Pourquoi dit-on de certains hadîths qu'ils sont faibles ?

Qu'est-ce qu'un Hadîth ?

Un Hadîth, c'est tout ce qui est attribué au Prophète Muhammad (sur lui la paix) comme parole, acte ou approbation.

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Pourquoi dit-on de certains Hadîths qu'ils sont faibles (dha'îf) tandis que d'autres sont bons (hassan) ou encore authentiques (sahîh) ? Tous ne proviennent-ils pas du Prophète (sur lui la paix) ?

Le Prophète (sur lui la paix) est certes celui qui est à l'origine des Hadîths. Mais, d'un côté, comme le Compagnon Ibn Abbâs l'avait dit à son époque : "(…) L'ensemble des Hadîths n'est pas – comme l'est le Coran – regroupé en un seul livre, consigné (…)" (rapporté par ad-Dârimî). Or, il est arrivé au cours des temps ayant précédé la consignation et la critique systématiques des Hadîths qu'un musulman ait volontairement, par manque de piété et de moralité ou autre, inventé un propos et l'ait attribué au Prophète. D'autres fois il est arrivé qu'un musulman doté d'une faible mémoire ait répété de façon erronée un Hadîth qu'il avait entendu dire de façon correcte.
Or, de l'autre côté, il est nécessaire de faire très attention lorsqu'on attribue au Prophète un propos : les conditions voulues sont-elles réunies pour que l'on puisse le lui attribuer ? Quelqu'un ne l'a-t-il pas inventé ? Quelqu'un n'aurait-il pas mal retenu ce qui lui avait été dit ? Le Prophète avait bien dit : "Préservez-vous de citer [de moi] les Hadîths, sauf ceux que vous connaissez. Car celui qui m'attribue volontairement ce que je n'ai pas dit, peut préparer sa place dans l'enfer" (rapporté par At-Tirmidhî et Ibn Abî Shayba). Il a aussi dit : "Celui qui rapporte de moi un Hadîth dont il apparaît que c'est un mensonge est un des menteurs" (rapporté par Muslim).

C'est pourquoi il est nécessaire de vérifier que l'on peut bien attribuer un propos au Prophète (sur lui la paix). Les savants musulmans qui ont collecté les Hadîths (qu'ils l'aient fait seulement oralement ou qu'ils l'aient fait oralement puis les aient consignés par écrit dans leur recueil) ont donc pris l'habitude de demander à celui qui leur citait un Hadîth de citer également la chaîne des transmetteurs jusqu'au Prophète. Leur objectif est de vérifier qui figure dans cette chaîne : quelqu'un digne de confiance, ou quelqu'un doté d'une mémoire défaillante ? Ou quelqu'un dont il est établi qu'il mentait dans sa vie ?
C'est pourquoi, si vous lisez les recueils de Hadîth préparés par al-Bukhârî, par Muslim, par at-Tirmidhî, par Abû Dâoûd, par an-Nassaï, par Ibn Mâja, par Mâlik, par Ahmad, par at-Tahâwî, par Abd ur-Razzâq, par Ibn Abî Shaybah, par at-Tabarânî, par al-Bayhaqî ou par d'autres, vous y verrez deux parties dans le Hadîth :
– d'une part le matn, qui constitue la parole, l'acte ou l'approbation que l'on rapporte du Prophète,
– d'autre part la sanad ou isnâd : c'est la chaîne des transmetteurs de ce matn, et elle va de l'auteur du recueil jusqu'au Prophète (sur lui la paix).
En ce qui nous concerne aujourd'hui, il suffit de dire après avoir cité un Hadîth : "Ce Hadîth est rapporté par al-Bukhârî dans son livre al-Jâmi' as-sahîh", ce qui signifie que sa chaîne de transmission est visible dans ce livre.

Dès lors, quand on dit "Tel Hadîth est faible", cela ne veut nullement dire qu'on rejette une parole du Prophète. Cela ne veut pas dire non plus que ce Hadîth est systématiquement faux et fabriqué. Cela veut seulement dire que la chaîne de transmetteurs (sanad) de ce Hadîth ne réunit pas les conditions voulues pour être attribuée avec un minimum de garanties au Prophète.
Car cette vérification est, à proprement parler, véritablement scientifique : les spécialistes du Hadîth ont fait un travail colossal : ils ont noté dans des ouvrages ("târîkh ur-ruwât") les noms de tous ceux qui ont rapporté des Hadîths, la date de leur naissance, celle de leur mort, etc., afin qu'on puisse vérifier s'ils ont effectivement pu rencontrer celui dont ils disent avoir entendu de lui tel Hadîth. Ils ont également noté dans des ouvrages ("jar'h wa ta'dîl") lesquels de ces transmetteurs sont fiables (selon les critères que nous allons évoquer ci-dessous) et lesquels ne le sont pas. Un travail unique, de par son caractère scientifique, dans l'histoire des religions.

