La musulmane accomplira-t-elle ses prières rituelles à la mosquée, ou chez elle ?

Question :

La musulmane peut-elle, doit-elle accomplir ses prières rituelles à la mosquée, ou dans sa demeure ?

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Réponse :

La règle normale est qu'il est permis à la femme d'aller à la mosquée et d'y accomplir la prière (salât) sous la direction du imam. Abdullâh ibn Omar relate que le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "عن سالم بن عبد الله، عن أبيه، عن النبي صلى الله عليه وسلم: "إذا استأذنت امرأة أحدكم فلا يمنعها" : "Lorsque la femme demande à l'un de vous la permission de se rendre à la mosquée, qu'il ne l'en empêche pas" (al-Bukhârî 835, 4940, Muslim 442). "عن ابن عمر، قال: كانت امرأة لعمر تشهد صلاة الصبح والعشاء في الجماعة في المسجد، فقيل لها: لم تخرجين وقد تعلمين أن عمر يكره ذلك ويغار؟ قالت: وما يمنعه أن ينهاني؟ قال: يمنعه قول رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا تمنعوا إماء الله مساجد الله" : "N'interdisez pas aux servantes de Dieu les mosquées de Dieu" (al-Bukhârî 858, Muslim 442). Leur présence à la mosquée est en soi jâ'ïz, et le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a dit aux hommes de ne pas les en empêcher (les en empêcher est mak'rûh tanzîhan ou mak'rûh tahrîman ; cf. Shar'h Muslim 4/161-162).

Cependant, cela n'a pas pour la femme le même caractère que pour l'homme :
--- Pour lui cela est fortement recommandé (d'après un avis), ou presque obligatoire (d'après un autre avis), lorsque les conditions voulues - bien connues et citées dans les ouvrages de jurisprudence - sont présentes.
--- Alors que pour elle cela est seulement autorisé ; le Prophète (sur lui la paix) a même dit : "عن ابن عمر، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا تمنعوا نساءكم المساجد، وبيوتهن خير لهن" : "N'empêchez pas les femmes de [se rendre] dans les mosquées. Leur domicile est cependant meilleur pour elles" (Abû Dâoûd, n° 567).

Par ailleurs, le Prophète (sur lui soit la paix) a institué des règles pour la présence de la femme à la mosquée :
--- 1) Il a dit : "عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "لا تمنعوا إماء الله مساجد الله، ولكن ليخرجن وهن تفلات" : "N'interdisez pas aux servantes de Dieu les mosquées de Dieu, mais qu'elles sortent en n'étant pas parfumées" (Abû Dâoûd, n° 565, authentifié par al-Albânî). Cela ne veut pas dire qu'elle doive sentir mauvais mais qu'elle ne doit utiliser alors aucun parfum susceptible d'être ressenti sur son passage ou à distance. Le Prophète avait dit : "… et le parfum des femmes [quand elles sortent de chez elles] est ce dont l'odeur est discrète…" (at-Tirmidhî, n° 2788).
--- 2) "عن نافع، عن ابن عمر، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لو تركنا هذا الباب للنساء." قال نافع: فلم يدخل منه ابن عمر، حتى مات. وقال غير عبد الوارث: قال عمر: وهو أصح" : Il a voulu que la porte des femmes soit différente de celle des hommes (Abû Dâoûd, n° 462 et 571).
--- 3) "عن أبي أُسَيد الأنصاري أنه سمع رسول الله صلى الله عليه وسلم، يقول وهو خارج من المسجد، فاختلط الرجال مع النساء في الطريق، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم للنساء: "استأخرن، فإنه ليس لكن أن تحققن الطريق؛ عليكن بحافات الطريق." فكانت المرأة تلتصق بالجدار حتى إن ثوبها ليتعلق بالجدار من لصوقها به" : Il a rappelé qu'après être sortis de la mosquée, hommes et femmes ne devaient pas se mélanger (afin d'éviter de possibles bousculades, avec tout ce que cela engendrerait) (Abû Dâoûd, n° 5272). Il voulait d'ailleurs que les femmes sortent de la mosquée les premières : "عن أم سلمة رضي الله عنها، قالت: "كان رسول الله صلى الله عليه وسلم إذا سلم قام النساء حين يقضي تسليمه، ومكث يسيرا قبل أن يقوم." قال ابن شهاب: فأرى والله أعلم أن مكثه لكي ينفذ النساء قبل أن يدركهن من انصرف من القوم" (al-Bukhârî, 802).
--- 4) Il a rappelé : "عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "خير صفوف الرجال أولها، وشرها آخرها. وخير صفوف النساء آخرها، وشرها أولها" : "Les meilleures rangées des hommes sont les premières, les moins bonnes sont les dernières. Les meilleures rangées des femmes sont les dernières, les moins bonnes sont les premières" (Muslim, 440). Les hommes occupaient en effet les premières rangées, les femmes celles de derrière.
--- 5) Il y a aussi ce point, en rapport avec la situation de pauvreté d'alors et de manque de vêtements chez les hommes : "عن سهل بن سعد، قال: لقد رأيت الرجال عاقدي أزرهم في أعناقهم مثل الصبيان من ضيق الأزر خلف النبي صلى الله عليه وسلم. فقال قائل: "يا معشر النساء، لا ترفعن رءوسكن حتى يرفع الرجال" (Muslim, 441, Abû Dâoûd, 630). "عن أسماء بنت أبي بكر، قالت: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من كان منكن يؤمن بالله واليوم الآخر، فلا ترفع رأسها حتى يرفع الرجال رءوسهم"، كراهة أن يرين من عورات الرجال" (Abû Dâoûd, 851).

