Toute interprétation qui est faite du Coran et de la Sunna, pouvoir en faire (si elle s'avère fausse) la critique argumentée, cela est nécessaire, rappelle an-Nadwî : cela permet d'éviter toute déviance, ou, au moins, de distinguer l'Orthodoxie de la Déviance – Cependant, cela doit être fait sur la base d'un 'Ilm ud-Dîn conséquent ; d'autre part, il est des points où, même si un seul avis est correct, la détermination de cet avis n'est que présumée (zannî) – Par ailleurs, écrit an-Nadwî, ce genre de critique ne peut pas être institutionnalisée comme fonctionnant dans un "Sens Unique" ("One Way Traffic") (2/2)

Suite de : Entre les Textes donnés une fois pour toutes, et le Réel des sociétés humaines diverses et changeantes – Ou : Ne pas être figés, ne pas non plus renier (لا جُمُود ولا جُحُود) – Ou : Distinguer : le Travail de Réforme ayant été réalisé par le Prophète (sur lui soit la paix) ; et le Matériau sur lequel ce travail a été fait – Ou : Faire du Renouveau, mais en restant dans le cadre de l'orthodoxie (إصلاح ما أفسد الناس من الدين، مع تجديد الدين، فإحياء الدين) - (1/2).

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Abu-l-Hassan 'Alî an-Nadwî écrit :
"Que l'on m'excuse, (mais) la règle du "One way traffic"* ("Sens unique") relative au domaine des transports, n'est pas applicable à la critique faite sur la base du 'Ilm, à la recherche des choses les plus profitables, et aux résultats de la pensée et de l'étude" (Asr-é hâdhir mein dîn kî taf'hîm-o-tashrîh, p. 29) (* en anglais dans le texte).

Il écrit encore :
"Ce livre est dédié à des personnes qui comprennent que le droit de faire la critique [sur la base du Coran et des Hadîths] est un droit commun, que chacun peut utiliser, et dont aucun homme de 'Ilm et de Nazar (صاحب علم ونظر) ne peut être privé. L'inflexible loi municipale du "One way traffic"* – "Ici les véhicules peuvent seulement aller dans ce sens, mais pas venir dans l'autre sens" – ne peut pas être appliquée à la critique correcte et à l'honnête expression de la pensée" (Ibid., p. 8) (* en anglais dans le texte).

Pourquoi An-Nadwî a-t-il écrit cela ?
Il l'a lui-même exposé : ayant écrit un livre dans lequel il a fait la critique sereine et argumentée d'un aspect d'un mouvement islamique précis, il a reçu, de la part de nombreux adhérents et sympathisants de ce mouvement, des lettres pleines de colère ; certains l'accusaient même d'avoir eu une sombre intention en rédigeant cet ouvrage (Asr-é hâdhir mein dîn kî taf'hîm-o-tashrîh, p. 11, ainsi que p. 29, bas de page).
Or il s'agit d'un mouvement qui a, depuis sa fondation, toujours revendiqué - et utilisé - le droit de faire la critique des avis et conceptions des autres personnalités et des autres mouvements de l'islam (pp. 28-29).
Voilà qui s'est avéré très curieux...

C'est alors que an-Nadwî a rajouté un Avant-Propos à la Seconde Edition de son livre, dans lequel il a exposé ce que nous allons voir plus bas ; et dans lequel il a intégré ce que l'on a cité un peu plus haut : "Le droit de faire la critique argumentée et constructive ne fonctionne pas au One Way Traffic".

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Ce livre de Abu-l-Hassan 'Alî an-Nadwî s'intitule : "التفسير السياسي للإسلام" (j'en possède la version urdu : "Asr-é hâdhir mein dîn kî tahfîm-o-tashrîh"). An-Nadwî y expose que l'islam comporte aussi des règles pour la siyâssa (le politique), mais qu'il ne faut pas faire de l'islam une lecture politisante :

An-Nadwî y fait la critique (sereine, constructive et argumentée) d'un aspect de la pensée du Professeur al-Mawdûdî, le fondateur du mouvement "Jamâ'at-é islâmî". An-Nadwî y démontre que al-Mawdûdî a fait une erreur qat'î, et d'autant plus conséquente qu'elle ne touche pas un point individuel (juz'î), ni même un principe individuel, mais un aspect fondamental des croyances islamiques et de la conception même de l'essence du message de l'islam et de ce que Dieu veut de l'homme.

