Un "qadhâ'" est un "décret religieux". Quant à la "fatwa", c'est un "avis religieux circonstancié", ce n'est pas un "décret", et cela n'a pas de valeur morale contraignante

Un certain nombre de personnes (non-musulmanes mais aussi parfois musulmanes) traduisent "fatwa" par : "décret religieux islamique" et lui donnent, pour celui qui la reçoit du mufti, une portée moralement contraignante (nous parlons là de la "fatwa" au sens particulier du terme : A.2 ci-après).

Certains sont même allés plus loin : ils donnent à une telle fatwa une portée moralement contraignante non plus seulement pour le musulman qui la reçoit du muftî, mais pour tous les musulmans parmi lesquels vit le mufti qui l'a émise, voire pour les musulmans du monde entier.

Or ce n'est pas là la réalité d'une "fatwa" (au sens particulier du terme : A.2 ci-après).

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A) Qu'est-ce qu'une fatwa ?

On rappellera tout d'abord ici que le fait de se contenter de relater les différents avis existant sur un point donné ne constitue pas une fatwa, comme l'avait souligné notre professeur Cheikh Ab'râr Ahmad (fin de citation), et ce dans aucun des 2 sens du terme (voir ci-après). On trouve allusion à cela dans ce propos de al-Qarâfî : "ولا ينبغي للمفتي أن يحكي خلافا في المسألة لئلا يشوش على المستفتي، فلا يدري بأي القولين يأخذ؛ ولا أن يذكر دليلا ولا موضع النقل من الكتب، فإن في ذلك تضييعا للورق على صاحبه، إلا أن يعلم أن الفتيا سينكرها بعض الفقهاء ويقع فيها التنازع، فيقصد بذلك بيان وجه الصواب لغيره من الفقهاء الذي يتوهم منازعته، فيهتدي به، أو يحفظ عرضه هو عن الطعن عليه. وأما متى لم يكن إلا مجرد الإسترشاد من السائل فليقتصر على الجواب من غير زيادة" (Al-Ihkâm fî tamyîz il-fatâwâ 'an il-ahkâm, p. 149).

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A.1) D'après une première utilisation, le mot "fatwa" veut simplement dire : "information quant à la norme que l'islam énonce au sujet d'un point qui n'est pas très évident, fût-ce une norme de caractère universel" (al-ikhbâr an-il-hukm ish-shar'î alladhî ashkala 'ala-s-sâ'ïl) : il s'agit de la réponse à une question présentant quelque complexité pour celui qui la pose, et ce sans référence aucune aux circonstances. "الله يفتيكم فيهن}، أي: يبين لكم حكم ما سألتم عنه" (Tafsîr ul-Qurtubî) ; "قُلِ اللَّهُ يُفْتِيكُمْ فِيهِنَّ}: يبين لكم حكمه فيهن. والافتاء: تبيين المبهم" (Tafsîr ul-Baydhâwî) ; "والفتيا والفتوى: الجواب عما يشكل من الأحكام. ويقال: استفتيته فأفتاني بكذا" (Al-Muf'radât) ; "الفتوى) الجواب عما يشكل من المسائل الشرعية أو القانونية (ج) فتاو وفتاوى. ودار الفتوى: مكان المفتي" (Al-Mu'jam ul-wassît).

C'est dans ce sens que ce terme "fatwa" est employé dans les deux versets : "قُلِ اللّهُ يُفْتِيكُمْ فِي" : "Dieu vous donne la fatwa au sujet de…" (Coran 4/176 et 4/127).
De même, on lit : "فوقف النبي صلى الله عليه وسلم للناس يفتيهم، وأقبلت امرأة من خثعم وضيئة تستفتي رسول الله صلى الله عليه وسلم" : Lors de son pèlerinage d'Adieu, le jour de la fête, "le Prophète – sur lui soit la paix – se tint en un lieu pour les gens, yuftîhim" ("leur donnant la fatwa"). Une femme de (la tribu) Khath'am vint faire "istiftâ'" ("demander une fatwa") au Messager de Dieu" (al-Bukhârî, 5874).

Il ne s'agit aucunement, ici, d'avis circonstanciés, mais d'information de la règle islamique sur le sujet.

C'est également avec ce sens large que se comprend l'appellation Majmû' ul-fatâwâ donnée au célèbre recueil de réponses de Ibn Taymiyya, où se trouvent des avis juridiques liés aux circonstances (comme la célèbre "Fatwa de Mardin", ou encore les non moins célèbres fatwas du devoir de résistance armée face aux envahisseurs mongols), mais où se trouvent aussi de nombreuses réponses qui sont d'ordre général et qui ne font pas l'objet d'un avis divergent. Ces réponses là sont appelées "fatwas" par égard à ce sens large (A.1) du terme.

