Maquillage, bijoux etc. sont-ils autorisés pour la musulmane ?

Question :

La musulmane peut-elle s'embellir par du maquillage et/ou de beaux vêtements et /ou des bijoux lorsqu'elle sort de chez elle, ou bien cela est-il réservé au moment où elle se trouve en intimité chez elle ?

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Réponse :

1) La musulmane peut-elle avoir une tenue soignée et sortir ainsi vêtue de chez elle ?

Il est arrivé qu'une musulmane vienne rendre visite à une épouse du Prophète (sur lui soit la paix) vêtue d'un foulard de couleur verte (rapporté par al-Bukhârî, n° 5487).
Le Prophète a également voulu que le port de vêtements teintés par le carthame ('usfur) – qui donne une teinte tirant sur le rouge ou sur le rose – soit réservé aux femmes (rapporté par Muslim).
Le Prophète s'était même étonné du fait que l'apparence de l'épouse de 'Uthmân ibn Maz'ûn était excessivement négligée, et il s'en était ouvert à son épouse Aïcha (rapporté par Ahmad, n° 25104). Ceci veut dire qu'il l'avait vue dans cette apparence et qu'il avait trouvé celle-ci excessivement négligée.

Il n'y a pas l'obligation de ne mettre que du noir, ou que du blanc...

Toutefois, il faut préciser qu'un principe extrait des sources musulmanes veut que, ce faisant, la musulmane n'outrepasse pas les limites de ce qui est courant dans la société où elle vit : pas d'excès en la matière, donc. Car le contraire attirera immanquablement les regards vers elle, ce qui est contraire à ce à quoi elle aspire en son âme et conscience. C'est ce que Abû Chuqqa a écrit, se fondant sur des Hadîths et des propos de ulémas (Tahrîr ul-mar'a, tome 4 p. 251, p. 261, p. 277).

La tenue de la musulmane à l'extérieur de chez elle doit donc être d'un juste milieu : ni négligée, ni excessive au point d'attirer immanquablement tous les regards. Nous allons revenir sur ce point dans le paragraphe 4, plus bas.

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2) La musulmane peut-elle porter des bijoux lorsqu'elle sort de chez elle ?

Comme chacun le sait, l'islam demande que la femme porte des vêtements sur toute autre partie du corps que son visage et ses mains (et ses pieds d'après certains ulémas). Aussi, étant donné que les bijoux qui sont portés ailleurs que sur les mains et le visage (comme les boucles d'oreilles, les colliers, etc.) doivent être couverts par des vêtements et ne doivent pas faire entendre de cliquetis, la question ci-dessus se pose uniquement en ce qui concerne les bijoux portés sur les mains (comme les bagues, et comme les bracelets qui arrivent sur les mains) et parfois sur le visage (petites boucles portées dans certains pays dans le nez).

Et la réponse à cette question est : Oui, la musulmane peut porter des bijoux sur ses mains et/ou son visage lorsqu'elle sort de chez elle.

D'ailleurs il est arrivé que des musulmanes se rendent auprès du Prophète portant des bracelets en or, que le Prophète voie ces bracelets, qu'il leur demande si elle s'acquitte de l'impôt purificateur (zakât) à propos de leurs bijoux (Sahîh ut-Targhib wa-t-tarhîb, n° 763-765).

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Une autre question se pose ici qui est directement liée à la précédente : Sans même parler du moment où elle sort de chez elle, en soi le port des bijoux en or est-il permis à la musulmane ?

Les ulémas ont toujours répondu que si l'homme ne devait pas porter de bijoux en or, la femme, elle, pouvait en porter. Ils se fondent pour cela sur le Hadîth bien connu où le Prophète a dit à propos de la soie et de l'or : "Ces deux choses sont interdites aux hommes de ma communauté, permises aux femmes" (rapporté par Abû Dâoûd, an-Nassaï, Ibn Mâja).

Mais al-Albânî a écrit pour sa part que la femme pouvait ne porter comme bijoux en or que ceux qui n'ont pas une forme massive et ronde ("muhallaq"). Il s'est fondé sur six Hadîths (voir Adâb uz-zafâf, pp. 151-164). Il faut souligner que sans avoir exactement le même avis que al-Albânî, Shâh Waliyyullâh avait écrit quelque chose sur le sujet (voir Hujjat ullâh il-bâligha, 2/515-516).

Cependant, al-A'zamî
, autre grand spécialiste des Hadîths, a démontré que les Hadîths sur lesquels s'est fondé al-Albânî à ce sujet n'indiquent pas de façon formelle une interdiction du port de bijoux en or pour la femme. En effet, affirme-t-il, des Hadîths qu'al-Albânî a cités, les uns ne sont pas authentiques, et les autres n'indiquent pas explicitement une interdiction, mais soit le fait que le Prophète a préféré pour certaines musulmanes – dont ses épouses – qu'elles ne portent pas de bijoux en or ; soit qu'il est interdit de porter des bijoux en or par fierté (voir Al-Albânî shudhudhuhû wa akhtâ'uh, pp. 38-54).

