Commentaire du hadîth : "Il ne cessera d'y avoir un groupe de ma Umma qui sera sur la vérité" : "لا تزال طائفة من أمتى على الحق ظاهرين لا يضرهم من يخذلهم حتى يأتى أمر الله"

Ce propos a été tenu par le Prophète (sur lui la paix), qui a dit : "لا تزال طائفة من أمتى على الحق ظاهرين لا يضرهم من يخذلهم حتى يأتى أمر الله" : "Il ne cessera d'y avoir un groupe de ma Umma qui sera sur la vérité, se montrant ouvertement, ceux qui les délaisseront ne pouvant pas les nuire, jusqu'à ce que la décision de Dieu arrive" (at-Tirmidhî 2229, Abû Dâoûd 4252, relaté par Thawbân).
Ce terme "zâhirûn", une des deux traductions en ayant été relatées par Ibn Hajar est : "se montrant ouvertement" (FB 13/360).

Ce hadîth a été relaté par d'autres Compagnons encore, avec de légères variantes dans les termes. An-Nawawî a écrit que ce hadîth parle non d'un groupe isolé mais de l'ensemble des croyants agissant pour la vérité (FB 13/361). Dans une autre version on lit : "لا تزال طائفة من أمتى قائمة بأمر الله", dont une des interprétations est : "mutamassikatan bi dînih" (Mirqât 11/465).

Etre "على الحق", "sur la vérité", ici, ne désigne pas seulement le fait d'être sur la foi que Dieu agrée, c'est-à-dire désormais depuis la venue de Muhammad (sur lui soit la paix), la foi en l'unicité de Dieu et l'adhésion à son dernier message ; "être sur la vérité" signifie également ne pas dévier de l'orthodoxie (donc ne pas faire partie des firaq dhâlla).

Dans la proposition "jusqu'à ce que "أمر الله" arrive", présents dans le hadîth tel que relaté par Thawbân, les mots "أمر الله" ne peuvent pas désigner "la fin du monde" puisqu'au moment précis où celle-ci se produira, nul musulman ne sera plus vivant sur terre, comme l'a dit un autre hadîth. Ces mots désignent en fait le moment situé avant la fin du monde où un vent soufflera qui fera mourir tout musulman de la terre. Dès lors, la version "hattâ taqûma-s-sâ'ah" signifie "hattâ tushrifa-s-sâ'ah, bi wujûdi ahadin min âkhiri ashrâtihâ" (cf. FB 13/351).

Quant à la version où on lit "لا تزال طائفة من أمتى على الحق ظاهرين على من ناوأهم حتى يأتى أمر الله تبارك وتعالى وينزل عيسى ابن مريم عليه السلام" : "jusqu'à ce qu'arrive la décision de Dieu et que Jésus fils de Marie descende" (Ahmad 19350, relaté par 'Imrân ibn Husayn), "amr ullâh" ("la décision de Dieu") y désigne un moment quelque peu antérieur encore à la venue de ce vent et de la disparition des musulmans : il s'agit de la manifestation de la Décision de Dieu de faire redescendre Jésus. Pourquoi mention particulière de la descente de Jésus ? Parce que après cette descente et ce que Jésus réalisera par la Permission de Dieu, ce sera l'apothéose finale : tout le monde deviendra alors croyant et soumis à Dieu, et en osmose.
Ce hadîth parlant de la descente de Jésus ne contredit pas le précédent, puisque le précédent incluait la période suivant immédiatement la venue de Jésus, et voulait dire que jusqu'à cette période-là il y aura un groupe qui sera sur la vérité (cependant que lorsque Jésus aura réalisé son action, de même qu'immédiatement après son décès, la vérité apportée par Muhammad sera concrétisée). Ce hadîth-ci, lui, veut rappeler qu'il ne faut pas croire que, jusqu'au moment de cette venue de Jésus, la vérité aura disparu de la surface de la terre ; tout au contraire, depuis le moment où le Prophète aura quitté ce monde jusqu'au moment de la réalisation complète de ses enseignements par Jésus, un groupe demeurera qui sera sur la vérité.

