Dans quelle mesure on a besoin de connaître le Réel pour lui appliquer la règle qui convient, nous le verrons ci-dessous.
Il ne saurait cependant s'agir de tenir compte du Réel au point que ce soit ce Réel qui prenne le dessus sur les enseignements Shar'î qui sont qat'î.
Ainsi, on ne saurait, au nom du Réel, déclarer mubâh en soi, pour tout musulman, le fait de faire la bise à sa collègue. On ne saurait non plus, au nom du 'Urf, dire que vu que les corps s'exposent désormais beaucoup, la musulmane n'a plus l'obligation de se couvrir le corps exception faite du visage, des mains, et, d'après un avis, des pieds. Par contre, sur ces deux points, il peut y avoir prise en compte du Réel en terme de Ma'âl et de Tad'rîj (nous y reviendrons en fin d'article).
Certes, la raison humaine doit effectuer un aller-retour entre la Connaissance des Texte et la Connaissances des Savoirs Temporels. Dans certains cas, c'est même la connaissance du Réel et de ses problématiques qui oblige le Muftî à effectuer une recherche plus approfondie de ce que la Shar' enseigne, afin de trouver la solution la meilleure. C'est ce qu'on appelle un mouvement dialectique. Cependant, cet exercice demande un minimum de rigueur scientifique et de crainte de Dieu.
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Il existe ici 5 étapes :
– 1) Connaître ce qui est Shar'î : le Hukm Tak'lîfî (bien compris avec sa 'Illa) ; la Sabab à laquelle ce Hukm est relié ; sa Shart ; son Mâni' : "العلم بالأحكام التكليفية (مع عللها)، وأسبابها وشروطها وموانعها". Ces 4 choses ont été fournis par la Shar' : la règle tak'lîfî (bien comprise avec sa 'illa / manât réelle) ; sa cause ; les conditions de l'applicabilité de cette règle ; les empêchants de l'applicabilité de cette règle (cf. Al-Ihkâm, p. 192). Simplement, l'analogie (qiyâs ut-tamthîl) entre également en jeu pour certaines règles tak'lîfî et pour certaines règles wadh'î (la sababiyya, etc.). Al-Qarâfî appelle ces preuves scripturaires : "أدلة مشروعية الأحكام التكليفية وأسبابها وشروطها وموانعها". Il est à noter qu'il existe des divergences entre les Mujtahidûn au sujet de certains de ces éléments Shar'î, et ce à cause d'interprétations divergentes des Textes de la Shar' les induisant.
– 2) Connaître quels sont les indices de la présence, dans le Réel, de cette Sabab, de cette 'Illa, de cette Shart et de ce Mâni' (العلم بتعيين ما يثبت وجود هذه العلل والأسباب والشروط والموانع في الواقع). Ces preuves et indices ont, pour certains Ahkâm, été déterminés une fois pour toutes dans la Shar' Munazzal ; ont, pour d'autres, été pensés par nos Mujtahidûn ; et relèvent, pour d'autres encore, des simples observation et analyse de la part du 'Âlim. Les preuves par lesquelles le musulman établit la présence de ces causes et conditions, et l'absence d'empêchants, ces preuves, al-Qarâfî les appelle : "أدلة وقوع الأسباب والشروط وعدم وقوع الموانع" (Al-Furûq, farq n° 16). Al-Qarâfî souligne que ces preuves peuvent être autres que celles explicitement spécifiées dans les textes : "وأما أدلة وقوعها فهي غير منحصرة. فالزوال مثلا، دليلُ مشروعيته سببا لوجوب الظهر عنده قولُه تعالى {أقم الصلاة لدلوك الشمس}. ودليلُ وقوع الزوال وحصوله في العالم الآلات الدالة عليه وغير الآلات كالأسطرلاب والميزان وربع الدائرة والشكارية والزرقالية والبنكام والرخامة البسيطة والعيدان المركوزة في الأرض وجميع آلات الظلال وجميع آلات المياه وآلات الطلاب كالطنجهارة وغيرها من آلات الماء وآلات الزمان وعدد تنفس الحيوان إذا قدر بقدر الساعات وغير ذلك من الموضوعات والمخترعات التي لا نهاية لها. وكذلك جميع الأسباب والشروط والموانع لا تتوقف على نصب من جهة الشرع. بل المتوقف سببية السبب وشرطية الشرط ومانعية المانع [1]. أما وقوع [2] هذه الأمور فلا يتوقف على نصب من جهة صاحب الشرع ولا تنحصر تلك الأدلة في عدد ولا يمكن القضاء عليها بالتناهي" (Al-Furûq, farq n° 16). Cependant, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de limites à ce genre d'analogie, puisque al-Qarâfî écrit aussi, par ailleurs, que l'établissement du début des mois lunaires ne peut pas être établi par le calcul, et ce à cause du Ijmâ' ; seule la vision du croissant est la cause valable du début du moins lunaire, et non pas sa visibilité (Al-Furûq, farq n° 102, 2/177).
