Quels aliments ne sont pas autorisés pour le musulman, et pourquoi ?

Question :

Je voudrais savoir quels sont, en dehors du porc, les animaux et, plus généralement, les aliments interdits à la consommation du musulman.
Pourriez-vous également me dire vos sources ?

Et quelles sont les raisons de ces interdits ?

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Réponse :

A) La règle première est la permission, l'interdiction étant restreinte à ce qui a été explicitement interdit dans les sources, soit de façon détaillée, soit de façon globale :

Dieu dit au Prophète Muhammad (sur lui la paix) dans le Coran : "Ils te questionnent (pour savoir) qu'est-ce qui a été rendu licite pour eux. Dis : "Ont été rendues licites pour vous les bonnes choses (at-tayyibât)…"" (Coran 5/4).

Dieu dit aussi : "… il [= le Prophète] déclare licite (halal) pour eux les bonnes choses (at-tayyibât), et déclare illicites (haram) pour eux les mauvaises choses (al-khabâ'ïth)" (7/157).

Un autre verset se lit ainsi : "O les hommes, mangez de ce qui se trouve sur la Terre, licite (halalan), bon (tayyiban)" (Coran 2/168).

Le verset 7/157 montre que toutes les choses "khabîth" ont été déclarées "haram" ; et que ce sont les choses "tayyib" (par rapport à une action humaine donnée) qui ont été rendues "halal".

Or ce qui n'est pas "tayyib" (sous un rapport donné, par exemple : "fî nafsihî") est forcément "khabîth" (sous le même rapport).

On en déduit qu'il n'existe donc pas une chose qui serait bien halal (par exemple "fî nafsihî") mais sans être "tayyib" mais "khabîth" (sous le même rapport : "fî nafsihî").

Dès lors, dans le verset 2/168, les deux qualificatifs "halal" et "tayyib" désignent strictement la même chose (c'est l'un des deux commentaires existant : Tafsîr ul-Qurtubî, 2/208) lorsque considérés par rapport à la même action humaine, et sous le même rapport.

Le caractère "mauvais" (khabîth) d'une chose pour l'homme, cela est propre à cette chose, et a précédé le fait que Dieu l'a déclarée "illicite" dans le Coran ou par le biais de Son Messager s'exprimant dans la Sunna. En fait Dieu Lui-même a conféré à cette choses un caractère (wasf) qui en fait quelque chose de "mauvais pour l'homme" ; et, suite à ce caractère étant propre à elle, Dieu a décrété que cette chose était "illicite pour l'homme". Cela concerne les choses de la création de façon générale, et également – c'est ce qui nous intéresse par rapport à cet article – les choses que l'homme pourrait manger et boire.

Ce qu'il faut cependant noter c'est que parfois quelque chose est tayyib par rapport à telle action humaine et khabîth par rapport à une autre action humaine. Ainsi, avoir un chat de compagnie est tayyib, mais manger du chat est khabîth ; le chat est donc tayyib quant à la compagnie, khabîth quant à la consommation. Par ailleurs, même par rapport à la même action humaine, quelque chose est parfois tayyib fî nafsihî (ou : li 'aynihî) et khabîth li ghayrihî (ou : li kasbihî) : ainsi, manger de la viande de mouton ayant été abattu de la façon voulue est tayyib fî nafsihî, mais manger une telle viande après l'avoir obtenue par tromperie du vendeur est khabîth li ghayrihî (ou : li kasbihî).

Ci-après nous ne parlerons cependant que de ce qui est khabîth li 'aynihî quant à la consommation.

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B) Qu'est-ce qui constitue une de ces "choses mauvaises" (al-khabâ'ïth) pour l'alimentation humaine ?

Est "mauvais" (khabîth) pour l'alimentation de l'homme :
– 1) ce qui nuit à sa santé spirituelle (dîn / khuluq) ;
– 2) ce qui nuit à sa santé mentale ('aql) ;
– 3) ce qui nuit à sa santé physique.

