Le terme "Dîn" a été employé dans le Coran au travers (entre autres) des formules suivantes : "دِين الْمَلِكِ", "دِين أَهْل الْكِتَابِ", "دِين اللَّهِ". Que signifie donc le terme coranique "Dîn" ?

A l'origine, "Dîn" signifie : "se conformer à", "se comporter". Il signifie aussi : "prendre le compte de quelqu'un" (المحاسبة) (comme dans le hadîth : "الكَيِّسُ مَنْ دَانَ نَفْسَه"). Il signifie ensuite : "rétribution" (الجزاء). On trouve le premier et le troisième de ces sens dans le célèbre proverbe arabe : "كما تدين تدان" : "A la façon dont tu agis, on agira avec toi". Al-Bukhârî écrit : "والدين: الجزاء في الخير والشر، "كما تدين تدان". وقال مجاهد: {بالدين}: بالحساب، {مدينين}: محاسبين" (Sahîh ul-Bukhârî).

Ensuite le terme "Dîn" a été emprunté pour désigner la Voie, la Doctrine, le Code pour Agir (تسمية السبب باسم المسبّب، أو: علاقة مسبّبيّة). Al-Asfahânî écrit : الدين يقال للطاعة والجزاء، واستعير للشريعة" (Muf'radât ar-Râghib). L'islam est donc lui aussi un Dîn : la Voie de croyances et d'actions que Dieu agrée.

--- Cette Voie que Dieu agrée est donc elle-même appelée : "Dîn" ;

--- Et le fait d'adopter et de pratiquer le contenu de cette Voie est lui aussi appelé "Dîn" (en tant que nom d'action, masdar, du verbe "dâna / yadînu").

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Sens 1) On voit que, en soi, "دانَ / يَدِيْن / دِيْنًا" est synonyme de : "خَضَعَ / يَخضَع / خُضُوعًا", "se conformer à" (comme dans le verset : "وَلاَ يَدِينُونَ دِينَ الْحَقِّ"). Ibn Taymiyya écrit : "و"الدين" يتضمن معنى الخضوع والذل. يقال: "دنته فدان" أي: ذللته فذل" (MF 10/152 ; Al-'Ubûdiyya, p. 33).

--- Par extension, "دانَ / يَدِيْن / دِيْنًا" signifie : "عَمِل / يَعْمَل / عَمَلًا", "agir", "se conduire", "se comporter"(comme dans le proverbe arabe : "كما تَدِيْنُ تُدَانُ").

--- De façon plus particulière, "دانَ / يَدِيْن / دِيْنًا" est synonyme de : "عَبَد / يَعْبُد / عِبَادَةً" : "adorer ; rendre le culte à". On le voit dans ce verset : "إِنَّا أَنزَلْنَا إِلَيْكَ الْكِتَابَ بِالْحَقِّ فَاعْبُدِ اللَّهَ مُخْلِصًا لَّهُ الدِّينَ. أَلَا لِلَّهِ الدِّينُ الْخَالِصُ" (Coran 39/2-3) : "له الدين": أي الطاعة، وقيل: العبادة، وهو مفعول به" (Tafsîr ul-Qurtubî). Ibn Taymiyya écrit : "والدين يتضمن معنى الخضوع والذل؛ يقال: دنته فدان أي: ذللته فذل؛ ويقال يدين الله ويدين لله؛ أي: يعبد الله ويطيعه ويخضع له. فدين الله عبادته وطاعته والخضوع له" (MF 10/157). At-Tahâwî écrit au tout début de sa 'Aqîda : "هذا ذكر بيان عقيدة أهل السنة والجماعة على مذهب فقهاء الملة أبي حنيفة النعمان بن ثابت الكوفي وأبي يوسف يعقوب بن إبراهيم الأنصاري وأبي عبد الله محمد بن الحسن الشيباني رضوان الله عليهم أجمعين وما يعتقدون من أصول الدين ويدينون به رب العالمين" ('Aqîdat ut-Tahâwî).


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Sens 2) Quant à "الدِيْن", il signifie en soi : "ما به يُدانُ" : "la voie de l'agir", "الشريعة" (il y a donc ici un تسمية السبب باسم المسبّب، أو: علاقة مسبّبيّة). Il s'agit de la voie d'agir que quelqu'un a adoptée, quelle que soit la nature de cet agir : "طريق العَمَل". Cela a le même sens que Sharî'a.


