Ne pas confondre le terme "sunna" présent dans certains ouvrages de fiqh et "la Sunna du Prophète" (sur lui soit la paix)

Certains frères confondent parfois :

-- le terme "sunna" qui signifie : "ce qui est établi du Prophète (sur lui soit la paix)"
-- et le terme "sunna" employé dans certains ouvrages de fiqh comme synonyme de : "mustahabb" ("mandûb"), l'un des caractères juridiques (ahkâm shar'iyya), à côté des caractères "obligatoire", "presque obligatoire", "permis", "déconseillé", "interdit", etc. (cliquez ici pour lire les grilles de ces caractères juridiques).

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Cette confusion entraîne deux problèmes :

Premier problème)
Quand parfois dans certains ouvrages de fiqh ou de fatwa on trouve le terme "sunna" accolé à côté d'une action qui n'a pas été initiée par le Prophète (sur lui soit la paix) mais qui a été établie par recoupements ou par qiyâs par nos juristes (fuqahâ), ceux-ci voulaient seulement dire ici que cette action est recommandée.
Or, lisant ce terme "sunna", certains frères se sont mis à croire que cette action, dite ici "sunna", est la façon de faire du Prophète lui-même. Ainsi en est-il de certains âdâb concernant la façon de manger, etc. qui ne figurent pas dans les hadîths mais ont été pensés par des juristes en fonction de la maslaha… Un autre exemple sera donné plus bas, en I.

Second problème)
Il est d'autres frères qui
croient que les impératifs qui figurent dans le Coran peuvent faire l'objet d'une classification dans les grilles des caractères juridiques (ahkâm shar'iyya) allant du purement autorisé (mubah) jusqu'à l'obligatoire (fardh), mais pas les impératifs rapportés du Prophète (sur lui soit la paix). Ces impératifs-là feraient, selon ces frères, exception à cette classification :
pour certains de ces frères, ces impératifs ne peuvent jamais induire une obligation (fardh ou wâjib) mais toujours une recommandation (sunna mu'akkada / mustahabb), car c'est là le caractère juridique du terme "sunna" ;
pour d'autres de ces frères, il n'y a pas à chercher à savoir si ces impératifs induisent une obligation, une recommandation, ou un simple conseil (أمر إرشاد), non : "il faut les faire car c'est une sunna", et "une sunna il ne faut jamais la relativiser". Dans les impératifs du Coran ces frères savent distinguer les "recommandés" des "obligatoires" (comme pour l'impératif : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إِذَا تَدَايَنتُم بِدَيْنٍ إِلَى أَجَلٍ مُّسَمًّى فَاكْتُبُوهُ"), voire même le purement autorisé (comme pour l'impératif : "وَإِذَا حَلَلْتُمْ فَاصْطَادُواْ"). Par contre, dans ce que le Prophète a dit de faire, ces frères crient au scandale dès que d'autres y distinguent des purement autorisés, des recommandés. Par ailleurs, ici on ne doit (selon ces frères) jamais relativiser ce que le Prophète a dit de faire en disant que cela est dû à un contexte particulier.

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Tout cela provient d'une confusion entre deux sens du terme "sunna" présent dans nos ouvrages :

Cheikh Abd ul-Fattâh Abû Ghudda a écrit un livret sur le sujet : As-Sunnat un-nabawiyya wa bayânu mad'lûli-hâ ash-shar'î. Il y écrit :

"Relève de ce qui est su : le fait que le terme "sunna" fait partie des termes présents en abondance dans la parole du Prophète (sallallâhu 'alayhi wa sallam) et la parole des Sahâba et des Tâbi'ûn (radhiyallâhu 'anahum). De par sa réalité ce (terme désigne) : "la voie instituée, suivie dans le Dïn, et le manhaj nabawî hanîf". (...)

Relève également de ce qui est su : le fait que le terme "sunna" fait partie des mots de la terminologie du fiqh, présents continuellement dans la parole des Fuqahâ et dans les livres de Fiqh. Chez eux, cela signifie : "ce qui fait face au wâjib ou au fardh". (...)

De la part de certains juristes des écoles juridiques il s'est produit une confusion entre les deux sens : ils ont établi le terme "sunna" présent dans la parole du Prophète (sallallâhu 'alayhi wa sallam) ou dans la parole des Sahâba et des Tâbi'ûn (radhiyallâhu 'anahum) comme preuve (dalîl) quant au caractère "sunna", au sens de la terminologie postérieure (muta'akkhir) [de "seulement recommandé"], de l'action.

