Pour l'homme, accomplir la prière rituelle (salât) tête nue, est-ce fortement déconseillé (مكروه تحريمي) ? ou bien autorisé mais moins bien (جائز ولكن خلاف الأولى) ? ou bien purement autorisé (مباح) ? - Voici 2 avis sur cette question : celui de cheikh Khâlid Saïfullah ; et celui de cheikh Ibn ul-Uthaymîn

En fait il existe plusieurs avis quant au fait, pour un homme, de se couvrir la tête lors de la prière rituelle (cela lorsque, bien sûr, cet homme possède de quoi le faire ; car la question ne se pose pas quand il n'a pas, en sa possession, ou sous la main, de quoi se couvrir la tête).

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En fait deux principes entrent ici en jeu :

Le premier est ce qu'un verset du Coran énonce ainsi : "يَا بَنِي آدَمَ خُذُوا زِينَتَكُمْ عِنْدَ كُلِّ مَسْجِدٍ" : "O fils de Adam, prenez votre parure au moment de chaque prosternation" (Coran 7/31). Ce verset requiert de celui qui va effectuer une prière rituelle qu'il choisisse une tenue vestimentaire correcte, digne et soignée.

Le second principe est que, en sus de se couvrir ce qu'il est obligatoire de se couvrir (devant Dieu, ou devant les humains autres que son(sa) conjoint(e)), pour le reste il est pour l'homme des parties que recouvrir relève universellement de la bienséance et de la belle parure, alors qu'il est d'autres parties où le fait que les recouvrir soit requis ou ne le soit pas, cela est fonction de l'usage de la région. Ash-Shâtibî écrit ainsi :
"العوائد المستمرة ضربان:
أحدهما: العوائد الشرعية التي أقرها الدليل الشرعي أو نفاها، ومعنى ذلك أن يكون الشرع أمر بها إيجابا أو ندبا، أو نهى عنها كراهة أو تحريما، أو أذن فيها فعلا وتركا.
والضرب الثاني هي: العوائد الجارية بين الخلق بما ليس في نفيه ولا إثباته دليل شرعي.

فأما الأول، فثابت أبدا، كسائر الأمور الشرعية (...).
وأما الثاني، فقد تكون تلك العوائد ثابتة، وقد تتبدل، ومع ذلك فهي أسباب لأحكام تترتب عليها.

فالثابتة كوجود شهوة الطعام والشراب والوقاع والنظر والكلام والبطش والمشي وأشباه ذلك ، وإذا كانت أسبابا لمسببات حكم بها الشارع، فلا إشكال في اعتبارها والبناء عليها والحكم على وفقها دائما.
والمتبدلة: منها: ما يكون متبدلا في العادة من حسن إلى قبح، وبالعكس؛ مثل كشف الرأس: فإنه يختلف بحسب البقاع في الواقع، فهو لذوي المروءات قبيح في البلاد المشرقية، وغير قبيح في البلاد المغربية؛ فالحكم الشرعي يختلف باختلاف ذلك: فيكون عند أهل المشرق: قادحا في العدالة؛ وعند أهل المغرب: غير قادح. ومنها: (...)" (Al-Muwâfaqât).

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En vertu de ces 2 principes, voici 2 avis, par 2 Cheikhs...

Cheikh Khalid Saïfullâh est d'avis que se couvrir la tête pour l'accomplissement de la prière rituelle (salât) est systématiquement Matlûb, requis. Cependant, ne pas se couvrir la tête pendant la salât est selon lui :
----- Mak'rûh Tahrîmî (fortement déconseillé) dans les régions où l'usage est que se couvrir la tête est requis pour que sa tenue vestimentaire soit considérée convenable et soignée,
----- et seulement Mak'rûh Tanzîhî (légèrement déconseillé) [donc demeurant Jâ'ïz, autorisé] dans les régions où se couvrir la tête n'est pas requis pour que sa tenue vestimentaire soit considérée convenable et soignée.

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Cheikh Ibn ul-Uthaymîn est pour sa part d'avis que (en sus de la partie du corps qu'il est nécessaire de recouvrir par des vêtements pour la validité de la prière rituelle), pour le reste, ce qui est systématiquement Matlûb, Requis pour la prière rituelle, c'est (dans la mesure de ses moyens) de porter une tenue convenable, belle et soignée, et ce en vertu du verset suscité "يَا بَنِي آدَمَ خُذُوا زِينَتَكُمْ عِنْدَ كُلِّ مَسْجِدٍ" : "O fils de Adam, prenez votre parure au moment de chaque prosternation" (Coran 7/31). Dès lors, pour l'homme, se couvrir la tête pour l'accomplissement de la prière rituelle est :
-----  Afdhal, Mieux, dans les régions où l'usage fait que se couvrir la tête est requis pour que sa tenue vestimentaire soit considérée convenable et soignée [et accomplir la prière rituelle tête nue est donc Khilâf ul-Afdhal (moins bien)] ;
----- Mubâh, Purement Autorisé, dans les régions où se couvrir la tête n'est pas requis pour que sa tenue vestimentaire soit considérée convenable et soignée [et ne pas se couvrir la tête pour l'accomplissement de la prière rituelle est  donc lui aussi Mubâh, purement autorisé].