--- De façon plus particulière, "الدِيْن" signifie : "le moyen par lequel on rend le culte à quelque chose" : "ما به يُعْبَدُ المَعبُوْد".

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I) "Dîn" (au sens, 2, de : "ما به يُدانُ" : "تسمية السبب باسم المسبّب، أو: علاقة مسبّبيّة") signifie donc : "Voie ; Doctrine ; Code de conduite" : "طريق العَمَل".

"أَمْ لَهُمْ شُرَكَاء شَرَعُوا لَهُم مِّنَ الدِّينِ مَا لَمْ يَأْذَن بِهِ اللَّهُ" : "Auraient-ils des associés qui leur auraient tracé comme Dîn ce que Dieu n'a pas autorisé ?" (Coran 42/21).

– Juste après avoir embrassé l'islam, Thumâma ibn Uthâl dit au Prophète (sur lui soit la paix) : "والله ما كان من دين أبغض إلي من دينك، فأصبح دينك أحب الدين كله إلي" : "Par Dieu, il n'y avait pas de Dîn qui me soit plus détesté que ton Dîn. Maintenant ton Dîn est devenu celui de tous les Dîn qui m'est le plus aimé" (Muslim 1764, al-Bukhârî).

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II) Dès lors, ce qui constitue la Voie que Dieu agrée ("ما به يُدانُ الله" / "ما به يُعْبَدُ الله"), cela est nommé : "Dîn de Dieu" :

"إِذَا جَاء نَصْرُ اللَّهِ وَالْفَتْحُ {110/1} وَرَأَيْتَ النَّاسَ يَدْخُلُونَ فِي دِينِ اللَّهِ أَفْوَاجًا {110/2} فَسَبِّحْ بِحَمْدِ رَبِّكَ وَاسْتَغْفِرْهُ إِنَّهُ كَانَ تَوَّابًا {110/3}" :
"Lorsque vient l'aide de Dieu et la victoire [sur la cité de La Mecque] et que tu vois les hommes entrer par groupes entiers dans le Dîn de Dieu, alors [sache que ta mission est accomplie et que ton retour est proche, aussi] proclame la Pureté de ton Seigneur avec Sa Louange, et demande-Lui Pardon, il est Pardonnant"
(Coran 110/1-3)
.

"إِنَّ الدِّينَ عِندَ اللّهِ الإِسْلاَمُ" : "Le Dîn [agréé] auprès de Dieu, c'est l'islam" (Coran 3/19).

"وَمَن يَبْتَغِ غَيْرَ الإِسْلاَمِ دِينًا فَلَن يُقْبَلَ مِنْهُ وَهُوَ فِي الآخِرَةِ مِنَ الْخَاسِرِينَ" (Coran 3/85).

"أَفَغَيْرَ دِينِ اللّهِ يَبْغُونَ وَلَهُ أَسْلَمَ مَن فِي السَّمَاوَاتِ وَالأَرْضِ طَوْعًا وَكَرْهًا وَإِلَيْهِ يُرْجَعُونَ" :
"Autre chose que le Dîn de Dieu rechercheraient-ils, alors qu'à Lui se sont soumis ceux qui ceux dans les cieux et (ceux qui sont) sur la Terre, de gré ou de force, et vers Lui ils seront ramenés ?"
(Coran 3/83)
.

"الْيَوْمَ أَكْمَلْتُ لَكُمْ دِينَكُمْ وَأَتْمَمْتُ عَلَيْكُمْ نِعْمَتِي وَرَضِيتُ لَكُمُ الإِسْلاَمَ دِينًا" :
"Aujourd'hui J'ai parachevé pour vous votre Dîn, ai complété sur vous Mon Bienfait, et J'ai agréé pour vous l'islam en tant que Dîn" (Coran 5/3)
. Ici le terme "Dîn" a été annexé au pronom "vous".

"هُوَ الَّذِي أَرْسَلَ رَسُولَهُ بِالْهُدَى وَدِينِ الْحَقِّ لِيُظْهِرَهُ عَلَى الدِّينِ كُلِّهِ" (Coran 9/33 ; 48/28 ; 61/9).

