Rationalité de la Foi - Autonomie de la Raison - Enchantement du monde

Question :

Comment expliquez-vous que le Coran donne, dans la sourate 13, verset 13, comme explication au phénomène du tonnerre que celui-ci proclame la pureté et la louange de Dieu ? N'y a-t-il pas là une description non-scientifique d'un phénomène qui a pu certes être compris de la sorte à l'époque de Muhammad mais qui ne correspond pas à l'explication scientifique et rationnelle désormais disponible aujourd'hui ? N'y a-t-il pas là un relent de ces explications mythologiques telles que celles des Vikings qui croyaient que le tonnerre était dû à Thor frappant de son marteau ?

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Réponse :

Il fut un temps où la vision humaine du monde était enchantée et où cet enchantement s'exprimait par des mythes et légendes ; c'était la période de l'enchantement mythologique du monde. En ce temps-là, les phénomènes naturels du monde paraissaient bien mystérieux aux hommes : pourquoi le soleil se lève-t-il chaque matin à l'est après s'être couché chaque soir à l'ouest ? pourquoi parfois la pluie ne tombe-t-elle pas lors de sa saison habituelle ? pourquoi une personne en parfaite santé tombe-t-elle malade du jour au lendemain ? comment est né le monde ? etc. Différents peuples élaborèrent différents mythes pour répondre à ces questions. Certains attribuèrent ces différents phénomènes à des puissances surnaturelles, à des esprits habitant la nature ; et bientôt ils se mirent à se rapprocher spirituellement d'eux pour se concilier leurs bonnes grâces. De même, ils considérèrent que le ciel, la terre, la mer, la rivière, le soleil, la lune, éléments de l'univers qui influencent considérablement la vie de tous les jours, étaient habités d'esprits et qu'il fallait adorer ceux-ci pour se les concilier et pour éviter leur nocivité.

Seuls faisaient exception à ces considérations mythologiques les peuples qui étaient demeurés sur le monothéisme originel et qui avaient conservé une révélation reçue de Dieu par l'intermédiaire d'un messager. Parmi ces peuples se trouvaient ceux qui adhéraient à l'enchantement biblique du monde : ici pas de mythes mais la croyance en un Dieu unique qui gère le monde et qui est la cause première des phénomènes s'y déroulant.

Cependant, certaines spécificités du texte biblique quant à sa transmission (des guerres, etc. n'en permirent pas une conservation dans sa parfaite authenticité) ainsi que l'imposition en Europe occidentale, par le Clergé catholique, de la théorie géocentrique (le soleil tourne autour de la terre) au détriment de ce qui n'était alors qu'une théorie (c'est la terre qui tourne autour du soleil) mais qui devait s'avérer ensuite être la vérité… sont deux des facteurs qui contribuèrent à créer une méfiance dans les milieux scientifiques européens par rapport à toute donnée d'origine "religieuse". Le Procès de Galilée, en 1633, fut ainsi "un événement qui pèsera très lourd par la suite. L’Eglise se méfiera des sciences ; et nombre de scientifiques verront dans l’Eglise un obstacle au progrès" (Science et Vie Junior, dossier hors série n° 36, p. 93). Ainsi s'enracina en Europe occidentale l'idée qu'il n'existe pas de concepts qui soient issus d'une "révélation" et qui soient conformes à la rationalité scientifique. Et comme on découvrit, dans les siècles qui suivirent, de plus en plus de lois naturelles régissant le monde physique, on jugea du même coup qu'il était inutile d'attribuer au pouvoir de Dieu des phénomènes naturels restés jusqu'alors mystérieux ; on se mit alors à suspecter l'"intervention divine" dans les affaires du monde. Certains hommes de science en vinrent à se demander si l'existence même de Dieu n'avait pas été, elle aussi, une tentative humaine pour expliquer des phénomènes naturels, au même titre que les mythes et les légendes avaient attribué à des esprits et à des entités invisibles ces phénomènes, les hommes étant passés du polythéisme au monothéisme alors que la vérité est l'athéisme.
--- "La religion est l'opium du peuple",
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"Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer",
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"Si Dieu existe, il faut s'en débarrasser",
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"Dieu est mort"
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furent des slogans lancés à cette époque…
Et c'est ainsi que des hommes en vinrent à percevoir le monde comme une grande machine dont tout peut être ramené à l'aspect matériel. Cela a donné ce que l'on voit aujourd'hui dans certaines régions : le désenchantement du monde dans l'esprit de l'homme. On en voit quelques-unes des conséquences dans la gestion que cet homme fait de la terre et de ses ressources…

Il est pourtant permis de se demander si le seul fait que les hommes ont compris certains des mécanismes gérant le monde qui les entoure implique-t-il qu'aucune intelligence ne les a conçus ? Et ce d'autant plus que les scientifiques reconnaissent en ignorer plus que ce qu'ils ont découvert ; et qu'actuellement certains d'entre eux découvrent que les probabilités pour que la vie soit apparue par hasard sur terre sont très très infimes et que le Hasard est difficile à croire… Il faudrait aussi se demander si le fait que de nombreux hommes de science se sont détournés de l'idée de l'existence de Dieu ne serait pas tout simplement dû au fait qu'il leur était apparu que ce qu'on leur présentait comme provenant de Dieu était erroné sur le plan scientifique...