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A.2) Selon un second sens, une "fatwa" est un avis juridique circonstancié. C'est-à-dire qu'il s'agit de l'avis / consultation juridique qu'un mufti donne en fonction de la réalité circonstanciée qu'il a devant lui ; de "النازلة".
C'est ce qu'on appelle "فقه النوازل".
Lire à ce sujet nos articles :
--- Se référer aux textes et tenir compte du contexte ;
--- Peut-on, à une personne, donner comme Fatwa que l'action est Autorisée, et à une autre que la même Action est Interdite ? - Distinguer les cas de réel Double Discours, et les cas des Différences de Réponses dues à des Différences de Situations (هل يمكن تغيير الفتوى بتغير الواقع؟) ;
--- Peut-on suivre une école juridique de référence (Madh'hab), et adopter l'avis d'une autre école (Madh'hab) sur quelques questions précises, par égard pour le Contexte : par Maslaha ?.

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Dans les deux cas A.1 et A.2 :

----- A.a) s'il n'y a sur le sujet qu'une seule et unique règle possible, par rapport à l'orthodoxie, alors la fatwa est moralement contraignante, mais ce par rapport à la nature de la règle, et pas par rapport au fait que c'est un muftî qui a formulé la réponse ;

----- A.b) si par contre il y a une pluralité de réponses possible sur la question, alors pratiquer la fatwa reçue n'est pas moralement contraignant (sauf qu'il ne s'agit pas pour celui qui pose la question d'aller rechercher  la réponse qui servira ses intérêts).

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Les fatwas de type A.b (A.1.b ou A.2.b) sont, d'une part, d'ordre général, et, d'autre part, ne constituent en soi qu'un avis juridique, qu'une consultation ; si une autre lecture des textes est possibles sur le point, ce genre de fatwa n'est nullement contraignante.

On dit donc de ce genre de fatwa qu'elle est "'âmma" – générale – et qu'elle est "ghayr mulzima" : elle est seulement "mu'lima" ou "mukhbira".

Donner fatwa à quelqu'un, ce n'est pas chose à prendre à la légère : cela revient à dire à cette personne : "Je t'informe qu'Allah n'agrée pas cette action / qu'Allah agrée cette action / qu'Allah a rendu obligatoire sur toi telle action / qu'Allah n'a pas rendu obligatoire sur toi telle action / que la voie agréée par Allah dans le cas dans lequel tu te trouves, c'est telle chose / que tel moyen aussi est agréé par Allah pour réaliser tel objectif voulu par Lui." Ibn ul-'Uthaymîn dit : "الفتوى خطيرة؛ لأن الفتوى إخبار المرء عن الله بأن هذا حكم الله. ولهذا نعتبر الفتوى من أخطر ما يكون. والإنسان الورع يقول: "لولا أني أرى أن الفتوى تلزمني، ما أفتيت"؛ لأن المسألة خطيرة وليست هينة. الفتوى ليست سلعة يتجر بها الإنسان أمام الناس حتى يروه ويعظموه. الفتوى خبرٌ عن الله بأن هذا شرعه، وهذه مسئولية كبيرة. ولهذا كان السلف الصالح - رضي الله عنهم وألحقنا بهم - كانوا يتدافعون الفتوى: "اذهب إلى فلان"، "اذهب إلى فلان"، حتى تصل إلى الأول؛ كل هذا من التورع" (Liqâ'ât ul-bâb il-maftûh, liqâ' n° 165).

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B) Et le jugement (qadhâ') ? Qu'est-ce qui le différencie de la fatwa ?

Le jugement (qadhâ') rendu par un juge musulman (qâdhî, "cadi"), lui, est donné par rapport à un cas particulier – "khâss" –, de même qu'il est moralement contraignant – "mulzim".

Al-Qarâfî écrit ainsi : "السؤال الأول: ما حقيقة الحكم الذي يقع للحاكم ويمتنع نقضه؟ جوابه
أنه إنشاء إطلاق أو إلزام في مسائل الإجتهاد المتقارب فيما يقع فيه النزاع لمصالح الدنيا" (Al-Ihkâm fî tamyîz il-fatâwâ 'an il-ahkâm, p. 33). "والجواب عن السؤال أن حكم الحاكم ليس خبرا يحتمل التصديق والتكذيب، بل إنشاء لا يحتملهما، فإنه إلزام أو إذن. ومن أنشأ إلزاما على غيره أو على نفسه، أو أذن لغيره في فعل، لا يقال له: "صدقت"، ولا "كذبت" (Ibid., p. 62).

Ainsi, le fait qu'avant que l'époux dise à son épouse la phrase ("Ton affaire est entre tes mains" – "Amruki bi yadiki") dont le juge du pays musulman doit déterminer si elle entraîne un cas de divorce ou non, l'épouse lui avait dit ou non telle autre phrase ("Donne-moi le divorce"), ou bien le mari était en colère, le juge, lui, le prendra en considération avant de rendre son jugement. Si l'épouse avait dit au mari cette phrase, alors le juge dira que tous deux sont divorcés (cf. Al-Hidâya 1/354), même si l'époux lui affirme : "Je vous assure, j'avais employé cette formule ("Ton affaire est entre tes mains") avec seulement l'intention de lui dire : "Le choix concernant les affaires de la maison est désormais entre tes mains", et non "Le choix concernant un remariage est entre tes mains, car tu es désormais divorcée"".