Dans l'Introduction de ce livre "التفسير السياسي للإسلام" (en urdu, donc : "Asr-é hâdhir mein dîn kî tahfîm-o-tashrîh"), an-Nadwî souligne que al-Mawdûdî a fait un remarquable travail, capable de faire disparaître "le sentiment d'infériorité" par rapport aux enseignements de l'islam. En témoignent ses ouvrages traitant des thèmes de l'intérêt financier, des règles du voile et de la mixité, de la conquête musulmane de l'époque des califes, etc. "Ne pas le reconnaître serait une injustice", écrit-il (Asr-é hâdhir mein dîn kî taf'hîm-o-tashrîh, p. 20).

Et, justement, an-Nadwî raconte par ailleurs (dans un autre ouvrage) que, vers la période des années grégoriennes 1937-1938, touché et impressionné par des écrits de al-Mawdûdî, il a commencé à correspondre par écrit avec lui (an-Nadwî vivait à Lucknow, tandis que al-Mawdûdî habitait Lahore) (Kârwân-é zindaguî, 1/233-234). En août 1939, accompagné de an-Nu'mânî, an-Nadwî finit par rencontrer al-Mawdûdî (Kârwân-é zindaguî, 1/236). En 1940, il relate un échange épistolaire avec al-Mawdûdî. L'année suivante (en 1941), an-Nadwî devient membre à part entière du mouvement de al-Mawdûdî, Jamâ'at-é islâmî ; il en devient même le responsable du groupe pour la capitale de l'Uttar Pradesh, Lucknow (Ibid., 1/242). Il le restera 3 années (p. 243). C'est que, ayant pris conscience de 3 choses (qu'il détaille), an-Nadwî commence à se poser des questions, puis, décide d'en parler franchement à al-Mawdûdî ; après cela, sur conseil de ce dernier, il décide de quitter le mouvement (Ibid., 1/243-245).

An-Nadwî écrit que c'est l'ouvrage de al-Mawdûdî "المصطلحات الأربعة في القرآن", "Les quatre termes du Coran", qui touche aux fondements de l'islam, qui "a présenté un modèle de nouvelle lecture des (enseignements de) l'islam et du Coran, où la teinte politique domine. (Cette lecture) tourne autour de la souveraineté de Dieu, et entraîne que l'objectif de la révélation du Coran et de la da'wa islamique n'est plus que l'établissement d'un gouvernement islamique. De plus, la position que (al-Mawdûdî) a adoptée dans la distinction entre l'objectif et les moyens, et les nouvelles idées et recherches qu'il a exprimées à propos des 'ibâdât et du dhikr, font qu'il y a le risque que la génération qui grandira à l'ombre de seulement ces recherches et idées ; et que le groupe qui verra le jour seulement sur l'effet de cette littérature et qui n'aura pas de lien mental avec un autre environnement : auront un nouveau sentiment dînî ; un sentiment différent de celui que l'éducation et la fréquentation prophétique, le modèle prophétique et le fait de suivre les Compagnons ont engendré, et qui perdurait par héritage jusqu'à présent" (Asr-é hâdhir mein dîn kî tah'fîm-o-tashrîh, pp. 20-21).

An-Nadwî écrit aussi, cette fois à propos de son livre à lui, qui critique le contenu du livre suscité de al-Mawdûdî : "Ce livre (...) n'a pas été rédigé dans un style polémiste (munâzara), ni dans la langue du fiqh et des fatwa. Il est l'expression d'un risque (...)" (Asr-é hâdhir mein dîn kî tah'fîm-o-tashrîh, p. 21). Quelques lignes plus loin, l'auteur souligne que, eu égard aux facteurs qu'il vient de détailler, "utiliser sa plume à ce sujet a été un travail particulièrement difficile et désagréable ("nâ khûshgawâr kâm")" (Ibid., p. 22). Puis il écrit que "Dieu sait que ce travail désagréable a été fait avec le sentiment de responsabilité devant Dieu et de témoignage de la vérité" (Ibid., p. 24).

Dans l'Avant-propos de la seconde édition, an-Nadwî relate que, dès la parution du livre (donc la prmeière édition), il en a envoyé personnellement un exemplaire, accompagné d'une lettre personnelle, à "Mawlânâ Mawdûdî" lui-même. Ce dernier lui a alors fait une réponse écrite, datée du 23 janvier 1979 ; al-Mawdûdî y dit : "Je ne me suis jamais considéré comme étant au-dessus de la critique, et je ne le prends pas mal". An-Nadwî relate : "Mawlânâ (m')y a invité à regarder ses autres livres et écrits avec le même regard, et à exprimer (mes) impressions et critiques". An-Nadwî de souligner alors la noblesse de cette attitude, "conforme à la stature et au caractère" du personnage (Asr-é hâdhir mein dîn kî tah'fîm-o-tashrîh, p. 11).