Ici il est intéressant de considérer la voie du Coran : les découvertes scientifiques, basées sur l'observation et l'expérimentation, ne traitent que de l'aspect matériel des choses, ne peuvent en décrire que le fonctionnement et ne peuvent répondre qu'à la question humaine "Comment ça fonctionne". Et les hommes peuvent observer, chercher et analyser le monde physique qui les entoure en vue de répondre à cette question. Mais si l'homme a des besoins matériels, il a aussi des besoins spirituels ; et s'il se pose la question "Comment ?", il se pose aussi les questions "Qui suis-je ?", "Que puis-je savoir ?", "Que dois-je faire et ne pas faire ? A quoi dire "oui", à quoi dire "non" ?", "Que puis-je espérer ?", "Pourquoi l'existence d'un monde et d'un moi plutôt que rien ?". La révélation musulmane entend fournir des éléments de réponse à ces questions très humaines.

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En fait Révélation (Wah'y) et Raison Sensible, Scientifique (Al-'Aql al-Khâlis) sont 2 choses distinctes (mutabâyin), mais, surtout, n'ont pas pour objet premier le même domaine :

En effet, le domaine d'investigation de la Raison Sensible (la rationalité fondée sur les éléments que communiquent les 5 sens, en rapport avec la matière), c'est le monde visible, et pas l'existence ni le fonctionnement de l'Invisible (Dieu, anges, au-delà après la mort, etc.).

De l'autre côté, l'objet premier des textes de la Révélation dans le domaine des croyances pures est l'Invisible, et pas le fonctionnement du monde visible. Le Coran n'est pas un ouvrage de biologie ou d’astronomie et il serait vain de s'attendre à ce qu'on y trouve allusion à la totalité des phénomènes scientifiques existant dans l'univers et dont la découverte se fait progressivement, au fil des siècles et de l'avancée du temps.

Cependant il est vrai qu'il y a dans le Coran et dans la Sunna des passages évoquant certains phénomènes qui relèvent du domaine qu'on appelle aujourd'hui "scientifique" :

On y trouve ainsi des descriptions de l’univers, de la nature, des animaux, etc. ; la mention de ces phénomènes n'a comme objectif que d’inviter les hommes à réfléchir sur l’existence, l’unicité et l’omnipotence de Dieu ; l’origine divine du Coran fait cependant que ces descriptions ne peuvent qu'être correctes.

Or, des différences peuvent se présenter entre ce que les scientifiques disent et ce qu'un texte du Coran ou de la Sunna dit apparemment. Que faire ?

La réponse est qu'il faut en fait distinguer plusieurs cas :
soit c'est la Raison Sensible qui affirme l'existence de quelque chose qui ne relève absolument pas du domaine de la Révélation (comme les virus et les bactéries) (cas 1) ;
soit ce sont les textes de la Révélation qui affirment l'existence de quelque chose qui ne relève absolument pas du domaine de la Raison Sensible (comme les Anges) (cas 2) ;
soit Révélation et la Raison Sensible traitent du même élément (cas 3)…

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Nous avons ici le croquis suivant :

Le Cercle de Droite matérialise le domaine des Croyances religieuses, fondées sur ce que la Révélation a dit.
Le Cercle de Gauche représente le domaine des "Croyances" fondées sur ce qui a été prouvé par la Raison Sensible Pure, le Scientifique.

--- On remarque qu'une partie conséquente de ces 2 Cercles est distincte :
----- ce qui relève du Ghayb ne peut être ni confirmé ni infirmé par démonstration de la Raison Sensible Pure. Même l'existence de Dieu, la Raison Sensible Pure certes y conduit (يُرشِدُ إليه), cependant elle ne peut pas démontrer – au sens scientifique du terme – cette croyance (لا يُثبِتُه), laquelle relève elle aussi du Ghayb ; par contre, le Raisonnement du Cœur connaît cette croyance naturellement (nous en avons parlé dans notre article : Si la foi en Dieu l'Unique est rationnelle, pourquoi de nombreux scientifiques ne croient-ils pas ?) ;
----- de même, ce qui relève de la Shahâda (l'Observable) ne relève pas directement de ce qui est traité par la Révélation.

Cependant, on remarque également qu'il existe aussi une intersection entre les 2 Cercles :
----- cela représente tous les cas où un texte de la Révélation affirme quelque chose à propos de ce qui relève de l'Observable (ash-Shahâda).
aqli5

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Cas 1) "Quand ce qu'a établi la Raison Scientifique (ما أثبته العقل) n'est pas du tout évoqué par la Révélation (ما قاله الوحي) (la Révélation ne l'affirme ni ne le nie) : cette Raison apporte donc des éléments qui sont supplémentaires par rapport à ce que dit la Révélation" :

