à celui qui n'avait pas les compétences requises pour se prononcer mais s'est prononcé quand même :

-- B.1) s'il est parvenu à l'avis juste et l'a émis, il aura un péché pour s'être prononcé, car le fait d'avoir trouvé l'avis juste a été fortuit ;

-- B.2) s'il s'est trompé, il aura un péché plus grand encore qu'en B.1 ;

-- B.3) et s'il a trouvé l'avis juste, mais a émis un avis différent, par intérêt personnel : il aura un péché plus grand encore qu'en B.1 et B.2.

Ibn Taymiyya écrit au sujet des cas numérotés ici "B.1" et "B.2" : "فمن قال في القرآن برأيه فقد تكلف ما لا علم له به وسلك غير ما أمر به؛ فلو أنه أصاب المعنى في نفس الأمر لكان قد أخطأ، لأنه لم يأت الأمر من بابه. كمن حكم بين الناس على جهل فهو في النار وإن وافق حكمه الصواب في نفس الأمر. لكن يكون أخف جرما ممن أخطأ والله أعلم" (MF 17/371).

Cela n'empêche pas que chacun doive œuvrer pour le Dîn. Ni que chacun doive diffuser le Dîn. Ni même que chacun doive aussi répondre aux questions qu'on lui pose sur le Dîn.

Cela veut seulement dire que chacun doit œuvrer en faisant ce au sujet de la faisabilité de quoi il a pris les renseignements voulus. Que chacun doit diffuser seulement les chapitres du Dîn dans lesquels il a de réelles compétences. Et que chacun doit répondre seulement aux questions dont la réponse relève de ses compétences.

En fait chacun doit connaître et reconnaître les limites des connaissances et de ses compétences. Cela est valable même pour celui qui a un certain nombre de connaissances : devant être conscient de ses limites, il doit renvoyer à plus érudit que lui pour ce qui dépasse ses connaissances et compétences.

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Par ailleurs, il est des points au sujet desquels il n'est possible que de donner préférence à telle interprétation sur telle autre, et pas de trancher :

Quand la vérité (le seul avis qui est correct) peut être déterminée de façon qat'î (tranchée) - Et quand elle ne peut être déterminée que de façon zannî (supposée).

Quand il y a divergence d'interprétations ou d'avis entre les mujtahidûn, l'avis qui est juste (swawâb) peut-il toujours être distingué de façon qat'î ? - L'existence d'interprétations divergentes entre les ulémas est-ce une miséricorde (رحمة), ou un problème ?!.

Dans l'ensemble des propos que tiennent ceux qui se réclament de l'islam, qu'est-ce qui fait la différence entre : - le propos de kufr akbar ; - le propos de dhalâl ; - l'erreur ijtihâdî qat'î ; - et l'erreur ijtihâdî zannî ? (4/4).

Face à des argumentations divergentes, il y a : - les cas où on peut (et on doit) être certain de la rectitude de tel avis (الجزم مع القطع بـ) ; - les cas où il s'agit d'affirmer de façon ferme que c'est tel avis qui est correct (الجزم) ; - les cas où il s'agit de donner préférence à tel avis (الترجيح) ; - les cas où il s'agit de pencher vers tel avis (الميلان) ; - les cas où il s'agit de ne pas se prononcer (التوقف).

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Deux hadîths à propos de celui qui commente le Coran sans en posséder les compétences :

-- Un premier hadîth : "عن ابن عباس قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من قال في القرآن بغير علم، فليتبوأ مقعده من النار" : "Celui qui commente (quelque chose) du Coran sans connaissance, qu'il prépare son lieu dans le Feu" (at-Tirmidhî, 2950). Ce hadîth :
----- correspond au cas "B" évoqué (celui qui n'avait pas les compétences voulues pour faire du tafsîr) ;
----- concerne aussi le cas A.2 (celui qui a les compétences voulues mais s'est prononcé à la va-vite, sans recherche et approfondissement suffisants) ; et c'est justement pour éviter de tomber dans ce cas A.2 que Abû Bakr a dit son célèbre propos : "Quel ciel me couvrirait et quelle terre me porterait si je disais au sujet du Livre de Dieu ce dont je n'ai pas connaissance !".