Par contre an-Nadwî a trouvé très étrange la réaction de nombreux partisans de al-Mawdûdî, lesquels lui ont pour leur part écrit des lettres pleines de colère, certains l'accusant même d'avoir eu une intention pas claire du tout en rédigeant cet ouvrage (p. 11, ainsi que p. 29, bas de page). C'est alors que an-Nadwî a rajouté un Avant-propos à la Seconde Edition de son livre, dans lequel il a écrit (entre autres choses très profitables) ce qui va être exposé au chapitre suivant...

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1) Toute interprétation qui est faite du Dîn ul-islâm, il est important que (si cela s'avère nécessaire) en faire la critique honnête et argumentée demeure possible :

"L'islam est le dernier Dîn (communiqué par) Dieu. La guidance et le salut des hommes s'y trouve pour jusqu'à la fin du monde. Ce (Dîn) restera jusqu'à la fin du monde, afin d'offrir la guidance aux (hommes), autant dans le domaine Religieux que dans le domaine Temporel. Ce que ce (Dîn communique de) Croyances et de Réalités ne va pas être changé, et ce (qu'il communique de) Normes ne va pas être abrogé. Ce n'est pas seulement que sa Loi (religieuse) provient de Dieu, c'est aussi que la Culture et la Civilisation (que ce Dîn induit) sont bâties sur des Réalités perpétuelles.

Cependant, si ce qui vient d'être dit est une réalité, il est également une autre réalité : le Mode de Vie (des hommes vivant sur Terre) ("Zindaguî") est empli de mouvement et de changement. Ce n'est pas là un défaut mais au contraire une qualité de (la Vie sur Terre). Ce n'est pas de sa part une déviance par rapport à la Fit'ra, c'est la Fit'ra même ! (Le Mode de Vie humaine) change sans cesse son vêtement. Chez les générations humaines, les langues, les façons de s'exprimer, les façons de penser, les causes entraînant l'insatisfaction et les moyens permettant de faire disparaître celle-ci, les questionnements apparaissant en leur for intérieur et les réponses capables de les tranquilliser : tout cela ne cesse de changer.

Face à ce contraste entre le Dîn certain (qat'î) et perpétuel (abadî), et le Mode de Vie changeant et impermanent, les hommes qui sont au fidèle service du Dîn, et qui l'interprètent et l'expliquent, leur devoir est d'expliquer le Dîn de Dieu d'une façon telle que les croyances perpétuelles et (révélées il y a de cela des siècles) trouvent une foi nouvelle dans le cœur des nouvelles générations, et une certitude nouvelle dans leur esprit. (...)
Et c'est ce devoir que, à chaque époque, les Ulama, les Sages et les 'Arifûn ont accompli. (...).

Cependant, autant ce devoir est nécessaire, autant il est difficile et délicat. Il faut en effet que, dans cette explication et interprétation, dans cette volonté de rendre accessible les réalités du Dîn et de les peindre, on fasse preuve de précaution et d'exactitude, et ce afin que cette nouvelle génération que l'on s'efforce de familiariser avec, et de faire adopter ces Croyances et Réalités du Dîn, et qui s'apprêtera ensuite à établir ce Dîn, son ressenti du Dîn ne soit pas différent du ressenti du Dîn qui a été celui des Compagnons, grâce à l'enseignement et l'éducation reçue du Messager de Dieu (que Dieu le bénisse et le salue), et qui, ensuite, s'est transmis aux générations suivantes. De même, il ne faut pas que le train de sa pensée et de son effort quitte la voie sur laquelle le Prophète l'avait mise, pour aller sur une autre voie, comme cela s'est produit dans l'histoire des Dîn (antérieurs), et aussi des Groupes Déviants de l'Islam. Ce (triste) événement se produit à un moment donné dans l'histoire des Dîn et des Groupes. Mais lorsqu'il se produit une fois, on ne peut plus, ensuite, le rattraper : l'histoire des religions en est le témoin" (Asr-é hâdhir mein dîn kî tahfîm-o-tashrîh, pp. 13-15).

"Ceux qui veulent faire un service (khidma) sérieux et sincère du Dîn, ne veulent que l'élévation de l'islam et du nom de Dieu ("Khudâ"), sont à la recherche de ce qui est la vérité, ont l'envie de corriger leur propre compréhension du Dîn et de faire progresser et de compléter celle-ci, et chez qui le critère est la Vérité et non un groupe ou une personne – aussi illustre soit celle-ci – ; ceux qui sont ainsi ont toujours eu de l'estime pour la critique correcte et constructive, l'expression de la pluralité des points de vue, et le conseil sincère.

