Connaître, par le biais de son coeur, ce que Dieu permet et ne permet pas ?

Question (posée oralement) :

Vous dites qu'il n'y a pas de connaissance cachée en islam. Que faites-vous donc de ce Hadîth : "Celui qui pratique ce qu'il sait, Dieu lui donnera la connaissance de ce qu'il ne savait pas" ? Ce Hadîth montre bien qu'il n'y a pas toujours besoin de se référer aux livres que sont le Coran, les recueils des Hadîths du Prophète et les recueils des avis des savants. On peut recevoir dans son cœur, directement de Dieu, la connaissance de ce que Dieu a rendu obligatoire, de ce qu'Il a rendu interdit et de ce qu'Il a permis ; il suffit de pratiquer ce que l'on sait déjà, et on obtient directement de Dieu la connaissance de ce que l'on ne savait pas. Au demeurant, il se peut même que la connaissance obtenue de livres (Coran, Hadîths, interprétations des savants) dise de quelque chose qu'elle est permise mais que la connaissance obtenue par le cœur vous montre qu'elle est interdite.

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Réponse :

La parole que vous avez citée ("Celui qui pratique ce qu'il sait, Dieu lui donnera la connaissance de ce qu'il ne savait pas") est, d'après d'illustres spécialistes du Hadîth, d'une parole faussement attribuée au Prophète : mawdhû' ! Abû Nu'aïm, celui qui a rapporté cette parole dans son livre Al-Hilya, l'a dit lui-même clairement. Après avoir cité cette parole, il a écrit : "Ahmad ibn Hanbal a rapporté cette parole de certains Tâbi'în, qui la citaient en tant que parole du Prophète Jésus (sur lui la paix). Un des maillons postérieurs de la chaîne (râwî) s'est ensuite trompé et a cru qu'il s'agissait d'une parole du Prophète Muhmmad (sur lui la paix)" (cf. Silsilat ul-ahâdîth adh-dha'îfa wal-mawdhû'a, n° 422). Attention donc à bien vérifier l'authenticité des paroles que l'on attribue au Prophète, qui a dit lui-même : "Celui qui m'attribue volontairement ce que je n'ai pas dit, qu'il prépare son séjour en enfer" (rapporté par Muslim). Si on ne savait pas à propos d'une parole donnée, on ne s'expose pas à cet avertissement, mais quand on sait, il faut s'arrêter de l'attribuer au Prophète.

Cela en tant que propos attribué au Prophète Muhammad (sur lui la paix). Mais même en tant que proverbe ou parole de sagesse, on ne peut pas l'adopter en tant que référence pour la conception des choses que vous avez décrite, car cela contredit tous les Hadîths établis du Prophète. En effet, l'enseignement de ce dernier est que pour connaître ce qui est interdit, déconseillé, permis, recommandé ou obligatoire, il faut se renseigner auprès de ceux qui savent, et pour ce, au besoin se déplacer et se rendre auprès d'eux. Voyez plutôt… Il a dit : "Proche est le temps où les gens presseront les flancs de leurs chameaux pour aller chercher la connaissance. Ils ne trouveront alors pas de plus savant que le(s) savant(s) de Médine" (rapporté par at-Tirmidhî). Ce Hadîth fait allusion, d'après certains ulémas, à l'imam Mâlik (mort au 2ème siècle de l'hégire). Au premier siècle de l'hégire, nous voyons un homme partir de Médine et parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre auprès de Abu-d-Dardâ à Damas uniquement pour le questionner au sujet d'un Hadîth du Prophète. Et Abu-d-Dardâ, admiratif, lui cite les Hadîths du Prophète à propos de la recherche de la connaissance et des voyages faits en ce sens (rapporté par at-Tirmidhî). Zirr, un Tabi'î, raconte s'être rendu auprès de Safwân ibn 'Assâl, un Compagnon, pour lui demander des Hadîths qu'il aurait entendus du Prophète au sujet du passage de la main humidifiée (mas'h) sur les chaussettes en cuir pendant les petites ablutions (wudhû) (rapporté par at-Tirmidhî). Ibn Abbâs, lui, se rendait auprès des autres Compagnons pour apprendre d'eux la connaissance et attendait patiemment qu'ils sortent de chez eux. Al-Bukhârî a pour sa part parcouru plusieurs régions du monde musulman pendant seize ans pour aller recueillir les Hadîths ici et là.

S'il suffisait de pratiquer ce que l'on sait pour apprendre directement de Dieu ce que l'on ne sait pas, pourquoi ces Hadîths authentiques du Prophète disant qu'il faut se référer au Coran et à la Sunna pour ne pas se fourvoyer, et disant aux Compagnons de propager ce qu'ils ont entendu de lui ? Et pourquoi tous ces efforts de la part des Compagnons, des Tâbi'ûn et des Tab' ut-tâbi'în ?

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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