– 3) Vérifier la présence, ou au contraire l'absence, dans le Réel, de cette Sabab, de cette 'Illa (ou : Manât), de cette Shart, de ce Mâni' (تحقيق وجود العلة والسبب والشرط وعدم وجود المانع في الواقع).
– 4) (Selon la présence ou au contraire l'absence, dans le Réel, des Sabab, 'Illa, Shart, Mâni',) statuer et donner comme avis que le Hukm Tak'lîfî est applicable à ce Réel, ou au contraire ne lui est pas applicable (الإفتاء بتنفيذية أو عدم تنفيذية هذا الحكم التكليفي على هذا الواقع).
– 5) Agir selon ce qui a été ainsi statué (العمل بهذه الفتوى) ; cela est lié à la présence de Taqwâ pour Dieu dans le cœur.
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Lorsque plusieurs situations ont été définies dans la Shar', et que, à chacune de ces Causes (Sabab), une règle particulière est reliée : il s'agit de se demander : Dans quelle situation se trouve-t-on réellement ? et ce eu égard au fait que cette situation constitue la Cause (Sabab) à laquelle telle Règle est liée (تحقيق وجود السبب في الواقع). Cela permettra de déterminer laquelle des règles existant dans la Shar' est applicable :
– Tout cela, c'est le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) lui-même qui en a montré la voie :
– Un premier exemple :
"عن عبد الله بن عمرو بن العاصي قال: كنا عند النبي صلى الله عليه وسلم، فجاء شاب فقال: يا رسول الله، أقبل وأنا صائم؟ قال: "لا". فجاء شيخ فقال: أقبل وأنا صائم؟ قال: "نعم". قال: فنظر بعضنا إلى بعض، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "قد علمت لم نظر بعضكم إلى بعض. إن الشيخ يملك نفسه"
Un jeune homme vint un jour questionner le Prophète (sur lui la paix) au sujet du baiser entre époux pendant le jeûne (est-il alors autorisé, ou pas) : "Messager de Dieu, puis-je embrasser alors que je jeûne ?". Le Prophète lui dit : "Non." Plus tard un autre âgé vint lui demander la même chose : "Puis-je embrasser alors que je jeûne ?". Le Prophète lui dit : "Oui." Abdullâh ibn 'Amr relate : "Nous nous regardâmes alors [tout étonnés]". Le Prophète dit : "Je sais pourquoi vous vous regardez l'un l'autre ! (Mais l'explication à la différence de mes deux réponses est que) l'homme âgé (parvient à) se maîtriser (plus facilement que l'homme jeune) !" (Ahmad, 6700, 7014). Un hadîth voisin existe (mais parlant cette fois d'étreinte) qui se lit ainsi : "عن أبي هريرة أن رجل سأل النبي صلى الله عليه وسلم عن المباشرة للصائم، فرخص له. وأتاه آخر، فسأله، فنهاه. فإذا الذي رخص له شيخ، والذي نهاه شاب" (Abû Dâoûd, 2387).
En fait, en état de jeûne, embrasser ou étreindre la personne avec qui on est mariée, cela est comparable au fait de se gargariser la bouche avec de l'eau : c'est seulement le fait d'avaler cette eau qui annule le jeûne ; faire entrer l'eau jusqu'à sa bouche n'en est que le moyen (muqaddima), et aussi un sas (dharî'a) potentiel ; et tant que cela ne conduit pas concrètement à avaler l'eau, le jeûne reste valide. Pareillement, c'est seulement l'acte sexuel qui annule le jeûne ; quant au fait d'embrasser ou d'étreindre, c'en est le sas (dharî'a) potentiel ; tant que cela ne conduit pas concrètement à aller jusqu'au rapport sexuel complet, le jeûne reste valide. C'est le Prophète (sur lui soit la paix) lui-même qui a fait cette analogie : "عن جابر بن عبد الله قال: قال عمر بن الخطاب: هششت، فقبلت وأنا صائم، فقلت: "يا رسول الله، صنعت اليوم أمرا عظيما: قبلت وأنا صائم." قال: "أرأيت لو مضمضت من الماء، وأنت صائم؟" قال عيسى بن حماد في حديثه: قلت: "لا بأس به!" ثم اتفقا: قال: "فمه" (Abû Dâoûd, 2385).