Al-Ghazâlî faisait la distinction, dans les données "rationnelles" de son époque, entre, d'une part, des disciplines comme la métaphysique, et, d'autre part, des disciplines telles que les mathématiques, l'astronomie, la biologie, la médecine, etc.
Les éléments métaphysiques de la philosophie ne doivent pas être adoptés comme croyances par le musulman, écrit al-Ghazâlî. (En effet, car dans le domaine des croyances et dans celui du culte, aucune donnée ni aucun fait ne peuvent être rajoutés à ce que disent le Coran et la Sunnah.)
En revanche, poursuit al-Ghazâlî, les éléments qui relèvent de l'observation en mathématiques, en biologie, en médecine ne traitent pas directement de ce dont traitent les sources musulmanes, et le musulman ne doit pas les rejeter simplement parce que leur découvreur n’est pas musulman : "Ces disciplines ne traitent pas des affaires dont traitent les sources musulmanes, qu'elles n'approuvent ni ne désapprouvent" ("Lâ yata'allaqu shay'un minhâ bi-d-dîn naf'yan wa ithbâtan") (Al-Munqidh min adh-dhalâl, al-Ghazâlî, pp. 20-23). Déjà il faut que ces données soient prouvées et non pas issues de superstitions (cliquez ici pour en savoir plus). Face aux données de ces sciences, poursuit le savant, le musulman encourt deux dangers.
--- S'il se met à rejeter ces découvertes sous prétexte que leur découvreur est non musulman, il enverra à ce non-musulman l'idée que l'islam rejette ce qui est prouvé et est donc basé sur l'obscurantisme.
--- D'un autre côté, si le musulman n'arrive pas à faire la différence entre ce que ce non-musulman a réalisé de découvertes et ce qu'il a élaboré comme théories, il croira en toutes sortes de théories et il déviera alors des croyances de l'islam (Ibid., pp. 20-22).
--- La solution est une troisième voie : le musulman doit délaisser les théories des non-musulmans qui contredisent les données de l'islam ; en revanche, il peut adopter les découvertes astronomiques, biologiques, médicales, etc. même si leur découvreur est non-musulman, à condition de les intégrer au cadre fourni par la Révélation : il considérera donc les forces présentes dans la nature et révélées par la biologie comme réelles, mais assujetties à la volonté de Dieu et non pas indépendantes (Ibid., p. 23). Ceci sera à même de donner un sens aux découvertes. De plus, de ce que ces découvertes scientifiques rendent possible en terme d'applications pratiques, le musulman intégrera cela au cadre offert par les principes du Coran et des Hadîths, par le biais de l'ijtihâd. Ceci sera à même d'offrir un cadre éthique à l'application des possibilités techniques.

En islam il s'agit donc d'une autonomie (pas d'une indépendance) de la raison : cette dernière a la possibilité d'apporter à l'homme toute nouvelle chose qui relève du temporel (âdî) tout en s'orientant par les principes (ta'abbudî) qu'elle-même va puiser aux sources de la révélation.

Et ainsi est-il possible en islam de considérer vrais les phénomènes scientifiques découverts, tout en en ayant une perception basée sur les principes des sources. Alors les musulmans pourront-ils vivre réellement cette parole de Dieu : "Il y a, dans la création des cieux et de la terre et dans l'alternance de la nuit et du jour, certes des signes pour les gens doués d'intelligence : ceux qui pensent à Dieu debout, assis et allongés et réfléchissent à la création des cieux et de la terre (et disent : ) "Notre Pourvoyeur, Tu n'as pas créé tout cela en vain..." (Coran 3/190). Et ainsi pourront-ils éviter d'être de ceux dont Dieu a dit : "Ils connaissent de la vie de ce monde quelque chose de superficiel [uniquement], et ils sont insouciants de la vie de l'au-delà" (Coran 30/7). Il s'agit ainsi pour les musulmans de faire des efforts pour être à la fois scientifiques et profondément croyants.

C'est là l'autonomie de la Raison, avec l'Enchantement du monde.

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Cas 2) "Quand ce que les textes de la Révélation disent (ما قاله الوحي), cela relève d'une dimension qui n'est pas l'objet de la Raison Scientifique (ما يثبته العقل) : la Révélation apporte donc des éléments qui sont supplémentaires par rapport à ce que la Raison Scientifique a vocation à établir (ما يثبته العقل)" :

L'existence des anges et des démons ; l'existence d'une âme – une entité non-matérielle – en l'être humain ; l'existence d'esprits non humains - les djinns - dont le monde est imbriqué avec le nôtre ; l'existence d'une vie non-biologique mais spirituelle dans la tombe… sont quelques éléments dont parlent les sources musulmanes et auxquels croient les musulmanes et les musulmans ; l'expérimentation scientifique ne peut pas les confirmer, mais elle ne peut non plus les infirmer.

Nous voyons et percevons notre corps. Le Coran et la Sunna enseignent que l'homme est fait non pas seulement d'un corps matériel mais aussi d'une âme immatérielle. Nous constatons qu'il y a le monde physique ("'âlam ush-shahâda") ; c'est le monde fait de cette matière que nous voyons de nos yeux nus ou grâce à des outils tels que les télescopes (pour voir l'infiniment éloigné), les microscopes (pour voir l'infiniment petit), les capteurs de l'infrarouge et de l'ultraviolet (pour percevoir ce qui est en-deçà et au-delà de la gamme des ondes visibles par l'œil humain) ou les capteurs de pression, etc. Tout cela est vrai. Mais le Coran et la Sunna nous enseignent aussi qu'en plus du monde que nous percevons par le moyen de nos cinq sens, il y a aussi le monde spirituel, un monde parallèle au monde physique mais qui se situe dans une autre dimension, la même dimension que celle de l'âme et des anges. C'est dans cet autre monde que l'âme humaine se trouve après la mort, c'est là que les actions faites par l'homme prennent une forme, c'est là aussi que l'âme du dormeur part parfois, voyant alors des rêves véridiques.

A tout ceci on entend parfois objecter : "La raison humaine ne trouve rien d'un tel monde, d'une âme, ou d'une vie de cette âme dans la tombe ; ces données sont donc irrationnelles, contraires à la raison".