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Dès lors, on peut dire que, en fonction du Réel de la France (y compris La Réunion), pour l'homme lorsqu'il accomplit la prière rituelle (salât) :

se couvrir la tête est Mustahabb (recommandé), et ne pas se couvrir la tête est Mak'rûh Tanzîhî (légèrement déconseillé) d'après cheikh Khâlid Saïfullâh.
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se couvrir la tête, comme ne pas se couvrir la tête, tous deux sont Mubâh (purement autorisés) d'après cheikh Ibn ul-Uthaymîn.

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Ci-après le détail de ces 2 avis (fatwas)...

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I) L'avis de Cheikh (Qâdhî) Khâlid Saïfullah de Hyderabad (Inde) :

Voici l'original de son écrit sur le sujet :

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Et en voici la traduction :

"Accomplir la prière rituelle (salât) la tête nue :

Aujourd'hui l'usage [qu'ont certains hommes] d'accomplir la salât la tête nue est en train de se répandre.

En islam, le qalansuwa, le turban ou chose comparable, cela occupe la position de shi'âr des pieux.
L'usage le plus commun du Messager de Dieu (que Dieu prie sur lui et le salue) et de ses Compagnons (que Dieu soit satisfait d'eux) était de porter le turban.
Certes, certaines relations existent qui montrent que le Prophète (que Dieu prie sur lui et le salue) a accompli la salât vêtu d'un seul vêtement. Cependant, en considérant l'usage le plus commun qu'il a eu, tout ce qu'on peut dire c'est que cela [= le fait qu'il ait accompli la salât vêtu d'un seul vêtement] a été fait :
--- à cause d'une raison valable,
--- ou bien pour montrer le caractère autorisé (jawâz).

L'auteur de ces lignes est d'avis que, comme l'a écrit Abû Is'hâq ash-Shâtibî, en fait cela est lié à l'usage ('urf), à l'habitude ('âdat) et à la coutume (riwâj) :
Dans les pays d'Occident, là où [pour les hommes] se couvrir la tête n'est pas considéré comme faisant partie du respect, il y a autorisation (ijâza) [pour les hommes] d'accomplir la salât la tête nue.

Et dans les pays d'Orient, là où [pour les hommes] se couvrir la tête est considéré comme partie intégrante du respect, il est mak'rûh (tahrîmî) [pour les hommes] d'accomplir sans motif valable la salât la tête nue.

A ce sujet, le grand savant al-Haskafî écrit :
"Accomplir la salât la tête nue, si cela est fait par paresse, cela est mak'rûh (tahrîmî).
Il n'y a pas de mal si cela est fait par humilité.
Par contre, si cela est fait pour avilir la salât, c'est du kufr.
Si la qalansuwa tombe pendant la salât, alors il est mieux de la reprendre, sauf si on ne peut le faire à cause de répétition ou d'un 'amal kathîr."

(Jadîd fiq'hî massâ'ïl, pp. 140-141).

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Maintenant, concrètement, l'application de ce principe sera en corrélation avec le réel (الواقع) du pays dans lequel on se trouve... Sur cette question, liée au "فهم الواقع" (compréhension de la réalité concrète du terrain), il suffit donc de considérer ce "Wâqi'".

Le Réel de l'Inde est que se couvrir la tête quand on rencontre quelqu'un d'important est nécessaire : cela participe du respect.
Dès lors, accomplir la prière rituelle tête nue est, en Inde, mak'rûh tahrîmî.

Et le Réel de la France et de La Réunion sur ce point, quel est-il ? Est-ce ici un manque de respect de la part d'un homme de se présenter tête nue devant quelqu'un d'important ?
La réponse est bien évidemment : Non.

Je parle du Wâqi' de la société (et pas du seul fait que les musulmans de telle origine ont pris l'habitude de se couvrir la tête parce qu'ils ont cru que le port de la qalansuwa est systématiquement fortement recommandé - voire obligatoire - lors de la prière rituelle).

Dès lors, ici, le port de la qalansuwa pendant la prière demeure recommandé (mustahabb), et ne pas se couvrir la tête pour un homme pendant la prière rituelle est seulement légèrement déconseillé (mak'rûh tanzîhî).

