Questions :
Est-il vrai qu'en islam l'animal doit être abattu d'une façon spécifique pour que sa chair puisse être consommée ?
Est-il vrai qu'un musulman peut consommer la viande d'un animal abattu par un juif ou un chrétien ?
Est-il vrai que le fait de prononcer le Nom de Dieu au moment d'abattre l'animal est purement facultatif ? Est-il vrai qu'on peut donc prononcer le Nom de Dieu à table, au moment de consommer la chair de cet animal, si ce Nom n'a pas été prononcé au moment de l'abattage de l'animal ?
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Réponse :
Parmi les animaux dont la chair est en soi permise à la consommation (cliquez ici), les produits de la mer peuvent être consommés dès qu'ils ont été péchés et n'ont bien sûr pas besoin d'être abattus d'une façon rituelle (d'après Abû Hanîfa, le poisson mort dans l'eau et flottant à la surface est cependant interdit).
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Trois conditions pour la licité de la consommation de la chair des animaux à sang chaud :
Il faut, pour qu'un musulman puisse consommer la chair des animaux à sang chaud (qui bien sûr ne sont pas déjà, en soi, interdits à la consommation, à l'instar du chien, du chat, etc.), que ces animaux aient été abattus d'une façon spécifique : il existe 3 conditions :
– 1) que l'abattage ait été pratiqué par un musulman, un juif ou un chrétien ;
– 2) que l'animal ait été abattu en ayant été saigné ;
– 3) que le Nom de Dieu ait alors été prononcé.
Comme on vous l'a dit, il est donc tout à fait vrai que la chair de l'animal (bien sûr déjà licite en soi) qui a été abattu par un juif ou un chrétien est permise à la consommation du musulman. Dieu dit : "La nourriture des Gens du Livre vous est permise, et votre nourriture leur est permise" (Coran 5/5). Le terme "nourriture" ("ta'âm") signifie ici "animal abattu" ("dhabîha"), comme l'a dit Ibn Abbâs (cité par al-Bukhârî). Il faut cependant qu'il s'agisse d'un juif par croyance (c'est-à-dire qu'il croit en Dieu et que Moïse a transmis la Loi de Dieu) et d'un chrétien par croyance (c'est-à-dire qu'il croit en Dieu et que Jésus a été envoyé par Dieu).
Si un homme est athée ou agnostique et se dit "juif" ou "chrétien" seulement par culture ou tradition, ce n'est ni un juif ni un chrétien dans le regard de l'islam, et l'animal qu'il abat n'est donc pas licite pour le musulman (lire notre article au sujet de qui est juif).
Et ceux qui ont divinisé Jésus et/ou adopté la croyance en la Trinité, font-ils ou non partie des Gens du Livre, lire un premier et un second articles sur le sujet.
Quant aux points 2 et 3, il faut savoir que certains ulémas ont émis au sujet de leur conditionnalité certains avis différents, par rapport à certains cas précis. Nous allons les voir ci-après, selon que c'est un musulman ou un juif ou chrétien qui abat l'animal…
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A) Quand c'est un musulman qui abat l'animal :
– A.2) Le point 2 est alors, à l'unanimité, une condition systématique : l'animal doit avoir été saigné.
C'est par une profonde et vigoureuse incision au niveau des carotides que l'animal doit être saigné, conformément à ce que le Prophète (sur lui la paix) a dit ("mâ af'ra-l-awdâj", Ad-Dirâya de Ibn Hajar). L'écoulement du sang est alors rapide et on évite à l'animal toute souffrance excessive. Seul fait exception le cas où cette incision au niveau des carotides est impossible, quand par exemple l'animal s'enfuit et qu'il faut l'abattre, ou que l'animal est accidentellement tombé tête la première dans un fossé, qu'on doit l'abattre et qu'on ne peut alors pas atteindre ses carotides (dhab'h idhtirârî) : la saignée se pratiquera alors où cela est possible (Al-Mughnî 13/47). Sinon, dans tous les autres cas, où on a "contrôle" sur l'animal (dhab'h ikhtiyârî), il faut impérativement que la saignée se fasse au niveau des carotides (cela est établi au consensus : Al-Mughnî 13/60-61 ; voir également Al-Muwâfaqât, ash-Shâtibî, 1/592).