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1) "Où se trouvera ce groupe ? demanda-t-on au Prophète. Il répondit : "A Jérusalem ("Bayt ul-maqdis") et aux alentours de Jérusalem" : "لا تزال طائفة من أمتى على الدين ظاهرين لعدوهم قاهرين لا يضرهم من خالفهم إلا ما أصابهم من لأواء حتى يأتيهم أمر الله وهم كذلك. قالوا: يا رسول الله وأين هم؟ قال: ببيت المقدس وأكناف بيت المقدس" (Ahmad 22320).

Ibn Hajar explique cela en disant que ce hadîth parle de "ceux que ad-Dajjâl assiègera après être apparu ; puis Jésus descendra auprès d'eux et anéantira ad-Dajjâl" (FB 13/360). Semble aller dans le même sens le hadîth où on lit que ce groupe se trouvera "aux portes de Damas et alentour, et aux portes de Jérusalem et alentour" : "يقاتلون على أبواب دمشق وما حولها، وعلى أبواب بيت المقدس وما حوله" (at-Tabarânî, FB 13/361).

Il semble donc que ces hadîths-ci parlent d'un moment précis, quand Dajjâl sera apparu / sur le point d'apparaître et que, face à son armée qui fera le forcing à Shâm, un groupe de musulmans résistera. Voici ce qu'on lit d'ailleurs dans une version de ce hadîth : "ظاهرين على من ناوأهم حتى يقاتل آخرهم المسيح الدجال" (Abû Dâoûd, 2484).

D'autres hadîths mentionnent la même chose avec al-Mahdî, avant même l'apparition de ad-Dajjâl : ce sera à Shâm que la défense de l'islam sera alors assurée : "إن فسطاط المسلمين يوم الملحمة بالغوطة إلى جانب مدينة يقال لها دمشق من خير مدائن الشام" (Abû Dâoûd, 4298).

Voici une parole du Prophète qui évoque ceci de façon globale : "Alors que je dormais, j'ai vu que le pilier du Livre a été emporté de dessous ma tête ; j'ai pensé qu'il disparaîtrait, et je l'ai suivi de mon regard ; il a été dirigé vers Shâm. Ecoutez : Lorsque les troubles se produiront, la foi sera à Shâm" : "عن أبي الدرداء، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "بينا أنا نائم إذ رأيت عمود الكتاب احتمل من تحت رأسى؛ فظننت أنه مذهوب به؛ فأتبعته بصرى، فعمد به إلى الشام. ألا وإن الإيمان حين تقع الفتن بالشام"(Ahmad 21733, FB 12/503) ; "عن عبد العزيز بن عبيد الله، عن عبد الله بن الحارث، قال: سمعت عمرو بن العاص يقول: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "بينا أنا في منامي، أتتني الملائكة فحملت عمود الكتاب من تحت وسادتي، فعمدت به إلى الشام. ألا فالإيمان حيث تقع الفتن بالشام" (Ahmad, 17775, dha'îf).
"Le pilier du Livre"
/ "Le pilier de l'islam" (d'après une autre version) désigne, selon Ibn Taymiyya, "ceux qui portent le Coran et l'islam" (MF 27/42).
Quant à la formule "La foi" ici employée, signifierait-elle "la force de la foi" ? Ibn Taymiyya a écrit : "L'islam, au début, sa présence au Hedjaz était plus grande [qu'ailleurs]. (…) Et l'islam, à la fin du temps, sera plus présent à Shâm. Et comme la Mecque est meilleure que Jérusalem, la première partie de cette Umma est meilleure que sa dernière partie" (MF 27/43-44).

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2) A part les hadîths relatifs au temps de l'apparition de ad-Dajjâl et au temps précédent cette apparition (hadîths cités en 1), et à part les hadîths relatifs à l'ultime signe de la fin des temps disant qu'un feu poussera les hommes vers Shâm (et cités dans un autre article), d'autres hadîths existent qui évoquent Shâm pour d'autres moments. Ainsi, après avoir relaté le hadîth du Prophète dont la substance a été suscité, Mu'âdh ibn Jabal dit : "وهم بالشأم" : "Ils sont à Shâm" (al-Bukhârî 3442, 7022).

Un autre hadîth dit : "لا يزال أهل الغرب ظاهرين على الحق حتى تقوم الساعة" (Muslim 1925). L'Est ("al-mashriq"), mentionné dans d'autres hadîths, désigne l'Irak (FB 13/18, 58-59, SAS 5/653-655) (comme d'ailleurs "Najd", présent dans d'autres hadîths, désigne aussi l'Irak : cf. FB 13/58-59, ou le Nadjd et l'Irak). Et l'Ouest ("الغرب") ici mentionné désigne, d'après une des interprétations, Shâm (MF 28/531 ; MF 4/446 ; MF 27/42 ; MF 4/446, 28/531 ; MF 28/531 ; MF 28/532).