Si cette Umma est, durant sa longue histoire, demeurée préservée des faux pas destructeurs et des déviances collectives dans ses pensées, ses efforts de recherche et ses expériences, c'est en grande partie grâce à cette critique 'ilmî et désintéressée. Arrêter cela et ne pas en donner l'autorisation à un groupe ou à une école de pensée, est une entreprise dangereuse. Ce que le poète arabe de Hamâssa avait dit il y a des siècles reste une réalité aujourd'hui encore : "Il y a dans la critique, une vie entre des gens".

Cette critique constructive a eu une grande part dans la correction des pensées et des avis, dans l'épuration des théories et dans l'élargissement des recueils de fiqh (élargissement dont on ne trouve pas d'équivalent dans l'histoire des autres religions et civilisation, et qui a toujours donné à la Umma une facilité et souplesse dans différentes situations).

Cette critique constructive a préservé les ulémas de dire des avis non-fondés, de se tourner uniquement vers leur personne et de se croire "au-dessus de toute erreur", de même qu'elle a préservé leurs disciples de l'exagération à leur sujet ; cela a aussi gardé cette Umma dans le juste milieu, ce qui est la particularité des musulmans et spécialement des Sunnites.

Lorsque la porte de la Critique 'ilmî et dînî a été fermée dans d'autres religions, particulièrement le Christianisme, ou bien que ceux en ayant le courage sont devenus rares, alors ces religions sont devenues la proie des déviances de ceux qui exagèrent, des inventions de ceux qui sont dans le faux, et des fausses et ridicules interprétations des ignorants" (pp. 25-26).
An-Nadwî fait ici allusion aux 3 problèmes évoqués dans le célèbre hadîth : "وعن إبراهيم بن عبد الرحمن العذري قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يحمل هذا العلم من كل خلف عدوله، ينفون عنه تحريف الغالين وانتحال المبطلين وتأويل الجاهلين." رواه البيهقي" (al-Bayhaqî, Mishkât ul-massâbîh, 248).

"Si dans le passé les (ulémas) musulmans n'avaient pas mis en exergue les erreurs que des gens font [dans ce qu'ils présentent comme étant les enseignements de l'islam], sous prétexte de ne pas créer de vagues dans les rangs des musulmans, alors il n'y aurait plus eu de amr bi-l-ma'rûf et de nah'y 'an il-munkar (…) et le public musulman serait devenu la proie de l'égarement (…).
Le fait d'être à l'abri de toute erreur est l'Attribut de Dieu ("Khudâ") et, à part le Prophète (que la paix soit sur lui), il y a, au sujet du propos de toute personne, le fait d'accepter et de ne pas accepter"
(p. 28).

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2) Ibn Taymiyya écrit :

"Par ces 3 fondements [= le Coran, la Sunna et le Ijmâ'], ils jaugent tout ce que les hommes professent, qui a une relation avec le Dîn [= qui est touché par un Hukm du Dîn] : propos, actions intérieures et actions extérieures" :
"فصل: ثم من طريقة أهل السنة والجماعة: اتباع آثار رسول الله صلى الله عليه وسلم باطنا وظاهرا، واتباع سبيل السابقين الأولين من المهاجرين والأنصار، واتباع وصية رسول الله صلى الله عليه وسلم حيث قال: "عليكم بسنتي وسنة الخلفاء الراشدين المهديين من بعدي تمسكوا بها وعضوا عليها بالنواجذ، وإياكم ومحدثات الأمور فإن كل محدثة بدعة وكل بدعة ضلالة". ويعلمون أن أصدق الكلام كلام الله، وخير الهدي هدي محمد صلى الله عليه وسلم؛ ويؤثرون كلام الله على كلام غيره من كلام أصناف الناس، ويقدمون هدي محمد صلى الله عليه وسلم على هدي كل أحد. وبهذا سموا أهل الكتاب والسنة. وسموا أهل الجماعة لأن الجماعة هي الاجتماع (وضدها الفرقة) (وإن كان لفظ الجماعة قد صار اسما لنفس القوم المجتمعين)، والإجماع هو الأصل الثالث الذي يعتمد عليه في العلم والدين. وهم يزنون بهذه الأصول الثلاثة جميع ما عليه الناس من أقوال وأعمال باطنة أو ظاهرة، مما له تعلق بالدين. والإجماع الذي ينضبط هو ما كان عليه السلف الصالح (إذ بعدهم كثر الاختلاف وانتشرت الأمة" (MF 3/157 : passage de Al-'Aqîda al-Wâssitiyya).