On le voit, le jugement est rendu par le juge musulman pour un cas précis, celui de l'homme qui avait prononcé cette phrase après que sa femme lui ait dit l'autre phrase, ou alors que le mari était en colère.

De plus, le jugement ne constitue pas une simple information juridique mais est moralement contraignant pour celui à propos de qui il a été rendu. C'est-à-dire que si le musulman qui a reçu ce jugement ne s'y conforme pas, il commet le péché de ne pas obéir à l'autorité (en l'occurrence ici le qâdhî).

On dit donc que le jugement (qadhâ') est "khâss, mulzim".

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On rappellera ici que faire exécuter le jugement rendu par le juge (qadhî), cela est distinct du fait de "rendre un jugement". Certes, il se peut que dans certains pays musulmans cette prérogative lui soit aussi confiée. Cependant, elle n'est pas liée en soi à sa fonction de juge.

Al-Qarâfî écrit : "بل الحاكم من حيث هو حاكم: ليس له إلا الإنشاء. وأما قوة التنفيذ فأمر زائد على كونه حاكما، فقد يفوض إليه التنفيذ، وقد لا يندرج في ولايته؛ فصارت السلطنة العامة التي هي حقيقة الإمامة مباينة للحكم من حيث هو حكم. أما إمام لم تفوض إليه السياسة العامة فغير معقول، إلا على سبيل إطلاق الإمامة عليه مجازا، والكلام إنما هو في الحقائق" : "Le juge n'a, en tant que juge, que la prérogative de rendre un jugement. La force exécutive, elle, est chose supplémentaire par rapport à la fonction du juge ; parfois l'exécution [du jugement] est confiée à celui-ci, et d'autres fois elle n'entre pas dans ce qu'il dispose de fonction" (Al-Ihkâm fî tamyîz il-fatâwâ 'an il-ahkâm, p. 105) (en note sur la p. 166 on lit que l'auteur a écrit la même chose dans Adh-Dhakhîra).
Cheikh Khâlid Saïfullah (qui est lui-même "qâdhî") a cité le même propos (excepté la dernière phrase), formulé en exactement les mêmes termes, provenant de at-Tarâbulûssî (Islâm aur jadîd mu'âsharatî massâ'ïl, p. 235).

Al-Qarâfî écrit encore : "وأما حقيقة التنفيذ فهو غير الثبوت والحكم، لأنه الإلزام بالحبس والسجن وأخذ المال بيد القوة ممن عليه الحق ودفعه لمستحقه ونحو ذلك؛ فهذا هو التنفيذ؛ وهو في الرتبة الثالثة الأخيرة؛ والثبوت في الرتبة الأولى؛ والحكم بينهما في الرتبة الثانية.
فظهر الفرق بين الثبوت والحكم والتنفيذ، وأن الثبوت غير الحكم قطعا، وقد يستلزمه وقد لا يستلزمه، وقد تكون الصورة قابلة لاستلزامه وقد لا تكون قابلة له" (Al-Ihkâm fî tamyîz il-fatâwâ 'an il-ahkâm, p. 145).

Normalement l'exécution du jugement ressort des prérogatives du pouvoir exécutif du pays. Si le jugement rendu par le juge est donc en soi contraignant pour le musulman (comme nous l'avons vu plus haut), c'est sur le plan moral. Par contre, ce jugement ne sera aussi légalement contraignant que si les autorités exécutives le font appliquer ; or cela n'est possible que dans un pays musulman.

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C) Propos de certains autres grands ulémas différenciant la fatwa du qadhâ' :

Ibn ul-Qayyim écrit : "فالمفتي يفتي حكما عاما كليا أن من فعل كذا ترتب عليه كذا، ومن قال كذا لزمه كذا. والقاضي يقضي قضاء معينا على شخص معين، فقضاؤه خاص ملزم. وفتوى العالم عامة غير ملزمة" (A'lâm ul-muwaqqi'în, 1/31).

Al-Haskafî écrit : "لا فرق بين المفتي والقاضي إلا أن المفتي مخبر عن الحكم والقاضي ملزم به" : "Il n'y a pas de différence entre le muftî et le qâdhî, excepté le fait que le muftî informe de la règle (mukhbir 'an il-hukm) et que le qâdhî y contraint (mulzim bih)" (Ad-Durr ul-mukhtâr, al-Muqaddima, 1/176). En commentaire, ash-Shâmî explique que cet écrit signifie que la différence entre fatwa et qadhâ' réside dans ce point précis (la première est informative et la seconde est contraignante), même s'il est vrai qu'il n'est pas autorisé à un muftî de choisir, parmi les différents avis existants, l'avis qui sert ses intérêts : là-dessus il n'y a pas de différence entre muftî et qâdhî : "قوله: لا فرق إلخ) أي من حيث أنّ كلا منهما لا يجوز له العمل بالتشهي، بل عليه اتباع ما رجحوه في كل واقعة، وإن كان المفتي مخبرا والقاضي ملزما. وليس المراد حصر عدم الفرق بينهما من كل جهة. فافهم" (Radd ul-muhtâr, 1/176).