Par contre, par mesure de précaution, à ceux que cela peut conduire à avoir un rapport complet, il est déconseillé d'embrasser ou d'étreindre en état de jeûne. La règle se comprend donc comme suit : "L'action qui est en soi autorisée (mubâh) pendant le jeûne, c'est seulement si elle est très susceptible de conduire à l'action qui annule le jeûne, que, par sadd ud-dharî'a, elle devient fortement déconseillée ; sinon elle reste autorisée (mubâh)"). Il y a donc 2 'Illa possibles qui se présentent : "risquer de conduire à l'acte sexuel" ; "ne pas risquer d'y conduire".
Et, dans le hadîth suscité, c'est l'âge qui a été érigé en cause (Sabab), car considéré comme mazinnatu wujûd il-'illa : l'âge jeune entraîne le caractère mak'rûh, d'embrasser pendant qu'on jeûne, et l'âge âgé entraîne le caractère mubâh de cet acte (c'est cette mazinna qui a été retenue par certains ulémas).
– Un second exemple :
Arrivé à Médine et voyant des musulmans de sa nouvelle cité procéder à la fécondation (pollinisation) des dattiers femelles à la main, le Prophète (sur lui soit la paix) s'enquit de ce qu'ils faisaient, et, en ayant été informé, leur dit : "Peut-être que si vous ne le faisiez pas, ce serait mieux".
En fait ce qu'il dit là fut le résultat d'un ijtihâd de sa part par rapport au Réel (wâqi').
Le fait est qu'il a dit par ailleurs : "من اكتوى أو استرقى فقد برئ من التوكل" : "Celui qui se fait faire cautériser ou demande une ruqya, celui-là s'est désavoué du Tawakkul" (at-Tirmidhî, 2055). Ici, il est question de se faire cautériser ; et de demander une ruqya qui est en soi autorisée mais n'a pas été enseignée par le Prophète, et cette ruqya pour autre chose que le mauvais oeil, une piqûre d'insecte ou des démangeaisons ("namla"). Et, pour ces deux cas, il y a eu négation de at-tawakkul al-mustahabb seulement. En effet, en cas d'absence de nécessité - hâja -, avoir recours à l'une de ces deux choses est moins bien (khilâf ul-awlâ), quoique autorisé. "من اكتوى" أي: بالغ في أسباب الصحة إلى أن اكتوى من غير ضرورة ملجئة "أو استرقى" أي: بالغ في دفع الأمراض باستعمال الكلمات التي ليست من أسماء الله تعالى وكلمات كتابه ولا من الأدعية المأثورة عن رسوله صلى الله عليه وسلم "فقد برئ من التوكل" أي: سقط من درجة التوكل التي هي أعلى مراتب الكمال" (Mirqât ul-mafâtîh).
Les Mecquois n'étaient pas des cultivateurs mais des commerçants. Et le Prophète pensa que la pollinisation des dattiers à la main n'est pas une cause nécessaire (hâjî) pour l'augmentation des chances d'avoir (bi idhnillâh) une bonne récolte. Il recommanda donc de la délaisser, et de s'en remettre à Dieu, par kamâl ut-tawakkul al-mustahabb.
Ayant été informé de la maigre récolte, il dit sa célèbre parole : "Vous connaissez mieux les affaires de votre dunyâ". Et : "Si cela leur est utile, qu'ils le fassent."
--- Le hukm tak'lîfî est : "Avoir recours à une cause temporelle (sabab dunyawî) qui n'est pas nécessaire sans être interdite, cela est contraire au kamâl ut-tawakkul al-mustahab" ;
--- mais l'application de cette règle aux cas concrets dépend de la connaissance du Réel : "Tel élément du réel possède-t-il un degré de nécessité (hâja) ou pas ?" ;
Et c'est sur le plan de cette connaissance du réel dunyawî que le Prophète (sur lui soit la paix) fit ici une erreur ijtihâdî, par non-expérience (il n'était pas cultivateur) : il y avait bien nécessité - hâja - à procéder à la fécondation des dattiers à la main.