L'ensemble de ces 3 qualificatifs ressortent des écrits de Ibn Taymiyya et de Ibn 'Ashûr : le premier a cité les 2 premiers qualificatifs in Majmu' ul-fatâwâ (17/180 et 20/523), et le second a fait mention des 3 qualificatifs in At-Tahrîr wa-t-tanwîr : "munâfin li-d-dîn" ; "mâ yadhurr ul-'aql aw il-badan" (commentaire de Coran 5/5).

Les interdits dans le domaine alimentaire – comme dans les autres domaines – n'ont pas pour objectif de priver l'homme, mais au contraire de le protéger, en lui révélant ce qui lui cause du tort, qu'il en soit conscient ou pas.

Tout aliment ou boisson qui n'appartient pas à la catégorie des "choses mauvaises" (parce que ne s'y trouve aucun de ces trois qualificatifs) appartient à celle des "choses bonnes" (at-tayyibât), et relève donc de la licité originelle (al-ibâha al-asliyya).

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C) Si ces deux versets du Coran ont ici fait allusion de façon générale aux qualificatifs qui font d'un aliment et d'une boisson quelque chose d'illicite, comment connaître de façon détaillée les aliments et boissons qui contiennent l'un de ces trois qualificatifs ?

La liste de tous les aliments et boissons qui font du tort à la santé physique de l'homme (critère n° 3) peut être connue par l'observation et l'expérimentation humaines (vu que cet aspect est rationnel et que, une fois le principe communiqué par la révélation connu, la liste détaillée où on le retrouve peut être établie par la raison humaine). Tout ce qui est poison ou dont il est prouvé que cela est nocif pour la santé physique de l'homme est donc "choses mauvaise" et est par conséquent "illicite" (harâm). En sus d'être déductible de ce principe général, l'interdiction de consommer du poison figure explicitement dans le hadîth où le Prophète a blâmé celui qui aura absorbé volontairement du poison pour mettre fin à ses jours (al-Bukhârî, 5442, Muslim, 109). Le Prophète a également dit : "On ne doit pas se faire du tort, ni les uns ne doivent faire du tort aux autres" (rapporté par Ibn Mâja).

Parmi tout ce qui fait du tort à la santé mentale de l'homme (critère n° 2), l'alcool a été explicitement interdit dans le Coran et la Sunna. Par analogie (qiyâs ut-tamthîl), les ulémas en ont déduit l'interdiction de tout ce qui altère la perception de la réalité, c'est-à-dire les drogues (que celles-ci excitent ou rendent apathique).
L'interdiction de consommer le vin figure en Coran 5/90. Le Prophète a dit : "Tout ce qui est enivrant est du vin. Et tout vin est interdit" (Muslim, 2003). Omar ibn ul-Khattâb disait : "Le vin, c'est tout ce qui voile l'esprit" (al-Bukhârî, 5266, Muslim, 3032). Le Prophète "a interdit tous les enivrants et les stupéfiants" (Abû Dâoûd, 3686). Nous avons parlé de l'alcool dans d'autres articles : cliquez ici et ici.

Par contre, ce qui fait du tort à la santé spirituelle de l'homme (critère n° 1) ne peut être connu que par la révélation, et non pas par l'intuition ou la tradition culturelle. Il faut donc se référer sur le sujet aux Coran et Sunna. Par ailleurs, la seule analogie qui soit possible ici est l'analogie du général au particulier (qiyâs ush-shumûl) (comme dans le cas des animaux carnassiers, que nous allons voir) ; l'analogie du particulier au particulier (qiyâs ut-tamthîl) n'est ici pas possible. Nous verrons quelque chose des aliments correspondant à ce critère 1 un peu plus bas, en E

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D) En vertu des critères 2 et 3, voici les produits minéraux et végétaux, ainsi que les liquides qui sont interdits :

Tous les produits d'origine minérale et végétale, ainsi que les produits liquides en général, sont permis à la consommation, exception faite de :
– ce qui cause du tort à la santé physique ;
– ce qui est enivrant (comme l'alcool et les drogues) ;
– ce qui est rituellement impur (l'urine, les excréments, le sang) ;
– ce dans quoi ce qui est rituellement impur (najis) s'est trouvé mélangé sans y avoir été complètement dilué (istihlâk) ni y avoir connu un changement de nature (istihâla) (cliquez ici).

