Evocation de juifs dans le Coran : ne pas tomber dans les simplifications

Certains passages du Coran adressent certains reproches aux juifs.

Or il ne faut pas, en tant que musulman lisant ces passages, tomber dans la simplification et l'amalgame.

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I) La première chose qu'il faut savoir c'est que le terme "اليهود" (littéralement : "les juifs") ne désigne pas systématiquement "les juifs dans leur totalité" :

En effet, l'article défini "AL", en arabe, est différent de l'article défini "LES" en français : l'article a en arabe des portées différentes.
Nous l'avons démontré, preuves à l'appui, dans notre article : Dans le Coran et la Sunna, le nom pluriel précédé de l'article défini "Al-" induit normalement une généralité absolue, mais parfois une généralité seulement relative : "Les hommes" (النَّاس) ; "Les polythéistes" (الْمُشْرِكُونَ) ; "Les juifs" (الْيَهُود) ; "Les chrétiens" (النَّصَارَى) (III - 1/2).

En voici 2 exemples :
"وَقَالَتِ الْيَهُودُ: يَدُ اللّهِ مَغْلُولَةٌ غُلَّتْ أَيْدِيهِمْ وَلُعِنُواْ بِمَا قَالُواْ" :
"Les juifs ont dit : "La Main de Dieu est liée". Que leurs mains soient liées et qu'ils soient éloignés de la miséricorde divine pour ce qu'ils ont dit !" (Coran 5/64).
Or c'étai(en)t seulement 1 – ou 2 – juifs de Médine qui avai(en)t dit cela : Pinhas de Banû Qaynuqâ' – et, d'après d'autres avis : Nabbâsh ibn Qays aussi – (voir Tafsîr ut-Tabarî et Tafsîr ur-Râzî). La raison de ce propos de leur part est qu'ils subissaient alors quelques difficultés financières, et ils dirent alors que Dieu était devenu regardant à la dépense (voir les ouvrages de Tafsîr). Or plaisanter de la sorte au sujet de Dieu est chose grave. Ce qui nous intéresse ici est que c'étaient seulement 2 personnes qui avaient tenu ce propos.
Il s'agit donc de traduire ce verset ainsi : "Des juifs ont dit : "La Main de Dieu est liée". Que leurs mains soient liées et qu'ils soient éloignés de la miséricorde divine pour ce qu'ils ont dit !" (Coran 5/64).

– Dieu dit : "وَقَالَتِ الْيَهُودُ: عُزَيْرٌ ابْنُ اللّهِ" :
"Et les juifs ont dit : "Uzayr est le fils de Dieu"" (Coran 9/30). Al-Qurtubî a écrit, en commentaire de ce verset : "Ceci est une formule qui a été dite de façon générale (mais) dont le sens est particulier. Car ce ne sont pas tous les juifs qui ont dit cela (هذا لفظ خرج على العموم و معناه الخصوص، لأن ليس كل اليهود قالوا ذلك)" (Tafsîr ul-Qurtubî, 8/116). L'article défini ici présent peut relever du type li-l-jins (type 1.3), et il faut donc traduire le verset ainsi : "Et des juifs ont dit : "Uzayr est le fils de Dieu"" (Coran 9/30). L'article défini peut également être du type 'ahdiyya (type 2) : certains juifs précis, à Médine, avaient dit cela (cet avis est également mentionné dans des ouvrages de Tafsîr).
Le verset est alors à traduire ainsi : "Et ces juifs-là ont dit : "Uzayr est le fils de Dieu"" (Coran 9/30).