Ceci est une erreur dont il est nécessaire de prendre conscience.

Le terme "sunna" présent dans les hadîths prophétiques ou dans la parole des Sahâba et des Tâbi'ûn s'appuie sur le sens shar'î général : il englobe donc les croyances, les 'ibâdât, les mu'âmalât, les akhlâq, les âdâb etc. ; et il s'y trouve ce qui, parmi les paroles ou actes, est fardh, wâjib, tout ce à quoi il y a exhortation de le faire, mustahabb mashrû'. (...)

Et le terme "sunna" présent dans la parole des juristes (fuqahâ) et des livres du droit (fiqh) s'appuie sur le sens istilâhî particulier, qu'ils ont fixé comme étant ce qui fait face au wâjib ou au fardh.

La différence entre les deux sens est claire.

Et le fait de fonder le caractère "recommandé" de l'action sur le fait qu'elle a été présentée sous le terme "sunna" dans la bouche du Prophète ou dans la parole des Sahâba et des Tâbi'ûn, cela est une erreur évidente" (As-Sunnat un-nabawiyya wa bayânu mad'lûli-hâ ash-shar'î, Abd ul-Fattâh Abû Ghudda, pp. 9-10).

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I) Concernant la distinction à observer entre les deux sens du terme "sunna" (l'un étant qu'il s'agit d'une parole, action ou approbation du Prophète, sur lui soit la paix ; l'autre étant qu'il s'agit du caractère juridique moindre que "wâjib") :

Al-Haskafî a écrit que réciter l'intégralité du texte coranique (faire le khatm ul-qur'ân) pendant l'ensemble des salât ut-tarâwîh d'un mois de ramadan est "sunna" : "والختم مرة سُنَّةً، ومرتين فضيلة، وثلاثا أفضل" (Ad-Durr ul-mukhtâr 2/497).

Or, certes, accomplir la salât ut-tarâwîh chaque nuit du ramadan est effectivement une sunna du Prophète.
Par contre, y réaliser un khatm ul-qur'ân n'est pas une sunna du Prophète (que la paix soit sur lui) !

Certes, il est établi que pendant le mois de ramadan le Prophète faisait une révision du texte coranique jusqu'alors révélé avec l'Ange Gabriel (le hadîth est bien connu).
Mais il n'est pas dit que cela se déroulait pendant la salât ut-tarâwîh ; et pareille analogie n'est pas possible dans le domaine des 'ibâdât.

En fait, c'est par maslaha qu'il est dit qu'il est bien de réciter en une fois l'intégralité du texte coranique durant les tarâwîh.
Lire ce que Cheikh Thânwî a écrit et fait sur le sujet en lisant notre article consacré au khatm dans les tarâwîh.

Et le terme "sunna" ne désigne, ici, que le degré juridique qui est moindre que obligatoire (wâjib). Ce terme ne désigne pas, ici, ce que le Prophète (sur lui soit la paix) a institué.

Les juristes (fuqahâ') ont seulement voulu dire (al-Haskafî n'est pas le seul parmi les hanafites) qu'il est bien, il est recommandé [par maslaha] de réciter en une fois l'intégralité du texte coranique dans les salât ut-tarâwîh de tout le mois de ramadan ; mais ce caractère recommandé, ils ne l'ont pas extrait d'une parole ou d'une action juz'î du Prophète (sur lui soit la paix)...

C'est pour éviter cette confusion entre deux sens du terme "sunna" que personnellement je suis Cheikh Wahba az-Zuhaylî qui, au moins parfois, désigne ce que d'autres juristes appellent "sunna" (avec ce sens de "degré juridique correspondant à recommandé") par :
-- "mandûb",
-- "mandûb mu'akkad" (si c'est plus accentué) (cliquez ici).

Le recours à ce terme "mandûb mu'akkad" pour désigner le caractère juridique moindre que "wâjib" permet d'éviter bien des malentendus et des confusions chez les gens : ceux-ci ne donnent plus, ensuite, une origine prophétique à une action qui n'est que le produit de la pensée des juristes (fuqahâ').

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II) Concernant maintenant la globalité (shumûliyya) du concept de "suivre" / "faire revivre la Sunna du Prophète" (sur lui soit la paix) :

Nous avons vu plus haut sous la plume de Cheikh Abd ul-Fattâh Abû Ghudda que "Le terme "sunna" présent dans les hadîths prophétiques ou dans la parole des Sahâba et des Tâbi'ûn s'appuie sur le sens shar'î général : il englobe donc les croyances, les 'ibâdât, les mu'âmalât, les akhlâq, les âdâb etc."