Ce qui est seulement mustahabb est, par définition, tel que le pratiquer rapporte des récompenses (thawâb) auprès de Dieu, mais ne pas le pratiquer ne rapporte nul péché et nulle menace de sanction auprès de Lui, et ne peut pas faire l'objet de reproches de la part de coreligionnaires (vu qu'il ne s'agit pas d'un munkar).
Or on constate que certains frères font des reproches aux jeunes qui prient tête nue, alors même qu'ils ne font pas ce genre de reproches aux amis qui ne gardent pas de barbe (celle-ci étant pourtant wâjib).
Il faudrait veiller à garder chaque chose à sa juste mesure : au hukm qui est réellement le sien.

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Un autre écrit de Cheikh Khalid Saïfullah au sujet de la même question :

Un autre écrit de Cheikh Khâlid Saïfullâh existe (il est reproduit ci-dessous), où, à 2 musulmans de l'Inde le questionnant sur le sujet, le Cheikh leur répond inconditionnellement que faire la salât tête nue est mak'rûh (tahrîmî) (cf. Kitâb ul-fatâwâ, tome 2 pp. 223-225).

Mais en fait cet autre écrit concorde tout à fait avec le principe général que lui-même a évoqué dans son écrit reproduit plus haut : cette autre réponse a été donnée en corrélation avec le Wâqi' de l'Inde (dans les 2 questions, la localité où chacun de ces 2 musulmans habite est d'ailleurs mentionnée) ; dans l'usage de l'Inde, se couvrir la tête devant quelqu'un est une marque de nécessaire respect ; dès lors, accomplir la prière rituelle tête nue (alors même qu'on dispose de quoi la recouvrir) est mak'rûh tahrîmî.

Ceci explique cela.

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II) Voici maintenant l'avis de Cheikh Ibn ul-Uthaymîn sur le sujet :

Ibn Taymiyya écrit ce qui suit, citant un propos de Abdullâh ibn Omar (que Dieu l'agrée) à son ancien esclave Nâfi' : ayant vu ce dernier accomplir la prière rituelle tête nue, Abdullâh ibn Omar lui demanda : "Si tu sortais (de la maison et te rendais) devant les gens, est-ce que tu sortirais ainsi [= tête nue] ? - Non. - Eh bien Dieu mérite plus que tu t'embellisses pour Lui" : "فتؤخذ الزينة لمناجاته سبحانه. ولهذا قال ابن عمر لغلامه نافع لما رآه يصلي حاسرا: "أرأيت لو خرجت إلى الناس كنت تخرج هكذا؟" قال: لا. قال: "فالله أحق من يتجمل له" (MF 22/117).

Ibn ul-Uthaymîn déclare d'abord que ce propos indique, en sa littéralité, que se couvrir la tête pour accomplir la prière est systématiquement Afdhal, recommandé.
Cependant, il évoque ensuite le fait que, à la lumière du verset coranique 78/31, il s'agit de relativiser la portée de ce propos de Abdullâh ibn Omar, en restreignant son applicabilité aux :
----- usages où le fait de se couvrir la tête participe de la tenue vestimentaire complète et soignée : c'est là-bas que se couvrir la tête pour l'accomplissement de la prière rituelle est Afdhal ;
----- et que, par contre, dans les pays où se couvrir la tête ne fait pas partie d'une tenue soignée, se couvrir la tête pour l'accomplissement de la prière rituelle, ou ne pas se couvrir la tête alors, tous deux sont Mubâh, purement autorisés.

Voici l'original de son dire sur le sujet :
"وظاهر كلام المؤلف أن ستر الرأس ليس بسنة، لأنه قال: "صلاته في ثوبين إزار ورداء، قميص ورداء، وما أشبه ذلك." فظاهره أنه لا يشرع ستر الرأس. وقد سبق في أثر ابن عمر أنه قال لمولاه نافع: "أتخرج إلى الناس حاسر الرأس؟ قال: لا. قال: فالله عز وجل أحق أن يستحي منه"، وهو يدل على أن الأفضل ستر الرأس.
ولكن إذا طبقنا هذه المسألة على قوله تعالى: {يَا بَنِي آدَمَ خُذُوا زِينَتَكُمْ عِنْدَ كُلِّ مَسْجِدٍ}، تبين لنا أن ستر الرأس أفضل في قوم يعتبر ستر الرأس عندهم من أخذ الزينة؛ أما إذا كنا في قوم لا يُعتبر ذلك من أخذ الزينة، فإنا لا نقول: إن ستره أفضل، ولا: إن كشفه أفضل.
وقد ثبت عن النبي صلى الله عليه وسلم أنه "كان يصلي في العمامة"؛ والعمامة ساترة الرأس" (Ash-Shar'h ul-Mumti').

On peut également écouter l'enregistrement d'un propos similaire qu'il a tenu.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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