Al-Qarâfî écrit quant à lui : "وأما المفتي من حيث هو مفت فليس له أن ينشئ حكما على الوجه الذي فوض للحكام - كما تقدم بيانه - ألبتة في صورة من الصور، فلا يكون له النقض في صورة من الصور. (...) وبهذا يظهر لك أن جميع ما يصدر من المفتي إنما هو فتيا، لا نقض ولا حكم بالمعنى المفوض إلى الحكام، وإن كان حكما شرعيا بالتفسير باعتبار استقراء الأدلة الشرعية كالمترجم عن الحاكم، كما تقدم تقريره في الفرق بين المفتي والحاكم، وأن الحاكم منشئ والمفتي مترجم" : "Quant au muftî, en tant que muftî, il n'a pas la prérogative de prononcer (inshâ') une règle de la façon qui a été confiée aux juges" (Al-Ihkâm fî tamyîz il-fatâwâ 'an il-ahkâm, p. 134).

Alors, bien sûr, si la fatwa exprime une règle formelle (qat'î), alors bien entendu, le contenu de cette fatwa prononcée par le muftî est lui aussi moralement contraignant. Mais cela sera alors vérifié eu égard au caractère qat'î de la règle, et non pas en tant que fatwa donnée par le muftî.

Par ailleurs, ce que nous disions plus haut concerne les règles qui font l'objet d'interprétations différentes et où chacune de ces interprétations est fondée sur une argumentation qui "tient la route" (li-l-ikhtilâfi fi-l-mas'alati massâgh) :
– si un muftî prononce cette règle devant un musulman en tant que fatwa, alors il se peut que si, dans l'école qu'il suit, il y a divergence d'avis et qu'il ait connaissance de l'autre avis et soit convaincu de la justesse de celui-ci, il ne suive pas cette fatwa énoncée par le muftî devant lui ;
– par contre, si c'est un qâdhî qui, pour départager des musulmans en litige, prononce son jugement en suivant l'un des avis existants, alors ce jugement devient moralement contraignant pour ces musulmans.

Il relève de la différence susmentionnée entre fatwa et jugement qu'un mufti, pouvant naturellement être amené à changer d'avis en fonction d'une nouvelle recherche ou suite à un débat argumenté avec un 'âlim ou un autre muftî, etc., changera alors aussi sa fatwa.
Par contre, si un qâdhî peut être lui aussi amené à changer d'avis en fonction d'une nouvelle recherche ou d'un débat, etc., cela concerne les jugements qu'il émettra désormais, mais il ne changera pas le jugement qu'il avait déjà émis dans le passé. De même, un qâdhî ne peut pas annuler, à propos de la même affaire, le jugement qu'un autre juge a émis avant lui.

A propos d'un cas d'héritage assez pointu et ne figurant pas dans le Coran et la Sunna, Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) avait décrété que le partage du legs se ferait d'une telle façon. Quelqu'un lui fit alors remarquer que pour un cas semblable s'étant présenté dans le passé, Omar avait rendu un autre jugement. Le calife lui dit alors : "Cela c'était selon ce que nous avions rendu comme jugement à ce moment-là ; et ceci est selon ce que nous avons rendu comme jugement aujourd'hui". Ibn ul-Qayyim, citant cet événement rapporté par Abd ur-Razzâq, écrit : "Le chef des croyants a donc retenu, lors de chacun de (ses) deux ijtihads, ce qui lui paraissait être la vérité. Son premier jugement ne l'a pas empêché de revenir dessus pour un autre jugement ; et il n'a pas annulé le premier jugement par le second. Les imams de l'islam ont cheminé après lui sur ces deux principes" (A'lâm ul-muwaqqi'în, 1/86-87).

Un jugement émis par un qâdhî ne peut en fait être annulé que si un nouvel élément (par exemple une nouvelle preuve) est apparu, ou si le jugement qui a été rendu s'avère complètement contraire aux textes explicites des sources. Par contre, si le jugement s'avère possible eu égard à une des interprétations des textes, il ne sera pas annulé (c'est une règle bien connue : cf. Ussûl ul-fiqh il-islâmî, az-Zuhaylî, pp. 1142-1144). (Voir un exemple de chacun de ces deux cas in Al-Mughnî 12/440. Voir également Al-Hidâya, 2/125-126 ; et également p. 146 au sujet du fait de jouer aux échecs sans mise d'argent.)

Lire également 4 autres de nos articles relatifs à ce point :
--- Quand il y a divergence d'interprétations ou d'avis entre les mujtahidûn, l'avis qui est juste (swawâb) peut-il toujours être distingué de façon qat'î ? ;
--- Les jugements différents, rendus par les prophètes-rois David et Salomon, à propos des deux femmes et l'enfant ;
--- Les deux jugements différents rendus par le prophète-roi David au sujet de ceux dont les bêtes avaient ravagé un champ ;
--- "Je m'étais renseigné, on m'avait dit que transporter de l'alcool est licite ; puis j'ai su que cela est illicite" (I - 3/3 : ما فَعَلَه بسبب تأويلٍ خطأٍ للنصّ ـ اجتهادٍ أو تقليدٍ).