-- Un second hadîth : "عن جندب بن عبد الله، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من قال في القرآن برأيه، فأصاب، فقد أخطأ" : "Celui qui commente (quelque chose) du Coran selon son avis personnel, et atteint ce qui est juste, celui-là a commis un mal" (at-Tirmidhî, 2952 ; l’authenticité de ce hadîth fait cependant débat). Ce hadîth :
----- correspond au cas "B.1" plus haut évoqué (celui qui n'avait pas les compétences voulues pour faire du tafsîr, l'a fait quand même, et a fait du tafsîr juste).

Muftî Taqî Uthmânî écrit en substance que ce second hadîth est à comprendre à la lumière du premier : ce second hadîth parle en fait de l'homme qui commente le Coran alors qu'il ne possède pas les connaissances de base requises pour cet exercice [B] ('Ulûm ul-qur'ân, pp. 356-359).

Est également fautif celui qui a sciemment commenté le verset de façon erronée parce que cela correspondait à son intérêt [A.3] (voir Al-Itqân, pp. 1207-1208).

On retrouve donc ici ce qu'on a vu au sujet de donner des avis islamiques :
- B) il y a celui qui ne possède pas les compétences requises :
--- même s'il trouve l'avis juste il a fait une faute, pour s'être prononcé au sujet de ce dont il n'avait pas maîtrise ;
- A) et il y a celui qui possède les compétences nécessaires. Ce dernier doit, avant de se prononcer sur un passage précis :
--- effectuer toutes les recherches nécessaires,
--- et se prononcer sans égard pour de quelconques intérêts.

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Celui qui n'avait pas les compétences voulues pour se prononcer mais l'a quand même fait (cas B) :

"عن عبد الله بن عمرو بن العاص قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "إن الله لا يقبض العلم انتزاعا ينتزعه من العباد، ولكن يقبض العلم بقبض العلماء، حتى إذا لم يبق عالما اتخذ الناس رءوسا جهالا، فسئلوا فأفتوا بغير علم، فضلوا وأضلوا" :
"Dieu ne retirera pas la science en la retirant des serviteurs, mais Il retirera la science en faisant mourir ceux qui savent. Lorsqu'Il n'aura plus laissé un sachant, les hommes [musulmans] prendront alors comme référents des ignorants ; questionnés, ils délivreront des avis sans connaissance ; ils s'égareront alors et égareront (les autres)" (al-Bukhârî, 100, Muslim 2673).
"عن عبد الله بن عمرو قال: سمعت النبي صلى الله عليه وسلم يقول: "إن الله لا ينزع العلم بعد أن أعطاكموه انتزاعا، ولكن ينتزعه منهم مع قبض العلماء بعلمهم، فيبقى ناس جهال، يستفتون فيفتون برأيهم، فيضلون ويضلون" (al-Bukhârî, 6877).

"عن جابر قال: خرجنا في سفر فأصاب رجلا منا حجر فشجه في رأسه، ثم احتلم فسأل أصحابه فقال: "هل تجدون لي رخصة في التيمم؟" فقالوا: "ما نجد لك رخصة وأنت تقدر على الماء!" فاغتسل فمات. فلما قدمنا على النبي صلى الله عليه وسلم أخبر بذلك فقال: "قتلوه قتلهم الله! ألا سألوا إذ لم يعلموا! فإنما شفاء العي السؤال" :
En voyage avec d'autres Compagnons, un homme se trouva dans la nécessité de faire les grandes ablutions alors qu'il était blessé à la tête. Il demanda à certaines des personnes présentes s'il y avait possibilité pour lui de ne pas se la laver, mais elles lui dirent qu'il n'y avait pas d'autre possibilité pour lui que de se laver obligatoirement la tête. Ayant mis en pratique ce qu'il avait reçu comme "fatwa", l'homme en mourut.
Lorsque le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) fut, plus tard, mis au courant de cela, il dit au sujet de ces personnes des mots pleins de reproche, puis ajouta : "(...) Pourquoi n'ont-ils pas posé la question quand ils ne savaient pas ! Le remède pour l'impuissant est de questionner !" (Abû Dâoûd, 336).
Ce fut, écrit Ibn Taymiyya, parce que ces personnes ne possédaient pas les compétences requises pour délivrer un avis que ce vif reproche leur fut adressé : "بخلاف {الذين أفتوا المشجوج في البرد بوجوب الغسل فاغتسل فمات؛ فإنه قال: قتلوه قتلهم الله! هلا سألوا إذا لم يعلموا إنما شفاء العي السؤال}؛ فإن هؤلاء أخطئوا بغير اجتهاد؛ إذ لم يكونوا من أهل العلم" (MF 20/253-254 : Raf' ul-malâm, p. 32).

