La femme musulmane est-elle tenue de faire les travaux ménagers ?

Question :

La femme est-t-elle tenue d'effectuer les travaux ménagers en islam ?

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Réponse :

Répondre par "Oui elle le doit" ou par "Non elle n'y est pas tenue" serait simplificateur. Un développement est nécessaire pour que ce point soit appréhendé sous différents angles.

D'un côté il existe un Hadîth qui dit : "La femme est une bergère à propos du domicile conjugal et des enfants, et sera questionnée à ce sujet" (rapporté par al-Bukhârî, n° 2416, et Muslim, n° 1829). On voit de même que Fâtima, fille du Prophète et épouse de 'Alî, moulait le grain et qu'elle vint un jour demander à son père de lui donner un serviteur parmi les captifs. Le Prophète ne put cependant honorer sa demande, et dit : "Je ne peux pas vous en donner et laisser affamés les pauvres de as-suffa parce que je n'ai rien à leur donner. Je retirerai de l'argent de ces captifs et le dépenserai sur ces pauvres" (rapporté par Ahmad). On voit également que Asmâ, épouse de az-Zubayr et fille de Abû Bakr, moulait le grain, cousait le seau de la maison, donnait à manger au cheval de son mari. Elle précisait : "Je n'arrivais pas à bien préparer le pain, et des voisines ansârites le faisaient pour moi. C'étaient des femmes gentilles" (rapporté par al-Bukhârî et Muslim).

D'un autre côté, questionnée un jour par quelqu'un : "Que faisait le Prophète dans sa maison ?", Aïcha raconta : "Il était au service de sa famille. Ensuite, lorsque venait l'heure de la prière, il partait pour la prière" (rapporté par al-Bukhârî). "Il cousait ses vêtements, cousait ses sandales…" (Sahîh ul-jâmi' is-saghîr, n° 4813). "Il était un humain comme les autres humains : il nettoyait ses vêtements, trayait la chèvre et s'occupait de ce dont il avait besoin" (Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, n° 670).

Chacun sait qu'en islam, le mari a l'obligation de subvenir aux besoins de la femme : il doit la nourrir, la loger, l'habiller, payer ses soins. L'épouse n'est pas obligée d'avoir recours à son argent pour les dépenses du foyer. Les deux récits ci-dessus montrent des épouses effectuer les tâches ménagères.

La question qui se pose ici est alors : Effectuer ce genre de tâches ménagères est-il obligatoire sur l'épouse en contrepartie du fait qu'elle est nourrie, logée, habillée, etc. par son mari ? Ou bien le mari doit-il également payer les services d'une femme de ménage ?

La réponse est que les avis sont partagés à ce sujet parmi les ulémas :

D'après Abû Thawr, Ibn ul-Qayyim et d'autres, l'épouse est tenue d'effectuer les tâches ménagères. Ibn ul-Qayyim justifie cet avis par le fait qu'elle n'a pas à dépenser de son argent ni pour le foyer ni même pour ses propres besoins en termes de nourriture, logement, habits, etc. Al-Albânî écrit qu'on ne peut pas imaginer une famille où le mari serait tenu de travailler chaque jour toute la journée pour obtenir de quoi faire vivre son épouse, tandis que celle-ci resterait à ne rien faire en disant n'être pas tenue d'effectuer les tâches ménagères.

D'après ash-Shâfi'î, al-Muhallab et d'autres, l'épouse n'est pas obligée d'effectuer les tâches ménagères. Si elle le fait, ce ne sera que pure gentillesse de sa part. L'acte de mariage est un contrat qui exprime l'accord de vivre ensemble et d'avoir des relations intimes ensemble, et non la nécessité pour la femme de faire les tâches ménagères, disent ces savants.