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3) Cette possibilité de faire la critique argumentée n'est pas réservée à une institution donnée ; elle est accordée à toute personne, pourvu que celle-ci en ait les capacités et qu'elle fasse cette critique sur la base d'une argumentation solide :

Abu-l-Hassan 'Alî an-Nadwî écrit, dans les pages où il dédie son ouvrage :
"Ce livre est un présent dédié à chaque ami qui a comme croyance que (...) la formation des groupes et mouvements musulmans, et la réforme des sociétés et des gouvernements, ne sont que des moyens, qui sont choisis pour la réalisation de cet objectif [= la Satisfaction de Dieu, en ce monde l'agir selon le Coran et la Sunna, et en l'au-delà l'admission au Paradis et le fait d'être sauvé de la Géhenne] ; et c'est pourquoi l'attachement à des personnes ne se fait que pour Dieu ; et (c'est encore pourquoi) l'attachement et le fait de militer dans des mouvements est fondé uniquement sur la Mobilisation pour le Dîn, et non pas sur l'Esprit de Clan jâhilî" (Asr-é hâdhir mein dîn kî taf'hîm-o-tashrîh, p. 7).

"Ce livre est dédié à ces personnes qui demeurent dans la recherche de ce qui, au-delà du "bon", est "meilleur", et qui n'ont aucune hésitation à adhérer et accepter, après que la preuve en ait été produite devant eux, à ce meilleur.
Cela conformément à ce que Omar (que Dieu l'agrée) avait dit : "Ce qui est la vérité est premier : y revenir n'est ni cause de honte, ni chose étrange""
(Asr-é hâdhir mein dîn kî taf'hîm-o-tashrîh, p. 8).
An-Nadwî fait apparemment allusion ici au célèbre propos présent dans l'épître que Omar ibn ul-Khattâb avait écrite à Abû Mûssâ al-Ash'arî (que Dieu les agrée) : "ولا يمنعك قضاء قضيته أمس فراجعت اليوم فيه عقلك وهديت فيه لرشدك أن ترجع إلى الحق؛ فإن الحق قديم لا يبطله شئ؛ ومراجعة الحق خير من التمادي في الباطل".

"Ce livre est dédié à des personnes qui comprennent que le droit de faire la critique [sur la base du Coran et des Hadîths] est un droit commun, que chacun peut utiliser, et dont aucun homme de 'Ilm et de Nazar (صاحب علم ونظر) ne peut être privé. L'inflexible loi municipale du "One way traffic"* – "Ici les véhicules peuvent seulement aller dans ce sens, mais pas venir dans l'autre sens" – ne peut pas être appliquée à la critique correcte et à l'honnête expression de la pensée" (Asr-é hâdhir mein dîn kî taf'hîm-o-tashrîh, p. 8) (* en anglais dans le texte).

Et il écrit :
"Que l'on m'excuse, (mais) la règle du "One way traffic"* ("Sens unique") relative au domaine des transports, n'est pas applicable à la critique faite sur la base du 'Ilm, à la recherche des choses les plus profitables, et aux résultats de la pensée et de l'étude" (Ibid., p. 29) (* en anglais dans le texte).

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La phrase qui suit, an-Nadwî ne l'a pas dite, c'est moi qui la rajoute :
Il n'y a pas non plus que la critique puisse
se faire par un discours ou un écrit ("Certains disent ainsi, or cela est faux... !") ("ما بال رجال يقولون كذا وكذا") quand elle vient dans tel Sens, mais doive impérativement, si elle veut venir dans l'autre Sens, se faire en venant "en discuter autour d'une table".

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3') Il faut un minimum de Science Islamique et de Connaissance des Principes d'Interprétation (أصول الاستنباط) pour pouvoir faire de la critique 'Ilmî :

Tout musulman (qu'il soit 'Âlim ou 'Âmî) peut (et doit) faire la critique d'une erreur qui est évidente (ma'lûm min ad-dîn dharûratan) (par exemple de l'avis d'un pseudo-muftî qui dirait que le port du foulard n'est plus obligatoire pour la musulmane).