"لاَ إِكْرَاهَ فِي الدِّينِ قَد تَّبَيَّنَ الرُّشْدُ مِنَ الْغَيِّ" : "Pas de contrainte (pour faire entrer quelqu'un) dans le Dîn. La vérité s'est (suffisamment) distinguée de l'erreur" (Coran 2/256). Ce verset n'est nullement abrogé.

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Le Dîn ullâh consiste en l'ensemble des enseignements de la Voie apportée par le prophète Muhammad (sur lui soit la paix).

Et comment connaître chacun de ces enseignements ?
Ce Dîn sera connu en se référant à deux sources : le Coran et les Hadîths. Cheikh Thânwî écrit : "Le Dîn, cela est [déterminé par] le Coran et les Hadîths. Le fait de suivre une école juridique précise a cela même comme objectif : pratiquer avec facilité et sécurité le Coran et les Hadîths" (Ijtihâd-o-taqlîd kâ âkhirî fayssla, p. 46).

Ce Dîn est une Voie Droite : "أَمَرَ أَلاَّ تَعْبُدُواْ إِلاَّ إِيَّاهُ ذَلِكَ الدِّينُ الْقَيِّمُ" (Coran 12/40). Et cette Voie mène jusqu'à Dieu : "Et jusqu'à Dieu (mène) le chemin droit. Et comme voie il en est qui sont déviantes. Et si Dieu l'avait voulu, Il vous aurait tous guidés" : "وَعَلَى اللَّهِ قَصْدُ السَّبِيلِ وَمِنْهَا جَائِرٌ وَلَوْ شَاءَ لَهَدَاكُمْ أَجْمَعِينَ" (Coran 16/9) ("أي: موصلة إليه، ليست حائدة ولا جائرة عن الوصول إليه وإلى مرضاته، (ومنها جائر) أي: ومن الطريق جائر لا يصل إلى الله، بل هو زائغ وحائد عن الوصول إليه" : Adhwâ' ul-bayân).

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Considéré de façon individuelle, chaque enseignement de cette Voie est un élément constitutif du : "Dîn ullâh".

Ainsi : "وَلَا تَأْخُذْكُم بِهِمَا رَأْفَةٌ فِي دِينِ اللَّهِ إِن كُنتُمْ تُؤْمِنُونَ بِاللَّهِ وَالْيَوْمِ الْآخِرِ". Ash-Shawkânî commente : "ومعنى {في دين الله}: في طاعته وحكمه" (Fat'h ul-qadîr). "فِي دِينِ اللَّهِ" signifie ici : soit : "في إطاعتكم اللهَ" ("dans le fait pour vous d'obéir à Dieu") ; soit : "حول هذا الأمر الذي شرعه الله" ("au sujet de cet élément relevant des prescriptions faites par Dieu").

Chaque enseignement du Dîn relève donc du "chemin droit" : "خَصْمَانِ بَغَى بَعْضُنَا عَلَى بَعْضٍ فَاحْكُم بَيْنَنَا بِالْحَقِّ وَلَا تُشْطِطْ وَاهْدِنَا إِلَى سَوَاء الصِّرَاطِ" (c'est le propos des deux disputeurs s'étant rendus auprès du prophète-roi David, sur lui soit la paix, lui demandant de leur montrer ce qui est correct dans le litige qui les opposait).

C'est pourquoi la Bid'a est "ce qui est rajouté alors que fait comme relevant du Dîn de Dieu". Si l'élément nouveau est fait en tant qu'élément purement 'âdî, cela n'est pas Bid'a. (--- Que signifie "rendre telle action que l'on fait" : "une action de 'Âdah (une action temporelle)", ou, au contraire : "une action de 'Ibâda (une action spirituelle)" ? ما معنى جعل العمل عبادةً أو عادةً ؟)

C'est également pourquoi ce que le Prophète (sur lui soit la paix) a fait 'âdatan wa layssa ta'abbudan, cela ne relève pas du Dîn qu'il a apporté : cela reste donc mubâh : celui qui veut le faire le fait, et celui qui ne veut pas le faire ne perd rien non plus.