Dès lors, quand nous lisons, dans les hadîths, les injonctions et les vertus liées au fait de "faire revivre une sunna parmi mes sunnas", "pratiquer chaque sunna du Prophète" (sur lui soit la paix), cela ne concerne pas seulement la façon de manger, de boire, de s'habiller, de dormir et de s'asseoir ! Cela concerne ces âdâb, certes, mais aussi nos croyances, notre façon de nous comporter avec autrui, de nous percevoir par rapport aux autres, et bien d'autres choses.

Cheikh Abdu-l-Fattâh Abû Ghudda a cité (entre autres) les textes suivants pour prouver cela :

"عن أنس، أن أهل اليمن قدموا على رسول الله صلى الله عليه وسلم فقالوا: ابعث معنا رجلا يعلمنا السنة والإسلام. قال فأخذ بيد أبي عبيدة فقال: هذا أمين هذه الأمة" (Muslim, 2419).

"عن حطان بن عبد الله الرقاشي، قال: صليت مع أبي موسى الأشعري صلاة فلما كان عند القعدة قال رجل من القوم: أقرت الصلاة بالبر والزكاة؟ قال فلما قضى أبو موسى الصلاة وسلم انصرف فقال: أيكم القائل كلمة كذا وكذا؟ قال: فأرم القوم، ثم قال: أيكم القائل كلمة كذا وكذا؟ فأرم القوم، فقال: لعلك يا حطان قلتها؟ قال: ما قلتها، ولقد رهبت أن تبكعني بها فقال رجل من القوم: أنا قلتها، ولم أرد بها إلا الخير فقال أبو موسى: أما تعلمون كيف تقولون في صلاتكم؟ إن رسول الله صلى الله عليه وسلم خطبنا فبين لنا سنتنا وعلمنا صلاتنا فقال" (Muslim, 404).

"قال عروة: سألت عائشة رضي الله عنها فقلت لها: أرأيت قول الله تعالى: {إن الصفا والمروة من شعائر الله فمن حج البيت أو اعتمر فلا جناح عليه أن يطوف بهما}، فوالله ما على أحد جناح أن لا يطوف بالصفا والمروة، قالت: بئس ما قلت يا ابن أختي، إن هذه لو كانت كما أولتها عليه، كانت: لا جناح عليه أن لا يتطوف بهما، ولكنها أنزلت في الأنصار، كانوا قبل أن يسلموا يهلون لمناة الطاغية، التي كانوا يعبدونها عند المشلل، فكان من أهل يتحرج أن يطوف بالصفا والمروة، فلما أسلموا، سألوا رسول الله صلى الله عليه وسلم عن ذلك، قالوا: يا رسول الله، إنا كنا نتحرج أن نطوف بين الصفا والمروة، فأنزل الله تعالى: {إن الصفا والمروة من شعائر الله} الآية؛ قالت عائشة رضي الله عنها: وقد سن رسول الله صلى الله عليه وسلم الطواف بينهما، فليس لأحد أن يترك الطواف بينهما" (al-Bukhârî, Muslim).

"سمع أنس بن مالك رضي الله عنه، يقول: جاء ثلاثة رهط إلى بيوت أزواج النبي صلى الله عليه وسلم، يسألون عن عبادة النبي صلى الله عليه وسلم، فلما أخبروا كأنهم تقالوها، فقالوا: وأين نحن من النبي صلى الله عليه وسلم؟ قد غفر له ما تقدم من ذنبه وما تأخر، قال أحدهم: أما أنا فإني أصلي الليل أبدا، وقال آخر: أنا أصوم الدهر ولا أفطر، وقال آخر: أنا أعتزل النساء فلا أتزوج أبدا، فجاء رسول الله صلى الله عليه وسلم إليهم، فقال: أنتم الذين قلتم كذا وكذا، أما والله إني لأخشاكم لله وأتقاكم له، لكني أصوم وأفطر، وأصلي وأرقد، وأتزوج النساء؛ فمن رغب عن سنتي فليس مني" (al-Bukhârî, Muslim).