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Les qadhâ' n'ont pas leur place dans les actions relevant du domaine des 'Ibâdât.
Seules des fatwas entrent en jeu ici.

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Par ailleurs, dès lors qu'un qâdhî n'a fait que rendre un jugement au sujet du cas de deux personnes en litige ("C'est toi qui as raison, et c'est l'autre qui a tort"), un jugement complètement faux ne constitue pas systématiquement un propos de kufr akbar.
Par contre, si un muftî rend comme fatwa une parole du genre : "Cela est autorisé / interdit dans le Dîn de Dieu. Cela est obligatoire / non-obligatoire dans le Dîn de Dieu. Cela est le moyen fixé par le Dîn de Dieu pour réaliser tel objectif", alors, si c'est de façon dharûrî que le contenu de cette parole contredit ce que le Dîn de Dieu a fixé, ce muftî a prononcé une parole de kufr akbar.
Lire : Réponse (II, suite) à des critiques formulées à propos de mon article sur "'adam ul-hukm bi mâ anzalallâh".

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D) Une autre question se pose ici : Pour qui est-ce que le jugement est-il contraignant : pour les deux parties vis-à-vis de qui le jugement a été émis ? ou bien pour les musulmans de tout le pays ?

Nous avons traité de ce point dans un autre article :
--- Un juge musulman, "qâdhî" (cadi), rend un jugement. Ce dernier est-il contraignant pour les musulmans de tout le pays ?

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E) Une autre question encore : Et l'autorité exécutive d'un pays musulman, peut-elle contraindre tous les musulmans vivant sous son autorité à ne plus agir que d'après tel des avis existant ?

Nous avons traité de ce point dans un autre article :
--- en voici la version arabe : هل لولي الأمر حق إلزام رعيته بالعمل برأي مخصوص من جملة أراء المجتهدين في مسألة، وذلك تبعًا لما رأى في ذلك من المصلحة؟ ;
--- et en voici la version française : L'autorité exécutive d'un pays musulman peut-elle imposer à tous les musulmans s'y trouvant de ne plus pratiquer, à propos d'une question donnée, qu'un avis précis parmi tous les avis existant depuis des siècles entre les mujtahidûn ?.

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F) Un hadîth :

"عن عائشة، أن هند بنت عتبة، قالت: يا رسول الله إن أبا سفيان رجل شحيح وليس يعطيني ما يكفيني وولدي، إلا ما أخذت منه وهو لا يعلم، فقال: "خذي ما يكفيك وولدك، بالمعروف" : Questionné par Hind au sujet des dépenses liées au ménage : "Abû Sufyân ne me donne pas, comme argent, ce qui suffit à moi et mes enfants", le Prophète répondit : "Prends ce vous suffit, à toi et tes enfants, selon le convenable" (al-Bukhârî, Muslim).
Il y a divergence quant à savoir si le Prophète a, disant ceci à Hind, parlé :
- en tant que shâri', ce qui entraîne que ce qu'il a dit est d'ordre général, applicable sans besoin du jugement d'un juge (mas'alat uz-zafar) ;
- ou bien en tant que qâdhî (auquel cas il a alors rendu un qadhâ'), et il faut donc à nouveau un jugement dûment rendu par un juge pour que la personne puisse prendre sans l'accord du propriétaire ce dont il est établi (d'après les lois) que ce propriétaire lui doit réellement. Cependant, Abû Sufyân n'était pas présent, alors que le juge ne peut pas rendre de jugement en l'absence de l'une des deux parties ; ceux qui sont de cet avis ont expliqué cela en disant que le Prophète connaissait la situation de Hind, et le juge peut donc rendre le jugement d'après ce qu'il sait (du moins en matière de droits humains).
(Cf. Al-Ihkâm fî tamyîz il-fatwâ 'an il-ahkâm, al-Qarâfî, pp. 112-114.)
Voir l'avis de al-Qarâfî sur le sujet in : Al-Furûq (farq 36 et farq 224).

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G) Parfois, cependant, le mufti peut être amené à prononcer une sorte de qadhâ' (qui a donc alors elle aussi une force moralement contraignante) :

Ainsi, pour certains cas, le fait de faire débuter le mois lunaire sur la base du témoignage voulu requiert le jugement d'un qâdhî. Mais en l'absence de pareille institution, il revient aux musulmans de la localité de former une commission spécialisée dans ce point, avec les ulémas compétents, et la commission jouera, sur ce point précis, le rôle du qâdhî (c'est à peu près ce que Khâlid Saïfullâh dit in 'Ibâdât aur tchand aham jadîd massâ'ïl, pp. 26-27).