Mais la réponse est : "Non pas ; cela est au-delà de ce que la seule raison pouvait trouver d'elle-même, mais cela n'est pas contraire à ce que la raison conçoit."
En effet, qu'y a-t-il d'irrationnel (c'est-à-dire de contradictoire à la rationalité) dans l'idée de l'existence d'un tel monde, d'une âme imperceptible à nos 5 sens, et d'une vie de cette âme après la mort ? Rien. La science expérimentale ne peut certes pas prouver qu'un tel monde existe, puisque l'objet de ses observations et de ses expérimentations est seulement la matière que nous percevons (du très petit au très grand) ; mais elle ne peut pas non plus prouver qu'un tel monde n'existe pas (c'est à peu près ce que Kant disait). La seule raison ne dit d'elle-même rien sur le sujet parce que les cinq sens, qui lui fournissent les matériaux sur lesquels elle travaille habituellement, ont accès au monde matériel mais pas au monde spirituel. Or, si l'on reconnaît que l'être humain n'est pas constitué que d'un corps et d'une raison, mais aussi d'une dimension spirituelle naturelle ("le cœur"), ce que ce cœur lui souffle se rapporte parfois à ce à quoi les cinq sens n'ont pas accès. Ce qui compte c'est que ce que ce cœur souffle ne contredise en rien la raison. Et c'est le cas des éléments de la foi musulmane. Leopold Weiss (Muhammad Asad), étudiant l'attitude des musulmans, nota qu'"aucune exigence ne leur avait été posée de croire en des dogmes de compréhension impossible ou même difficile" (d'après Le chemin de la Mecque, p. 177) puisque, dans le Coran, "Dieu ne demandait pas à l'homme une servilité aveugle mais faisait plutôt appel à son intellect" (Ibid., p. 275).

Les données de la foi musulmane ne sont pas contraires à la raison (se fondant sur ce que les sens lui ont communiqué d'informations en liaison avec la matière)...

... A moins de dire qu'il faille devenir matérialiste, c'est-à-dire croire qu'il n'existe que cette matière que nous voyons, et rien d'autre. Or nous musulmans ne voulons pas être matérialistes. Ce qu'enseigne la foi et qui n'est pas perceptible par les sens se retrouve ainsi au-delà de ce que la raison pouvait trouver d'elle-même, mais n'est absolument pas contraire à la raison humaine.

... Ou à moins de dire qu'il faille devenir rationaliste. Or nous musulmans ne voulons pas être des rationalistes. Car il est nécessaire de bien comprendre la différence existant entre d'une part la rationalité, qui est le caractère de ce qui n'est pas contraire à la raison (même si cela se trouve parfois au-delà de cette seule raison), et le rationalisme, qui est l'attitude qui consiste à rejeter tout ce qui est au-delà de la raison seule, et à ne pas faire de distinction entre ce qui est au-delà et ce qui est contraire à cette raison. L'islam entend offrir à l'homme des enseignements tout à fait rationnels, puisqu'il ne désire pas demander à l'homme de croire en des choses contraires à sa raison. Par contre, il demande à l'homme de croire en des choses qui sont au-delà de la perception de sa seule raison ("al-îmân bi-l-ghayb").

Ici il faut noter un point supplémentaire : ce que les textes islamiques disent des Attributs de Dieu, Ses Mains, etc., ou ce qu'ils font de description des réalités de l'au-delà est à appréhender avec la raison, bien sûr, mais sans le recours au "sens allégorique" (par ta'wîl) comme l'ont fait les Mutazilites ; la ta'wîl est parfois possible, mais pas ici. Le fait est que la raison fonctionne avec les repères de ce monde, alors que ces réalités sont d'un ordre différent (cliquez ici pour lire notre article au sujet de l'interprétation par recours au sens allégorique). Ahmad Amîn a, juste après avoir exprimé qu'il appréciait la pensée des Mutazilites, reconnu : "… leur point de faiblesse a été qu'ils ont exagéré en appliquant les règles du visible à l'invisible, c'est-à-dire en appliquant les règles humaines à ce qui a trait à Dieu…" (Dhuha-l-islam, tome 3 p. 69) ; les réalités de l'au-delà relèvent elles aussi de l'invisible, et les Mutazilites les ont, malheureusement pour eux, appréhendées avec les repères de ce monde visible. Ibn Khaldûn a très justement écrit à ce sujet : "Ceci ne remet nullement en cause la raison et ses perceptions. Au contraire, la raison est une balance juste, et ses règles sont certaines, il ne s'y trouve pas de fausseté. Cependant, tu ne dois pas espérer peser par son moyen les choses de la Transcendance et de l'Au-delà, la réalité du prophétat, les réalités des Attributs divins, et tout ce qui est au-delà de sa dimension. Car ceci reviendrait à espérer l'impossible. L'exemple de cela est celui d'un homme qui a vu la balance par le moyen de quoi on pèse l'or et qui s'est mis à espérer peser par son moyen les collines. Ceci est impossible. Sans compter que la balance est parfois fausse dans ce qu'elle révèle. Mais la raison, on s'en tient auprès d'elle et on ne dépasse pas sa dimension au point [de croire] qu'elle pourrait cerner [la réalité de] Dieu et [de] Ses Attributs" (Al-Muqaddima, p. 582).

Ceci concernait les données des textes de la Révélation, appréhendées par la Raison humaine pure. Il s'agit donc de la rationalité des éléments de la foi musulmane.