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E) Quels sont les aliments et boissons qui sont interdits parce qu'ils font du tort à la santé spirituelle de l'homme (critère n° 1) ?

E.A) Quelques références textuelles sur le sujet :

En Coran 5/3, 2/173, etc. figure l'interdiction de consommer le sang, le porc

Le Prophète (sur lui soit la paix) a interdit de manger la chair de l'âne domestique (Muslim, 561, 1941) ; et il a dit que cela était une "souillure" ("rijs") (al-Bukhârî 3962, 5208). Par contre, la chair de l'âne sauvage (onagre) a été explicitement autorisée par le Prophète (al-Bukhârî, 1725, Muslim, 1196).

L'interdiction de la chair du mulet figure également dans d'autres hadîths, notamment celui rapporté par at-Tirmidhî (1478) et celui rapporté par Abû Dâoûd (3789) (authentifié par al-Albânî).

Le Prophète "a interdit tout animal doté de canines parmi les sibâ', ainsi que tout oiseau doté de serres" (Muslim, 1934).

Le Prophète "a interdit de manger du chat et de manger le prix que l'on en retire" (at-Tirmidhî, 1280, Abû Dâoûd, 3807 ; "dhaîf" d'après al-Albânî).

Le Prophète a dit : "Cinq (animaux) sont fâssiq, ils seront tués (même) dans le Haram : le rat, le scorpion, le milan, le corbeau et le chien enragé" (al-Bukhârî 3136, Muslim 1198). Dans l'une des versions de ce hadîth, on lit : "le serpent", et c'est  une variété particulière de corbeau qu'il demande de tuer : "al-ghurâb al-abqa'" (Muslim 1198). Aïcha relate que le Prophète a aussi dit du "wazagh" (un petit reptile) qu'il était un "petit fâssiq" mais relate aussi ne pas l'avoir entendu ordonner de le tuer (al-Bukhârî, 1734, Muslim, 2239). Ummu Sharîk, elle, l'a entendu ordonner de le tuer (al-Bukhârî, 3180, Muslim, 2237). Sa'd relate quant à lui à la fois que le Prophète a ordonné de tuer le wazagh et à la fois qu'il l'a appelé "petit fâssiq" (Muslim, 2238).

Le Prophète "a interdit de tuer la fourmi, l'abeille, la huppe et la pie-grièche" (Abû Dâoûd, 5267, authentifié par al-Albânî). Dans une autre version, on lit aussi cette interdiction à propos de "la grenouille" (Ibn Mâja, 3223, authentifié par al-Albânî). La même interdiction a été formulée à propos de tuer une grenouille pour l'incorporer à un médicament (Abû Dâoûd, 3871, 5269, an-Nassâ'ï, 4355 ; authentifié par al-Albânî).

Un homme relate de Abû Hurayra que, questionné au sujet du hérisson (qunfudh), le Prophète a dit que c'était "une des choses mauvaises (khabithatun min al-khabâ'ïth)" (Abû Dâoûd 3799) ; il s'agit du terme coranique exposé plus haut, et cela signifie que la chair de cet animal relève des choses interdites à la consommation humaine. La chaîne de transmission de ce hadîth pose cependant problème dans la mesure où on ne connaît pas l'identité de l'homme qui relate cela de Abû Hurayra.

Abdullâh ibn Abî Awfâ raconte : "Nous avons participé à sept campagnes avec le Messager de Dieu ; nous mangions du criquet" (al-Bukhârî, 5176, Muslim, 1952).

Le Prophète a dit de la mer qu'il s'agit de ce dont "l'animal y étant mort sans avoir été dûment abattu est autorisé" (Ibn Mâja, 386, at-Tirmidhî, 69, Abû Dâoûd, 83, an-Nassâ'ï, 332).

Le Prophète a aussi dit : "Il est deux animaux morts sans avoir été dûment abattus qui nous ont été rendus licites : le poisson et le criquet" (Ibn Mâja, 3218, authentifié par al-Albânî).