Cependant, pour les questions moins évidentes, il est nécessaire d'avoir des Connaissances plus approfondies. Oui, même une erreur de ce genre, un musulman n'ayant pas fait d'études en sciences islamiques peut la remarquer chez quelqu'un ayant fait des études en sciences islamiques, et donc la lui faire remarquer. Cependant, s'improviser critique de tout avis et tirer sur tout ce qui bouge au motif du "Moi aussi je sais", on en voit le résultat devant nous : des musulmans qui croient rétablir le vrai alors que ce sont eux qui racontent n'importe quoi. C'est ce qu'on appelle al-jahl ul-murakkab : "être ignorant, et ignorer qu'on est ignorant".
Lire :
Un point traité dans le livre مفهوم الافتراق de Dr al-Aql : Parmi les causes de la division de la Umma aujourd'hui, il y a le fait que certains s'improvisent mujtahids à partir de ce qu'ils étudient de façon autodidacte. N'ayant pas de profondeur dans la connaissance, ils traitent alors d'égarés les ulémas qui sont d'un avis différent sur un point pourtant ijtihâdî.

Ceci car, sur chaque point, ce n'est pas toujours l'avis fondé sur la seule littéralité d'un Texte qui est le seul avis possible :
--- Chaque croyance pure, ainsi que le statut de chaque action, cela est fixe (muta'ayyan) auprès de Dieu. Le ijtihad consiste à faire l'effort de trouver cela, éventuellement en interaction avec le Réel - Mais possèdes-tu les compétences nécessaires pour te prononcer au sujet de la question quant à laquelle tu donnes un avis (que ce soit une question de Tafsîr du Coran, des Ussûl ul-hadîth, de la 'Aqîda pure ou du Fiqh, etc.) ? ;
--- 1) Sais-tu dire : "لا أدري", "Je ne sais pas" ? - 2) Sais-tu renvoyer à autre que toi ? - 3) Sais-tu citer la source de la recherche que tu cites ? - 4) Au cas où tu t'aperçois que tu t'es trompé, parviens-tu à délaisser ce dont tu sais maintenant que cela est erroné, et adopter ce qui est juste ? ;

--- Lorsqu'il y a divergence d'interprétations ou d'opinions entre les mujtahidûn, chaque avis est-il juste (صواب) ? ;
--- Quand il y a divergence d'interprétations ou d'avis entre les mujtahidûn, l'avis qui est juste (swawâb) peut-il toujours être distingué de façon qat'î ? - L'existence d'interprétations divergentes entre les ulémas est-ce une miséricorde (رحمة), ou un problème ?! ;
--- Quand le seul avis d'ordre Dînî qui est correct peut être déterminée de façon qat'î (tranchée) - Et quand le seul avis correct ne peut être déterminé que de façon zannî (supposée) ;

--- Des preuves, dans les Hadîths et les Âthâr, de l'existence des différents degrés de divergence que nous avons exposés (صور مذكورة في الأحاديث والآثار، تندرج تحت الدرجات المتعددة للاختلافات) ;
--- Dans l'ensemble des propos que tiennent ceux qui se réclament de l'islam, qu'est-ce qui fait la différence entre : - le propos de kufr akbar ; - le propos de dhalâl ; - l'erreur ijtihâdî qat'î ; - et l'erreur ijtihâdî zannî ? ;

--- Ahl ul-Hadîth et Ahl ur-Ra'y : deux écoles interprétatives ;
--- Quand il y a 2 façons de concilier une règle générale et un hadîth particulier - Sur une question donnée, il existe un hadîth authentique ; cependant, ce hadîth peut parfois être compris selon un sens différent du seul sens littéral (ظاهر) ;
--- Abû Hanîfa, les Hadîths et les interprétations qu'il en faisait ;
--- Lorsque Abu-d-Dardâ' écrivit à Salmân : "Viens dans la terre sanctifiée [Shâm] !"... Salmân lui répondit alors : "Une terre ne sanctifie personne. Ce n'est que l'action de l'homme qui le sanctifie" (Mâlik) - أهل علم الدين درجات في فهم نصوص الدين - ;