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Cas 3) Lorsque ce que la Raison Scientifique a établi (ما أثبته العقل), et ce que la Révélation dit (ما قاله الوحي), tous deux parlent du même élément :

Ici aussi, plusieurs cas se présentent :
soit révélation et raison pure disent de cet élément la même chose (cas 3.1) ;
soit elles disent du même élément deux choses différentes (cas 3.2)…

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Cas 3.1) Révélation et Science disent de cet élément la même chose :

Nous avions vu plus haut qu'il y a dans le Coran des passages décrivant l'univers, la nature, des animaux, etc. ; la mention de ces phénomènes n'a comme objectif que d’inviter les hommes à réfléchir sur l’existence, l’unicité et l’omnipotence de Dieu ; cependant l’origine divine du Coran fait que ces descriptions ne peuvent qu’être correctes. Et c'est le cas en ce qui concerne nombre de ces éléments traités à la fois par Coran et science : tous deux en disent la même chose : l'eau est source de la vie biologique (24/45), le miel est source de guérison (16/69), etc.

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Cas 3.2) Révélation et Science disent de cet élément deux choses différentes :

A l'intérieur de ce cas 3.2, il y a ensuite deux cas de figure :
– soit la différence consiste en une contradiction (3.2.2) ;
– soit c'est seulement une façon différente de décrire la même réalité, selon deux points de vue différents (3.2.1).
J'entends par "contradiction" le fait qu'on ne peut pas croire simultanément en les deux données telles quelles : croire en la première demande soit que l'on dise de la seconde qu'elle est fausse, soit qu'on l'interprète de façon allégorique pour qu'elle corresponde à la première (ta'wîl)…

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–--- Cas 3.2.1) Les présentations que Révélation et Raison pure font du même élément sont différentes mais pas contradictoires :

Dans ce cas de figure, il n'y a pas contradiction mais simple différence entre ce que la révélation et ce que la raison disent du même élément : la différence n'est due qu'à deux angles de vue différents. Il s'agit de deux perceptions différentes du même phénomène.

– Ainsi, les scientifiques disent que la mort se mesure à la cessation de l'activité cérébrale ou à la crise physiologique qui constitue le point de non-retour. Les textes du Coran et de la Sunna disent pour leur part que la mort consiste en la séparation de l'âme et du corps. En fait il n'y a ici pas de contradiction ; il s'agit de deux descriptions d'une même réalité. Et si ces descriptions sont différentes, c'est parce que la médecine n'a pas comme objet de ses investigations l'âme – qui est immatérielle –, et parce que les sources de l'islam n'ont pas comme objet premier de traiter de l'aspect physiologique du cerveau. Ce sont donc en fait les perspectives qui sont différentes. Et étant donné qu'il s'agit d'une seule et même réalité, on peut concilier ces deux affirmations en disant que c'est lorsque le point de non-retour (perte irréversible des fonctions vitales) est atteint (pour des causes physiques – cas d'un choc violent, par exemple – ou non – cas de mort naturelle) que la mort de l'individu en tant que tel se produit : l'activité cérébrale cesse alors – comme le dit la science – et son âme immatérielle quitte son corps – comme le dit l'islam. Mujâhid ul-islâm Qâssimî écrit : "La mort survient quand le tronc cérébral meurt. D'après les ulémas, elle survient quand l'âme quitte le corps. (…) On peut concilier ces deux perceptions en disant que l'âme, qui est immatérielle, n'est pas l'objet des investigations scientifiques de la médecine, contrairement au cerveau, qui, lui, est matériel. (…) L'âme agit sur le corps par l'intermédiaire du tronc cérébral, qu'elle prend comme centre. Mais quand le tronc cérébral meurt, l'âme le quitte" (Dimâghî mawt o hayât kâ mas'ala, pp. 7-8).

– Un autre exemple : al-Ghazâlî écrit que le musulman peut croire en l'explication scientifique de la cause entraînant les éclipses solaires et lunaires, cela ne contredisant aucunement les Hadîths qui montrent que le Prophète et ses Compagnons voyaient en l'éclipse solaire un signe de la part de Dieu (Al-Munqidh min adh-dhalâl, p. 22).

– Ainsi encore, quand le Coran dit du tonnerre qu'il proclame la pureté de Dieu avec ses louanges (Coran 13/13), il n'entend pas renier l'explication scientifique du phénomène : en fait révélation et science donnent deux visions différentes mais nullement contradictoires du même phénomène : le musulman peut très bien penser que, matériellement, le tonnerre est dû aux mécanismes découverts par l'observation scientifique et qu'il est donc le bruit produit par la décharge électrique se produisant entre deux nuages ; mais dans le même temps ce musulman percevra le tonnerre comme proclamant la pureté et la louange de Dieu, conformément à ce qu'en dit le Coran. Les choses sont claires : le regard que le musulman porte sur la nature n'est pas le même que celui que l'athée porte sur elle : le musulman a, lui, une vision à la fois scientifique et enchantée du monde. Le Coran rappelle justement aux hommes que leur appréhension des réalités du monde ne doit pas être l'œuvre d'une raison froide, mais d'une intelligence du cœur… d'un "cœur par lequel ils raisonnent" (Coran 22/46). Cette formulation fait apparaître une dimension particulière au raisonnement humain : il s'agit d'une intelligence où la pensée et le sentiment se trouvent en interactivité ; une intelligence active mais qui ne se limite pas à un côté des choses – le côté physique – ; une intelligence où l'aspect matériel comme la réalité spirituelle sont pris en compte ; une façon de raisonner où la mécanique de la raison se trouve accompagnée par la chaleur des sentiments et de la spiritualité.