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On trouve d'ailleurs la même formule "Les juifs", pour désigner seulement "certains juifs", dans le texte de l'Evangile tel que relaté par Jean l'évangéliste :

"Voici le témoignage de Jean[-Baptiste] [= Yahyâ, 'alayhi-s-salâm], lorsque les Juifs envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites, pour lui poser la question : "Qui es-tu ?" Il fit une déclaration sans restriction, il déclara : "Je ne suis pas le Messie." Et ils lui demandèrent : "Qui es-tu ? es-tu Elie ?" Et il dit : "Je ne le suis pas." - "Es-tu le Prophète ?" Et il répondit : "Non." Ils lui dirent alors : "Qui es-tu ? que nous apportions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu de toi-même ?" (Evangile d'après Jean, 1/19-22, TOB).

Bien d'autres exemples existent dans le texte de Jean l'évangéliste, où "les juifs" ne désigne pas : "les juifs dans leur totalité".

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II) La seconde chose que nous aimerions dire ici est qu'on peut distinguer plusieurs perspectives dans l'évocation que le Coran fait des juifs :

Humblement j'ai cru déceler (et Dieu sait mieux) 3 perspectives à cette évocation des juifs :
perspective A) avant la venue de Muhammad (sur lui soit la paix) et du Coran, étaient-ils des gens de la droiture, ou pas ?
perspective B) après la venue de Muhammad (sur lui soit la paix) :
--- perspective B.A) ont-ils cru en Muhammad et en le Coran, ou pas ?
--- perspective B.B) ceux d'entre eux qui n'ont pas cru en Muhammad, comment les musulmans doivent-ils se comporter avec eux ?

Il ne faut alors pas confondre ces différentes perspectives. Ainsi, ce n'est pas parce que le Coran reproche à des juifs de ne pas croire en Muhammad parce qu'il n'est pas un fils d'Israël (perspective B.A), que cela entraîne que le musulman ne devrait pas se comporter correctement avec ces juifs (perspective B.B).

Explications détaillées...

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– Perspective A) Comment étaient les juifs avant la venue de Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) et donc avant la révélation du Coran : des gens bien, ou pas ?

Par rapport à cette perspective, le Coran distingue :
- ceux des juifs qui agissaient mal ;
- ceux d'entre eux qui étaient sur la droiture.

"ذَلِكَ بِأَنَّهُمْ كَانُواْ يَكْفُرُونَ بِآيَاتِ اللّهِ وَيَقْتُلُونَ الأَنبِيَاء بِغَيْرِ حَقٍّ ذَلِكَ بِمَا عَصَوا وَّكَانُواْ يَعْتَدُونَ {3/112
لَيْسُواْ سَوَاء. مِّنْ أَهْلِ الْكِتَابِ أُمَّةٌ قَآئِمَةٌ يَتْلُونَ آيَاتِ اللّهِ آنَاء اللَّيْلِ وَهُمْ يَسْجُدُونَ {3/113} يُؤْمِنُونَ بِاللّهِ وَالْيَوْمِ الآخِرِ وَيَأْمُرُونَ بِالْمَعْرُوفِ وَيَنْهَوْنَ عَنِ الْمُنكَرِ وَيُسَارِعُونَ فِي الْخَيْرَاتِ وَأُوْلَئِكَ مِنَ الصَّالِحِينَ {3/114} وَمَا يَفْعَلُواْ مِنْ خَيْرٍ فَلَن يُكْفَرُوْهُ وَاللّهُ عَلِيمٌ بِالْمُتَّقِينَ {3/115"