Certaines versions du hadîth parlant de la venue de la femme à la mosquée stipulent que la demande d'autorisation pour se rendre à la mosquée concerne la nuit (al-Bukhârî 827, etc. voir FB 2/448) :
--- certains ulémas en ont déduit que, de jour, la femme ne se rendra de toute façon pas à la mosquée (Al-Hidâya 1/105 ; FB 2/492-493 ; c'est peut-être aussi l'avis de al-Bukhârî : FB 2/493) ;
--- d'autres ulémas ont déduit chose très différente de ces versions : il font valoir que c'est sortir la nuit qui constitue un risque accru. Sinon, pour la journée, de toute façon les Compagnons ne disaient pas "non" à leur épouse voulant se rendre à la mosquée ; c'est pourquoi le hadîth parle de demander la permission pour les prières de la nuit (FB 2/492).

Il faut rappeler que le Prophète n'avait pas fait de la mosquée un lieu destiné à la prière uniquement. C'est là certes l'objectif premier, mais à cela il faut ajouter que la mosquée du Prophète à Médine était le lieu où, hors les horaires des prières, on diffusait l'enseignement (ta'lîm), on faisait le rappel (tadhkîr) et on faisait des appels en faveur de ceux qui étaient dans le dénuement. C'est pourquoi le Prophète parlait de "la part que l'on retire de la mosquée". Il a dit : "عن بلال بن عبد الله بن عمر، عن أبيه قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا تمنعوا النساء حظوظهن من المساجد، إذا استأذنوكم" : "N'empêchez pas les femmes de prendre leur part des mosquées, lorsqu'elles vous en demandent la permission" (Muslim, 442). Ceci étant dit, tout ne peut pas être fait dans la mosquée, et le Prophète a ainsi interdit qu'on y effectue du commerce ou qu'on y lance un appel pour ce qu'on a perdu.

Par ailleurs, on voit dans ce hadîth que si d'un côté il est demandé à la femme d'obtenir l'autorisation de son mari, de l'autre il est demandé à celui-ci de ne pas lui répondre par la négative, c'est-à-dire sans qu'il y ait une raison valable à le faire. Car le mari a certes le droit de répondre par la négative (cf. Fat'h ul-bârî 2/449). Cependant, sur le plan moral, s'il n'y a pas de réelle maslaha shar'iyya à le faire, empêcher son épouse de se rendre à la mosquée est mak'rûh tanzîhan ou mak'rûh tahrîman (cf. Shar'h Muslim 4/161-162).

Abdullâh ibn Omar relate ainsi qu'une épouse de son père, Omar ibn ul-Khattâb, assistait aux prières de l'aube et de la nuit en congrégation à la mosquée. Il s'agissait, dit Ibn Hajar, de 'Atika bint Zayd. Comme son mari, Omar, lui dit : "Tu sais que je n'aime pas cela", elle lui répondit : "Par Dieu, je ne cesserai pas tant que tu ne me l'interdiras pas." A quelqu'un – peut-être Abdullâh, son beau-fils – qui lui rappelait que son mari n'aimait pas cela, elle dit : "Et qu'est-ce qui l'empêche donc de me l'interdire ?". Ce quelqu'un lui répondit alors : "L'en empêche cette parole du Messager de Dieu : "N'interdisez pas aux servantes de Dieu les mosquées de Dieu."" Quand Omar ibn ul-Khattâb fut attaqué et mortellement blessé alors qu'il dirigeait la prière de l'aube, 'Atika se trouvait dans la mosquée : "عن ابن عمر، قال: كانت امرأة لعمر تشهد صلاة الصبح والعشاء في الجماعة في المسجد، فقيل لها: لم تخرجين وقد تعلمين أن عمر يكره ذلك ويغار؟ قالت: وما يمنعه أن ينهاني؟ قال: يمنعه قول رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا تمنعوا إماء الله مساجد الله" (al-Bukhârî 858, avec FB 2/493). On voit que bien qu'il préférait que son épouse ne se rende pas à la mosquée et accomplisse les prières à la maison (préférence qui correspond à l'autre hadîth du Prophète, suscité), Omar en parla à son épouse mais ne le lui interdit pas.

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A l'époque du Prophète, dans sa mosquée à Médine, il n'y avait pas de séparation (rideau ou mur) entre hommes et femmes, et c'est dans pareil contexte que des musulmanes des premiers temps se joignaient à la prière en groupe : elles voyaient par exemple le imam lorsqu'il faisait le prêche en chaire.