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Quand dit-on d'un Hadîth qu'il est authentique, ou qu'il est bon, ou qu'il est faible ou encore qu'il est inventé ?

Un Hadîth est "authentique" (sahîh) lorsqu'il remplit les 5 conditions suivantes :
– il faut que sa chaîne de transmission soit continue entre les différents maillons, depuis le Prophète jusqu'à celui qui l'écrit dans son recueil,
– il faut que chaque maillon soit fiable sur le plan de la moralité ('adâla),
– il faut que chaque maillon soit parfait au niveau de la rétention / restitution (dhabt),
– il ne faut pas que le Hadîth présente une singularité (shudhûdh),
– il ne faut pas que la chaîne du Hadîth ou le texte présenté comme Hadîth présente un défaut dissimulé ('illa).
Qu'est-ce qui constitue une shudhûdh et qu'est-ce qui constitue une 'illa, et quels points communs et quelles différences y a-t-il entre les deux, cela fait l'objet de débats entre les spécialistes. 

Un manquement important existant dans un maillon de la chaîne entraîne que le Hadîth qu'il rapporte est "faible" (dha'îf) : cinq points de manquements ont été établis par extrapolation (istiq'râ') en matière de moralité ('adâla), et cinq autres en matière de rétention / restitution (dhabt).

Il arrive, en ce qui concerne une chaîne de transmission qu'elle remplisse 4 conditions excepté 1 : un maillon présente une faiblesse sur le plan de la rétention / compréhension (dhabt), faiblesse vérifiable par rapport aux cinq points s'y rapportant. Cela entraîne alors que le Hadîth dont ce maillon figure dans la chaîne des transmetteurs est "bon" (hassan) et non pas "authentique" (sahîh).

Quant au Hadîth "inventé" (mawdhû'), il s'agit d'un Hadîth dans la chaîne de transmission duquel figure un homme dont il est établi qu'il a déjà inventé un Hadîth.

Certains spécialistes de la science du Hadîth – c'est apparemment le cas de Ibn Hajar dans Nukhbat ul-fikr – sont d'avis que cette catégorie (mawdhû') est une sous-catégorie du Hadîth faible (dha'îf). D'autres spécialistes sont d'avis qu'il s'agit d'une catégorie à part, une quatrième donc.

Il faut cependant relever que si une chaîne de transmission peut être faible (dha'îf), lorsque certains Hadîths possédent plusieurs chaînes de transmissions faibles, la probabilité de pouvoir attribuer ce Hadîth au Prophète s'en trouve renforcée, et le Hadîth devient "bon" (hassan li ghayrihî). La même chose existe pour un Hadîth qui possède plusieurs chaînes de transmissions bonnes, et qui devient alors "authentique" (sahîh li ghayrihî).

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Note importante :

Je l'ai dit plus haut : quand on dit d'un Hadîth qu'il "est faible", cela ne veut pas dire que ce Hadîth est systématiquement faux et fabriqué, mais que la chaîne de transmetteurs (sanad) de ce Hadîth ne réunit pas les conditions voulues pour que les spécialistes du Hadîth puissent vérifier de façon scientifique la possibilité d'attribuer ce propos au Prophète. Mahmûd at-Tahhân, se fondant sur les écrits de as-Suyûtî, écrit ainsi : "Quand les savants disent : "Ce Hadîth n'est pas authentique", cela signifie que l'ensemble des cinq conditions voulues n'y sont pas présentes. Cela ne signifie pas que cette parole est systématiquement fausse dans la réalité. En effet, il se peut qu'un maillon qui fasse d'habitude beaucoup d'erreurs [défaillance à cause de quoi le Hadîth où il figure dans la chaîne de transmission est classé "non-authentique"] ait rapporté correctement ce Hadîth-ci" (Taysîr mustalah il-hadîth, p. 36, avec référence, sur ce point, de Tad'rîb ur-râwî, as-Suyûtî, tome 1 pp. 75-76). Lire un autre article où cette nuance apparaît.

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Résumé :

C'est par rapport à la fiabilité de sa chaîne de transmission jusqu'au Prophète que l'on dit d'un Hadîth attribué à ce dernier qu'il est authentique, faible, etc. Et, de fait, en fonction de leur authenticité, les Hadîths sont de trois sortes (ou de quatre sortes) :
a) le hadîth authentique (sahîh)
b) le hadîth bon (hassan)
c) le hadîth faible (dh'a'îf)
d) le hadîth inventé (mawdhû').

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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A lire en complément :
L'attribution d'une parole au Prophète et ses garanties

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