--- Lorsque l'applicabilité d'une règle (mahkûm bih) à une action (mahkûm 'alayh), cela est stipulé dans les textes de façon générale et inconditionnelle, alors qu'en fait l'applicabilité de cette règle à cette action est restreinte, eu égard au principe la motivant (تخصيص حكم النص بالتعليل) – Relativiser l'applicabilité d'une règle en la restreignant à un sujet / un objet / un contexte précis ;
--- Quelques passages du Coran où ce qui est dit (hukm, حكم) au sujet d'une chose X (mahkûm 'alayh, محكوم عليه) est en réalité dû à la présence d'un principe motivant (manât /'illa) (مَناط/ عِلّة) dans la réalité de cette chose X. Ce qui fait que le propos (حكم) concerne en réalité un thème (mahkûm 'alayh, محكوم عليه) plus restreint (أَخَصّ) que ce que la littéralité du texte (ظاهر اللفظ) laissait croire (1/5) (تخصيص) ;
--- Quelques paroles du Prophète (sur lui soit la paix) où ce qu'il a dit (hukm, حكم) au sujet d'une chose X (mahkûm 'alayh, محكوم عليه) est en réalité dû à la présence d'un principe motivant (manât /'illa) (مَناط/ عِلّة) dans la réalité de cette chose X. Ce qui fait que le propos (حكم) concerne en réalité un thème (mahkûm 'alayh, محكوم عليه) plus restreint (أَخَصّ) que ce que la littéralité du texte (ظاهر اللفظ) laissait croire (3/5) (تخصيص) ;
--- Exemples d'équivalents ou "presque équivalents" Universels (4/5) (تعدية الصلاحية) ;
--- Exemples d'équivalents ou "presque équivalents" liés à un contexte différent de celui de l'Arabie (5/5) (تعدية الصلاحية).

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3'') A ces musulmans qui affirment que, bien que n'ayant pour leur part pas étudié les Sciences Islamiques, ils ont eux aussi la prérogative de faire l'interprétation du Coran et de la Sunna, et de diffuser la critique de toute autre interprétation, vu qu'"il n'y a pas de clergé en islam", Muftî Taqî Uthmânî répond ainsi :

"Cette remarque est tout à fait comparable à celle que quelqu'un qui jamais n'a vu un lieu d'enseignement de la médecine ferait en disant : "Pourquoi seuls ceux qui sont diplômés de tels lieux peuvent exercer la médecine dans ce pays ? Moi aussi, en tant qu'humain, j'ai ce droit"" (Islâm aur jiddat passandî, p. 63).

Mettant en relief la différence entre les Ulémas et l'Institution Brahmanique (les Brahmanes étant la caste des hommes religieux dans l'hindouisme), Muftî Taqî dit :
"Les Brahmanes (...) constituent une caste liée à l'ascendance. Une personne n'appartenant pas à cette classe ne peut pas pas y être admis, malgré toutes les compétences qu'elle peut avoir. (...)
Alors que
"'Âlim" est le qualificatif que, pour l'acquérir, il n'y a la condition d'aucune couleur de peau et aucune ascendance particulière. Durant ces 14 siècles d'histoire de l'Islam, il y a eu des Ulémas de toutes les couleurs de peau et de toutes les ascendances. Il y a même eu de grands Ulémas qui étaient des esclaves. Et ils ont été reconnus comme autorité dans leur pays et leur peuple. Leur valeur a toujours été causée par leur 'Ilm et leur Taqwâ. Et non pas par l'appartenance à une famille particulière" (Ibid., p. 62).

Quant à la différence avec le Clergé catholique, elle réside primo dans le fait que le Clergé est institutionnalisé, et secundo dans le fait que ce que, au sein du Clergé, une fois que le Pape décrète, cela est considéré comme la décision de Dieu.

Or, primo, il n'existe pas une institution nommée : "le groupe des ulémas" : ""Ulémas" n'est pas le nom donné à une personne qui est le dirigeant d'une organisation. Toute personne qui a acquis la science de l'islam sur des bases correctes est un 'Âlim et un Hériter du Messager, que la paix soit sur lui" (Islâm aur jiddat passandî, p. 63).