Les musulmanes peuvent donc porter des bijoux en or tant que cela n'est pas fait par fierté. Et s'il s'agit de bagues, de bracelets ou de boucles portées dans le nez, elles peuvent également les porter de façon visible à l'extérieur de chez elles.

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3) La musulmane peut-elle s'embellir le visage par des substances colorées et sortir ainsi de chez elle ?

Dans le souci qu'il n'y ait pas de perte de repères entre hommes et femmes (ce dont Elisabeth Badinter fait la critique à propos de la société occidentale d'aujourd'hui), le Prophète a énoncé comme principe général que Dieu voulait que les hommes et les femmes ne s'imitent pas les uns les autres dans leurs attributs particuliers.

A la lumière de ce principe, le Prophète a dit :
"عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "طيب الرجال ما ظهر ريحه وخفي لونه؛ وطيب النساء ما ظهر لونه وخفي ريحه" :
"Le parfum qu'utiliseront les hommes est ce dont l'odeur est apparente et dont la couleur est discrète. Et le parfum qu'utiliseront les femmes est ce dont la couleur est apparente et dont l'odeur est discrète"
(at-Tirmidhî, 2787, an-Nassâï).
"Un parfum à l'odeur discrète"
est "un parfum dont l'odeur n'est pas ressentie par ceux dont on passe à proximité, et qui ne fait que masquer les odeurs corporelles".
Il y a aussi ce hadîth : "عن عمران بن حصين، أن نبي الله صلى الله عليه وسلم قال: "لا أركب الأرجوان، ولا ألبس المعصفر، ولا ألبس القميص المكفف بالحرير." قال: وأومأ الحسن إلى جيب قميصه قال: وقال: "ألا وطيب الرجال ريح لا لون له، ألا وطيب النساء لون لا ريح له." قال سعيد: أره قال: إنما حملوا قوله في طيب النساء على أنها إذا خرجت؛ فأما إذا كانت عند زوجها فلتطيب بما شاءت" (Abû Dâoûd, 4048).

Si cela est interdit à la femme, c'est à cause de ce que dit un autre hadîth bien connu : "عن أبي موسى، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "كل عين زانية. والمرأة إذا استعطرت فمرت بالمجلس فهي كذا وكذا" (at-Tirmidhî, 2786).

Saïd ibn Abî 'Arûba, un des maillons de la chaîne de transmission du hadîth précédent (celui rapporté par Abû Dâoûd), a relaté avoir entendu cette précision : "Ils ont rapporté ce propos du Prophète à propos du parfum qu'utilisera la femme : au moment où elle sort de chez elle [et, par extension, au moment où sont présents des hommes qui ne sont pas son mari ou ses proches parents]. Par contre, lorsqu'elle se trouve auprès de son mari, la femme se parfumera par ce qu'elle veut" (Abû Dâoûd).

En un mot : la musulmane ne doit pas, lorsqu'elle se trouve en présence d'hommes qui ne sont ni son mari ni ses proches parents, porter un parfum dont l'odeur serait ressentie par ceux dont elle passe à proximité : ce type de parfum est réservé aux hommes.

Quant au musulman (mais ce, pour sa part, qu'il sorte de chez lui ou qu'il y reste), il ne doit pas utiliser de substances colorées embellissant l'épiderme (lesquelles sont en général par ailleurs parfumées) : cela est réservé aux femmes (voir Hâshiyat us-Sindî 'alâ Sunan in-Nassâï, tome 8 p. 189).

Il y a également, au sujet de ce point, ce hadîth (ayant été cependant qualifié de dha'îf par al-Albânî) : ":عن محمد بن علي، قال: سألتُ عائشة: أكان رسول الله صلى الله عليه وسلم يتطيب؟ قالت: نعم، بذكارة الطيب: المسك والعنبر" (an-Nassâ'ï, 5116). As-Sindî traduit "dhikârat ut-tîb" par : "le parfum qui convient à l'homme" (قوله "بذكارة الطيب" هو بكسر الذال المعجمة وراء: ما يصلح للرجال، كالمسك والعنبر والعود والكافور؛ وهي جمع ذكر؛ وهو ما لا لون له. والمؤنث طيب النساء، كالخلوق والزعفران).
Puis il explique :  "Le musc et autre que lui parmi les parfums des hommes, ont aussi une couleur." "[Mais en fait] le propos du (Prophète) : "(le parfum des femmes est) ce dont la couleur est visible", cela signifie : "ce qui a une couleur recherchée en tant que parure"" ("قوله "ما ظهر لونه" أي ما يكون له لون مطلوب لكونه زينة؛ والا فالمسك وغيره من طيب الرجال له لون. ثم هذا إذا أرادت الخروج والا فعند الزوج تتطيب بما شاءت") (Hâshiya 'alâ Sunan in-Nassâï, tome 8 p. 151).