De même, prononcer le divorce entre un mari et son épouse sur demande de l'épouse, pour cause d'injustice de la part du mari et sans son accord, cela seul un qâdhî peut le faire. Mais à l'île de La Réunion, par exemple, où il n'existe pas de qâdhî, des ulémas ont créé une instance qui, sur ce point précis, remplit le rôle du qâdhî, en prononçant le divorce religieux dans les cas où la femme vient en appeler à cette instance parce que le tribunal non-musulman laïque a déjà prononcé le divorce civil mais que le mari musulman, pour nuire à la femme qui l'avait épousé, refuse ensuite de prononcer la formule de divorce religieux.

Dans ces deux cas, il ne s'agit plus réellement d'une fatwa mais d'une qadhâ'. Les règles vues plus haut en B s'y appliquent donc.

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H) Les ulémas de par exemple La Réunion ont-ils le devoir d'émettre tous le même avis ?

Les musulmans non-ulémas ("'awâmm", "le public") sont, c'est dans l'ordre des choses, plus nombreux que les musulmans ulémas. Et à l'île de La Réunion, par exemple, certaines personnes parmi ce public musulman insistent de façon répétée pour que, à propos d'une question donnée, il n'y ait plus qu'un seul avis chez les ulémas de l'île.

Or cela est impossible.

A propos de savoir si le don et la greffe d'organes sont autorisés ou non, il y a, chez les grands ulémas hanafites indiens, deux avis : selon l'un, c'est interdit, selon l'autre c'est autorisé pour certains organes sous certaines conditions. Le public réunionnais ne peut pas exiger qu'un Muftî, ou un Qâdhî, ou une Cellule réunissant des Muftis et des Ulémas-non-muftis, dise (l'exemple qui suit est bien sûr purement fictif) : "En vertu de l'autorité qui nous est conférée, nous décrétons que le don et la greffe d'organes sont systématiquement interdits. Ce décret est valide jusqu'à l'émission d'un avis différent de notre part. Aussi, et jusqu'à une éventuelle telle émission, tous les musulmans de La Réunion ont le devoir de se conformer à ce décret, et nul 'âlim ne faisant pas partie de notre Cellule n'a plus le droit – sous peine de commettre le péché de désobéissance à l'autorité, ou d'être source de fitna –  de citer devant nos coreligionnaires l'autre avis existant et les arguments qui vont avec".
L'islam n'a conféré à aucun muftî ni aucun qâdhî l'autorité d'émettre pareil décret général lorsque sur le sujet il existe deux avis qui sont fondés (li-l-ikhtilâf fîhi massâgh, parce que la détermination de la vérité est zannî et non pas qat'î).

Qu'il y ait un 'âlim ou un muftî – ou une Cellule de Fiqh – qui réponde à cette question en exprimant le résultat de sa recherche ou bien l'avis qui a sa préférence, et dise : "Le don d'organes est interdit", sans évoquer aucunement qu'il existe un autre avis sur le sujet, cela tout à fait normal. En effet, ce 'âlim – ou cette Cellule de Fiqh – constitue UNE référence, et il – ou elle – fait connaître sa préférence.
Mais le public musulman réunionnais ne peut pas exiger que ce 'âlim – ou cette Cellule – soit LA SEULE référence POSSIBLE et émette un décret général, et qu'ensuite aucun 'âlim n'ait plus le droit de dire, arguments à l'appui, qu'il existe un autre avis qui lui paraît plus pertinent, et que tout 'âlim qui ferait ainsi "ferait preuve de manque d'obéissance à la hiérarchie" ou (c'est selon) "serait cause de discorde / déchirement / fitna".

De même, qu'il y ait entre des ulémas discussion à propos des deux avis existant, pour établir lequel est plus pertinent (swawâb), cela est tout à fait normal.
Cependant, cela se fera sur la base d'un débat d'arguments (et il se peut d'ailleurs que l'un ou l'autre 'âlim soit, suite à ce débat, amené à changer d'avis et à revenir sur son affirmation précédente – il ne faut d'ailleurs pas hésiter à le faire, comme l'avait dit Omar ibn ul-Khattâb dans sa lettre à Abû Mûssâ : voir le contenu de cette lettre dans A'lâm ul-muwaqqi'în, 1/67-68, et le commentaire de celle-ci par Ibn ul-Qayyim : de 1/68 à 2/126). Cela ne pourra pas se faire sur la base d'un décret, en fonction d'un poste de qâdhî que l'un occupe et l'autre pas.

Vouloir conférer une autorité telle que celle décrite plus haut à un groupe restreint, c'est, que l'on s'en rende compte ou non, chercher à imiter le Catholicisme dans un élément dînî.
Les autorités du Pakistan avaient, en l'an 1404 (1983), proposé aux grands ulémas de leur pays de mettre en place un institut pour l'émission d'avis sur des points d'ordre religieux. Invité lui aussi, Muftî Taqî Uthmânî fit alors un discours ; il y dit qu'il trouvait que la démarche "était bien" ("atchî bât hé"), mais il tint à faire quelques précisions, notamment celle-ci : "A ce sujet j'ai à faire une déclaration de principe : Regardez dans toute l'histoire de ces quatorze siècles, il vous apparaîtra que l'islam n'a pas, comme le Catholicisme, mis en place pour l'effort de recherche une Organisation d'Autorité (Clergé*). Une institution qui est telle que sa parole serait Parole Finale et après celle-ci personne n'aurait plus le droit de rien dire, une pareille institution vous ne trouverez pas en Islam. C'est dans le Catholicisme que lorsque le Pape dit quelque chose et explique la religion, personne ne peut ensuite plus rien dire sur le sujet ; il est considéré comme au-dessus de toute erreur (…) C'est pourquoi, si en mettant en place une Structure pour l'effort de recherche on a cette impression que cela sera une Institution d'effort de recherche qui aura le statut de Parole Finale ("harf-é âkhir") et ensuite pour les autres ulémas il ne sera plus possible d'émettre un avis différent, cela n'est à mon avis pas non plus correct" (Islam aur djiddat passandî, pp. 94-95) (* en anglais dans le texte).