"عن أبي سعيد الخدري قال: خرج رجلان في سفر، فحضرت الصلاة وليس معهما ماء، فتيمما صعيدا طيبا فصليا، ثم وجدا الماء في الوقت، فأعاد أحدهما الصلاة والوضوء ولم يعد الآخر، ثم أتيا رسول الله صلى الله عليه وسلم فذكرا ذلك له فقال للذي لم يعد: أصبت السنة، وأجزأتك صلاتك. وقال للذي توضأ وأعاد: لك الأجر مرتين" (Abû Dâoûd, an-Nassâ'ï).

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Muftî Taqî Uthmânî a lui aussi clairement affirmé la Sunna n'est pas réductible à quelques actions concernant le manger, le boire, la façon de se brosser les dents, etc.

Il raconte avoir été le voisin de siège, dans un avion, d'un musulman avec qui il sympathisa pendant le voyage. L'heure du repas venue et comme Muftî Taqî s'aperçut que son voisin mangeait avec un ustensile tenu dans la main gauche, il lui rappela avec douceur que le musulman ne mange pas avec la main gauche [car le Prophète a défendu de le faire].
Mais l'homme se mit à justifier ce qu'il faisait en disant : "Si notre communauté est restée en arrière, c'est justement parce qu'elle n'a pas su abandonner ces petites choses. C'est ce qui a empêché notre communauté de progresser."
Réponse logique de Muftî Taqî : "Eh bien dites-moi vous, combien de progrès vous avez effectué en adoptant cette façon de manger ? Et par rapport à combien de personnes (restées en arrière) vous avez avancé ?"
L'homme, décontenancé, ne put bien évidemment rien répondre (cf. Islâhî khutbât, 7/181-182).

Dans les pages qui suivent sont relatés les rappels de Muftî Taqî concernant l'importance de suivre les sunnas du Prophète.

Mais ensuite Muftî Taqî dit ceci : "Cependant il est vrai que "la Sunna", ce n'est pas seulement ce genre de choses : que l'homme mange avec sa main droite, qu'il s'habille en commençant par le côté droit. Non, la Sunna est liée à chaque branche de la vie. Dans les Sunnas il y a aussi les manières du Prophète (sur lui soit la paix) : comment se comportait-il avec les gens ; comment c'était avec un visage souriant qu'il rencontrait les gens ; comment il faisait preuve de patience face aux torts que lui causaient les gens. Tout cela relève aussi de la Sunna. Mais aucune sunna n'est telle qu'on pourrait la mépriser en la considérant petite. Imaginez que quelqu'un n'a pas la guidance pour pratiquer une sunna ; il doit considérer celui qui pratique cette sunna comme agissant mieux. Mais se moquer de cette sunna, la mépriser, la considérer mauvaise, dire du mal d'elle, cela fait craindre le kufr pour cette personne" (Ibid., pp. 184-185).

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III) Concernant le fait que, des choses relevant réellement de la Sunna du Prophète, certaines sont obligatoires, et d'autres seulement recommandées :

Nous avons déjà vu plus haut que Cheikh Abdu-l-Fattâh Abû Ghudda a écrit : "Le terme "sunna" présent dans les hadîths prophétiques ou dans la parole des Sahâba et des Tâbi'ûn s'appuie sur le sens shar'î général : il englobe donc les croyances, les 'ibâdât, les mu'âmalât, les akhlâq, les âdâb etc. ; et il s'y trouve ce qui, parmi les paroles ou actes, :
- est fardh,
- wâjib,
- tout ce à quoi il y a exhortation de le faire,
- mustahabb mashrû'."

Cela peut donc être "obligatoire", tout en étant "sunna".

D'autres fois, l'impératif établi du Prophète confère, à l'instar de ce que Dieu Lui-même a dit, non plus un caractère "obligatoire", mais un caractère "fortement recommandé" ("mandûb mu'akkad") ; d'autres fois, l'action visée par cet impératif est "légèrement recommandée" (mandûb).

D'autres fois encore, c'est l'applicabilité même de la règle communiquée par Dieu ou par Son Messager qui dépend d'un contexte particulier (cliquez ici pour découvrir certaines paroles du Prophète de ce genre).

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Les frères qui ne veulent pas que l'on relativise le caractère et/ou l'applicabilité de certaines sunnas du Prophète ne voient aucun mal à relativiser le caractère juridique de certains ordres de Dieu Lui-même, présents dans le Coran : ces ordres, disent ces frères (et en cela ils ont raison) bien qu'à l'impératif, ne désignent pas systématiquement une obligation ni même une recommandation (nous avons fourni plus haut les deux exemples suivants : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إِذَا تَدَايَنتُم بِدَيْنٍ إِلَى أَجَلٍ مُّسَمًّى فَاكْتُبُوهُ" et : "وَإِذَا حَلَلْتُمْ فَاصْطَادُواْ"), ou sont liés à une cause et un contexte particuliers (par exemple tous les versets concernant le combat, al-qitâl).