Cela signifie-t-il que, depuis le moment où elle a fait partie de la Dâr ul-islâm jusqu'au moment où Jésus redescendra, tous les gens de Shâm seront toujours sur la vérité ?

La réponse est négative. Déjà il faut noter que, comme nous l'avons déjà dit plus haut, selon an-Nawawî, le hadîth parlant du fait d'"être sur la vérité" ("'ala-l-haqq") pourrait évoquer l'ensemble de ceux qui agissent pour la vérité, c'est-à-dire des personnes musulmanes dotés de différents types de compétences (FB 13/361) ; dès lors, ces personnes étant forcément disséminées sur terre, le groupe se trouvant sur la vérité ne peut pas être exclusivement à Shâm.
Plus encore : il est certaines périodes où ce ne sont pas les musulmans de Shâm qui ont raison : face à Mu'âwiya (qui était pourtant dirigeant de Shâm), ce fut 'Alî qui avait raison (et d'autres hadîths l'annonçaient) : à ce moment-là, les gens de Shâm constituaient une "tâ'ïfa bâghiya" (MF 4/447-449) (lire notre article sur le sujet).

Par contre, il est certaines autres périodes de l'histoire où Shâm s'est révélée être terre importante par rapport à la vérité. Ainsi, d'après Ibn Taymiyya, la situation de son époque (il a vécu la fin du 7ème siècle hégirien / XIIIème siècle grégorien, ainsi que le début du siècle suivant) constituait une de ces occasions où se concrétisait cette particularité évoquée par le Prophète : c'étaient les Mamelouks, qui dirigeaient Shâm et l'Egypte, qui avaient refoulé les envahisseurs et arrêté l'expansion mongole (cf. MF 28/531-534). Lire un autre article sur le sujet.

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"Le dîn prendra au Hedjaz un refuge, comme le mouflon prend un refuge au sommet de la montagne" :

D'autres hadîths se lisent ainsi :
- "إن الإيمان ليأرز إلى المدينة كما تأرز الحية إلى جحرها" : "La foi se rassemble ("la-ya'rizu") à Médine (…)" (al-Bukhârî 1777, Muslim 147) ;
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"إن الإسلام بدأ غريبا وسيعود غريبا كما بدأ وهو يأرز بين المسجدين كما تأرز الحية فى جحرها" : "(...) L'islam se rassemble entre les Deux Mosquées (...)" (Muslim 146) ;
- "إن الدين ليأرز إلى الحجاز كما تأرز الحية إلى جحرها وليعقلن الدين من الحجاز معقل الأروية من رأس الجبل" : "Le dîn se rassemble au Hedjaz (...). Et assurément le dîn prendra au Hedjaz un refuge (...)" (at-Tirmidhî 2630).

--- Pour al-qâdhî 'Iyâdh et Ibn Hajar, il s'agit d'un rassemblement présent à toutes les époques, puisque depuis l'émigration du Prophète dans cette ville, elle est le lieu de convergence des pieux : du vivant du Prophète, c'était pour le voir et recevoir de lui les enseignements de l'islam ; après son décès et quand la connaissance était surtout concentrée là-bas, c'était pour la recueillir ; par la suite, ce fut pour prier dans sa mosquée et visiter sa tombe (ShM 2/177, FB 4/121).

--- Alî al-qârî, lui, traduit "ya'rizu" par "se réfugiera" (Mirqât 1/234). Il écrit également que "la foi" désigne ici "les gens de la foi", c'est-à-dire les musulmans. Et il relate deux explications :
soit ce hadîth désigne ce qui se passait à l'époque du Prophète précisément ;
soit il parle de ce qu'il se passera à une époque ultérieure (Ibid.). Le hadîth "la-ya'qilanna-d-dîn…" semble bien désigner un temps futur ; de même, une version comportant elle aussi "la-ya'rizu" débute par "L'islam est apparu étranger et il redeviendra étranger", ce qui semble également faire allusion à un temps futur.