– A.3) Quant au point 3 – prononcer le Nom de Dieu au moment d'égorger l'animal – :
L'avis qui est pertinent est qu'il s'agit bel et bien d'une condition, et non de quelque chose de facultatif (cf. Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, pp. 228, 234).
Car le Prophète a dit à Râfi' : "Tu peux consommer (la chair de l'animal abattu) par tout ce qui provoque l'écoulement du sang de l'animal et quand le Nom de Dieu a été prononcé sur cet animal …" (rapporté par al-Bukhârî, n° 5184).
A 'Adî, il a dit la même chose : "Saigne l'animal par ce que tu veux, et prononce le Nom de Dieu" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 2824, an-Nassâ'ï, n° 4304).
De plus, à 'Adî l'ayant questionné au sujet du fait qu'il partait chasser des animaux sauvages, le Prophète a enseigné qu'il devait prononcer le Nom de Dieu au moment d'envoyer son chien dressé ou sa flèche sur la proie (rapporté par al-Bukhârî, n° 5161). 'Adî l'ayant questionné : "Il arrive que j'envoie mon chien mais que je retrouve un autre chien avec lui et que je ne sache pas qui des deux a tué l'animal. – Tu ne dois alors pas manger de cet animal : car tu as prononcé le Nom de Dieu en envoyant ton chien et non pas pour l'autre chien" (rapporté par al-Bukhârî, n° 5168).
Le fait de prononcer le Nom de Dieu est donc bel et bien nécessaire au moment d'abattre l'animal. Délaisser volontairement le fait de prononcer le Nom de Dieu au moment d'abattre l'animal rend donc la viande de l'animal impropre à la consommation.
Par contre, la question se pose de savoir ce qu'il advient si on savait qu'il faut prononcer le Nom de Dieu au moment d'abattre l'animal mais qu'on a oublié de le faire au moment précis : Ibn Omar et après lui Mâlik ibn Anas sont d'avis que l'animal ainsi abattu est impropre à la consommation, tandis que 'Alî, Ibn Abbâs et après eux Abû Hanîfa pensent que cet animal est halal, le cas de l'oubli faisant souvent l'objet d'une dispense dans le droit musulman (comme par exemple pour le fait d'avoir mangé par oubli en état de jeûne).
--- A.3') Que signifie "prononcer le Nom de Dieu" ?
Il s'agit de dire "Bismillâh !" ; on peut également en prononcer l'équivalent dans sa langue (Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, p. 211).
--- A.3'') Quand prononcer cette formule ?
Il s'agit de le prononcer pendant qu'on commence à saigner l'animal, ou bien juste avant de commencer à le faire (Al-Mughnî 13/46).
--- A.3''') Qui doit prononcer cette formule ?
Il est impératif que celui qui saigne l'animal prononce lui-même la formule "Bismillâh". Si c'est quelqu'un qui saigne et un autre qui prononce la formule, l'abattage ne sera pas valide (Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, p. 235).
Et si une personne était occupée à égorger l'animal mais qu'une autre a été amenée à lui prêter main forte, et, ce faisant, appuie sur le couteau que la première tient, alors cette seconde personne doit elle aussi prononcer la formule, sinon l'abattage ne sera pas valide (Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, p. 234).
--- A.3'''') Quelle intention faut-il avoir quand on prononce la formule "Bismillâh" au moment de saigner l'animal ?
Il faut prononcer le Nom de Dieu avec l'objectif de pratiquer ainsi l'abattage de l'animal de la façon voulue. Nous voulons dire par là que si le musulman prononce la formule "Bismillâh" avec un tout autre objectif (faire simplement du dhikr, par exemple) et saigne un animal en même temps, l'abattage ne sera pas valide (Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, p. 211).