"Cela à cause du fait qu'ils reniaient les signes de Dieu et tuaient des prophètes. Cela à cause de leur désobéissance et du fait qu'ils transgressaient.
Ils ne sont pas (tous) pareils. Parmi les Gens du livre [= les juifs] il y a une communauté droite qui récite les versets de Dieu aux heures de la nuit, en se prosternant. Ils croient en Dieu et au Jour dernier, ordonnent le bien, interdisent le mal et accourent vers les bonnes œuvres. Ce sont des gens de bien. Le bien qu'ils font, cela ne leur sera pas renié. Et Dieu sait ceux qui sont pieux"
(Coran 3/112-115).
Abû Zahra écrit que ces versets 113-115 parlent (eux aussi, à l'instar du verset 112) de juifs qui ont vécu avant la venue du prophète Muhammad, ou qui ont vécu après mais à qui le message n'est pas parvenu :
"وعندي أن الآية الكريمة: في أهل الكتاب الماضين الذين استقاموا على الحق ولم يدركوا عصر النبي صلى الله عليه وسلم.
وذلك لأن القرآن الكريم تكلم عن ماضي أهل الكتاب وحاضرهم. فحاضرهم كان سوء [بسبب كفره بالرسول]. وذكر ماضيهم: فبيّن أن بعضه كان سوء؛ وكان منهم أمة مقتصدة؛ فهذه الأوصاف: في الأمة المقتصدة التي مضت. ويصح أن تطلق على المخلصين من أهل الكتاب الذين لم يبلغوا دعوة الإسلام، وكان فيهم إخلاص للحق وطلب له وإجابة لداعيه إن دعوا إليه، ويكونون داخلين بالقياس على الماضين"
(Zahrat ut-tafâssîr).

On voit ici que le Coran fait bien la distinction, et ne mélange pas tout le monde.

Dans la Sunna on trouve chose semblable : même avant la venue du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) il était resté des Gens du Livre qui étaient bien. Le Prophète lui-même a dit : "وإن الله نظر إلى أهل الأرض، فمقتهم عربهم وعجمهم، إلا بقايا من أهل الكتاب، وقال: إنما بعثتك لأبتليك وأبتلي بك، وأنزلت عليك كتابا لا يغسله الماء، تقرؤه نائما ويقظان" : "Dieu avait regardé les habitants de la Terre ; Il les avait alors détestés, Arabes et non-Arabes [pour ce qu'ils croyaient et faisaient], sauf des restes parmi les Gens du Livre. Il a (alors) dit (à moi) : "Je ne t'ai suscité que pour te mettre à l'épreuve et mettre à l'épreuve par ton moyen. J'ai fait descendre sur toi un Livre que l'eau ne lavera pas, que tu réciteras endormi et éveillé"" (Muslim, 2865). Ce hadîth parle de la période précédant la venue du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) : Arabes et non-Arabes étaient alors dans le Kufr Akbar, exceptés quelques restes parmi les Gens du Livre. Ces restes étaient :
--- des chrétiens demeurés fidèles aux enseignements de Jésus (et appelés en français : "les judéo-chrétiens"),
--- mais aussi des juifs qui n'avaient pas du tout eu connaissance du message de Jésus (ou à qui le message de Jésus n'était parvenu que totalement déformé et qui n'y avaient donc pas adhéré), et qui étaient demeurés fidèles en croyances et en pratique aux enseignements de Moïse ("إن اليهود من بنى إسرائيل ومن دخل في اليهودية من غيرهم ولم يبلغه دعوة عيسى، يصدق عليه أنه يهودي مؤمن بنبيه موسى ولم يكذب نبيا آخر بعده. فإذا أدرك بعثة نبينا وآمن به، تناوله الخبر المذكور والأجر المسطور. ومن هؤلاء: عرب نحو اليمن متهودون ولم تبلغهم دعوة عيسى" : Mirqât ul-mafâtîh, Alî al-qârî, tome 1).

Jusqu'à avant la venue du prophète Muhammad (sur lui soit la paix), il était donc resté des individus qui étaient sur la religion agréée par Dieu et faisaient le bien.

Cependant, ces individus n'avaient plus la capacité de lancer une dynamique spirituelle pour toute l'humanité, eu égard à l'essoufflement du groupe. C'est ce qui explique que, si la responsabilité devant Dieu dans l'au-delà est individuelle, dans ce monde malgré la présence de tels individus, l'Alliance a été rompue : elle était également liée à la collectivité, à ses capacités collectives.