On notera cependant que le Prophète ne fit qu'exprimer une possibilité (ihtimâl) : les termes qu'il a alors employés montrent clairement cela : "Peut-être que si vous ne le faisiez pas, ce serait mieux" :
- "عن طلحة قال: مررت مع رسول الله صلى الله عليه وسلم بقوم على رءوس النخل، فقال: "ما يصنع هؤلاء؟" فقالوا: "يلقحونه، يجعلون الذكر في الأنثى فيلقح." فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما أظن يغني ذلك شيئا". قال: فأخبروا بذلك، فتركوه. فأخبر رسول الله صلى الله عليه وسلم بذلك فقال: "إن كان ينفعهم ذلك فليصنعوه! فإني إنما ظننت ظنا، فلا تؤاخذوني بالظن؛ ولكن إذا حدثتكم عن الله شيئا، فخذوا به، فإني لن أكذب على الله عز وجل" (Muslim, 2361) ;
- "عن رافع بن خديج قال: قدم نبي الله صلى الله عليه وسلم المدينة، وهم يؤبرون النخل، يقولون: يلقحون النخل. فقال: "ما تصنعون؟" قالوا: "كنا نصنعه." قال: "لعلكم لو لم تفعلوا كان خيرا". فتركوه. فنفضت أو فنقصت. قال: فذكروا ذلك له فقال: "إنما أنا بشر، إذا أمرتكم بشيء من دينكم فخذوا به؛ وإذا أمرتكم بشيء من رأيي، فإنما أنا بشر" (Muslim, 2362) ;
- "عن أنس أن النبي صلى الله عليه وسلم مر بقوم يلقحون، فقال: "لو لم تفعلوا لصلح". قال: فخرج شيصا، فمر بهم فقال: "ما لنخلكم؟" قالوا: "قلتَ كذا وكذا". قال: "أنتم أعلم بأمر دنياكم" (Muslim, 2363).
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– D'autres exemples, présents chez les Fuqahâ' :
– Le pays dans lequel on vit accorde-t-il dans le Réel la liberté de pratiquer ouvertement un certain nombre d'obligations islamiques et de s'abstenir de commettre les interdits islamiques stricts, ou bien n'accorde-t-il pas cette liberté ?
Et d'abord, sur le plan Shar'î : quelles sont ces obligations qu'il faut pouvoir pratiquer concrètement, et quels sont ces interdits dont il s'agit de pouvoir s'abstenir concrètement ?
De la détermination de cela dépend le caractère (Hukm) obligatoire, ou non-obligatoire, d'émigrer de ce pays.
– Se trouve-t-on en pays non-musulman, ou en pays musulman ? Et si on se trouve en pays musulman, l'Islam y a-t-il une présence conséquente dans la société ?
Et d'abord : quels sont les indices montrant que l'Islam a une présence conséquente dans une société majoritairement musulmane ?
- De la détermination de cela dépend l'applicabilité, ou la non-applicabilité, d'une sanction à l'encontre de celui qui se montre irrespectueux à l'égard de Dieu ou de l'un de Ses Messagers.
- De la détermination de cela dépend l'applicabilité, ou la non-applicabilité, de certaines autres règles (Ahkâm) encore.
– Se trouve-t-on dans une société où, globalement, ce sont les maris qui sont injustes envers leurs épouses ? ou bien dans une société où, globalement, ce sont les femmes qui décident, les maris étant dominés (تغلبهم نساءهم) ?
Et d'abord, quels sont les indices montrant que telle société se trouve dans le premier cas, ou le second ?
De la détermination de cela dépend le discours que l'on va tenir devant les femmes : va-t-on insister devant elles sur leurs droits ? ou bien va-t-on, devant elles, insister plutôt sur leurs devoirs qu'elles ont vis-à-vis de leur mari ?.
– Pour le musulman, ne pas se couvrir la tête pendant la prière rituelle est mak'rûh tahrîmî (ou, d'après un autre avis : mak'rûh tanzîhî) s'il vit dans une société où se couvrir la tête fait partie de la tenue respectueuse, et mak'rûh tanzîhî (ou, d'après l'autre avis : mubâh) s'il vit dans une société où se laisser la tête découverte n'est pas considéré comme irrespectueux. Voilà la règle Tak'lîfî.
Maintenant, qu'en est-il du Réel dans lequel on vit : La société indienne est-elle telle que se laisser la tête découverte y est considéré comme une expression d'irrespect ? Et la société française ? Et la société réunionnaise ?
Par contre, ici, le moyen de prendre connaissance de cela est évident...
De la réponse à ces questions (réponse faisant suite à une étude impartiale du Réel de ces sociétés par rapport à ce point), dépendra le Hukm qui sera énoncé quant au fait, pour le musulman qui vit dans l'une de ces 3 sociétés, d'accomplir la prière rituelle tête nue.