D'après d'autres ulémas, la réponse dépend de certains facteurs :
--- Pour at-Tabarî et Ibn Hajar, cela dépend de la coutume du pays où mari et femme vivent. Si les femmes effectuent les tâches ménagères, elle sera tenue de le faire. Sinon ce n'est pas une obligation.
--- Pour Ibn Taymiyya, l'épouse doit servir son mari, et ce sont la nature et la quantité de ce service qui dépendent de la coutume du pays où ils vivent (MF 34/90-91).
--- Pour Mâlik, cela dépend de la situation financière du mari : s'il est de situation modeste, l'épouse doit effectuer les travaux ménagers (puisqu'il est absent à cause de son travail et n'a pas les moyens de payer les services d'une femme de ménage). C'est à cause de ce genre de difficultés financières que Fâtima et Asmâ effectuaient les tâches ménagères pour leur mari. At-Tahâwî écrit de même que le mari doit payer les services de quelqu'un pour faire le ménage, et ce dans la mesure où on a besoin de cette aide extérieure.

Je voudrais ici m'inspirer de l'excellente synthèse de ces différents avis faite par Abû Chuqqa (l'auteur de Tahrîr ul-mar'a fî 'asr ir-rissâla) et écrire ce qui suit… Al-Bukhârî a synthétisé la question en écrivant, en commentaire de Hadîths, les 3 titres suivants l'un à la suite de l'autre : "Du travail de la femme dans la maison conjugale", "Une servante pour la femme", et "De l'aide que le mari apporte à sa femme". Ce que l'on peut dire c'est que la responsabilité qu'a l'épouse au sujet de la gestion des affaires du domicile conjugal – et qu'indique le Hadîth "La femme est une bergère à propos du domicile conjugal et des enfants, et sera questionnée à ce sujet" – ne signifie pas que l'épouse doive forcément effectuer elle-même la totalité des tâches ménagères (préparer les repas, laver et repasser le linge, ranger, nettoyer et embellir la maison). La responsabilité qu'a l'épouse est de veiller à la bonne marche des tâches ménagères. Quant à savoir si c'est elle qui doit effectuer ces tâches, ou si c'est une employée de maison qui doit le faire, ou encore si ces tâches doivent être partagées avec d'autres personnes de la maison (mari, etc.)… cela dépend de plusieurs facteurs, comme :
- les priorités que les sources de l'islam ont définies pour les deux éléments du couple (lequel a comme priorité de travailler pour nourrir la famille, lequel de gérer la maison et les enfants),
- la coutume du pays où ils vivent (est-il d'usage que l'épouse prépare les repas, etc.),
- les possibilités financières du mari (peut-il payer les services d'une employée de maison ou non),
- les capacités physiques de l'épouse (quelle sorte de tâches ménagères peut-elle effectuer dans quelle mesure sans que cela lui cause du tort),
- et le temps qui reste au mari, à l'épouse, aux fils et aux filles après leurs autres obligations (pour qu'ils puissent consacrer de ce temps restant pour apporter leur contribution aux tâches ménagères), exactement comme le faisait le Prophète en dehors des heures où il était à l'extérieur.

Le mieux, je le pense humblement, est que l'homme et la femme définissent clairement ce que chacun attend de l'autre à ce sujet avant le mariage. Si l'homme a des revenus modestes pour un travail qui prend beaucoup de son temps à une distance considérable du foyer, il vaut mieux qu'on s'en rende compte avant le mariage.
Il faut de plus que époux et épouse se souviennent que la vie conjugale est un équilibre constant, pour lequel il faut considérer le cadre des droits et des devoirs (que l'islam a fixé pour chaque élément du couple) comme un cadre auquel il faut certes faire référence mais à propos des manquements duquel il faut aussi savoir fermer les yeux, faire des concessions, bref faire preuve de bonne volonté et apporter du sien… La vie conjugale est un équilibre qui se bâtit sur l'amour et non seulement sur le juridique.

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Mes sources pour cet article :

Zâd ul-ma'âd, Ibn ul-Qayyim, tome 5 – Fiqh as-sunna, as-Sayyid Sâbiq, tome 2 pp. 465-467 – Adâb uz-zafâf, al-Albânî, pp. 214-219 – Fatâwâ mu'âsira, Al-Qaradhâwî, tome 3 p. 585 – Fat'h ul-bârî, Ibn Hajar, tome 9 p. 402 et p. 628 – Tahrîr ul-mar'a fî 'asr ir-rissâla, Abû Chuqqa, tome 5 pp. 131-132

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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