On voit à travers ce propos de Muftî Taqî qu'on ne peut même pas dire : "Divergence d'avis d'accord, mais son expression est réservée aux Ulémas qui font partie de telle Cellule ou de telle Association, les autres doivent s'y joindre ou bien se taire, car sinon c'est de la fitna"
Et, fait remarquable, Muftî Taqî était des personnalités conviées à faire partie de cet Institut. Malgré cela il n'a pas cherché à favoriser son intérêt personnel, mais a fait connaître aux gens présents (dont certains n'étaient pas ulémas) la vérité, à savoir qu'un tel Institut ne peut avoir statut de "parole finale" car cela contredirait le consensus de 14 siècles.

Bien sûr, il est mieux de se concerter à plusieurs ulémas à propos des questions nouvelles, mais cela ne veut pas dire que seuls ceux qui sont affiliés à tel Organisme et dont les réunions sont portées au su du public se concertent et que les autres ne le font pas… La concertation est un concept beaucoup plus large que le seul fait de fixer un rendez-vous en tel lieu.

Par ailleurs, comme l'a aussi dit Muftî Taqî :
""Ulémas" n'est pas le nom donné à une personne qui est le dirigeant d'une organisation. Toute personne qui est telle qu'elle a acquis le 'ilm ud-dîn selon des bases correctes, celle-là est "'âlim" et "héritier du Prophète (sur lui soit la paix)""
(Ibid., p. 62).
""Alim" est le qualificatif que, pour l'acquérir, il n'y a pas la condition d'une couleur ou ascendance particulières. Durant ces 14 siècles, il y a eu des Ulémas de toutes les couleurs de peau et de toutes les ascendances (…)"
(Ibid., p. 62).

Imaginons ici un autre exemple : Qu'une transformation complète fait qu'un ingrédient auparavant harâm devient maintenant halal, cela est reconnu au sein de l'école hanafite. Mais comment s'assurer qu'une telle transformation a bien eu lieu :
--- faut-il s'en tenir au seul constat de ce qui est immédiatement perceptible aux sens humains (non apparition de l'odeur, de la couleur et du goût de l'ingrédient harâm) ?
--- faut-il au contraire s'assurer qu'il y a eu transformation chimique (et donc vérifier s'il y a eu une réaction ayant entraîné l'apparition d'espèces moléculaires différentes de celles présentes au départ, et ce par le recours au microscope) ?
Il y a à ce sujet des avis divergents entre les grands ulémas (mas'alah mukhtalaf fîhâ bayn al-'ulamâ', wa li-l-ikhtilâfi fi-l-mas'alati massâgh). Dès lors, des personnes du public musulman peuvent choisir de suivre personnellement à ce sujet telle recherche et non telle autre, mais elles ne peuvent pas exiger que, suite à la diffusion d'une recherche donnant préférence à l'une de ces deux options, aucun autre 'âlim ne puisse plus pratiquer ou citer devant des personnes du public une autre de ces options. Elles ne peuvent pas l'exiger, vu que la divergence existe déjà, et de façon fondée (li-l-ikhtilâfi fî-l-mas'alati massâgh), et que, en pareil cas, l'islam n'a conféré aucune autorité de décret général à un muftî, un groupe de muftîs, un qâdhî ou un groupe de ulémas.
Une seule solution pour mettre fin à ce genre de divergence d'avis : le débat d'arguments pointu, avec non pas seulement, pour imposer son avis, la citation du nom de tel grand érudit qui a émis l'avis que l'on préfère, mais le débat avec présentation des arguments détaillés ; et ce avec connaissance non pas de seulement des arguments de cet avis que l'on préfère, mais aussi des arguments sur lesquels repose l'autre avis, ainsi que de leurs contre-arguments détaillés.
Dans tous les cas où un tel débat n'est pas possible (manque de temps, ou manque de capacités), chacun a le droit de continuer à pratiquer l'avis qui lui paraît plus pertinent, avec le devoir de ne pas reprocher à l'autre de pratiquer l'autre avis (cf. MF 35/232-233).

De même, si les uns et les autres ne sont sincèrement – et non par mauvaise foi – pas convaincus par l'autre argumentation et que de nouveaux contre-arguments fondés apparaissent de part et d'autre, chacun continuera à pratiquer et à citer devant les gens l'avis auquel il adhère, sans reprocher à l'autre de faire de même à propos de l'autre avis (cf. MF 35/360).