Pourquoi accepter cela à propos de certaines paroles de Dieu, mais le refuser à propos de certaines paroles du Prophète ?

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Ainsi en est-il du fait que le Prophète a dit de s'asseoir pour boire : cela est recommandé et non pas obligatoire (Ad-Durr ul-mukhtâr 1/254). Le Prophète a effectivement employé un impératif sur le sujet, mais étant donné que lui-même a parfois bu en restant debout, l'impératif ne confère qu'une recommandation, et le contraire n'est que légèrement déconseillé (mak'rûh tanzîhan) ; par ailleurs, cela relève des tahsîniyyât et non pas des dharûriyyât ud-dîn ni même des hâjiyyât (cliquez ici).

Aïcha raconte du Prophète : "Avant la salât de zohr, il accomplissait quatre cycles (rak'as) dans ma maison, puis il sortait et dirigeait la prière des gens ; puis il rentrait et accomplissait deux rak'as. Il dirigeait la prière de maghrib pour les gens ; puis il rentrait et accomplissait deux rak'as. Il dirigeait la prière de 'ishâ pour les gens ; puis il rentrait et accomplissait deux rak'as. (…)" (Muslim 730 ; Mishkât 1162) ; il s'agit des salât "sunna mu'akkada". L'accomplissement des deux rak'as après maghrib à la maison était encore plus accentué : Ibn Omar raconte ainsi que ces deux ra'kas, le Prophète les faisait à sa maison (al-Bukhârî 895). Et le Prophète ne faisait pas seulement ainsi ; il l'a dit aussi à ses Compagnons : "La prière que l'homme fait chez lui est meilleure que celle qu'il fait dans ma mosquée que voici, exception faite de la prière obligatoire" (Abû Dâoûd 1044). S'étant un jour rendu dans le quartier des Banû 'Abd il-Ash'hal, il dirigea pour eux la prière de maghrib ; lorsqu'il fit les salutations, il leur dit : "Accomplissez ces deux rak'as dans vos maisons" (Ahmad, authentifié par al-Arna'ût : note de bas de page sur Zâd ul-ma'âd 1/313). Ibn ul-Qayyim écrit : "Il accomplissait la généralité des sunan et des tatawwu' qui n'ont pas de cause (sabab) dans sa maison ; particulièrement la sunna de maghrib : il n'est pas rapporté qu'il les ait jamais accomplies dans la mosquée" (Zad ul-ma'âd 1/312). Plus loin, après avoir cité les preuves de ce que nous venons de citer de lui, il écrit : "Le modèle du Prophète était d'accomplir les sunan et les tatawwu' à la maison, sauf pour cause exceptionnelle (li 'âridh) ; comme son modèle était d'accomplir les farâ'ïdh à la mosquée, sauf pour cause exceptionelle (li 'âridh) comme un voyage, ou une maladie, ou autre raison l'empêchant de venir à la mosquée" (Ibid. 1/315).
Cette sunna d'accomplir les sunnas mu'akkadas et les nawâfil qui n'ont pas de cause (sabab) chez soi, cette sunna a pourtant été classée comme recommandée (afdhal) seulement.
De plus, les juristes ont relativisé la portée de cette sunna, en disant que cela n'est plus recommandé pour celui qui craint de ne pas avoir la possibilité de les accomplir chez lui à cause de ses occupations (Ad-Durr ul-mukhtâr 2/464).

Par contre, le fait de retenir sa langue de dire des paroles déplacées (calomnies, expressions en public de sû' uz-zann, médisances, paroles blessantes et humiliantes, etc.), cela a été rappelé de nombreuses fois dans la Sunna du Prophète (sur lui soit la paix). Et cela est une sunna obligatoire.

Et le fait de s'abstenir de refuser de saluer un frère simplement parce qu'il a dit quelque chose qui ne va pas dans le sens de nos intérêts personnels ou claniques, cela aussi a été rappelé dans la Sunna du Prophète. Et il s'agit une nouvelle fois d'une sunna obligatoire.

Comment se fait-il qu'on est très critique à propos du fait de rester debout pour boire, mais qu'on entretient et justifie des choses autrement plus graves et contraires à la Sunna du Prophète ?

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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