– Il y a encore ce hadîth relatif au tonnerre : "عن ابن عباس، قال: أقبلت يهود إلى النبي صلى الله عليه وسلم، فقالوا: "يا أبا القاسم، أخبرنا عن الرعد ما هو؟" قال: "ملك من الملائكة موكل بالسحاب، معه مخاريق من نار يسوق بها السحاب حيث شاء الله." فقالوا: "فما هذا الصوت الذي نسمع؟" قال: "زجرة بالسحاب إذا زجره حتى ينتهي إلى حيث أمر." قالوا: صدقت" (at-Tirmidhî, 3117 ; la fin du hadîth est exposée dans l'article parlant de la Torah). Au sujet de ce que la première partie de ce hadîth dit quant à la nature du tonnerre, Ibn Taymiyya en fait la ta'wîl en faisant valoir que le tonnerre n'est pas l'ange, mais le bruit résultant du "frottement des parties du nuage, à cause de la pression de l'air", ce frottement étant lui-même le résultat du mouvement impulsé par l'ange au nuage : "وأما الرعد والبرق، ففي الحديث المرفوع في الترمذي وغيره أنه سئل عن الرعد قال: "ملك من الملائكة موكل بالسحاب معه مخاريق من نار يسوق بها السحاب حيث شاء الله". وفي مكارم الأخلاق للخرائطي عن علي أنه سئل عن الرعد فقال: "ملك"، وسئل عن البرق فقال: "مخاريق بأيدي الملائكة"؛ وفي رواية عنه: "مخاريق من حديد بيده". وروي في ذلك آثار كذلك. وقد روي عن بعض السلف أقوال لا تخالف ذلك؛ كقول من يقول: "إنه اصطكاك أجرام السحاب بسبب انضغاط الهواء فيه". فإن هذا لا يناقض ذلك، فإن الرعد مصدر "رعد يرعد رعدا"، وكذلك الراعد يسمى "رعدا" - كما يسمى العادل "عدلا" -؛ والحركة توجب الصوت؛ والملائكة هي التي تحرك السحاب وتنقله من مكان إلى مكان - وكل حركة في العالم العلوي والسفلي فهي عن الملائكة؛ وصوت الإنسان هو عن اصطكاك أجرامه الذي هو شفتاه ولسانه وأسنانه ولهاته وحلقه؛ وهو مع ذلك يكون مسبحا للرب وآمرا بمعروف وناهيا عن منكر. فالرعد إذًا صوت زجر السحاب. وكذلك البرق قد قيل: لمعان الماء أو لمعان النار؛ وكونه لمعان النار أو الماء لا ينافي أن يكون اللامع مخراقا بيد الملك فإن النار التي تلمع بيد الملك كالمخراق مثل مزجي المطر. والملك يزجي السحاب كما يزجي السائق للمطي" (MF 24/263-264).

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–--- Cas 3.2.2) Il y a contradiction entre ce que la Révélation dit, et ce que des Connaissances scientifiques humaines disent, de cet élément :

– Un exemple très simple : les sources musulmanes disent que la lignée humaine est issue d'un premier homme créé par Dieu directement des éléments extraits de la Terre et ne descendant pas d'une lignée animale préétablie sur Terre.
De nombreux scientifiques disent pour leur part que la lignée humaine est, tout comme les lignées des singes actuels, issue, par les mécanisme de l'évolution, d'une ancienne lignée animale.
La contradiction est flagrante : on ne peut croire en ces deux données telles quelles en même temps : soit on rejette une de ces deux données, soit on en fait une interprétation allégorique qui lui permet de correspondre à l'autre. D'où l'importance de connaître les règles de cette interprétation (ta'wîl)

En fait, ici 3 cas de figure existent, selon que la donnée religieuse ou la donnée scientifique est formelle ou ne l'est pas

–----- Cas 3.2.2.1) La donnée religieuse est établie formellement (qat'î), alors que de l'autre côté il n'y a qu'une théorie (zannî) :

– C'est le cas de l'exemple que nous venons de voir : l'origine de la lignée humaine. Certains de nos interlocuteurs insistent pour que nous musulmans adoptions la théorie du rattachement de la lignée humaine à une ancienne lignée animale parce que c'est ce que disent de nombreux scientifique aujourd'hui, et pour que nous appréhendions les textes coraniques parlant de "la création de Adam à partir des éléments extraits de la boue" dans un sens purement allégorique, disant qu'ils signifient seulement que "les humains sont destinés à vivre sur terre, à manger des produits de la terre et à retourner à la terre après leur mort". Or, nous musulmans ne pouvons pas avoir recours à cette ta'wîl car, alors que la donnée de la révélation est formelle (la'allahû min dharûriyyât id-dîn), la donnée scientifique n'est pas formelle mais n'est qu'une théorie. Pourquoi renierions-nous ce qui est établi pour ce qui n'est qu'une théorie ?

– Le Coran dit aussi que Noé prêcha son peuple pendant 950 années (Coran 29/14). Or l'état de connaissances scientifiques actuelles est que les gens, autrefois, avaient une vie beaucoup plus courte que celle d'aujourd'hui et que c'est depuis quelques siècles que l'espérance de vie a augmenté. Mais nous musulmans sommes convaincus de la véracité de cette donnée coranique. Il se peut que cette durée de vie soit une exception dans le cas de Noé précisément.