Nous parlons, rappelons-le encore une fois, des cas où les deux avis sont fondés sur une argumentation qui, chacune, "tient la route" (mabniyyân 'ala-'jtihâd sâ'ïgh, wa in kâna-l-haqqu wâhidan minhumâ). Nous ne parlons évidemment pas des cas où il y a un seul avis qui est fondé tandis que l'autre repose sur de faux arguments (khata' qat'î, wa law ijtihâdî) ou bien est contraire au consensus de toute la Umma (khilâfu ijmâ' il-muslimîn).

A La Réunion, saurons-nous avoir suffisamment de maturité pour accepter pareille diversité en notre sein, à propos des avis fondés ?

Le public musulman réunionnais ne peut pas d'un côté faire l'éloge de la diversité des opinions et de la liberté d'expression et d'initiatives dans le domaine civil – commerces, associations, élections, etc. –, et de l'autre côté vouloir que sur le plan religieux islamique, il règne entre les gens de 'ilm une imposition d'avis unique et une centralisation des décisions et des initiatives (jusque pour ouvrir une medersa privée ou une salle de prières, ou accomplir la salât de tarâwîh) de type catholique – voire militaire…

Comment expliquer cela de la part du public musulman réunionnais, sinon par le fait que, ayant intégré l'influence du modèle religieux dominant sur le territoire français et européen, il perçoit les choses au travers du prisme des Catholiques, raisonne alors comme eux en termes de séparation du "civil" et du "religieux", et perçoit ce "civil" selon le modèle démocratique – donc avec l'excès du "Ce que le peuple décide qu'il est permis, cela le devient, et ce qu'il décide que cela n'est pas permis, cela devient interdit" et ce "religieux" selon le modèle catholique – donc sans le droit à la diversité reconnu par le Prophète et ses Compagnons, mais au contraire en pensant : "Les Catholiques ont une hiérarchie, tous les prêtres suivent à la lettre les avis religieux émis par l'évêque, donc les Gens du 'Ilm devraient en faire autant et établir une hiérarchie entre eux pour leurs avis"

L'islam est différent du Catholicisme, et, si en islam l'expression publique de la divergence d'interprétations et d'avis n'est pas un objectif en soi, c'est néanmoins une chose naturelle, humaine, inévitable, qui a cours depuis l'époque des Compagnons, et que notre bien-aimé Prophète (sur lui la paix) lui-même a acceptée lorsqu'il l'a constatée (cf. le célèbre hadîth de la salât chez les Banû Qurayza). Omar (radhiyallâhu 'anh) l'a aussi acceptée alors même qu'il était amîr ul-mu'minîn.

Que le public musulman ('awâmm) souhaite l'unité c'est bien, mais l'unité entre les gens de 'ilm dans l'île ne peut pas et ne pourra jamais se faire par l'adhésion forcée de l'ensemble de ces gens de 'ilm à des points qui font divergence entre les prédécesseurs depuis des siècles, et selon un modèle qui n'est pas celui, dînî, de notre Prophète (sur lui la paix) et de ses Compagnons, mais celui des Catholiques. Toute tentative de ce genre ne fera qu'engendrer des réactions légitimes – légitimes parce que ce n'est pas ce que le Prophète et ses Compagnons ont enseigné –, et le résultat sera l'exact opposé de celui souhaité.

Voici ce qu'on peut lire dans Majâliss-é Hakîm ul-ummat ("Assemblées de Cheikh Ashraf 'Alî Thânwî") :

"Qu'il y ait entre les Ulémas de la Umma des opinions différentes et, à cause de cela qu'il y ait une divergence à propos des massâ'ïl ijtihâdî, cela est chose naturelle ("fit'rî"), et cela a cours depuis l'époque des Compagnons et de leurs élèves (Tabi'în). Une telle divergence a été décrite comme miséricorde (…).

Quant à la divergence (ikhtilâf) qui a été blâmée et dont il a été dit de s'en préserver dans le Coran et la Sunna, c'est la divergence fondée sur le Hawâ, ou bien encore la divergence qui outrepasse les limites fixées à son sujet.

Or de nos jours les gens ont utilisé le prétexte de cette divergence (autorisée) pour faire naître de mauvaises pensées au sujet des Ulémas. Et le grand public, étant tombé dans le malentendu, s'est mis à dire : "Dès lors que les Ulémas eux-mêmes ont des avis divergents, où irons-nous ?"

Alors que dans les affaires temporelles, lorsqu'il y a divergence entre les médecins au sujet du traitement à suivre pour telle maladie, chacun est capable de trouver sa voie, et nul ne se met à penser en mal au sujet de tous les médecins à cause de leur divergence d'avis" (Majâliss-é Hakîm ul-ummat, p. 204).

Comprenons donc bien les choses, et ne cherchons pas à imiter, sur un point dînî, le modèle catholique.

Wallâhu A'lam (Allah sait mieux).

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