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Un autre hadîth encore :

"عن أبي هريرة قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من أُفْتِيَ بغير علم كان إثمه على من أفتاه" : "Celui à qui l'avis a été délivré sans (que cela soit fondé sur) une connaissance, alors son péché reviendra à celui qui lui aura délivré l'avis" (Abu Dâoûd, 3657).

-- Il s'agit d'un homme qui a délivré cet avis alors qu'il n'avait pas du tout les compétences voulues pour le faire (B) ("وخرج بقوله "بغير علم": ما لو اجتهد من هو أهل للاجتهاد فأخطأ؛ فلا إثم عليه، بل له أجر الاجتهاد" : Faydh ul-qadîr).

-- Il s'agit également de l'homme qui avait les compétences voulues (A) mais s'est prononcé sans faire les recherches nécessaires (A.2) ("يعني: كل جاهل سأل عالما عن مسألة فأفتاه العالم بجواب باطل، فعمل السائل بها ولم يعلم بطلانه، فإثمه على المفتي إن قصر في اجتهاده" : Mirqât ul-mafâtîh).

La croyance de dhalâl que cet homme a adoptée, ou l'action interdite que cet homme a faite, suivant en cela la personne qu'il a questionnée, le péché d'avoir adopté cette croyance erronée ou d'avoir commis cette action interdite reviendra à la personne qui lui a délivré cet avis sans posséder les compétences qui allaient avec.

Qu'en est-il cependant si l'homme qui a posé la question (mustaftî) savait que la personne qu'il questionne n'a pas les compétences voulues pour lui délivrer un avis supposé correct : la croyance erronée qu'il adoptera alors, ou l'action interdite qu'il fera ensuite, à qui en incombera la responsabilité du péché :
--- incombera-t-elle à la personne qui lui a délivré l'avis seulement ?
--- ou incombe-t-elle à cette personne ainsi qu'à l'homme qui lui a posé la question (vu qu'ici il est lui aussi fautif d'avoir questionné une personne dont il savait qu'elle n'a pas les compétences requises) ?
Je ne sais pas (لا أدري).

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Un écrit de Salmân adressé à Abu-d-Dardâ' (que Dieu les agrée) à propos du fait de délivrer des avis islamiques, et qui dit de faire attention à ne pas tomber dans le cas "A.2" :

"عن يحيى بن سعيد أن أبا الدرداء كتب إلى سلمان الفارسى أن: "هلم إلى الأرض المقدسة". فكتب إليه سلمان: "إن الأرض لا تقدس أحدا! وإنما يقدس الإنسان عمله. وقد بلغنى أنك جعلت طبيبا تداوي؛ فإن كنت تبرئ فنعما لك؛ وإن كنت متطببا فاحذر أن تقتل إنسانا فتدخل النار". فكان أبو الدرداء إذا قضى بين اثنين ثم أدبرا عنه، نظر إليهما وقال: "ارجعا إليّ. أعيدا عليّ قصتكما! متطبب والله" :

Abu-d-Dardâ' [résidant alors à Shâm], écrivit à Salmân "le persan" [lequel se trouvait alors en Irak] : "Viens dans la terre sanctifiée ("muqaddassa") [= Shâm] !".

Salmân lui répondit : "Une terre ne sanctifie ("lâ tuqaddissu") personne. Ce n'est que l'action de l'homme qui le sanctifie.
Il m'est parvenu que tu a été fait médecin, prescrivant des remèdes [= que tu donnes des avis islamiques].
--- Si tu guéris vraiment, cela est excellent pour toi.
--- Et si (en fait) tu t'efforces d'être médecin, alors préserve-toi de tuer quelqu'un, tu entrerais dans le Feu [= préserve-toi au maximum du risque de délivrer un avis erroné ; pour cela, ne délivre pas d'avis à la va-vite, ou selon ton envie du moment]."

Alors, lorsque Abu-d-Dardâ' rendait le jugement entre deux personnes et qu'elles repartaient, il les regardait et leur disait : "Revenez à moi. Répétez devant moi votre récit ! (Je suis seulement) quelqu'un qui s'efforce d'être médecin, par Dieu !"
(Muwatta' Mâlik, n° 1533).