Cet épuisement de leurs capacités collectives, on le trouve mentionné explicitement dans la Sunna : "عن سالم بن عبد الله، عن أبيه، أنه أخبره أنه سمع رسول الله صلى الله عليه وسلم، يقول: "إنما بقاؤكم فيما سلف قبلكم من الأمم كما بين صلاة العصر إلى غروب الشمس، أوتي أهل التوراة التوراة، فعملوا، حتى إذا انتصف النهار عجزوا، فأعطوا قيراطا قيراطا. ثم أوتي أهل الإنجيل الإنجيل، فعملوا إلى صلاة العصر، ثم عجزوا، فأعطوا قيراطا قيراطا. ثم أوتينا القرآن، فعملنا إلى غروب الشمس، فأعطينا قيراطين قيراطين. فقال أهل الكتابين: أي ربنا أعطيت هؤلاء قيراطين قيراطين، وأعطيتنا قيراطا قيراطا، ونحن كنا أكثر عملا؟ قال: قال الله عز وجل: هل ظلمتكم من أجركم من شيء؟ قالوا: لا، قال: فهو فضلي أوتيه من أشاء"" (al-Bukhârî, 532).

Dieu choisit alors un peuple nouveau : les fils d'Ismaël. Ceux-ci étaient alors majoritairement vautrés dans l'idolâtrie, mais il s'agissait de les libérer de celle-ci, avant de leur confier la mission de lancer l'appel au monde entier, sans distinction d'ethnie ou de culture. En tous cas, la capacité de ce peuple à cette dynamique était demeurée intacte.

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Perspective B.A) Comment ont réagi ceux des juifs qui ont vécu à l'époque du prophète Muhammad, ou après, et qui ont eu connaissance du message qu'il a apporté : y ont-ils apporté foi, ou pas ?

Par rapport à cette seconde perspective, le Coran dit que :
- certains juifs ont apporté foi en le message de Muhammad (sur lui soit la paix) ;
- d'autres juifs n'y ont pas apporté foi.

"كُنتُمْ خَيْرَ أُمَّةٍ أُخْرِجَتْ لِلنَّاسِ تَأْمُرُونَ بِالْمَعْرُوفِ وَتَنْهَوْنَ عَنِ الْمُنكَرِ وَتُؤْمِنُونَ بِاللّهِ وَلَوْ آمَنَ أَهْلُ الْكِتَابِ لَكَانَ خَيْرًا لَّهُم مِّنْهُمُ الْمُؤْمِنُونَ وَأَكْثَرُهُمُ الْفَاسِقُونَ"
"Vous êtes le meilleur groupe qui ait été tiré (de l'humanité) pour l'humanité : vous ordonnez le bien, interdisez le mal, et croyez en Dieu. Et si les Gens du Livre apportaient foi (en le Coran), cela serait mieux pour eux : parmi eux il y en a qui sont mu'min ; et la plupart d'entre eux sont fâssiq" (Coran 3/110). Ce terme "fâssiq" signifie : "kâfir" (c'est-à-dire le contraire de "mu'min") : ce sont ceux qui ont eu connaissance du message de Muhammad mais ont choisi, en leur âme et conscience, de ne pas y adhérer. Le terme renvoie au fameux : "fisq dûna fisq". Ibn ul-Jawzî écrit : "قوله تعالى: "منهم المؤمنون": "من أسلم"، كعبد الله بن سلام وأصحابه. "وأكثرهم الفاسقون": يعني: "الكافرين"، وهم الذين لم يسلموا" (Zâd ul-massîr).

"لاَ إِكْرَاهَ فِي الدِّينِ" : "Pas de contrainte en religion" (Coran 2/256).

Par contre le Coran adresse l'invitation, et, parfois, des reproches à ceux des hommes qui n'apportent pas foi en lui. On trouve ainsi des passages du Coran où Dieu adresse ce genre de reproches aux juifs également (à côté de passages qui en adressent à d'autres). Mais "reproches adressés à des hommes de la part de Dieu" ne signifie pas : "haine vouée par les musulmans à ces mêmes hommes".