As-Suyûtî énumère, en vertu du principe donné par ce Hadîth, quelques-unes des substances que les hommes peuvent utiliser comme parfum : le musc, l'ambre, le bois d'aloès, le camphre. Et comme substances que les femmes utiliseront : le safran oriental, mélangé ou non.

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La musulmane a donc la possibilité d'utiliser du henné sur ses mains ou sur ses ongles, du khôl sur ses yeux, etc., même lorsqu'elle sort de chez elle.

Ceci correspond tout à fait au commentaire du verset coranique "Et qu'elles ne montrent de leurs parures que ce qui paraît", commentaire qui dit que ce qui paraît est "le visage et les mains, et qu'y sont inclus le khôl, la teinture (le henné), la bague et le bracelet", comme l'a dit at-Tabarî.

De plus, le Prophète avait dit à une musulmane : "Etant une femme, tu devrais te teindre les ongles avec du henné" (rapporté par an-Nassâï, n° 4712).
Dans le même ordre d'idées, Ibn Battâl a écrit que "les hommes ne doivent pas s'embellir le visage avec des substances colorées, ceci étant réservé aux femmes qui peuvent, elles, utiliser de telles substances pour se parfumer [légèrement] le visage et se l'embellir" (Fat'h ul-bârî, 10/449). Ici aussi, cependant, la modération doit rester la règle, comme nous allons le voir ci-après.

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4) Les limites fixées dans la recherche de la modération dans l'embellissement (port de beaux vêtements, de substances colorées sur le visage, et de bijoux) :

Nous ne parlerons pas ici de l'embellissement auquel la musulmane peut avoir recours devant son mari (puisque devant son mari elle peut s'embellir comme elle le veut).

Nous ne parlerons pas non plus ici de l'embellissement que la musulmane peut pratiquer lorsqu'elle se trouve en la compagnie exclusive de ses proches parents avec qui elle ne peut jamais se marier (père, frères, fils, etc.) (puisque devant ces proches parents, elle peut paraître avec un embellissement certes moins accentué que dans le cas du mari, mais plus prononcé que pour le cas où elle se trouve en présence d'hommes qui sont autres, ou lorsqu'elle sort de chez elle).

Nous parlerons exclusivement ici de l'embellissement de la musulmane lorsqu'elle sort de chez elle ou lorsqu'elle se trouve, chez elle, en compagnie de son mari mais aussi d'hommes qui ne sont pas ses proches parents. Abû Chuqqa écrit à ce sujet, se fondant sur des éléments présents dans les sources musulmanes et sur des avis de ulémas : "Comme parure apparente [permise] se trouve la teinture sur les mains, le khôl dans les yeux, et quelque couleur sur les joues" (Tahrîr ul-mar'a, tome 4 p. 251). Plus haut dans cet article, nous avons déjà relevé cette permission. Abû Chuqqa souligne cependant que les sources musulmanes ont également communiqué trois grands principes nuançant cette permission :
1) la musulmane ne doit pas avoir au fond de son cœur l'intention d'attirer par ce biais le regard des passants sur elle, ni de rivaliser avec une autre femme, ni de se faire une renommée par la nature de ses habits,
2) elle ne peut utiliser qu'un parfum discret et doit se préserver de tout parfum qui est ressenti par ceux dont on passe à proximité,
3) elle doit s'embellir en restant dans le cadre de ce qui est modéré ("mu'tadil") (Ibid., tome 4 p. 263).
Abû Chuqqa rappelle également qu'à l'intérieur du cadre de ces principes, la musulmane doit tenir compte des coutumes de la société où elle vit, c'est-à-dire ne pas avoir recours à un embellissement qui ne soit pas pratiqué dans cette société, ce qui l'amènerait à être dévisagée inutilement (Ibid., tome 4 pp. 261 et 277).

La musulmane peut-elle avoir recours aux produits de maquillage actuels ?

Al-Qaradhâwî estime que "les fards et les poudres que les femmes utilisent actuellement pour s'embellir les joues, les lèvres, les ongles etc., relèvent en soi de l'excès répréhensible", et que "la musulmane ne doit donc les utiliser que chez elle, et doit s'en abstenir systématiquement lorsqu'elle sort et se trouve en présence d'hommes" qui ne sont ni son mari ni ses proches parents (Al-halâl wa-l-harâm, pp. 140-141).

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Synthèse de la réponse :

La recherche d'un embellissement modéré dans son apparence pour la vie de tous les jours fait partie de la nature humaine, donc de la femme aussi. L'islam entend préserver les éléments de la nature des hommes et des femmes, en orientant celle-ci vers le bien. Il a donc permis une certaine mesure d'embellissement.

Cependant, il a placé des limites, fondées sur le constat du fait qu'entre hommes et femmes une attirance naturelle existe qui doit être maîtrisée sous peine de tomber dans ce qui ne devrait pas être, avec toutes les répercussions que cela entraîne alors au niveau de la spiritualité, de l'éthique de la vie et de la sérénité des familles.

Ce sont ces limites qui ont été exposées plus haut.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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