Le Prophète se trouvait un jour dans la maison de son épouse Meymûna en compagnie de Khâlid ibn ul-Walîd, quand on apporta un repas, où se trouvait la chair d'un animal rôti. Le Prophète allait en manger, mais comme on l'informa qu'il s'agissait de la chair du dhabb (un petit reptile, dont la chair est consommée par les bédouins), il retint sa main. "Est-ce illicite ? demanda Khâlid. Non, mais (cet animal) n'était pas (consommé) dans la terre de mon peuple, et je ressens donc de l'aversion pour sa (chair)." Khâlid ibn ul-Walîd mangea alors le dhabb, le Prophète le regardant (rapporté par al-Bukhârî, 5217, Muslim, 1946).

Le Prophète "a interdit de manger la chair du dhabb" (Abû Dâoûd 3796 ; "hadîth hassan" d'après al-Albânî).

En Coran 5/3, 2/173, etc. on lit l'interdiction de consommer l'animal qui est mort de lui-même (de vieillesse, de maladie ou de blessures), ainsi que l'animal qui a été sacrifié au nom d'un autre que Dieu.

L'interdiction de la bête qui est morte d'elle-même est due à son impureté (najâssa), et est le référent de l'interdiction de consommer toute chose qui est impure (najis). Cette interdiction concerne d'après Abû Hanîfa et Mâlik les parties du corps qui sont en contact avec du sang ou d'autres matières putrescibles après la mort ; quant aux parties du corps qui ne sont pas ainsi, elles demeurent rituellement pures (comme les cornes, les os, etc.).

Le Prophète a également dit : "Le membre qui a été coupé d'un animal alors qu'il était vivant est (considéré) comme la bête morte" (at-Tirmidhî, 1480, Abû Dâoûd, 2858).

Le Prophète a interdit la consommation de la chair et du lait de l'animal "jallâla" (rapporté par at-Tirmidhî, 1824, Abû Dâoûd, 3785, an-Nassâ'ï, 4447 ; authentifié par al-Albânî), c'est-à-dire qui mange des excréments.

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E.B) Ce qui a été déduit de ces références textuelles (et qui est relatif au critère n° 1 plus haut évoqué) :

Sont interdits parmi les animaux terrestres :

– le porc ; d'après la majorité des ulémas, l'interdiction de la consommation du porc concerne non seulement sa chair mais aussi, sa graisse, sa peau, ses os, et toutes les autres parties de son corps ;
– l'âne domestique ;
– le mulet (d'après la grande majorité des ulémas ; Ibn Hazm est cependant d'avis que la chair du mulet est licite : Al-Muhallâ 6/81-84 ; cependant son avis semble erroné car le hadîth interdisant la consommation de la chair de mulet est bien authentique) ;
– ceux des quadrupèdes qui sont dotés de canines solides et attaquent par le moyen de celles-ci (comme le lion, le loup, le chien, le chat, etc.) (Al-Mughnî 13/89). L'éléphant, bien qu'herbivore, a été classé par certains ulémas comme faisant partie de tels animaux illicites, et par d'autres ulémas comme n'en faisant pas partie (Al-Mughnî 13/91, Al-Muhallâ 6/72-73) ; en fait tout tourne autour de la définition du terme "sibâ'" (qui est le pluriel de "sabu'") ayant été employé par le Prophète dans le hadîth cité plus haut (Al-Mughnî 13/90 ; Fiqh us-sunna 4/158) ;
– le singe : il relève de la règle précédente ; par ailleurs Ibn Abd il-Barr a relaté le consensus sur le caractère illicite de sa chair (At-Tam'hîd, cité dans Al-Mughnî 13/90) ;
– le rat ;
– ceux des oiseaux qui sont dotés de serres (comme l'aigle, le vautour, etc.) ; il s'agit de l'oiseau qui chasse par ses serres (Al-Mughnî 13/92).