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Ensuite, au sein du Dîn ullâh, il faut distinguer :

--- les Ussûl ud-Dîn : c'est l'ensemble des croyances en ce qui constitue le Dîn, y compris les croyances relatives aux actions extérieures ;
--- les Furû' ud-Dîn : c'est l'ensemble des agir concrets correspondant à ces croyances. (Car il arrive que le musulman sache et croie que telle action est interdite, mais la commette quand même, par faiblesse.) Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "عن كعب بن مالك الأنصاري قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما ذئبان جائعان أرسلا في غنم بأفسد لها من حرص المرء على المال والشرف لدينه" (at-Tirmidhî, 2376). Aïcha dit : "وكان أحب الدين إليه مادام عليه صاحبه" (al-Bukhârî, Muslim, 785).

Selon une autre perspective, il existe, au sein du Dîn :

--- le Asl ud-Dîn : cela consiste en l'adhésion concrète au minimum du Dîn, en-deça duquel l'homme est dans le Kufr Akbar ;
--- le Kamâl ud-Dîn : cela consiste en le fait d'adopter en croyances et de pratiquer : tout ce que le Dîn dit (c'est-à-dire la partie des enseignements du Dîn qui concerne le musulman par rapport au lieu, au moment et au contexte dans lequel il vit).
Lire :

Que signifie "avoir le Dîn Kâmil" ("le Dîn complet") ? ;
La Foi (الإيمان), le Dîn, est comparable à un arbre : ses racines sont ancrées dans le sol ; son tronc et ses branches s'élèvent en hauteur, alimentées de l'intérieur par la sève ; le tout produit ombrage et fruits ;
Recherche le Chemin qui mène jusqu'à Dieu - Prends-le - Puis avance - Ainsi tu te rapprocheras de Dieu (الله تبارك وتعالى).

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Un exemple :

Enoncer comme norme un propos qui est contraire à ce que la Loi de Dieu dit (par exemple déclarer licite ce que Dieu a dit illicite, ou déclarer illicite ce que Dieu a dit licite, ou déclarer non-obligatoire ce que Dieu a décrété obligatoire, ou déterminer un autre moyen que celui que Dieu a déterminé pour réaliser tel objectif), cela est acte de kufr akbar, car revenant à réfuter un point du Dîn ullâh ; cela à condition que la loi de Dieu en question soit "معلوم من الدين ضرورةً" : "évidemment sue comme faisant partie du Dîn", ce qui entraîne que cela relève du Asl ud-Dîn. Car si elle est d'un degré moindre, la réfuter est grave mais ne va pas jusqu'à constituer du kufr akbar.

C'est bien ce que 'Alî ibn Abî Tâlib dit au sujet de ces musulmans de Shâm qui, sous le califat de Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu les agrée tous deux) s'étaient mis à déclarer la consommation de vin "autorisée pour les pieux" : " عن علي، قال: شرب قوم من أهل الشام الخمر وعليهم يزيد بن أبي سفيان، وقالوا: هي لنا حلال، وتأولوا هذه الآية: {ليس على الذين آمنوا وعملوا الصالحات جناح فيما طعموا}، قال: وكتب فيهم إلى عمر. فكتب أن "ابعث بهم إلي قبل أن يفسدوا من قبلك." فلما قدموا على عمر استشار فيهم الناس، فقالوا: "يا أمير المؤمنين، نرى أنهم قد كذبوا على الله وشرعوا في دينهم ما لم يأذن به الله، فاضرب رقابهم"؛ وعلِيّ ساكت، فقال: "ما تقول يا أبا الحسن فيهم"، قال: "أرى أن تستتيبه؛ فإن تابوا، جلدتهم ثمانين لشرب الخمر؛ وإن لم يتوبوا، ضربتَ رقابهم، قد كذبوا على الله وشرعوا في دينهم ما لم يأذن به الله." فاستتابهم فتابوا، فضربهم ثمانين ثمانين".
Ces musulmans avaient fondé leur interprétation sur un verset, qu'ils avaient mal compris. Omar ibn ul-Khattâb consulta alors d'autres Compagnons au sujet de ce qu'ils devaient faire par rapport aux tenants de cette fausse interprétation. Alî proposa qu'on devait les faire revenir sur ce point, et que s'ils persistaient dans leur affirmation, ils seraient considérés comme ayant quitté l'islam par le fait d'avoir menti au sujet de Dieu en ayant instauré, dans leur Dîn, ce que Dieu n'a pas autorisé qu'on l'instaure. Omar retint le conseil de Alî et agi selon celui-ci (Mussannaf Ibn Abî Shayba, n° 28409.