Par ailleurs, lorsqu'on ne se trouve pas dans un cas de dhab'h idhtirârî (où il s'agit d'abattre un animal qui s'enfuit ou qui est accidentellement tombé dans un fossé) mais qu'on saigne un animal sur lequel on a contrôle (dhab'h ikhtiyârî), alors il s'agit, lorsqu'on prononce le Nom de Dieu, d'avoir l'intention de le faire pour tel animal précis. Sinon, si le musulman prononce le Nom de Dieu avec l'objectif de pratiquer ainsi l'abattage de l'animal de la façon voulue, mais le fait par rapport à tel animal entravé précis puis délaisse celui-ci et saigne immédiatement un autre animal ayant été entravé et se trouvant à côté du premier, l'abattage ne sera pas valide (Al-Mughnî 13/46). De même, si le musulman voit un troupeau de brebis, dit "Bismillâh !" sans que ce soit par rapport à un animal précis, puis en saisit un au hasard et l'égorge, l'abattage ne sera pas non plus valide (Al-Mughnî 13/46, Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, p. 232). Il faut donc avoir l'objectif, en prononçant la formule "Bismillâh !" d'abattre un animal précis, ou bien des animaux précis (ta'yîn udh-dhabîha, wa qasduhâ bi-t-tasmiya).
Car il est également possible d'égorger plusieurs animaux avec un seul "Bismillâh", à la condition comme nous venons de le voir que l'on prononce celui-ci avec l'objectif de ces animaux précis, et à la condition supplémentaire que cela soit fait par un seul mouvement du couteau, un mouvement continu et ininterrompu (Al-Hindiyya, 5/289, Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, pp. 229-230 : "ta'addud ut-tasmiya manûtun bi ta'addudi fi'l idh-dhab'h, lâ bi ta'addud idh-dhabâ'ih" : Ibid. pp. 233).
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B) Quand c'est quelqu'un des Gens du Livre qui abat l'animal :
Quand c'est un juif ou un chrétien qui abat l'animal, qu'en est-il des conditions 2 et 3 citées plus haut ?
– B.2) Pour ce qui est du point 2, saigner l'animal :
Certains ulémas ont émis l'avis que lorsque celui qui abat l'animal est un chrétien, le second point – saigner l'animal – n'est pas une condition : même si l'homme a abattu l'animal d'une autre façon, l'animal est permis à la consommation. Ibn ul-Arabî a, à ce sujet, écrit dans un même ouvrage deux passages qui semblent dire deux choses différentes : dans l'un il semble être d'avis que le musulman peut consommer la chair d'un animal abattu de la sorte (Ahkâm ul-qur'ân 2/45), dans le second il semble être d'avis que non (Ahkâm ul-qur'ân 2/43). Al-Qaradhâwî est d'avis que le musulman peut consommer la chair de l'animal que le chrétien a abattu sans le saigner (Al-Halâl wa-l-harâm, p. 59).
La majorité des ulémas est cependant d'avis que la chair d'un animal abattu de cette façon n'est pas licite, puisqu'il s'agit d'une bête morte sans avoir été saignée, ce que des versets du Coran ont interdit explicitement (mayta). Dire que dans le cas du chrétien précisément il y aurait exception paraît assez difficile. C'est cet avis rendant nécessaire le fait que le chrétien ait saigné l'animal qui est donc pertinent.
– B.3) Et qu'en est-il du point 3 : prononcer le nom de Dieu en saignant l'animal ?
Il y a ici plusieurs cas de figure qui se présentent...
--- B.3.1) L'animal est-il licite à la consommation du musulman si le chrétien a prononcé le nom d'une autre entité que Dieu au moment de l'abattre ?
Le fait est que les chrétiens trinitaires ont une dose certaine de polythéisme dans leur monothéisme.
----- a) Si le chrétien a abattu l'animal en prononçant le nom de Jésus :
Ibn ul-Arabî semble être d'avis qu'un tel animal est permis à la consommation du musulman, car pour le chrétien, prononcer le nom de Jésus c'est en tant que personne en qui Dieu l'Unique s'est fait chair, et cela revient dans son esprit à prononcer le Nom de Dieu (Ahkâm ul-qur'ân 2/43).
Les hanafites disent qu'un tel animal sera interdit à la consommation du musulman : il s'agit de prononcer le Nom de Dieu et de Lui Seul (cf. Al-Hidâya 2/418, note de bas de page n° 13). C'est cet avis qui est pertinent.