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Dans le textes des 4 Evangiles canoniques aussi on trouve de tels reproches :

Jésus leur aurait dit :

"Vous sondez les Ecritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi. Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie !
Je ne tire pas ma gloire des hommes. Mais je sais que vous n'avez pas en vous l'amour de Dieu. Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas ! si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. Comment pouvez-vous croire, vous qui tirez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul ?
Ne pensez pas que moi je vous accuserai devant le Père. Celui qui vous accuse, c'est Moïse, en qui vous avez mis votre espérance. Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu'il a écrit de moi. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles ?"
(Evangile selon Jean 5/39-47)

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"Et parmi les Gens du Livre il en est qui croient en Dieu, en ce qui vous a été révélé et en ce qui leur a été révélé, pleins d'humilité vis-à-vis de Dieu" (Coran 3/199).
D'après un commentaire, ce verset ne parle pas de personnes telles que Abdullâh ibn Salâm ou 'Adî ibn Hâtim (qui, auparavant juif et chrétien respectivement, se sont convertis ouvertement à l'islam), mais de personnes qui, jusqu'alors "Gens du Livre", se sont converties à l'islam, sans toutefois pouvoir le faire ouvertement. Ce verset est alors à comprendre ainsi : "Et parmi ceux que les gens croient être des juifs ou des chrétiens, il en est qui, en fait, ont apporté foi en le Coran et sont devenus musulmans, mais ils cachent leur foi".

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Perspective B.B) Comment les musulmans doivent-ils se comporter vis-à-vis de ceux des juifs qui n'ont pas apporté foi en le message de Muhammad (sur lui soit la paix) ?

Ici le Coran distingue :
- ceux d'entre les juifs qui ont combattu par les armes les musulmans (par exemple ceux de Qaynuqâ', ceux de Nadhîr, ceux de Qurayza, ceux de Khaybar) ; eux furent traités comme tout ennemi : avec chevalerie, mais comme des ennemis, tout comme le furent les Quraysh, la propre tribu du Prophète, qui l'avait combattu ;
- et ceux d'entre eux qui n'ont pas combattu les musulmans : eux furent traités comme toute personne qui n'est pas ennemie : avec bonté (birr).
"لَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ لَمْ يُقَاتِلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَلَمْ يُخْرِجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ أَن تَبَرُّوهُمْ وَتُقْسِطُوا إِلَيْهِمْ إِنَّ اللَّهَ يُحِبُّ الْمُقْسِطِينَ. إِنَّمَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ قَاتَلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَأَخْرَجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ وَظَاهَرُوا عَلَى إِخْرَاجِكُمْ أَن تَوَلَّوْهُمْ وَمَن يَتَوَلَّهُمْ فَأُوْلَئِكَ هُمُ الظَّالِمُونَ"
:
"Dieu ne vous interdit pas d'être bienfaisants (tabarrû) et équitables (tuqsitû) envers ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures.
Dieu vous interdit seulement de prendre pour alliés (tawallaw) ceux qui vous ont combattu à cause de la religion, vous ont chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion"
(Coran 60/8-9).
Et le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) se comportait avec les juifs n'étant pas en état effectif de guerre avec lui comme avec tout autre non-musulman n'étant pas en guerre avec lui.
Lire nos 3 articles :
- Ne pas être antisémite (anti-juif) ;
- "O les croyants, ne prenez pas les juifs et les chrétiens pour awliyâ'" (Coran 5/51) : que signifie l'interdiction de prendre des non-musulmans comme Awliyâ' ?
- Serait-il interdit d'être l'ami d'un ou de plusieurs non-musulman(s) ?