–----- Cas 3.2.2.2) Du côté scientifique il y a quelque chose d'établi formellement (qat'î) ou sérieusement (zannî bi zannin ghâlib), alors que du côté des textes de la révélation il y a un texte qui peut faire l'objet d'une interprétation (zanniy ud-dalâla) :

Si dans le Coran c'est Dieu qui s'exprime et que tout ce qu'Il dit ne peut qu'être rigoureusement exact même si cela relève du domaine purement mondain (nous l'avons vu plus haut), en revanche dans la Sunna aussi se trouvent certains textes qui traitent de choses purement mondaines (dunyawî mahdh). Or le Prophète a dit lui-même qu'il ne faisait, dans ce genre de textes, qu'exprimer ce qu'il pensait et que cela n'avait rien à voir avec les enseignements de l'islam (dîn).
– Ainsi, le Prophète Muhammad (sur lui la paix), après son émigration à Médine, fit cette remarque devant la pratique médinoise de la fécondation des palmiers-dattiers : "Je ne pense pas que cela serve à grand-chose." La récolte de dattes ayant été ensuite médiocre, il dit : "Vous connaissez mieux les affaires purement temporelles("dunyâkum"). Mais lorsque je vous ordonne quelque chose qui relève du dîn ("dînikum"), prenez-le" (rapporté par Muslim, synthèse des Hadîths 2361-2363). Voir ce que Shâh Waliyullâh a écrit à ce sujet (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 1 p. 372, "mâ layssa min bâb tablîgh ir-rissâla").

D'autre part, certains textes du Coran et de la Sunna sont tels qu'ils n'indiquent pas de façon formelle un sens donné mais peuvent être pris dans un sens autre que le sens apparent, par le biais de la ta'wîl.
– Des ulémas ont eu ainsi recours à la ta'wîl à propos du verset qui évoque "des coeurs par lesquels ils raisonnent" (Coran 22/46) : serait-ce le cœur (et non le cerveau) qui est le siège de la raison ? Certains ulémas le pensent, conformément à la lettre de ce verset. J'ai questionné Cheikh Khâlid Saïfullâh au sujet du premier avis et de l'argumentation sur laquelle il repose, il m'a répondu en substance que d'un côté il est aujourd'hui démontré scientifiquement que la faculté de raisonnement se trouve dans le cerveau, et que de l'autre côté il y a depuis les premiers siècles de l'Islam deux avis chez les savants (zanniyy ud-dalâla). "Je pense donc que dire le contraire serait contraire à ce qu'a prouvé l'observation ("mushâhadé ké khilâf")" a-t-il conclu. On fera donc une ta'wîl de ce verset (cliquez ici pour en savoir plus).
– De même, un Hadîth se lit ainsi : "Le Syr-daria, l'Amou-daria, l'Euphrate et le Nil sont des fleuves du Paradis" (Muslim – "Sayhân" et "Jayhân" ont été traduits ici selon ce qu'en a dit 'Iyâdh). La donnée formelle de la raison est constituée ici du fait que l'observation (mushâhada) établit qu'il s'agit bien de fleuves terrestres, faits d'éléments terrestres et non de fleuves du paradis. De l'autre côté, le texte du Hadîth n'indique pas l'origine paradisiaque de ces fleuves de façon formelle, car en langue arabe on dit parfois de certaines choses très bénies qu'elles sont d'origine paradisiaque, comme on dit de certaines choses très pénibles qu'elles sont une partie de l'enfer. Les deux interprétations suivantes ont donc été formulées par certains ulémas : "Ces fleuves sont pleins de bien, tout comme le sont les fleuves du paradis" ; "Les contrées dans lesquelles coulent ces fleuves auront comme habitants majoritaires des gens destinés à entrer dans le paradis". Ibn Hazm lui-même, pourtant savant réputé pour son littéralisme, a eu recours à la ta'wîl au sujet des deux Hadîths que nous avons cités, disant que les données coraniques et la nécessité de l'observation ("dharûrat ul-hiss") prouvaient que ces textes – comme d'autres qu'il a cités – ne sont pas à comprendre dans leur sens apparent (Al-Muhallâ, point n° 919).

–----- Cas 3.2.2.3) Texte de la Révélation et donnée rationnelle sont tous deux établis formellement (qat'î) :

Notre croyance est qu'aucune donnée de la révélation n'est contraire à une donnée rationnelle formelle (qat'î).

Si réelle contradiction il y a entre une découverte scientifique (qui relève de l'observation et qui est donc apparemment formelle) et une donnée formelle de la révélation, la contradiction est forcément temporaire : une nouvelle découverte scientifique mettra bientôt (dans quelques années, dans quelques décennies ou dans quelques siècles) fin à la contradiction, venant révéler que c'est ce que la révélation dit qui est la vérité.

Si, pour le cas de Noé (déjà cité plus haut), c'était tous les humains qui vivaient pendant près de 1000 ans, alors nous nous disons que s'il plaît à Dieu bientôt d'autres découvertes montreront qu'il y a eu, en des temps reculés ou en des lieux particuliers des individus qui ont vécu fort longtemps.