----- b) Et si le chrétien a abattu l'animal en prononçant le nom d'une autre entité encore (par exemple celui qu'il considère comme un saint) :
Certains ulémas parmi les Tâbi'ûn (cf. Jawâhir ul-fiqh 2/399) ont émis l'avis que si un chrétien abat l'animal en prononçant le nom d'une entité autre que Dieu, le musulman ne peut approuver le fait de prononcer ainsi le nom d'un autre que Dieu sur l'animal qu'on abat, mais il peut consommer la chair de cet animal. 'Atâ (cf. Ahkâm ul-qurân 2/43) et Mak'hûl (cf. Tafsîr Ibn Kathîr 2/20) semblent être de cet avis. Selon ces ulémas, Dieu a déclaré permis l'animal que les chrétiens abattent alors qu'Il sait quel nom ils prononcent alors ; l'animal est donc permis, et cela constitue une exception par rapport à la règle de l'interdiction de l'animal abattu pour se rapprocher d'un autre que Dieu ("wa mâ uhilla li ghayr-illâhi bih" : Coran 5/3).
Cependant, les autres ulémas sont d'avis que pareil animal est interdit à la consommation du musulman : le verset interdisant l'animal abattu pour se rapprocher d'un autre que Dieu s'applique à tous les cas. Il est donc nécessaire que le nom d'une entité autre que Dieu n'ait pas été prononcé sur l'animal au moment de le saigner. Et en fait, la sagesse de l'autorisation, faite par Dieu au musulman, de consommer l'animal abattu par un juif ou un chrétien, est que les Ecritures dont ceux-ci disposent disent toujours explicitement que l'animal doit être saigné et qu'il est interdit de consommer la chair d'un animal abattu au nom d'un autre que Dieu (voir Tafsîr Ibn Kathîr 2/20) ; ce serait donc une inversion des choses que de dire que l'animal qu'ils ont abattu au nom d'une autre entité que Dieu est autorisé à la consommation. C'est ce second avis qui semble pertinent.
--- B.3.2) L'animal est-il licite à la consommation du musulman si le juif ou le chrétien s'est abstenu (sans que ce soit un oubli) de prononcer le nom de Dieu au moment de l'abattre, et n'a alors prononcé le nom d'aucune entité ?
Selon les ulémas de l'école hanafite, seule sera permise à la consommation du musulman la chair de l'animal sur lequel on aura prononcé le nom de Dieu au moment de l'abattre, que celui qui abat l'animal soit musulman, juif ou chrétien (Jadîd fiq'hî massâ'il, Khâlid Saïfullâh, p. 270, Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, p. 217).
Par contre il y a dans l'école mâlikite l'avis selon lequel le fait de ne pas délaisser volontairement la prononciation du Nom de Dieu au moment de saigner l'animal est une condition si celui qui abat l'animal est un musulman, mais ne l'est pas s'il est un juif ou un chrétien. Dès lors, si, au moment de saigner l'animal, le juif ou le chrétien n'a pas prononcé le nom de Dieu (ni bien sûr le nom d'une autre entité que Dieu), la chair de cet animal est halal (cf. Al-Fiqh ul-mâlikî wa adillatuh, 3/50 ; Al-Khulâssat ul-fiqhiyya 'alâ madh'hab is-sâdat il-mâlikiyya, al-Qarawî, p. 314 ; Jadîd fiq'hî massâ'il, Khâlid Saïfullâh, p. 270, Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, p. 217).
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Dans tous les cas où un animal – relevant de la catégorie licite en soi – n'a pas été abattu de façon à remplir les conditions exigées, il est impropre à la consommation du musulman (sauf bien sûr cas de nécessité absolue comme un cas de famine ou une situation où on risque de mourir de faim).
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Notes complémentaires :
– I) Pourquoi l'islam a-t-il institué ces trois conditions ?
--- a) Quelle est la sagesse (hikma) que recèle le fait de devoir saigner les animaux à sang chaud avant de pouvoir en consommer la chair ?