– Le niqâb (voile du visage) n'est en soi pas obligatoire (bien qu'il existe en islam). Certains juristes postérieurs sont cependant d'avis que, bien que le visage ne fasse pas partie de la 'awra, eu égard à une situation de décadence des mœurs, il y a le risque de fitna, et la femme qui n'est pas âgée a alors l'obligation de se couvrir le visage. Voici ce que al-Haskafî écrit : "وتمنع) المرأة الشابة (من كشف الوجه بين رجال) لا لأنه عورة بل (لخوف الفتنة" (Ad-Durr ul-mukhtâr, 1/), ce que ash-Shâmî commente ainsi : "قوله بل لخوف الفتنة) أي الفجور بها قاموس، أو الشهوة. والمعنى تمنع من الكشف لخوف أن يرى الرجال وجهها فتقع الفتنة لأنه مع الكشف قد يقع النظر إليها بشهوة" (Radd ul-muhtâr). Voilà le Hukm Tak'lîfî auquel adhèrent ces juristes postérieurs, lequel, on le voit, est relié à une Sabab.
La question qui se pose ici est : quels sont les indices de la présence, dans une société donnée, de cette Sabab, la Fitna que la vue de visages féminins serait susceptible de susciter davantage qu'à l'époque du Prophète (sur lui soit la paix) et de ses Compagnons ?
Ensuite : la présence d'une telle Fitna a-t-elle été vérifiée dans le Réel de la société indienne d'aujourd'hui, ou réunionnaise, ou française ?
(Suivant en cela al-Albânî, je ne suis pas de l'avis de ces juristes postérieurs et pense que, même alors, cela ne devient pas obligatoire. Je voulais seulement dire ici que ceux qui, pour leur part, diffusent cet avis devraient comprendre les nuances, puis vérifier dans le Réel, avant de délivrer la fatwa qui y correspond.)
– Il y a le cas des terres qui avaient, il y a de cela des siècles, été ouvertes à l'Islam suite à une bataille, ou suite à un accord. Bien que d'après Abû Hanîfa, une terre devenue partie de la Dâr ul-islâm suite à une bataille peut voir ses lopins être vendus, achetés, loués, en revanche, d'après Mâlik, ash-Shâfi'î et un avis de Ahmad, la terre ouverte suite à une bataille devient waqf : elle ne peut être ni achetée, ni louée par un musulman. Voilà pour la règle (Hukm Tak'lîfî) d'après ces 3 écoles, dont la malikite.
Maintenant qu'en est-il du Réel ? L'Irak est certes ainsi : sa terre avait dûment été conquise suite à une bataille. Mais qu'en est-il de l'Egypte : avait-elle été conquise par bataille, ou bien avait-elle été ouverte par accord ?
--- Mâlik a dit que la terre d'Egypte a été conquise par bataille, "'anwa". Ceci a entraîné que les malikites ont appliqué la règle susmentionnée à la terre d'Egypte, et ont dit que les musulmans ne peuvent ni vendre, ni acheter, ni louer un lopin de ce pays.
--- Or al-Layth comme ash-Shâfi'î ont pour leur part affirmé que l'Egypte a été ouverte par "sul'h".
Al-Qarâfî affirme que si, en tant que malikite, il suit l'interprétation de Mâlik quant à la Règle (Hukm Tak'lîfî), en revanche, pour ce qui est du Réel (Wâqi') concernant l'Egypte, bien que malikite, il préfère suivre ce que al-Layth affirme : cela relève non pas de la détermination de la Cause, mais de la connaissance de la présence ou de l'absence de cette cause ; or al-Layth, étant un habitant de l'Egypte, était mieux placé que Mâlik pour savoir comment l'Egypte a été ouverte à l'Islam : "تنبيه: اعلم أنا إذا قلدنا آحاد العلماء في الأسباب، إنما نقلدهم في كونها أسبابا، لا في وقوعها. ففرق بين قول مالك: "اللواط موجب للرجم"، وبين قوله: "فلان لاط"؛ فنقلده في الأول دون الثاني، بل الثاني من باب الشهادة، إن شهد معه ثلاثة ثبت الحكم؛ وإلا لم يثبت؛ وهو في هذا مساو لسائر العدول، ولا أثر لكونه