Il ne faudrait pas oublier qu'il y a d'autres passages coraniques évoquant des phénomènes de l'univers qui, longtemps après l'époque de leur révélation au Prophète, étaient restés contraires aux dires des scientifiques sur le sujet ; ce ne fut que plus tard que l'on découvrit que c'est le Coran qui dit la vérité.
Ainsi :
-- le déplacement du soleil à travers la galaxie ;
-- la notion d'orbites pour la lune et le soleil ;
-- l'origine des eaux souterraines ;
-- le fait que les fourmis utilisent un langage pour communiquer entre elles :
sont quelques-unes des découvertes récentes qui furent des révolutions dans le domaines des idées scientifiques, et auxquelles le Coran faisait pourtant allusion depuis il y a déjà 14 siècles dans les versets :
-- Coran 36/38,
-- Coran 36/40,
-- Coran 39/21,
-- Coran 27/18,
respectivement.

Voilà bien ce que Dieu dit dans le Coran : "Nous allons leur montrer Nos signes dans les horizons et en eux-mêmes jusqu'à ce qu'il leur devienne évident que ceci [= le Coran] est la vérité" (Coran 41/53).

C'est là l'enchantement coranique de l'univers : une vision à la fois :
--- scientifique, et croyante ;
--- connaissant le Livre de la Création de Dieu, et fidèle au Livre de Sa Révélation.

-
Il faut ici ajouter que, parfois, certains textes qui traitent de l'Invisible et ne présentent pas réellement de contradiction avec les données de la Raison, ont malgré tout fait l'objet d'interprétations par recours au sens allégorique (ta'wîl) de la part de certains ulémas. Ainsi :

--- "Lorsque vient le mois de ramadan, les portes du ciel s'ouvrent, celles de la géhenne se ferment, et les démons sont enchaînés" (al-Bukhârî, 1800, Muslim, 1079). Ibn Hajar a relaté de al-Qâdhî 'Iyâdh qu'"il y a possibilité que cela soit [à appréhender] selon son (sens) apparent et propre. (...) Et il y a la possibilité que cela soit une indication de la quantité de récompenses, du pardon et du fait que les démons, l'égarement qu'ils font diminue, ce qui fait qu'ils deviennent comme des enchaînés" : "قال عياض: يحتمل أنه على ظاهره وحقيقته وأن ذلك كله علامة للملائكة لدخول الشهر وتعظيم حرمته ولمنع الشياطين من أذى المؤمنين. ويحتمل أن يكون إشارة إلى كثرة الثواب والعفو وأن الشياطين يقل إغواؤهم فيصيرون كالمصفدين" (Fat'h ul-bârî) ;
--- "Lorsque l'un d'entre vous se réveille puis fait les petites ablutions, qu'il se mouche trois fois, car le diable passe la nuit sur ses fosses nasales" (al-Bukhârî, n° 3121). Shâh Waliyyullâh en a proposé cette ta'wîl : "L'accumulation de sécrétions dans les fosses nasales au cours du sommeil est cause de manque d'éveil chez la personne, ce qui fait que les suggestions – waswassa – du diable ont plus de prise sur elle et que le diable peut plus facilement l'empêcher de penser à Dieu" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/500) ;
--- "Lorsque l'un d'entre vous baille, qu'il mette sa main devant sa bouche, sinon le diable entre" (Muslim, n° 2995). Shâh Waliyyullâh en a proposé cette ta'wîl : "sinon le diable pousse une bestiole à y entrer" (Hujjat ullâh il-bâligha, 2/541). Voir également l'explication générale qu'a donnée Shâh Waliyyullâh à propos de l'attribution, dans des Hadîths, de certains actes physiques au diable in Hujjat ullâh il-bâligha, 1/282-284...
--- "… le diable circule en l'homme comme le sang circule (en celui-ci)" (al-Bukhârî et Muslim). Alî al-Qârî a relaté comment certains ulémas appréhendent ce texte au sens littéral (zâhir) – ce Hadîth voulant dire selon eux que le diable circule réellement dans les veines de l'être humain –, et comment d'autres ulémas en font une ta'wîl, l'une des ta'wîl proposées ici étant celle-ci : "le diable a prise sur chaque partie de l'homme, tout comme le sang irrigue chaque partie de son corps" (Mirqât ul-mafâtîh, 1/138-139) ;
--- "… les anges baissent leurs ailes par contentement pour celui qui cherche la connaissance…" (at-Tirmidhî, Abû Dâoûd, etc.). Alî al-Qârî a également relaté ici comment certains ulémas appréhendent ce texte au sens littéral (zâhir) – ce Hadîth voulant dire alors selon eux que les anges étalent leurs ailes sous les pieds de celui qui part à la recherche de la connaissance ('ilm) –, et comment d'autres ulémas en font une ta'wîl : "ces anges s'arrêtent de voler et descendent assister" (conformément à l'autre Hadîth qui, parlant des gens qui se rassemblent dans les mosquées pour réciter et étudier le Coran, dit que "les anges les entourent" (Muslim)) ; d'autres ulémas ont proposé cette ta'wîl-ci : "ces anges fournissent une assistance à celui qui cherche la connaissance" (Mirqât ul-mafâtîh, 1/279-280).

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On pourra, ici, lire mon autre article :

Pour les choses de l'Invisible (الغيب), le principe de base est de s'en tenir à ce qui est dit dans les textes (التوقيف).
Par contre, pour les considérations relatives à l'Observable (الشهادة), le principe de base est l'autorisation d'affirmer (الجواز) ; par ailleurs, il existe une certaine latitude à l'interprétation des textes (التأويل)
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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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