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Celui qui rend le jugement entre des personnes, celui-là se trouve dans l'un des 3 cas suivants :

"عن بريدة عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "القضاة ثلاثة: واحد في الجنة، واثنان في النار، فأما الذي في الجنة فرجل عرف الحق فقضى به، ورجل عرف الحق فجار في الحكم، فهو في النار، ورجل قضى للناس على جهل فهو في النار"" :
Burayda relate du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) qu'il a dit :
"Ceux qui rendent le jugement sont de 3 types : 2 seront dans le Feu, et 1 dans le Paradis :
[A.1] Celui qui sera dans le Paradis est l'homme qui a connu la vérité [la règle shar'î concernant le cas précis qu'il a devant lui] puis a rendu le jugement selon celle-ci.
[A.3] Et (puis) il y a l'homme qui a connu la vérité (mais) a été injuste dans le jugement qu'il a rendu [= il a rendu le jugement selon autre chose que ce qu'il savait être la règle shar'î pour le cas précis qu'il avait devant lui] : il sera dans le Feu.
[B] Et il y a l'homme qui a rendu le jugement entre les gens sur la base d'une ignorance [des règles shar'iyya pour le ou les cas qu'il avait devant lui] : il sera dans le Feu"
(Abû Dâoûd, 3573 ; at-Tirmidhî, 1322).

Abû Hâshim a dit que sans l'éclairage apporté par ce hadîth dont il a eu connaissance, de lui-même il aurait pensé que c'est tout qâdhî qui est tel que une erreur de sa part dans la détermination de l'avis lui rapporte une récompense auprès de Dieu : "حدثنا إسماعيل بن توبة قال: حدثنا خلف بن خليفة قال: حدثنا أبو هاشم، قال: "لولا حديث ابن بريدة، عن أبيه، عن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "القضاة ثلاثة، اثنان في النار، وواحد في الجنة، رجل علم الحق فقضى به فهو في الجنة، ورجل قضى للناس على جهل فهو في النار، ورجل جار في الحكم فهو في النار"، لقلنا: إن القاضي إذا اجتهد فهو في الجنة" (Ibn Mâja, 2315).

Après avoir cité ce hadîth parlant des juges (qudhât), Ibn Taymiyya écrit : "Et ceux qui délivrent des fatwas sont pareils [= sont eux aussi de ces 3 catégories]" : "ولم يدخل في هذا من يغلبه الهوى ويصرعه حتى ينصر ما يعلم أنه باطل أو من يجزم بصواب قول أو خطئه من غير معرفة منه بدلائل ذلك القول نفيا وإثباتا؛ فإن هذين في النار كما قال النبي صلى الله عليه وسلم "القضاة ثلاثة: قاضيان في النار وقاض في الجنة فأما الذي في الجنة فرجل علم الحق فقضى به وأما اللذان في النار فرجل قضى للناس على جهل ورجل علم الحق وقضى بخلافه" والمفتون كذلك. لكن لحوق الوعيد للشخص المعين أيضا له موانع كما بيناه فلو فرض وقوع بعض هذا من بعض الأعيان من العلماء المحمودين عند الأمة - مع أن هذا بعيد أو غير واقع - لم يعدم أحدهم أحد هذه الأسباب؛ ولو وقع لم يقدح في إمامتهم على الإطلاق فإنا لا نعتقد في القوم العصمة بل تجوز عليهم الذنوب ونرجو لهم مع ذلك أعلى الدرجات؛ لما اختصهم الله به من الأعمال الصالحة والأحوال السنية" (MF 20/256 : Raf' ul-malâm, p. 35).

"Il sera dans le Paradis", dans le cas du premier homme, cela signifie qu'il a fait une action conduisant au Paradis (il est cependant possible que cet homme s'expose à la menace d'un châtiment temporaire dans le Feu s'il a commis par ailleurs d'autres péchés graves).
"Il sera dans le Feu", dans le cas des deux autres hommes, signifie qu'il a fait une action grave, entraînant pour lui la menace de passer un séjour temporaire dans le Feu (mais Dieu peut lui pardonner son péché et ne pas lui appliquer cette peine).