--- A considérer l'interprétation de 'Iyâdh et de Ibn Hajar, ces hadîths-ci ne soulèvent aucun questionnement par rapport aux hadîths précédents, ceux qui parlent de Shâm : ces hadîths-ci évoquent le fait que les musulmans ne cesseront de se rendre à Médine, tandis que les précédents parlent du fait qu'en des occasions plus nombreuses, Shâm constituera le lieu de défense de l'islam. Les deux groupes de hadîths ne concernent pas la même chose, et il n'y a donc pas de contradiction.

--- Par contre, l'une des deux interprétations que nous avons citées ci-dessus de Alî al-qârî fait, elle, surgir une question : Si ces hadîths-ci disent qu'à l'époque des troubles, les "gens de la foi" se réfugieront à Médine (ou au Hedjaz), comment comprendre les hadîths cités en B, qui disent qu'au moment où se produiront les troubles, "la foi sera à Shâm" ?

------- Alî al-qârî a proposé que la foi et le dîn se réfugieront en fait dans toute la région qui s'étend de Médine jusqu'à Shâm, Médine n'ayant été mentionnée dans certains hadîths qu'à cause de son importance (Mirqât 1/234). Les deux hadîths sont ainsi vérifiés, et il n'y a alors plus de contradiction.

------- Une autre interprétation : Alî al-qârî a écrit que ce retour du dîn au Hedjaz se fera à la fin des temps, lorsque, ailleurs, dans les pays des musulmans, ce seront les troubles (Mirqât 1/246-247). Or ceci pourrait signifier que ce sera l'influence du dîn dans les affaires de la vie qui ne restera plus qu'à Médine et au Hedjaz, tandis que l'affrontement de l'ennemi agresseur venu de l'extérieur aura lieu par le biais d'un groupe de musulmans se trouvant à Shâm. Ou bien peut-être que le Hedjaz constituera le lieu de refuge, la place-forte arrière, mais que le lieu du front avec l'agresseur se trouvera à Shâm.

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"إن الله لا ينتزع العلم من الناس انتزاعا ولكن يقبض العلماء فيرفع العلم معهم ويبقى فى الناس رءوسا جهالا يفتونهم بغير علم فيضلون ويضلون" : "Dieu ne retirera pas la science en la retirant des serviteurs, mais Il retirera la science en faisant mourir les savants (en science religieuse). Il restera alors parmi les hommes des leaders ignorants ; questionnés, ils donneront la fatwa selon leur avis personnel ; ils seront alors égarés et égareront (les autres)" (al-Bukhârî, Muslim).

Ce hadîth-ci pourrait également paraître comme contredisant le hadîth cité en tout début d'article, qui dit qu'il ne cessera d'y avoir dans la Umma un groupe de personnes attachées à la vérité.

En effet, ce hadîth-ci affirme qu'il viendra un temps où les leaders ne seront plus que des ignorants, présentant des avis fondés sur leur avis personnel (ra'y) comme des avis islamiques, car tout savant en sciences d'islam aura disparu.
Or l'autre hadîth dit qu'il y aura toujours un groupe qui sera sur la vérité.
Comment peut-on être sur la vérité s'il n'y a plus un savant capable de donner un avis fondé sur les textes du Coran et de la Sunna et les principes en étant extraits ?

Il y a à cela 2 réponses possibles...

--- Soit ce hadîth-ci parle d'une situation qui doit voir le jour certes avant la venue de Jésus, mais dans la majorité et non la totalité des terres d'Islam ; alors qu'il y aura toujours des lieux sur terre où les musulmans manquent de ulémas et prennent comme leaders des ignorants, à cette époque-là ce sera dans la plupart des lieux que les musulmans manqueront de ulémas et prendront des ignorants comme leaders ; cependant, même alors, en une petite quantité de lieux, des ulémas seront présents qui continueront à informer les musulmans qui seront autour d'eux : ces gens formeront alors le groupe demeuré sur la vérité (cf. FB 13/351).

--- Soit ce hadîth-ci parle d'un moment qui surviendra lorsque quelque temps aura passé après la mort de Jésus : l'ignorance s'installera alors partout. Il n'y a alors pas de contradiction, puisque l'autre hadîth parlait, comme nous l'avons vu plus haut en B, de la période qui va jusqu'au retour de Jésus (cf. FB 13/351).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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