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Le Coran parle aussi de certains juifs de l'époque du Prophète (sur lui soit la paix) ayant fait telle chose aux musulmans (telle chose qui est désagréable mais ne qui consiste pas à les combattre par les armes) :

"مِنَ الَّذِينَ هَادُوا يُحَرِّفُونَ الْكَلِمَ عَنْ مَوَاضِعِهِ وَيَقُولُونَ سَمِعْنَا وَعَصَيْنَا وَاسْمَعْ غَيْرَ مُسْمَعٍ وَرَاعِنَا لَيًّا بِأَلْسِنَتِهِمْ وَطَعْنًا فِي الدِّينِ. وَلَوْ أَنَّهُمْ قَالُوا سَمِعْنَا وَأَطَعْنَا وَاسْمَعْ وَانْظُرْنَا لَكَانَ خَيْرًا لَهُمْ وَأَقْوَمَ. وَلَكِنْ لَعَنَهُمُ اللَّهُ بِكُفْرِهِمْ فَلَا يُؤْمِنُونَ إِلَّا قَلِيلًا"
(Coran 4/46).
Il s'agit alors pour les musulmans de faire preuve de patience : "لَتُبْلَوُنَّ فِي أَمْوَالِكُمْ وَأَنفُسِكُمْ وَلَتَسْمَعُنَّ مِنَ الَّذِينَ أُوتُواْ الْكِتَابَ مِن قَبْلِكُمْ وَمِنَ الَّذِينَ أَشْرَكُواْ أَذًى كَثِيرًا وَإِن تَصْبِرُواْ وَتَتَّقُواْ فَإِنَّ ذَلِكَ مِنْ عَزْمِ الأُمُورِ" (Coran 3/186).

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Le Coran fait aussi la distinction suivante (elle concerne autant des juifs d'avant la venue de Muhammad (Perspective A) que des juifs d'après sa venue et n'ayant pas cru en lui (Perspective B) :

"وَمِنْ أَهْلِ الْكِتَابِ مَنْ إِنْ تَأْمَنْهُ بِقِنْطَارٍ يُؤَدِّهِ إِلَيْكَ.
وَمِنْهُمْ مَنْ إِنْ تَأْمَنْهُ بِدِينَارٍ لَا يُؤَدِّهِ إِلَيْكَ إِلَّا مَا دُمْتَ عَلَيْهِ قَائِمًا ذَلِكَ بِأَنَّهُمْ قَالُوا لَيْسَ عَلَيْنَا فِي الْأُمِّيِّينَ سَبِيلٌ وَيَقُولُونَ عَلَى اللَّهِ الْكَذِبَ وَهُمْ يَعْلَمُونَ"
:
"Et parmi les Gens du Livre il en est qui, si tu lui confies un qintâr [= 1000 pièces d'or], te le rend.
Et parmi eux il en est qui, si tu lui confies un dînâr [= 1 pièce d'or], ne te le rend que si tu te tiens sans relâche près de lui. Cela est dû fait que (ceux-là) ont dit : "Pas de grief sur nous à propos des Gentils." Et ils disent sciemment au sujet de Dieu ce qui est faux"
(Coran 3/75).
Le nom "Gens du Livre" désigne ici : "les juifs précisément" (Tafsîr ut-Tabarî).
Et ceux dont le verset dit qu'ils s'acquittent scrupuleusement des dépôts sont des juifs qui n'ont pas apporté foi en le Coran (c'est l'un des deux commentaires).
Bien sûr, chez les musulmans aussi, et chez d'autres non-musulmans que les juifs aussi, il existe des gens honnêtes et des gens malhonnêtes, mais ce verset souligne le fait que, ici, c'est une fausse interprétation qui est à l'origine du fait que certains prennent l'argent du Gentil la conscience tout à fait tranquille.
En tous cas, comme le souligne Cheikh Thânwî, on voit ici le caractère juste du Coran, lequel tient à préciser que tous ne sont pas de cet avis, d'autres étant extrêmement scrupuleux à respecter les biens d'autrui : l'islam fait ainsi les éloges de qui le mérite, à la mesure de son mérite, fût-il non-musulman (Bayân ul-qur'ân).