Que le premier homme (A.1) ait "connu la vérité", cela signifie que :
--- il avait les compétences voulues (ce qui fait qu'il n'est pas dans le cas B),
--- et il a fait toute la recherche voulue pour découvrir la règle shar'î s'appliquant au cas qu'il a face à lui (ce qui fait qu'il n'est pas dans le cas A.2).
Ensuite :
--- A.1.1) si le hukm shar'î que
(après tout son effort de recherche) il a pensé être le hukm voulu par Dieu dans ce cas de figure, ce hukm correspond réellement à celui que Dieu a institué pour ce cas précis, on dit que sa recherche "est juste" (swawâb), ou "a atteint" (assâba) [la règle instituée par Dieu pour ce cas précis] ; ce juge aura deux récompenses auprès de Dieu pour son effort de recherche du hukm correct ;
--- A.1.2) par contre, si le hukm shar'î que Dieu a institué pour ce cas précis est autre que celui que le juge a trouvé après son effort de recherche, on dit que la recherche de cet homme est "erronée" (khata') ou "a manqué" (akhta'a) [la règle instituée par Dieu pour ce cas précis]. Ce juge n'aura alors pas de péché, mais il aura alors seulement une récompense auprès de Dieu pour son effort de recherche du hukm correct. Cela aussi relève du cas A.1, mais indirectement : lui a fait tout l'effort en son possible pour "connaître la vérité".

Cela est exprimé dans le hadîth suivant :
"إذا حكم الحاكم فاجتهد ثم أصاب فله أجران؛ وإذا حكم فاجتهد ثم أخطأ فله أجر" :
"Si le juge, allant rendre le jugement, fait l'effort de réflexion (ijtihâd) puis parvient à ce qui est juste (assâba) [A.1.1], il a deux récompenses.
Et si, allant rendre le jugement, il fait l'effort puis se trompe (akhta'a) [A.1.2], il a une récompense"
(al-Bukhârî 6919, Muslim 1716).

Par contre, la correspondance du jugement avec la réalité extérieure, à savoir le fait pour le juge d'avoir rendu le jugement en faveur de celui qui, dans les faits, est réellement dans son droit / est réellement la victime, cela, le juge ne peut pas le savoir : Seul Dieu le sait. Le juge humain ne peut juger que selon les apparences, en appliquant les règles shar'î qui sont alors applicables : "عن أم سلمة رضي الله عنها: أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "إنما أنا بشر وإنكم تختصمون إلي، ولعل بعضكم أن يكون ألحن بحجته من بعض، فأقضي على نحو ما أسمع، فمن قضيت له من حق أخيه شيئا، فلا يأخذه فإنما أقطع له قطعة من النار" : "Je ne suis qu'un être humain. Vous venez porter vos litiges devant moi ; et peut-être que l'un parmi vous soit plus habile à présenter son argument qu'un autre, je rend alors le jugement d'après ce que j'ai entendu. Celui en faveur de qui je rends le jugement à propos de ce qui constitue le droit de son frère, qu'il ne prenne pas cela, car je ne fais que lui accorder un morceau de Feu" (al-Bukhârî, Muslim, etc.).

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Rappel :

"والأمانة ترجع إلى خشية الله وألا يشتري بآياته ثمنا قليلا وترك خشية الناس؛ وهذه الخصال الثلاث التي أخذها الله على كل من حكم على الناس؛ في قوله تعالى {فلا تخشوا الناس واخشون ولا تشتروا بآياتي ثمنا قليلا ومن لم يحكم بما أنزل الله فأولئك هم الكافرون} . ولهذا قال النبي صلى الله عليه وسلم {القضاة ثلاثة: قاضيان في النار وقاض في الجنة. فرجل علم الحق وقضى بخلافه فهو في النار. ورجل قضى بين الناس على جهل فهو في النار. ورجل علم الحق وقضى به فهو في الجنة} رواه أهل السنن. والقاضي اسم لكل من قضى بين اثنين وحكم بينهما، سواء كان خليفة أو سلطانا أو نائبا أو واليا؛ أو كان منصوبا ليقضي بالشرع أو نائبا له، حتى من يحكم بين الصبيان في الخطوط إذا تخايروا: هكذا ذكر أصحاب رسول الله صلى الله عليه وسلم وهو ظاهر" :
"Qâdhî est le nom de toute personne qui rend un jugement  entre deux hommes, qu'elle soit calife, sultan, vice-sultan, wâlî, ou qu'elle ait été nommée pour juger selon la Loi ("shar'"), ou nâ'ïb (d'une telle personne), jusque (la personne) qui rend le jugement entre les enfants à propos des écrits lorsqu'ils concourent. Ainsi ont dit les Compagnons du Messager de Dieu (que la paix soit sur lui). Et ceci est évident" (MF 28/254 : Rissâlat ul-Hisba).