Elle est évidente : on débarrasse ainsi la viande du maximum de sang, dans un évident objectif d'hygiène alimentaire. La méthode par laquelle les musulmans saignent l'animal est certes spectaculaire, mais, contrairement à tout ce qu'on dit sur le sujet, c'est celle qui fait le moins souffrir l'animal. Cliquez sur ce lien pour lire le compte-rendu d'une expérience scientifique menée en Allemagne à ce sujet.
Est-il autorisé d'avoir recours, comme le font certains abattoirs, à l'assommage de l'animal avant de le saigner ?
Plusieurs méthodes d'assommage existent actuellement, et certaines d'entre elles laissent planer un sérieux doute sur la question de savoir si l'animal est encore en vie au moment où il est saigné. En effet, de sérieuses présomptions de mort cérébrale sont alors présentes. Or il est évident que la saignée pratiquée sur un animal déjà mort ne rend aucunement sa chair licite à la consommation. Sans compter qu'il y a même débat entre les ulémas à propos de savoir quel degré de vie doit subsister au minimum dans un animal déjà mortellement blessé pour que le fait de le saigner à ce moment là puisse être pris en considération (les ouvrages de fiqh mentionnent explicitement cette question) ; et l'avis pertinent est qu'il faut que l'animal blessé ait encore davantage de vie que celle qui subsiste en l'animal que l'on vient d'égorger et qui va donc mourir (lire notre article sur cette question). Il faut ici noter que même au cas où il s'agit d'un moyen d'assommage qui ne tue pas l'animal ni ne laisse subsister en lui qu'une trop faible étincelle de vie pour que la mort puisse être attribuée à la saignée, le recours à l'assommage est malgré tout déconseillé (mak'rûh), car cela affaiblit l'animal et, suite à la saignée, c'est de façon moins importante que le sang est expulsé du corps de la bête (cf. Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, p. 239).
--- b) Quant à la nécessité d'invoquer le Nom de Dieu au moment d'abattre l'animal, sa sagesse (hikma) est comme suit :
On exprime par cela le fait qu'on ne met pas à mort cet animal gratuitement ou par cruauté, mais parce qu'on a besoin de se nourrir. On exprime alors qu'on a, pour ce faire, la permission de Celui qui nous a tous – humains et animaux – créés et donné place sur la planète bleue ; c'est pourquoi on prend Son Nom.
--- c) Relèvent à l'unanimité des Gens du Livre ("ahl al-kitâb") les juifs et les chrétiens. Les adeptes d'autres religions en relèvent-ils eux aussi ?
Lire à ce sujet mon article Qui sont les Gens du Livre ?
Les Gens du Livre ne forment qu'une partie de l'ensemble de ceux qui ne sont pas musulmans ("kâfirûn"), mais à cause du fait qu'ils sont monothéistes (même s'il est vrai que les chrétiens trinitaires ont une dose certaine de polythéisme dans leur monothéisme), qu'ils se réfèrent à un ou plusieurs authentiques messagers de Dieu ayant précédé Muhammad, enfin qu'ils possèdent des Ecritures (c'est le sens de "kitâb") qui sont issues de ces messagers et qui renferment toujours certains enseignements authentiques (notamment les règles relatives au mariage et à l'abattage), le Coran enseigne qu'il est permis au musulman de consommer l'animal qu'ils ont abattu, de même qu'il est en soi permis au musulman de se marier avec une femme faisant partie de leur communauté (avec des nuances que je vous invite à découvrir en cliquant ici pour lire mon article : Est-il vrai que le Coran dit qu'un musulman peut épouser une non musulmane ?).
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II) Que signifie : "... et votre nourriture leur est permise" (Coran 5/5) ?
"La nourriture des Gens du livre vous est permise, et votre nourriture leur est permise" (Coran 5/5).
Certaines personnes posent ici une question. Il est évident, disent-elles, que le verset ait eu besoin de souligner que l'animal abattu par un juif ou un chrétien est permis à la consommation du musulman, mais pourquoi donc le verset a-t-il également précisé que l'animal abattu par un musulman est permis à la consommation du juif ou du chrétien, alors que leur religion est abrogée par le message apporté par Muhammad (sur lui la paix) ?