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III) Un autre point : Les juifs ont-il subi la "لعنة" ("la'na"), sont-ils "ملعون", "maudits" ?

Ceux des juifs qui ont rompu l'Alliance... ceux des juifs qui ont renié d'authentiques prophètes de Dieu lorsque la Loi de Moïse était encore en vigueur... ainsi que ceux qui ont choisi de ne pas apporter foi en le plus récent message de Dieu leur étant parvenu... le Coran dit que la la'na de Dieu est sur eux : Coran 5/13 ; 4/46 ; 4/52 ; 5/78 ; 2/89.

Or il ne faut pas en déduire que ces juifs là auraient une malédiction qui leur "collerait à la personne" et que leur personne serait maudite !

Ce n'est pas là le sens de ces versets, puisque le Coran autorise le mariage du musulman avec une juive ou une chrétienne chaste (Coran 5/5) : donc avec une demoiselle ou une dame qui demeure, même après son mariage avec ce musulman, juive : ce n'est donc pas que leur personne même serait maudite !

En fait ce terme "لعنة" ("la'na") signifie : "إبعاد" : "éloignement" ; "طرد" : "repoussement" (voir les ouvrages de Tafsîr, traduction de ce terme coranique).

Et ce terme "la'na", présent dans les versets suscités, exprime tout simplement que ces juifs là sont devenus kâfir bi kufrin akbar : ils sont devenus éloignés de la Faveur divine. Le Coran veut dire que, bien qu'adhérant à la Loi de la Torah, ils sont, par le fait d'avoir tenu un propos de, ou fait un acte de kufr akbar, devenus des kâfirûn comme le sont d'autres groupes. En effet, le Coran emploie le même terme "la'na" pour tous ceux qui sont kâfir bi kufrin akbar :
- "إِنَّ الَّذِينَ كَفَرُوا وَمَاتُوا وَهُمْ كُفَّارٌ أُولَئِكَ عَلَيْهِمْ لَعْنَةُ اللّهِ وَالْمَلآئِكَةِ وَالنَّاسِ أَجْمَعِينَ خَالِدِينَ فِيهَا لاَ يُخَفَّفُ عَنْهُمُ الْعَذَابُ وَلاَ هُمْ يُنظَرُونَ" : "Ceux qui ont fait kufr et sont morts en étant kuffâr, sur eux sera l'éloignement par rapport à la Faveur (la'na) : de la part de Dieu, des anges et de tous les hommes" (Coran 2/161-162).
- "إِنَّ اللَّهَ لَعَنَ الْكَافِرِينَ وَأَعَدَّ لَهُمْ سَعِيرًا خَالِدِينَ فِيهَا أَبَدًا لَّا يَجِدُونَ وَلِيًّا وَلَا نَصِيرًا" : "Dieu a éloigné de Sa Faveur (la'ana) les kâfir et a préparé pour eux un brasier" (Coran 33/64-65).
- "وَعَدَ الله الْمُنَافِقِينَ وَالْمُنَافِقَاتِ وَالْكُفَّارَ نَارَ جَهَنَّمَ خَالِدِينَ فِيهَا هِيَ حَسْبُهُمْ وَلَعَنَهُمُ اللّهُ وَلَهُمْ عَذَابٌ مُّقِيمٌ" : "Dieu a promis aux Hypocrites hommes, aux Hypocrites femmes et aux Kuffâr le feu de la Géhenne, dans lequel ils resteront perpétuellement. Elle leur suffit. Et Dieu les a éloignés de Sa Faveur (la'ana). Et ils auront un châtiment demeurant" (Coran 9/68).
- "وَيُعَذِّبَ الْمُنَافِقِينَ وَالْمُنَافِقَاتِ وَالْمُشْرِكِينَ وَالْمُشْرِكَاتِ الظَّانِّينَ بِاللَّهِ ظَنَّ السَّوْءِ عَلَيْهِمْ دَائِرَةُ السَّوْءِ وَغَضِبَ اللَّهُ عَلَيْهِمْ وَلَعَنَهُمْ وَأَعَدَّ لَهُمْ جَهَنَّمَ وَسَاءتْ مَصِيرًا" : "Et afin qu'Il châtie les Hypocrites hommes et les Hypocrites femmes, les Polythéistes hommes et les Polythéistes femmes, qui ont des pensées de mal au sujet de Dieu. Que sur eux soit le devenir de mal. Dieu S'est courroucé contre eux (ghadhiba), Il les a éloignés de Sa Faveur (la'ana) et a préparé pour eux la Géhenne. Bien mauvaise destination est-elle !" (Coran 48/6).