Et, secundo, "les Ahkâm du Coran et des Hadîths sont globaux, et leurs règles et principes sont préservés tels qu'ils étaient. Si un 'Alim délivre un avis qui contredit ces règles et principes, les autres ulémas ont été là, et sont là, et lui font remarquer son erreur" (Ibid., p. 62). "Dans l'ijtihad en islam [= l'effort de recherche], la façon de procéder n'est pas d'établir une institution à laquelle le pouvoir de décision tranchée (qat'î) serait donné. Ce qu'il y a c'est que, tout avis dînî d'un 'âlim qui apparaît suite à son ijtihad [= effort de recherche], les autres ulémas ont l'entière liberté d'en faire la critique ; et à la fin, sur la base du Coran et de la Sunna," les critiques révèlent que cela constitue une erreur qat'î, ou bien un avis possible (sâ'ïgh) (Islâm aur jiddat passandî, p. 94).
Et ce genre de critique ne peut pas, si on est réellement fidèle à l'éthique islamique, être ciblé vers celui qui n'appartient pas au même groupe que nous, alors que, pour le même avis que l'on critique chez X aujourd'hui, on le tolère chez Y, car "Y fait partie de mes amis". Ibn Taymiyya a rappelé cette évidence en ces termes : "Ou bien lorsque c'est un homme qu'il a en inimitié qui fait certaines choses qui font l'objet d'avis divergents (comme le fait de boire le nabîdh qui fait l'objet d'opinions divergentes, ou de jouer aux échecs, ou d'assister à un samâ'), il dit : "Il faudrait boycotter cet (homme) et dénoncer ce qu'il fait !" Puis quand c'est son ami qui fait cela, il se met à exprimer comme croyance que : "Cela fait partie des questions ijtihâdî, à propos desquelles il n'y a pas de blâme !" Une telle personne, il est donc possible dans sa croyance que quelque chose soit à la fois licite et illicite, à la fois obligatoire et non-obligatoire : selon son envie ! Cette (personne) est blâmable et sort de la 'adâla" : "أو إذا كان له عدو يفعل بعض الأمور المختلف فيها كشرب النبيذ المختلف فيه ولعب الشطرنج وحضور السماع، أن هذا ينبغي أن يهجر وينكر عليه؛ فإذا فعل ذلك صديقه اعتقد ذلك من مسائل الاجتهاد التي لا تنكر. فمثل هذا ممكن في اعتقاده حل الشيء وحرمته ووجوبه وسقوطه بحسب هواه! هو مذموم بخروجه خارج عن العدالة. وقد نص أحمد وغيره على أن هذا لا يجوز" (MF 20/220-221).

Les autorités du Pakistan avaient, en l'an 1404 (1983), proposé aux grands ulémas de leur pays de mettre en place un institut pour l'émission d'avis sur des points dînî. Invité lui aussi, Muftî Taqî Uthmânî fit alors un discours ; il y dit qu'il trouvait que la démarche "était bien" ("atchî bât hé"), mais il tint à faire quelques précisions. D'une part il rappela qu'"il serait erroné de croire que avant cela les ulémas ne faisaient pas d'ijtihad [= effort de recherche]. Le type d'ijtihad qui est requis, avant cela (les ulémas) le faisaient déjà, et dans le futur ils le feront encore." Puis : "J'ai à faire une déclaration de principe : Regardez dans toute l'histoire de ces 14 siècles, il vous apparaîtra que l'Islam n'a pas, comme le Catholicisme, mis en place une Organisation d'Autorité (Clergé *) pour l'ijtihad [= l'effort de recherche]. Une institution qui est telle que sa parole serait Parole Finale et après celle-ci personne n'aurait plus le droit de rien dire, une pareille institution vous ne trouverez pas en Islam. C'est dans le Catholicisme que lorsque le Pape dit quelque chose et interprète la religion, personne ne peut ensuite plus rien dire sur le sujet ; il est considéré comme au-dessus de toute erreur (…) C'est pourquoi, si en mettant en place une Structure pour l'ijtihad on a cette impression que cela sera une Institution d'ijtihad qui aura le statut de Parole Finale ("harf-é âkhir") et ensuite pour les autres ulémas il ne sera plus possible d'émettre un avis différent, cela n'est à mon avis pas non plus correct" (Islam aur djiddat passandî, pp. 94-95). (* en anglais dans le texte).

Oui, il existe bien le Consensus.
Cependant, le Consensus dont les textes parlent est le Consensus de tous les Mujtahidûn de toute la Umma ; et non pas celui des Ahl ul-'Ilm d'un pays donné.
Et ce genre de Consensus de toute la Umma est en théorie possible à toute époque, cependant, comme Ibn Taymiyya l'a écrit (déjà cité plus haut, en arabe), le Consensus qui peut être vérifié est seulement celui des Premières Générations ; car, ensuite, la Umma est devenue beaucoup trop dispersée spatialement [et, en même temps, trop nombreuse] pour qu'un nouveau Consensus puisse voir le jour.

Oui, il est bien mieux, pour qu'un avis soit émis, que cela soit fait suite à une consultation avec les autres grands ulémas, plutôt que cela soit émis suite à une recherche personnelle : "عن علي قال: قلت: يا رسول الله، إن نزل بنا أمر ليس فيه بيان، أمر ولا نهي، فما تأمرنا؟ قال: "تُشاوِرُون الفقهاء والعابدين، ولا تمضوا فيه رأي خاصة" (Al-Mu'jam al-awsat, at-Tabarânî, 1618), et Muftî Taqî a cité ce hadîth (sans le "و") (op. cit., p. 95).
Cependant, le concept de la consultation est beaucoup plus vaste que ce qui est pour sa part porté à la connaissance du public ("Nous nous étions réunis tel jour en tel lieu").

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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