Sont interdits parmi les animaux terrestres, d'après l'interprétation de certains ulémas seulement (avec une divergence où l'avis juste n'est pas évident à distinguer) :

– (selon les hanafites uniquement : ) le "dhabb", dont nous avons parlé plus haut, que le Prophète n'a personnellement pas consommé, et au sujet de la licité duquel ses hadîths sont eux-mêmes divergents, comme nous avons pu le constater plus haut ; en fait, d'après les hanafites, le hadîth interdisant la chair du dhabb a été prononcé après celui où on voit Khâlid en manger devant le Prophète ;
– (selon certains ulémas : ) tout animal – quadrupède ou volatile – que le Prophète a ordonné de tuer ; la raison en est que si on pouvait consommer la chair d'un tel animal, le Prophète n'aurait pas ordonné de le tuer, car tuer un animal comestible constitue du gaspillage (Al-Muhallâ 6/68, 73-74, 77) ; par ailleurs, les animaux – quadrupèdes et volatiles – que le Prophète a ordonné de tuer même s'ils se trouvent dans le périmètre sacré du Haram ne peuvent pas faire partie des animaux sauvages dont il est autorisé de consommer la chair, car dans le Haram il est interdit de tuer des animaux sauvages licites à la consommation (Al-Mughnî 13/93) ; en fait, si le Prophète a ordonné de tuer un animal, c'est parce que celui-ci est dangereux et / ou nuisibles (pour certains de ces animaux il a d'ailleurs employé le mot "fawâssiq", qui est le pluriel de "fâssiq") ; or on ne saurait consommer la chair d'un animal qui en soi est dangereux ou nuisible ;
– (selon certains ulémas uniquement : ) tout animal que le Prophète a interdit de tuer ; car si on ne peut pas le tuer, on ne peut forcément pas l'abattre de la façon rituelle ; et si on ne peut pas abattre un animal de la façon rituelle, on ne peut pas en consommer la chair (Al-Muhallâ 6/77 ) ; on peut pareillement expliquer cette réalité ainsi : quand le Prophète a interdit de tuer un animal, c'est parce qu'il n'est ni dangereux ou nuisible, ni comestible : le caractère sacré de la vie l'emporte donc, et il est interdit de tuer un tel animal (vu que lorsqu'un animal est comestible, il n'est pas interdit de le tuer pour se nourrir de sa chair). Par contre, d'autres ulémas font pour leur part valoir que cette règle n'est pas absolue, car il se peut aussi que le Prophète ait seulement voulu déconseiller de tuer ces animaux : ainsi, d'après un des deux avis de Ahmad, la chair de la huppe et de la pie-grièche reste licite, car ces deux oiseaux ne renferment aucun des deux principes ('illa) rendant illicite la chair d'un oiseau : ce ne sont pas des oiseaux de proie, et ils ne sont pas non plus considérés dégoûtants par les Arabes citadins du Hedjaz (Al-Mughnî 13/98) ; quand le Prophète a défendu de les tuer, il aura donc seulement voulu déconseiller de les tuer pour la raison qu'ils sont utiles et sont plus rares que bien d'autres animaux disponibles pour nourrir l'homme. D'ailleurs, si le hadîth demandant de ne pas tuer ces deux oiseaux demande aussi de ne pas tuer la fourmi, cela reste restreint au cas des fourmis qui ne sont pas dangereuses et qui n'ont fait aucun tort ; sinon, il devient autorisé de tuer la fourmi ;
– (selon certains ulémas uniquement :) ce que pour quoi les hommes ont de la répugnance ("mâ yustakhbath") : selon certains ulémas, le critère à ce sujet est la considération des Arabes citadins du Hedjaz (Al-Mughnî 13/85-86) ; d'après d'autres ulémas, le critère en est la majorité de l'humanité (cité dans Fiqh us-Sunna 4/160) ; c'est sur cette règle que ces ulémas se sont appuyés pour considérer illicites les insectes – exception faite des criquets – ; même le très zahirite Ibn Hazm a eu une considération de ce genre, sans toutefois énoncer de règle générale comme celle que nous venons de voir (Al-Muhallâ 6/75). Par contre, d'après les malikites, une telle considération n'existe pas, et tout animal qui n'a pas été explicitement interdit reste licite, qu'il soit insecte, serpent ou autre.

