Serait-il interdit à la femme musulmane de travailler ?

Question :

L'islam permet-il à la femme d'exercer une activité rémunérée ?

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Réponse :

Le Prophète a dit aux hommes qu'ils devaient maîtriser leur regard lorsqu'ils se trouvent sur la voie publique (rapporté par al-Bukhârî, n° 5875), et Ibn Hajar a rappelé que le Prophète avait dit ceci parce qu'il n'est pas interdit aux musulmanes de sortir de chez elles (Fat'h ul-bârî, tome 11 p. 16). Cependant, le Prophète a aussi dit : "La femme est une bergère à propos du domicile conjugal et des enfants, et sera questionnée à ce sujet" (rapporté par al-Bukhârî, n° 2416, et Muslim, n° 1829), ce qui montre que la femme a des priorités comme celle de s'occuper de sa maison et de ses enfants. De même, le Prophète a dit : "N'empêchez pas les femmes de [se rendre] dans les mosquées. Leur domicile est cependant meilleur pour elles" (rapporté par Aboû Dâoûd, n° 567). Cet autre Hadîth montre de même qu'on ne doit pas interdire à la femme de sortir de chez elle (et que ce n'est donc pas interdit), mais que la femme doit se souvenir qu'elle a des priorités.

On ne peut donc être d'accord avec ceux qui, parmi les musulmans, vont jusqu'à interdire à la femme de sortir de chez elle et a fortiori d'avoir une quelconque activité rémunérée. Al-Qardhâwî rappelle qu'en l'absence de texte et de principe, la règle première est la permission (al-ibâha).

D'un autre côté, cependant, on ne peut non plus avoir comme conception de la vie celle qui fait des humains des êtres destinés avant tout à produire des biens et des services rémunérés, l'objectif étant qu'ils puissent avoir le plus possible de revenus pour pouvoir consommer le plus possible, ce qu'on consomme fût-il purement inutile, voire même nuisible à la santé mentale, spirituelle ou sociale. Cette conception de la vie n'est pas celle des musulmanes et des musulmans. Et la musulmane ne devrait pas avoir comme vision des choses qu'elle ne pourra s'épanouir que par l'obtention d'un travail rémunéré. La priorité que l'islam offre à la femme est celle de construire un foyer source de bonheur et vivre pleinement sa maternité, choyée par son mari. Il faut certes travailler pour vivre – tout dans les sources de l'islam le montre –, mais les musulmanes et les musulmans ne peuvent considérer que le bonheur de la vie réside dans l'augmentation constante du revenu. Il y a, en l'humain, dans la famille, dans la société, quelque chose qui est à bâtir pour plus de sérénité et de bonheur.

Différentes situations :

Au vu de ce qui précède, il apparaît qu'il n'est en soi pas interdit à la femme d'avoir une activité rémunérée hors de chez elle, mais qu'elle ne doit pas oublier ses priorités. Différentes situations se présentent donc par rapport au travail de la femme...

Il est des cas où il est nécessaire que la femme musulmane travaille. Ainsi, il est des métiers qui, dans les pays musulmans, doivent être réservés aux femmes – comme celui de gynécologue, d'infirmière pour femmes, etc. – et dont il est nécessaire que des femmes les pratiquent. Déjà, dans les siècles précédents, ash-Shâmi parlait du métier de sage-femme, dont il disait qu'il est obligatoire, au niveau de toute la société, qu'il soit connu et pratiqué par un nombre de femmes suffisant pour couvrir les besoins de cette société (min furûdh il-kifâya).
De même, et de façon générale, si la femme est veuve, ne bénéficie d'aucun revenu, d'aucune famille, et se trouve dans un pays où le système de la Sécurité sociale est inexistant, il devient nécessaire (wâjib) qu'elle travaille.

Et puis il est d'autres cas où il est bien (matlûb) que la musulmane travaille. Ainsi, si le mari travaille avec pleine volonté mais que ses revenus sont réellement très faibles par rapport au coût de ce qui constitue les nécessités de la vie, la femme peut aussi travailler pour apporter une contribution aux dépenses du foyer. Il ne faut pas oublier que les sources de l'islam, n'ayant pas voulu que le couple devienne un modèle d'individualisme, demandent que la décision de travailler pour la femme soit prise en concertation (idhn) avec le mari. Dans tous les cas où la pratique du travail pour la femme se fait aux dépens de ce qui constitue la priorité pour la femme, ce travail n'est pas autorisé au regard de l'éthique musulmane (lâ yajûz). Nous allons revenir sur ce point plus bas.

Enfin, dans les autres cas, quand le travail n'est pas nécessaire, mais que d'un autre côté sa pratique ne trahit ni la priorité dévolue à la femme ni les principes qu'hommes et femmes doivent respecter dans la vie quotidienne, le travail de la femme reste simplement permis (jâ'ïz).

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Deux points complémentaires :

Ne pas oublier les principes formulés pour les occasions de présence d'homme et de femmes :

On doit offrir à une femme un travail qui est en adéquation avec sa nature. Comment envoyer une femme travailler dans les mines ? D'autres exemples existent que l'on peut facilement comprendre. Ceci est dû au fait que l'islam tient à préserver les particularités des natures masculine et féminine, afin d'éviter la naissance d'une sorte de nature androgyne.

De même, se fondant sur des principes islamiques bien connus, al-Qardhâwî rappelle que la musulmane ne peut pas être secrétaire personnelle d'un directeur, ni serveuse dans un bar, etc. D'autres principes sont également à respecter par les hommes et les femmes lors de la présence des deux sexes. Cliquez ici pour lire à ce sujet mon article : Quels sont les principes à respecter lors de la présence d'hommes et de femmes ?

Ne pas oublier ses priorités :

Tout en respectant les principes de l'islam, la musulmane doit se souvenir qu'il est hors de question qu'elle pratique son travail d'une façon où cela se fait aux dépens de ce qui constitue la priorité pour elle, c'est-à-dire la gestion du foyer et l'affection et la présence donnée aux enfants (très jeunes enfants particulièrement). La solution pour la femme serait que la société tienne compte de ce rôle primordial de la femme et lui offre les possibilités de travailler à mi-temps et de disposer de congés de maternité conséquents. Les pays musulmans, nourris aux sources des références de l'islam, devraient agir pour offrir aux femmes la possibilité de travailler dans le cadre voulu tout en s'épanouissant au niveau de sa famille et de ses enfants.

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Formation professionnelle :

Dans les sociétés post-industrielles d'aujourd'hui il est devenu difficile de travailler sans avoir au préalable suivi une formation. Ash-Shâmi écrivait : "Le père peut envoyer sa fille apprendre un métier auprès d'une femme, comme par exemple la couture". Aujourd'hui, les formations se font rarement de façon individuelle auprès d'une personne. L'heure est aux institutions, à la formation de groupe. Rien n'empêche les musulmanes de suivre ces formations à l'école, à l'université etc., pourvu que, encore une fois, elle fasse tout ce qui est en son possible pour respecter les principes de l'islam en la matière.

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Mes sources pour cet article :

Fiqh us-sunna, as-Sayyid Sâbiq, tome 2 pp. 469 – Markaz ul-mar'a, al-Qardhâwî, pp. 105-117 – Tahrîr ul-mar'a fî 'asr ir-rissâla, Abû Chuqqa, tome 2 pp. 341-373.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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