Voyez, ici encore, l'utilisation du terme "Dîn".

La même chose est valable au sujet de ces musulmans qui, après le décès du Prophète (sur lui soit la paix), sous le califat de Abû Bakr, se mirent à dire que le paiement de la zakât n'était plus du tout une obligation [ils étaient dans le cas 4.1 selon la classification adoptée dans notre article traitant des Mâni'u-z-zakât]. "عن أبي هريرة رضي الله عنه، قال: لما توفي رسول الله صلى الله عليه وسلم وكان أبو بكر رضي الله عنه، وكفر من كفر من العرب، فقال عمر رضي الله عنه: "كيف تقاتل الناس وقد قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أمرت أن أقاتل الناس حتى يقولوا: لا إله إلا الله، فمن قالها فقد عصم مني ماله ونفسه إلا بحقه، وحسابه على الله"؟" فقال [أبو بكر]: "والله لأقاتلن من فرق بين الصلاة والزكاة، فإن الزكاة حق المال! والله لو منعوني عناقا كانوا يؤدونها إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم لقاتلتهم على منعها." قال عمر رضي الله عنه: "فوالله ما هو إلا أن قد شرح الله صدر أبي بكر رضي الله عنه، فعرفت أنه الحق" (al-Bukhârî, 1335, Muslim, 20). Ils avaient fondé leur avis sur une fausse interprétation d'un verset ("وصنف منعوا الزكاة وتأولوا قوله تعالى "خذ من أموالهم صدقة تطهرهم وتزكيهم بها وصل عليهم إن صلاتك سكن لهم" فزعموا أن دفع الزكاة خاص به صلى الله عليه وسلم، لأن غيره لا يطهرهم ولا يصلي عليهم، فكيف تكون صلاته سكنا لهم. وإنما أراد عمر بقوله "(كيف) تقاتل الناس": [هذا] الصنف" (Fat'h ul-bârî 12/347). Ils adoptèrent là une interprétation constituant du kufr akbar ("والمراد بــ"الفرق": من أقر بالصلاة وأنكر الزكاة جاحدا أو مانعا مع الاعتراف. وإنما أطلق في أول القصة "الكفر" ليشمل الصنفين، فهو في حق من جحد: حقيقة؛ وفي حق الآخرين: مجاز تغليبا" : Fat'h ul-bârî 12/347). Cependant, ils étaient ignorants, et Abû Bakr ne les a donc pas considérés kafir bi-l-'ayn tant que iqâmat ul-hujja n'eut pas lieu ("والذين تمسكوا بأصل الإسلام ومنعوا الزكاة بالشبهة التي ذكروها، لم يحكم عليهم بالكفر قبل إقامة الحجة" (Fat'h ul-bârî 12/350).

La norme "autorisé", ou "interdit", ou "à faire", qu'il attribue à quelque chose de façon contraire à ce que Dieu lui a attribué, même si ce n'est pas à Dieu que quelqu'un attribue cette norme (et même s'il ne dit donc pas : "Cela est autorisé pour l'homme dans le Dîn de Dieu") mais qu'il dit seulement : "Cela est autorisé pour l'homme", même alors, cela constitue une parole de kufr akbar. En effet, Dieu en dit que cela est interdit, et lui en dit que cela est autorisé : cela revient donc à réfuter (juhûd) le hukm que Dieu a appliqué à cette chose.

Al-Jassâs al-hanafî écrit, commentant les versets coraniques 4/60-70 : "وفي هذه الآية دلالة على أن من رَدَّ شيئا من أوامر الله تعالى أو أوامر رسوله صلى الله عليه وسلم، فهو خارج من الإسلام؛ سواء رده من جهة الشك فيه، أو من جهة ترك القبول والامتناع من التسليم. وذلك يوجب صحة ما ذهب إليه الصحابة في حكمهم بارتداد من امتنع من أداء الزكاة (...)، لأن الله تعالى حكم بأن من لم يسلم للنبي صلى الله عليه وسلم قضاءه وحكمه فليس من أهل الإيمان" (Ahkâm ul-qur'ân, al-Jassâs).