Sont interdits parmi les animaux marins :

– (d'après les hanafites uniquement : ) tout ce qui n'est pas "poisson" (comme les mollusques, crabes, etc.). Par contre, d'après Ahmad ibn Hanbal, Mâlik et ash-Shâfi'î, tous les animaux marins sont licites : poissons, mollusques, crabes, etc. Le hadîth parlant de l'animal mort de la mer (voir plus haut) est général ('âmm), tandis que le second est particulier (khâss). Abû Hanîfa a donc appréhendé le général ("animal marin") selon la lettre du particulier ("poisson"), tandis que les autres ulémas ont appréhendé le général tel quel ("animal qui vit dans la mer") et considéré que le second faisait état de seulement l'un de tous les animaux vivant dans la mer qui sont autorisés.

– Le Prophète a interdit de consommer la chair des quadrupèdes et des oiseaux féroces (voir plus haut). Faut-il considérer que, par analogie, la chair des poissons féroces – comme le sont certains requins – est interdite ? Certains ulémas répondent par l'affirmative (c'est ce qui est relaté de an-Nakh'î : Al-Mughnî 13/116). D'autres ulémas répondent par la négative : pas d'analogie ici.

– Et qu'en est-il des mammifères marins ? Apparemment en soi ils sont eux aussi autorisés.

Sont interdits pour cause extérieure (li 'âridh), parmi les animaux qui sont en soi (fî nafsihî) licites :

– l'animal qui est vivant : en effet, on ne peut consommer la chair d'un animal encore vivant ;
– le membre qui a été sectionné d'un animal vivant ;
– l'animal qui a été abattu avec la prononciation du nom d'un autre que Dieu ;
– l'animal qui n'a pas été abattu de la façon qui est requise par l'islam : soit qu'il est mort de lui-même, soit qu'il est mort en s'étant blessé ou en ayant été attaqué par un autre animal, soit qu'il a été abattu sans avoir été saigné, soit qu'il a bien été saigné mais le musulman qui l'a fait n'a alors pas prononcé le Nom de Dieu sur lui (d'après l'avis pertinent) ;
– (d'après certains ulémas uniquement : ) l'animal qui a consommé tellement de choses rituellement impures (par exemple des excréments) que sa chair et sa sueur exhalent l'odeur de cette impureté ("al-jallâla") ; d'après certains ulémas, c'est la proportion de choses impures que l'animal mange qui est à considérer – est-elle majoritaire ou non, tandis que d'après d'autres ce qui est à considérer c'est de savoir si la mauvaise odeur de ces choses qu'il consomme apparaît dans la sueur de cet animal, ou non (Nayl ul-awtâr 8/270) ; ensuite, d'après certains ulémas consommer un pareil animal est complètement interdit, d'après d'autres cela est déconseillé (Al-Mughnî 13/98-99) ; il faut laisser ce genre d'animal quelque temps jusqu'à ce que cette trace disparaisse, puis on pourra le consommer.

De même, au cas où une espèce est menacée d'extinction, les autorités peuvent interdire qu'on la chasse. L'interdiction est alors "li maslahatin" (cliquez ici).

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E.C) Quel animal qui est en soi licite doit-il être dûment abattu avant de pouvoir être consommé ?

D'après Ibn Hazm, tout animal qui est en soi halal doit être abattu par égorgement (dhab'h ou nahr) avant de pouvoir être consommé, sauf les animaux sauvages que l'on chasse, qui seront blessés là où cela est possible. Ne font exception à cette règle que les animaux marins et, parmi les bêtes terrestres, le criquet : ils peuvent être consommés même s'ils morts d'eux-mêmes. Ibn Hazm a déduit de cette règle que tout autre animal qu'il n'est jamais possible d'égorger – c'est le cas des insectes, des escargots, dit-il – est illicite à la consommation humaine (Al-Muhallâ 6/55, 76-77).

D'après un avis de l'école malikite, il est nécessaire de procéder à l'abattage de tout animal qui est en soi licite, même du criquet et de tout animal qui n'est pas à sang chaud (puisque cette école autorise la consommation d'insectes et de serpents). Si l'animal est à sang chaud, il faut couper ses carotides avec l'intention, en prononçant la formule "Bismillâh" ; et s'il n'est pas à sang chaud, il faut couper sa tête du reste de son corps, avec l'intention, en prononçant la formule "Bismillâh" (Al-Fiqh ul-mâlikî fî thawbihi-l-jadîd, 5/132-133).