مجتهدا في هذا الباب، لا هو ولا غيره من المجتهدين. وكذلك نقلده في أن النباش يقطع، ولا نقلده في أن فلانا نبش. وكذلك نقلده في أن النية شرط في الطهارة، ولا نقلده في أن فلانا نوى. ونقلده في أن الدين مانع من الزكاة، ولا نقلده في أن فلانا عليه دين يستغرق ماله، بل لابد معه من شاهد آخر. وهو في جميع هذه الأمور كسائر العدول، ولا أثر لكونه مجتهدا، بل هذا المعنى يكفي فيه مطلق العدالة" (Al-Ihkâm, pp. 195-196). "إذا تقرر أنا لا نقلد العلماء في وقوع الأسباب في ترتيب أحكامها الخاصة بها عليها، فاعلم أنه قد وقع في المذاهب مسائل مبنية على تقليدهم في وقوع الأسباب في ترتيب أحكامها الخاصة بها عليها. كما اتفق المالكية في نقض البياعات، وإبطال الإجارات، وتعطيل الأخذ بالشفعات في أراضي العنوات، كمصر ومكة والعراق ونحوها. فقال مالك: "مصر فتحت عنوة"؛ فعمد فقهاء المذهب إلى إبطال البيع والشفعة والإجارة في أرض مصر بناء على قوله: "فتحت عنوة"؛ لأن من مذهبه أن أرض العنوة لا تباع ولا تؤجر ولا يستحق فيها شفعة. فتقليدهم له في أن بيعها وإجارتها والشفعة فيها [أي أرض العنوة] لا تصح: تقليد صحيح؛ لأنه تقليد في الأحكام. وتقليدهم له في أن الأرض إذا فتحت عنوة اقتضت هذه الأحكام: تقليد صحيح؛ لأنه تقليد في سببية سبب. وتقليدهم له في أن الأخذ قهرا وعنوة وقع في أرض مصر ومكة: تقليد لا يصح؛ لأنه تقليد في وقوع سبب" (Ibid., pp. 199-200). "فإن قالوا: "هو من باب الشهادة"، فيقال لهم: إنه - رضي الله عنه - لم يباشر الفتح، فلا تصح الشهادة إلا بطريق المباشرة. ولا يمكنهم أن يقولوا: "إن هذا من باب الشهادة بالسماع والإستفاضة"، فإن الأصحاب قد عدوا مسائل الشهادة بالسماع نحو سبع وعشرين مسألة، ولم يعدوا هذا منها، فأين النقل الذي يعتمد عليه في أن مالكا شهد في هذا بالسماع؟ ولا يمكنهم أن يقولوا: "حصل له العلم بنقل التواتر بأنها فتحت عنوة، وإذا حصل العلم للشاهد جازت الشهادة، باشر المشهود به أم لا، كما نص عليه صاحب المقدمات"، لأنا نقول لهم: حصول العلم له بعيد في هذا بالتواتر، وظاهر الحال يأباه، لأنه رضي الله عنه من أهل المدينة لا من أهل مصر، والليث بن سعد من أهل مصر، وهو يقول: "إنها فتحت صلحا لا عنوة"، ووافقه على ذلك جمع كثير من العلماء وأهل التواريخ والنقل؛ وأهل البلد أخبر بحال بلدهم من غيرهم، فإن يكن ثمة تواتر فهم أولى به. فحيث جزموا بخلافه دل ذلك على أن النقل لم يصل للتواتر عند مالك، بل إنما وصل إليه ممن يثق به بطريق أخبار الآحاد، فأخبر بما ظنه لا بما علمه. سلمنا أنه حصل له العلم، لكن يمكن أن يقال: إن الليث أيضا ومن معه حصل لهم العلم بطريق الأولى، فتتعارض شهادة مالك ومن وافقه، والليث بن سعد والشافعي ومن وافقهما" (Ibid., pp. 203-204).
(Personnellement je suis bien de l'autre avis sur les deux points : l'Egypte a été conquise 'anwatan, et la vente et l'achat de lopins de la terre conquise reste autorisée. Mais je voulais juste montrer ce que al-Qarâfî a écrit, bien que malikite.)
– Un musulman peut accomplir la prière rituelle sous la direction d'un imam qui suit une autre école d'interprétation que la sienne : il suffit que cet imam ait fait ce qui, d'après l'avis qu'il suit, rend ses ablutions et sa prière valide pour que la prière du musulman qui le suit (muqtadî) soit elle aussi valide, même si la différence d'avis de référence fait que, fatalement, cet imam fait, en matière d'ablutions et de prière rituelle, des choses telles que si l'autre musulman faisait ainsi, sa prière ne serait pas valide d'après l'avis que lui il suit. Pourtant, un musulman ne peut pas accomplir la prière rituelle sous la direction d'un imam dont la recherche l'a conduit à penser que la Qibla se trouve dans telle direction, alors même que l'autre musulman, sa recherche l'a conduit à penser que la Qibla se trouve dans une direction à plus de 45° différente.
Pourquoi cette différence ?