Ibnu Abi-l-'Izz écrit quant à lui : "فلا خلاف بين المسلمين أن الرجل لو أظهر إنكار الواجبات الظاهرة المتواترة والمحرمات الظاهرة المتواترة ونحو ذلك، فإنه يستتاب، فإن تاب، وإلا [عدّ] كافرا مرتدا" (Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, tome 2 p. 433 : dans l'original, entre les crochets que j'ai rajoutés figure un autre mot, que j'ai remplacé par "عدّ").

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Dès lors :

Adopter en croyances le fondement de, et chaque enseignement essentiel (ma'lûm min'hu dharûratan) de, ce Dîn agréé par Dieu, cela constitue du "دِيْنُ الله" / "Dîn ullâh" au minimum, c'est-à-dire de la "عِبادةُ الله" / "'Ibâda d'Allâh" : "adorer Dieu" en son degré minimal.

Cependant, lire impérativement (afin de ne pas tomber dans le Takfîr facile) ceci :
Il existe différents "recouvrements" du terme "'Ibâda" ("adorer"), dans la formule : "عبادة الله" ("faire la 'Ibâda d'Allâh" : "adorer Dieu") ;
"لآ اِلَـهَ اِلا الله" : L'adhésion au Monothéisme revêt 2 grands Niveaux. En effet, l'action générale : "Adorer Dieu" (عبادة الله) revêt 2 Niveaux : "أصل العبادة", et "كمال العبادة". Et l'action interdite "Associer quelque chose à Dieu" ("إشراك شيء بالله في العبادة") revêt aussi 2 Niveaux : "كفر أكبر", et "فسق صغير" ;
Faire une loi différente de celle que Dieu a révélée, cela est-il systématiquement un acte de kufr akbar ? ;
Le musulman qui (tout en adhérant au message du Prophète Muhammad, sur lui soit la paix) tient un propos de kufr akbar, ne sera pas systématiquement considéré "kâfir" et qualifié de tel – La "إقامة الحُجّة", "Iqâmat ul-hujja" : dans quels cas ? combien de temps doit durer l'explication ? - "نحن دعاة، لا قضاة" : "Nous prêchons, nous ne sommes pas au poste de juge".

Lire aussi (pour éviter une inutile rigidité et pour comprendre que le Dîn englobe plusieurs interprétations pour plusieurs de ses Enseignements) :
"La Shar' ullâh dit telle chose..." : peut-on dire cela de façon absolue quand c'est seulement une déduction d'un Mujtahid, et pas ce que dit explicitement un Verset coranique ou un Hadîth ? - "Faut-il distinguer Sharî'a et Fiqh ?" - "الفرق بين الشرع المنزل، والشرع المؤول، والشرع المبدل".

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En complément du présent article, lire :

"Dîn" / "Dunyâ" : quelle différence entre ce que désigne chacun de ces 2 termes ?.

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III) Par ailleurs, des Voies différentes du Dîn ullâh existent également sur Terre : et ces voies ont été, dans le Coran, nommées elles aussi : "Dîn" :

"يَا أَهْلَ الْكِتَابِ لاَ تَغْلُواْ فِي دِينِكُمْ وَلاَ تَقُولُواْ عَلَى اللّهِ إِلاَّ الْحَقِّ إِنَّمَا الْمَسِيحُ عِيسَى ابْنُ مَرْيَمَ رَسُولُ اللّهِ وَكَلِمَتُهُ أَلْقَاهَا إِلَى مَرْيَمَ وَرُوحٌ مِّنْهُ" : "O Gens du Livre, n'exagérez pas dans votre Dîn et ne dites au sujet de Dieu que la vérité. Le Messie Jésus fils de Marie n'est que le Messager de Dieu, Sa Parole, qu'Il a envoyée vers Marie, et un Esprit venant de Lui" (Coran 4/171).

"لَكُمْ دِينُكُمْ وَلِيَ دِينِ" : ""Dis : (...) "A vous votre Dîn, à moi mon Dîn"" (Coran 109/6).