"القضاة ثلاثة: قاضيان في النار وقاض في الجنة: رجل علم الحق وقضى به فهو في الجنة؛ ورجل قضى للناس على جهل فهو في النار؛ ورجل علم الحق وقضى بخلافه فهو في النار." فهذان القسمان كما قال: "من قال في القرآن برأيه فأصاب فقد أخطأ ومن قال في القرآن برأيه فأخطأ فليتبوأ مقعده من النار". وكل من حكم بين اثنين فهو قاض سواء كان صاحب حرب أو متولي ديوان أو منتصبا للاحتساب بالأمر بالمعروف والنهي عن المنكر حتى الذي يحكم بين الصبيان في الخطوط فإن الصحابة كانوا يعدونه من الحكام" :
"Tout homme qui rend un jugement entre deux personnes est qâdhî, qu'il soit chef de guerre, responsable de diwan, chargé de hisba par amr bi-l-ma'rûf wa nahy 'an il-munkar, jusque celui qui rend le jugement entre les enfants dans les écrits ("khutût"). Les Compagnons le comptaient comme appartenant à [la catégorie des] juges. Et étant donné que ceux qui rendent le jugement, il leur est ordonné d'être justes et de posséder la connaissance, et étant donné que seulement ce que peut atteindre l'effort de la personne est obligatoire, le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a dit : "Et lorsque le hâkim fait un effort et arrive à la vérité, il a deux récompenses, et s'il se trompe il a une récompense" (MF 18/170).

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Un hadîth du Prophète (sur lui soit la paix) à propos cette fois de celui qui s'improvise médecin traitant des maladies physiques ou mentales :

Nous avons, sur le sujet précis de la médecine, le propos suivant du Prophète (sur lui soit la paix) : "من تطبب ولا يعلم منه طب، فهو ضامن" : "Celui qui s'est improvisé médecin alors même qu'on ne connait pas chez lui de [compétence en] médecine, celui-là sera responsable [de tout dommage que ses prescriptions ou ses actes auront causés chez le malade]" (Abû Dâoûd 4586, an-Nassâ'ï, Ibn Mâja).

En fait, les choses sont comme suit...

A) S'il s'agit d'un vrai praticien, doté de vraies compétences en médecine, alors :

--- A.1) si ce vrai praticien a réalisé la prescription ou l'acte chirurgical dans les règles de l'art et que le patient a subi un dommage à cause du médicament prescrit ou des suites de l'opération, alors : la responsabilité de ce vrai praticien n'est pas engagée, car il n'y a pas eu de faute professionnelle ni de manquement de sa part ;
--- A.2) si ce vrai praticien a mal fait la prescription ou l'acte chirurgical, et que le patient a subi un dommage à cause du médicament prescrit ou de l'opération réalisée, alors : la responsabilité de ce vrai praticien est engagée, car il a eu un manquement (Zâd ul-ma'âd, 4/139).

B) Par contre, si quelqu'un s'improvisait médecin et que le malade a cru qu'il l'était réellement*, et que ce faux praticien lui a prescrit un remède ou a réalisé une intervention chirurgicale, alors :

--- B.1) même si la prescription ou l'acte a été mené(e) dans les règles de l'art, ce charlatan sera responsable de tout dommage que cela aura entraîné (Ibid. 4/140). C'est cette différence que ce hadîth met en exergue ;
--- B.2) et si ce faux praticien a mal fait la prescription ou l'acte chirurgical, sa responsabilité est à plus forte raison engagée.

* "et que le malade a cru qu'il l'était réellement" : car si le malade savait que l'homme n'est pas un médecin, alors il y a divergence d'avis quant à savoir si la responsabilité temporelle de ce charlatan est engagée, vu que le malade l'a consulté quand même :
----- Ibn ul-Qayyim dit que la responsabilité du charlatan n'est pas engagée, vu que celui qui l'a consulté savait qu'il n'a pas les compétences voulues ;
----- mais un avis différent semble se dégager de ce que al-Khattâbî a écrit : Zâd ul-ma'âd, 4/139-140.

Comme nous l'avions vu plus haut, la même question se pose par rapport au hadîth suscité : Si l'homme qui a posé une question (mustaftî) d'ordre Dînî savait que la personne qu'il questionne n'a pas les compétences voulues pour lui délivrer un avis supposé correct, alors la responsabilité du péché lié à la fausse croyance ou la fausse action incombera-t-elle seulement à la personne qui lui a délivré l'avis seulement, ou à lui aussi ?

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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