Réponse de Mustafa Ahmad az-Zarqâ' : c'est parce que la premier cas de figure consiste en le fait de suivre un Hukm Tak'lîfî Ijtihâdî lui-même, alors que le second consiste en le fait de suivre le résultat de l'application, au Réel, du Sabab auquel un Hukm Tak'lîfî est relié. Or on peut suivre quelqu'un dans le premier cas, mais on ne peut pas le suivre dans le second cas qui on a procédé à une vérification qui nous a mené à un résultat différent de celui auquel lui est parvenu.
"مسألة بعيدة الغور معضلة: نقل الشافعية أنه سئل عنها الشافعي رضي الله عنه، ولم أرهم نقلوا جوابه فيها، وهي أن المقلدين لأرباب المذاهب يجوز أن يصلي بعضهم خلف بعض، وإن كان كل منهم يعتقد أن مخالفه فعل ما لو فعله هو لكانت صلاته باطلة (كمن مسح بعض رأسه، أو ترك البسملة أو التدليك في الطهارة، ونحو ذلك)؛ وكذلك يجوز لأحد المجتهدين في هذه المسائل أن يصلي خلف من يخالفه من المجتهدين؛ ويحكى أن ذلك جائز إجماعا، وأن الخلاف فيه مسبوق بالإجماع.
ثم انعقد الإجماع على خلاف ذلك، في المجتهدين في الأواني والقبلة والثياب المختلط نجسها بطاهرها ونحو ذلك، إذا أدى اجتهاد أحد الشخصين إلى خلاف ما أدى إليه الآخر: أنه لا يجوز تقليده له، ولا أن يصلي خلفه، لأنه يعتقد بطلان صلاته باعتبار ما خالفه فيه. فما الفرق بين البابين؟ ولم ينقل عن الشافعي - رضي الله عنه - فيها جواب. وأجاب بعض متأخري الشافعية بأن" (Al-Ihkâm, p. 215).
"قال شيخنا وأستاذنا العلامة الفقيه مصطفى أحمد الزرقاء (أكرمه الله بإحسانه)، فيما كتبه إلي تعليقا على هذا الموضع، ما يلي: "الأحسن في الجواب أن يقال: إن مسألة القبلة هي مسألة واقع، أي كون الكعبة هي في هذا الإتجاه أو في ذاك؛ ومثلها مسالة التحري في الثوب أو إناء الماء المصاب بنجاسة، أي ثوب أو إناء هو من بين مجموع ثياب أو آنية. بخلاف المقدار الواجب مسحه من الرأس، فإنها مسألة حكم مستفاد من نص. والتقليد في مسائل الواقع لا يجوز (كما أوضحه المؤلف نفسه في التنبيه الوارد في السؤال 37، ص 195، وفي مناسبات أخرى في جواب ذلك السؤال والذي قبله). أما الأحكام فهي محل التقليد، فيجوز تقليد من رأيه نجاسة الروث أو عدم نجاسته. ولا يجوز تقليد من يرى أن الثوب المصاب بالروث هو هذا أو ذاك، بل يتحرى المكلف، لأن هذه قضية واقع. وتلك حكم. وقد سبق للمؤلف أن قال بأنه يجوز تقليد الإمام مالك في أن أرض العنوة وقف لا تباع، لأن هذا حكم اجتهادي، ولا يجوز تقليده في أن أرض مصر هي أرض عنوة، لأن قوله في خصوص واقعة أرض مصر، هو كشهادة أي شاهد في حادثة معيکنة" (note de bas de page sur Al-Ihkâm, p. 217).
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Quand la règle (Hukm Tak'lîfî) concerne une action donnée, mais ce uniquement lorsque une 'Illa précise y est présente : il s'agit alors de bien cerner la définition de cette 'Illa (en quoi consiste-t-elle exactement ? et quels sont les indices de sa présence dans l'action ?). Ensuite il s'agit de bien cerner la réalité de l'objet de l'étude (à savoir l'action) (cette 'Illa y est-elle présente, ou au contraire absente ?) (تحقيق وجود العلة - أو قل: المناط - في الواقع). Alors on pourra statuer et dire si le Hukm est applicable à cette action, ou ne l'est pas :
– Tout cela, c'est le Messager de Dieu lui-même qui en a montré la voie :
"J'avais pensé interdire le ghîla. Jusqu'à ce que je pense au fait que les Romains et les Perses pratiquent cela, et cela ne cause pas de tort (conséquent) à leurs enfants" : "عن عائشة، عن جدامة بنت وهب الأسدية، أنها سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "لقد هممت أن أنهى عن الغيلة. حتى ذكرت أن الروم وفارس يصنعون ذلك، فلا يضر أولادهم" (Muslim, 1442, Abû Dâoûd, 3882).