"كَذَلِكَ كِدْنَا لِيُوسُفَ مَا كَانَ لِيَأْخُذَ أَخَاهُ فِي دِينِ الْمَلِكِ إِلاَّ أَن يَشَاء اللّهُ نَرْفَعُ دَرَجَاتٍ مِّن نَّشَاء وَفَوْقَ كُلِّ ذِي عِلْمٍ عَلِيمٌ" : " Ainsi avons-Nous fait ce stratagème pour Joseph. Il ne pouvait pas prendre son frère dans le Dîn du roi, sauf si Dieu le voulait" (Coran 12/76).
"Dans le Dîn du roi" signifie : "dans la Loi du roi d'Egypte" :
--- "ما كان ليأخذ أخاه في دين الملك} أي ما كان يوسف ليأخذ أخاه بنيامين في دين الملك أي ملك مصر، وفي شريعته التي كان عليها؛ بل كان دينه وقضاؤه أن يضرب السارق ويغرم ضعف ما سرقه؛ دون الاستعباد سنة كما هو دين يعقوب وشريعته" (Fat'h ul-qadîr, ash-Shawkânî). Et : "وقرأ الجمهور رأفة بسكون الهمزة، وقرأ ابن كثير بفتحها، وقرأ ابن جريج رآفة بالمد كفعالة؛ ومعنى {في دين الله}: في طاعته وحكمه، كما في قوله: {ما كان ليأخذ أخاه في دين الملك" (Ibid.).
--- "{ما كان ليأخذ أخاه في دين الملك} أي شرعه وقانونه. والجملة استئناف وتعليل لذلك الكيد وصنعه، أي: ما صح له أن يأخذ أخاه في قضاء الملك. فدبر تعالى ما حكم به إخوة يوسف على السارق، لإيصال يوسف إلى أربه، رحمة منه وفضلا. (...). ويستدل به على جواز تسمية قوانين ملل الكفر "دينا" لها، والآيات في ذلك كثيرة" (Mahâssin ut-Ta'wîl).
C'était là
le Dîn de ce roi hyksos.
Le prophète Joseph (sur lui soit la paix) n'est pas celui qui a fait cette Loi hyksos.
Il n'y a pas non plus adhéré en croyances (faisant siennes les normes qui y figurent).
S'étant retrouvé en Egypte, où c'était cette Loi qui était établie, le prophète Joseph s'est contenté de respecter le cadre de cette Loi, en reconnaissant le caractère établi et légal de celle-ci, pour travailler. Et il a fait ce qu'il a pu.
Faire ainsi ne revient donc pas à adhérer en croyances à cet autre Dîn (c'est y adhérer en croyance qui constituerait du kufr).
Cela ne l'a pas empêché de travailler pour le bien des hommes de cette Société, en demeurant sous ce Système qui fonctionnait selon une autre Loi que la Loi de Dieu en vigueur pour lui, Joseph. Il a alors fait ce qu'il a pu pour apporter à cette Société du bien et de la justice. Cela est normal, car les prophètes ont réformé ce qu'il leur était possible de réformer, selon la situation dans laquelle ils se trouvaient, en fonction d'une échelle donnée.
Ibn Taymiyya écrit : "وكذلك يوسف كان نائبًا لفرعون مصر وهو وقومه مشركون؛ وفعل من العدل والخير ما قدر عليه، ودعاهم إلى الإيمان بحسب الإمكان" (MF 28/67-68). "ومن هذا الباب تولي يوسف الصديق على خزائن الأرض لملك مصر، بل ومسألته أن يجعله على خزائن الأرض، وكان هو وقومه كفارا كما قال تعالى: {ولقد جاءكم يوسف من قبل بالبينات فما زلتم في شك مما جاءكم به} الآية، وقال تعالى عنه: {يا صاحبي السجن أأرباب متفرقون خير أم الله الواحد القهار} {ما تعبدون من دونه إلا أسماء سميتموها أنتم وآباؤكم} الآية. ومعلوم أنه مع كفرهم لا بد أن يكون لهم عادة وسنة في قبض الأموال وصرفها على حاشية الملك وأهل بيته وجنده ورعيته، ولا تكون تلك جارية على سنة الأنبياء وعدلهم. ولم يكن يوسف يمكنه أن يفعل كل ما يريد وهو ما يراه من دين الله، فإن القوم لم يستجيبوا له. لكن فعل الممكن من العدل والإحسان ونال بالسلطان من إكرام المؤمنين من أهل بيته ما لم يكن يمكن أن يناله بدون ذلك. وهذا كله داخل في قوله: {فاتقوا الله ما استطعتم}." (MF 20/56-57).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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