S'agit-il de faire le dhikr de Dieu, ou le dhikr du Nom de Dieu ?

Question :

Pourquoi est-il dit dans le Coran de "penser au nom de Dieu" (Coran 76/25) : n'est-ce pas plutôt à Dieu Lui-même qu'il faudrait penser, plutôt qu'à Son Nom ?

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Réponse :

Le verbe que vous avez traduit par "penser" est en fait, dans le texte originel arabe, "dhikr". Et dans le texte coranique, on lit les deux types de propos :
- "Faites le dhikr de Dieu, un dhikr abondant" (Coran 33/41) (et bien d'autres versets du même genre) : ici il est dit de faire le dhikr de Dieu même ;
- "Fais le dhikr du Nom de ton Seigneur matin et soir" (Coran 76/25) (et d'autres versets utilisant la même formule).

En réalité :
- dans le premier de ces versets, "dhikr" signifie : "penser", et on traduira donc ce verset par : "Pense à Ton Seigneur en toi-même" ;
- dans le second, par contre, "dhikr" est à comprendre comme signifiant : "prononcer", et ce verset signifie donc : "Prononce le Nom de ton Seigneur matin et soir" : il s'agit de prononcer Son Nom, et, bien entendu, de penser à Lui en prononçant Son Nom.

Ibn Taymiyya explique que dans les versets du premier type, il est demandé de simplement penser à Dieu en son for intérieur (dhikr qalbî) [que cela soit avec l'accompagnement d'un dhikr lissânî - dhirk par la langue - ou sans] ; alors que dans le second il est demandé de faire le dhikr lissânî (MF 6/211) ce qui, normalement, sous-entend que l'on fasse alors le dhikr qalbî de Dieu aussi]. Il s'agit donc de prononcer le Nom de Dieu (au sein des formules instituées par le Prophète, comme "Subh'ân-Allâh", "Al-hamdu lillâh", "Allâhu akbar", etc.) et de penser à Lui ainsi.

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On lit d'autres versets du même genre dans le Coran :

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Invoquer les Noms :

- "Et à Dieu appartiennent les Noms les plus beaux, invoquez (ud'û)-Le donc par ces (Noms)" (Coran 7/180) ;
- "Dis : Invoquez (ud'û) Dieu ou invoquez (ud'û) Le Très Miséricordieux ; quel que soit ce que vous invoquez, Il a les Noms les plus beaux" (Coran 17/110).

Dans le premier de ces versets, "ud'û" signifie : "Invoquez" ; nous avons donc : "Invoquez Dieu".
Dans le second verset, "ud'û" signifie : "Dites" ; ce qui donne : "Dites : "O Dieu", ou dites : "O le Miséricordieux"".

Le premier verset veut dire : "Invoquez Dieu par le moyen de la prononciation de l'un des Noms de Dieu, puisque ce sont les Noms de Dieu".
Le second verset veut dire : "Dites : "O Dieu", ou bien dites : "O le Miséricordieux". Quel que soit celui de ces deux Noms que vous prononcez, c'est bien Dieu que vous invoquez, car Il a les plus beaux Noms, et "le Très Miséricordieux" en fait partie".

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Proclamer la pureté (tasbîh) :

- "Et proclame Sa pureté matin et soir" (Coran 33/42) ;
- "Proclame la pureté du Nom de ton Seigneur le Plus haut" (Coran 87/1).

Il s'agit non pas seulement de proclamer la Pureté de l'Etre de Dieu, mais aussi de garder pur Son Nom.

C'est bien pourquoi on s'interdit d'écrire Son Nom avec des matières impures (najis) ou sur un support impur (najis), on ne jette pas le support sur lequel Son Nom est écrit. De même, on ne prononce pas Son Nom avec sa langue quand on se trouve dans un lieu sale ou quand on est en train d'accomplir ses besoins. Ainsi, "le Prophète pensait à Dieu à chacun de ses instants" (Abû Dâoûd) ; mais si cela restait constant au niveau de l'évocation par le cœur et l'esprit, en revanche au niveau de la prononciation par la langue il était des moments où il s'agit de ne pas le faire, entre autres quand on est à l'intérieur des toilettes (Al-Mughnî 1/217).
De même, avant d'entrer aux toilettes, il s'agit de retirer de soi quelque chose sur lequel le Nom de Dieu est visible (MF 12/68, Al-Mughnî 1/218).

Par ailleurs parfois le Prophète a préféré être en état de pureté rituelle – ou au moins diminuer l'état d'impureté rituelle – avant de prononcer une formule contenant le Nom de Dieu (Abû Dâoûd 17 ; voir aussi al-Bukhârî 330, Muslim 369). Ce n'est pourtant pas une nécessité, vu que le Prophète lui-même prononçait l'invocation qu'il a enseignée dès le sortir des toilettes ; et que par ailleurs il lui arrivait de réciter le Coran de mémoire en état de petite impureté rituelle (bien qu'il ne récitait pas le Coran en état de grande impureté rituelle) ; mais parfois il a préféré le faire.

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La bénédiction :

- "Béni (tabâraka) est Dieu, Seigneur des mondes" (Coran 7/54) ; "Béni est Celui qui a créé dans le ciel des constellations, y a placé une lampe et une lune éclairante" (25/61) ;
- "Béni (tabâraka) est le Nom de ton Seigneur, le Détenteur de la Majesté et de la Bonté" (55/78).

Dieu est Béni ; mais Son Nom l'est aussi (MF 6/193).

C'est d'ailleurs pourquoi on prononce la formule "Bismillâh" ("Avec le Nom de Dieu") avant de faire toute action licite, afin d'une part, de s'attacher, pendant toute la durée de cette action, la bénédiction qui est liée au Nom de Dieu ; afin, aussi et d'autre part, de se protéger de la participation du diable dans cette action (ainsi que l'a affirmé le Prophète dans de nombreux hadîths bien connus : nous les avons cités dans un autre article).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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