La raison en est très simple : le verset entend souligner la différence existant entre le cas de la consommation de l'animal abattu et le mariage. En effet, le Coran enseigne que le musulman peut se marier avec une juive ou une chrétienne, mais que la musulmane ne doit pas se marier avec un juif ou un chrétien. Au contraire de ce qui concerne la consommation de l'animal : ici, le Coran enseigne que le musulman peut faire consommer à un juif ou un chrétien la chair de l'animal qu'il a abattu, exactement comme l'animal abattu par un juif ou un chrétien peut être consommé par le musulman (voir Jawâhir ul-fiqh 2/392).
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III) Peut-on prononcer le Nom de Dieu à table, au moment de consommer la chair de cet animal, si ce Nom n'a pas été prononcé au moment de l'abattage de l'animal ?
Un Hadîth existe où il est relaté qu'on vint dire au Prophète : "Des gens viennent de quitter l'idolâtrie, et ils nous apportent de la viande. Nous ne savons pas s'ils ont prononcé le nom de Dieu sur l'animal ou non. – Vous, prononcez le nom de Dieu et mangez" répondit le Prophète (rapporté par al-Bukhârî, n° 1952, 6963).
Certains ulémas ont déduit de ce Hadîth que lorsque le musulman se retrouve face à la viande d'un animal n'ayant pas été abattu de la façon voulue pour que sa chair soit halal, il lui suffit de réciter le Nom de Dieu sur cette viande pour pouvoir la consommer.
Cette déduction est cependant erronée. En effet, ce Hadîth ne parle pas de cela mais seulement du cas où on a, à propos de la viande qui est présentée par un musulman, des doutes infondés quant au fait qu'il l'a égorgée de la façon voulue. C'est al-Bukhârî lui-même qui a écrit ce commentaire pour ce Hadîth. En effet, il titre ceci sur ce Hadîth n° 1952 : "Qui ne considère pas les pensées non-fondées comme constituant des doutes valables". Dans ce Hadîth, le Prophète conseille donc au musulman qui est l'objet de doutes qui lui tiraillent le cœur mais qui ne sont fondés sur rien de tangibles, de tranquilliser son cœur en prononçant le nom de Dieu. Car ce genre de doutes non fondés ne doit pas amener le musulman à se faire des idées et à considérer interdit ce qui est apparemment permis.
On ne peut donc pas se suffire de prononcer le Nom de Dieu sur le plat de viande qui nous est présenté si ce Nom n'a pas été prononcé au moment d'abattre l'animal.
Khâlid Saïfullâh écrit que, sauf preuve du contraire, on peut, en étant invité à manger chez un musulman, lui faire confiance à propos de la nourriture qu'il nous présente, et considérer qu'elle est halal (Halâl wa harâm, pp. 116-118). Dans un restaurant musulman, par contre, et compte tenu de la réalité de nombre d'entre eux, rien ne nous interdit de nous assurer avec discrétion, diplomatie, tact et courtoisie que la viande est bien halal : ce n'est hélas pas toujours le cas, et certains restaurateurs le reconnaissent de bonne foi une fois questionnés en aparté.
Les musulmans ne peuvent pas consommer la viande abattue par des chrétiens en se disant ici aussi que n'ayant pas la preuve du contraire, la viande qu'ils présentent a apparemment été abattue selon la façon voulue. La preuve du contraire est ici bel et bien présente : en effet, aujourd'hui l'écrasante majorité des chrétiens n'abat pas les animaux de boucherie de la façon demandée par les Ecritures. Aussi, lorsqu'il est invité par des amis chrétiens :
– soit le musulman se contentera d'un repas végétarien ;
– soit (s'il s'agit de proches amis qu'il connaît très bien et qui vont jusqu'à lui demander quels mets sont halal pour lui) le musulman fera ce que fait un musulman que je connais : il demandera au préalable à ses hôtes d'abattre la volaille en la saignant (c'est le point B.2) et – pour le musulman qui se réfère à celui des deux avis qui, cité plus haut en B.3.2, exige également cela – de le faire en prononçant le Nom de Dieu.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).