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Du reste, dans la Bible aussi on lit ce terme...

Dans la Torah on lit ceci : "Écoutez, je propose aujourd'hui à votre choix la bénédiction et la malédiction : la bénédiction, si vous obéissez aux commandements de l'Éternel votre Dieu, ceux que je vous donne aujourd'hui ; ou la malédiction, si vous n’obéissez pas aux commandements de l’Éternel votre Dieu, et si vous vous écartez de la voie que je vous trace moi-même aujourd'hui, pour vous rallier à d'autres dieux que vous ne connaissez pas" (Deutéronome 11/26-28).

Malachie leur transmit pour sa part cette parole : "Dès l'époque de vos ancêtres, vous vous êtes écartés de mes prescriptions, vous ne les avez pas respectées. Revenez à moi, et je reviendrai à vous, dit l'Eternel, le maître de l'univers. Et vous dites : "En quoi devons-nous revenir ?" Un homme peut-il tromper Dieu? En effet, vous me trompez et vous dites : "En quoi t'avons-nous trompé ?" Dans les dîmes et les offrandes. Vous êtes frappés par la malédiction et vous me trompez, la nation tout entière !" (Malachie 3/7-9).
Certes, à l'époque de Malachie comme Il l'avait fait auparavant, Dieu donne encore une chance au maintien de l'Alliance avec l'ensemble des fils de Jacob. La suite de ce texte (Malachie) le dit...

Et Dieu rappellera aux fils d'Israël plus tard, à l'époque de Muhammad (sur lui soit la paix), que malgré le non-respect de clauses de l'Alliance, Il leur avait pardonné et avait maintenu l'Alliance avec eux, par Sa Faveur et Sa Miséricorde : "وَإِذْ أَخَذْنَا مِيثَاقَكُمْ وَرَفَعْنَا فَوْقَكُمُ الطُّورَ خُذُواْ مَا آتَيْنَاكُم بِقُوَّةٍ وَاذْكُرُواْ مَا فِيهِ لَعَلَّكُمْ تَتَّقُونَ ثُمَّ تَوَلَّيْتُم مِّن بَعْدِ ذَلِكَ فَلَوْلاَ فَضْلُ اللَّهِ عَلَيْكُمْ وَرَحْمَتُهُ لَكُنتُم مِّنَ الْخَاسِرِينَ" : "Ensuite, vous vous détournâtes après cela. N'était la Faveur de Dieu sur vous, ainsi que Sa Miséricorde, vous auriez été parmi les perdants" (Coran 2/63-64).

Cependant, à un moment donné, Dieu entérine la rupture de l'Alliance avec les fils de Jacob : "فَبِمَا نَقْضِهِم مِّيثَاقَهُمْ لَعنَّاهُمْ" : "A cause de leur rupture de l'Alliance, Nous les avons éloignés" (Coran 5/13) : on retrouve ici ce terme "لعنة" ("la'na"), qui signifie : "إبعاد" : "éloignement" ; "طرد" : "repoussement"...
Cela se produit lorsque Jésus fils de Marie n'est globalement pas reconnu comme Messie par son peuple.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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