Aujourd'hui, le problème est l'évidente décadence spirituelle et morale de la communauté musulmane, et c'est ce qui a conduit certains ulémas de certains pays musulmans à faire aménager une séparation (mur ou rideau), à l'intérieur de la mosquée, entre le lieu où les femmes prient et celui où les hommes prient. La Mosquée an-Nabawî à Médine aujourd'hui offre un exemple typique à ce sujet. L'objectif n'est pas de dire qu'il faille faire une focalisation sur les risques liés à la présence d'hommes et de femmes à cause de la patente décadence spirituelle, mais que face à cette décadence, des mesures supplémentaires sont prises pour éviter que le fait de se rendre à la mosquée puisse engendrer des situations totalement opposées à l'éthique musulmane et, surtout, à l'objectif poursuivi par la présence de femmes à la mosquée.

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Au premier siècle de l'Islam, déjà, les années passant après le décès du Prophète, il y eut des femmes (qui n'avaient pas vu le Prophète) qui se mirent à se parer excessivement (tabarruj) lorsqu'elle sortaient de chez elles et se rendaient à la mosquée. Aïcha (que Dieu l'agrée), veuve du Prophète, a proposé de reconsidérer l'autorisation donnée par le Prophète aux femmes de venir à la mosquée pour y accomplir la prière rituelle en congrégation, et ce à la lumière de la dégradation des moeurs constatée dans le nouveau contexte : "Si le Prophète, que Dieu le bénisse et le salue, avait vu ce que les femmes font, il leur aurait interdit de se rendre à la mosquée" : "عن عمرة بنت عبد الرحمن، أنها سمعت عائشة زوج النبي صلى الله عليه وسلم تقول: "لو أن رسول الله صلى الله عليه وسلم رأى ما أحدث النساء لمنعهن المسجد كما منعت نساء بني إسرائيل." قال: فقلت لعمرة: أنساء بني إسرائيل منعن المسجد؟ قالت: "نعم" (al-Bukhârî 831, Muslim 445, et c'est la version de celui-ci qui a été reproduite). Et alors que Aïcha s'était contentée d'exprimer une réflexion (Fat'h ul-bârî 2/452), Abû Hanîfa a donné fatwa dans ce sens : il a déclaré mauvais (mak'rûh tahrîmî) pour toutes les femmes autres que âgées de venir prier à la mosquée (Radd ul-muhtâr 2/307). Quant aux femmes âgées, elles ne devraient selon lui venir prier à la mosquée que les prières pendant lesquelles les hommes aux moeurs dissolues sont occupés chez eux (à manger ou à dormir), soit, pour son époque : seulement les prières de maghrib, de 'ishâ et de fajr, de même que celle des deux Eids (Radd ul-muhtâr 2/307, Al-Hidâya, tome 1, Fat'h ul-qadîr, 1/375-376). Abû Yûssuf et Muhammad ibn ul-Hassan déclarent pour leur part que les femmes âgées peuvent venir prier toutes les prières à la mosquée (Ibid.). Dans l'article que nous avons consacré à ce principe, nous avons traité de façon détaillée l'articulation entre cette parole de Aïcha, et le hadîth du Prophète demandant de ne pas empêcher les femmes de venir à la mosquée).

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D'un autre côté, un fils de Abdullâh ibn Omar – Bilâl, ou Wâqid, ou peut-être aussi les deux – avait dit qu'il empêcherait son épouse de se rendre à la mosquée. C'était probablement pour la même raison que celle à laquelle Aïcha faisait allusion, dit Ibn Hajar, car les femmes pourraient invoquer de façon fausse ce motif pour d'autres objectifs.
Cependant, son père Abdullâh ibn Omar le blâma pour la généralité de son propos ou pour la façon dont il l'avait exprimé : "عن بلال بن عبد الله بن عمر، عن أبيه قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا تمنعوا النساء حظوظهن من المساجد، إذا استأذنوكم." فقال بلال: "والله، لنمنعهن!" فقال له عبد الله: "أقول: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم وتقول أنت: لنمنعهن" (Muslim, 442, et FB 2/449-450).

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Conclusion :

Certains ulémas, entre autres les hanafites de l'Inde, se fondent sur la parole de Aïcha et disent que la musulmane ne viendra pas à la mosquée.

D'autres ulémas, dans d'autres pays, disent qu'il est autorisé à la musulmane de venir à la mosquée pour y faire ses prières et profiter des discours et des cours qui y sont donnés, sous réserve que l'ensemble des règles citées ci-dessus soient respectées. Ils demandent de plus qu'une séparation soit placée dans la mosquée, et ce à cause de la décadence spirituelle et morale actuelle.

Certains autres ulémas encore, dans d'autres pays, disent que la femme peut venir à la mosquée et qu'à l'instar de ce qui se passait à l'époque du Prophète dans sa mosquée, il est possible de ne pas mettre de la séparation entre hommes et femmes.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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