D'après un avis de l'école hanbalite, tout animal qui est en soi halal doit être abattu par égorgement (dhab'h ou nahr) avant de pouvoir être consommé, sauf les animaux sauvages que l'on chasse, qui seront blessés là où cela est possible. Font exception à cette règle les animaux marins : ils peuvent être consommés même s'ils morts d'eux-mêmes ; c'est d'après des avis de cette école que le criquet fait lui aussi exception ; d'après des avis de cette école, le crabe fait lui aussi exception, pouvant donc être consommé même s'il est mort de lui-même (Al-Mughnî 13/57, 114-115).

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E.D) On aura remarqué que :

L'école la plus restrictive en matière de licité des aliments est l'école hanafite, et l'école la plus souple est l'école malikite.

D'après les hanafites, en sus du fait que les quadrupèdes féroces et les oiseaux féroces sont interdits, tous les reptiles le sont également (ce qui inclut le dhabb), de même que tous les batraciens (ce qui explique que la grenouille le soit) ; parmi les insectes seul le criquet est autorisé ; et parmi les animaux marins seul le poisson est autorisé.

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F) Pourquoi ces éléments ont-ils été interdits à la consommation ?

Les aliments et boissons qui sont nocifs pour la santé physique (critère n° 3) ou mentale (critère n° 2), la raison de leur interdiction est évidente.

Quant aux autres aliments et boissons ayant été interdits, ils l'ont été, nous l'avons vu, parce qu'ils sont nocifs pour la santé spirituelle de l'homme (critère n° 1). La raison ne peut, ici, que faire confiance à la révélation, car cela relève de ce qui est ta'abbudî mahdh ; l'analogie n'est d'ailleurs pas possible (le qiyâs ush-shumûl est bien évidemment applicable, mais pas le qiyâs ut-tamthîl).

Par ailleurs, des ulémas se sont efforcés de dégager de façon détaillée la sagesse du caractère illicite de certains aliments…

L'interdiction de la consommation de porc est citée ainsi dans le Coran : "... ou la chair de porc, car c'est une souillure" (Coran 6/145). Pourquoi et dans quelle mesure le porc ou bien sa chair est-il (ou elle) "une souillure" ("rijs"), le Coran ne le précise pas. Il peut s'agir d'une souillure physique (puisque la viande de porc est très souvent parasitée, etc.) mais aussi d'une souillure spirituelle (le terme "porc" lui-même étant synonyme de dégoûtant dans l'inconscient humain).

Quant à l'âne, sa chair a également été qualifiée de "souillure" ("rijs") par le Prophète (nous l'avons vu plus haut). Pourquoi et dans quelle mesure sa chair est-elle "une souillure" ("rijs"), je ne sais pas (لا أدري). Shâh Waliyullâh a proposé quelques éléments à ce sujet (Hujjat ullâh il-bâligha 2/486-487).

L'interdiction de consommer tout ce qui est rituellement impur (najis) se comprend par le fait que ce qui est classé comme rituellement impur en islam est – sur le plan physique – chargé de toxines : l'urine, les selles, le sang qui coule, la bête à sang chaud qui est morte d'elle-même, etc., et – sur le plan spirituel – contraire au caractère angélique. Les absorber nuit donc à la santé physique comme à la santé spirituelle.

Les quadrupèdes carnivores (ou carnassiers) et les oiseaux carnivores (ou carnassiers), eux, sont agressifs et violents : consommer leur chair communique quelque chose de cette façon d'être, et a donc été interdit. La même sagesse explique l'avis des ulémas qui pensent que sont interdits les animaux qui sont dangereux et / ou nuisibles au point qu'il est demandé de les abattre.

Si on retient l'avis selon lequel les animaux pour lesquels la majorité des hommes dans la plupart des lieux et des temps ont du dégoût ne doivent pas non plus être consommés, la raison en est évidente.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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