(* Le ghîla : le fait que la femme allaite un nourrisson alors qu'elle est enceinte ; ou le fait que, pendant les mois où elle allaite un nourrisson, le mari ait des relations intimes avec sa femme, ce qui est susceptible de la rendre enceinte. En fait les deux reviennent au même : le lait de la femme qui est enceinte parfois diminue, parfois perd de sa valeur nutritive.)
On voit bien là qu'il s'agit d'une réflexion, d'un ijtihad, par rapport au Réel (wâqi') :
--- la règle Tak'lîfî est : "Ce dont on sait que cela rend l'homme faible physiquement (ou en mauvaise santé physique), il est interdit de le faire" ; ce principe, le Prophète l'a reçu par la Révélation ;
--- mais l'application de cette règle à des cas concrets dépend de la connaissance du Réel ;
--- le Prophète fit donc ici un ijtihad : à un moment il avait pensé interdire le ghîla, parce qu'il a pensé que cela produit des hommes faibles physiquement. Cependant, ayant continué la réflexion et l'observation, il se souvint ensuite d'un autre élément dans ce réel, qui montre que cela n'est pas vérifié ; il se ravisa alors et n'interdit pas le ghîla.
Dans le premier temps, il penchait (maylân) donc vers le fait de déclarer cela "interdit". Mais après la continuation de la réflexion, ce qui émergea (zann ghâlib) dans son esprit fut le tarjîh de ne pas déclarer cela interdit. On remarque que, tant qu'il n'avait pas mené complètement sa réflexion et qu'il demeurait dans un simple maylân, il ne formula rien à l'attention de gens de sa Umma.
Si le Prophète avait émis l'interdiction du ghîla, cela aurait constitué un amr ta'abbudî. Et Dieu lui aurait alors fait savoir qu'il avait fait une erreur d'ijtihad. Mais il est parvenu de lui-même, par le biais d'une nouvelle réflexion, à savoir que interdire cela aurait été erroné.
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– D'autres exemples, présents chez les Fuqahâ' :
– Pratiquer la sorcellerie (sih'r), cela est interdit (kabîra) à l'unanimité. Or 2 questions demeurent ici :
----- La pratique de la sorcellerie est-elle une kabîra qui parfois demeure en-deçà du kufr akbar, ou est-elle une kabîra qui constitue systématiquement du kufr akbar ?
Ash-Shafi'î est du premier avis, Mâlik du second. Or ces deux illustres mujtahids connaissent parfaitement, sur le plan Shar'î, ce qui constitue une action ou une parole de kufr akbar. Ici, si ash-Shâfi'î a dit ce qu'il a dit, c'est, affirme Ibn ul-'Arabî, parce qu'il ne connaît pas entièrement la Réalité de la sorcellerie ; il n'a donc pas su que la 'Illa "constituer une action de kufr akbar" est présente dans la sorcellerie : "المسألة السابعة: (...) وقد أوردنا في كتاب " المشكلين " القول في السحر وحقيقته ومنتهى العمل به على وجه يشفي الغليل، وبينا أن من أقسامه فعل ما يفرق به بين المرء وزوجه، ومنه ما يجمع بين المرء وزوجه، ويسمى التولة، وكلاهما كفر، والكل حرام كفر، قاله مالك. وقال الشافعي: السحر معصية إن قتل بها الساحر قتل، وإن أضر بها أدب على قدر الضرر. وهذا باطل من وجهين: أحدهما: أنه لم يعلم السحر، وحقيقته أنه كلام مؤلف يعظم به غير الله تعالى، وتنسب إليه فيه المقادير والكائنات. والثاني: أن الله سبحانه قد صرح في كتابه بأنه كفر؛ لأنه تعالى قال: {واتبعوا ما تتلو الشياطين على ملك سليمان} من السحر وما كفر سليمان بقول السحر ولكن الشياطين كفروا به وبتعليمه، وهاروت وماروت يقولان: إنما نحن فتنة فلا تكفر، وهذا تأكيد للبيان" (Ahkâm ul-qur'ân). Pour Ibn ul-'Arabî, ce n'est donc pas de la part de ash-Shafi'î une erreur dans l'interprétation des textes de la Shar', mais une erreur due à la méconnaissance de la réalité de l'objet de l'étude : la sorcellerie. Il veut dire que si ash-Shafi'î avait connu la réalité de la sorcellerie, il n'aurait alors pu que constater la présence de paroles de kufr akbar en elle. Or la présence de kufr akbar dans une action est la 'Illa de la Takfîr de cette action.
----- La seconde question est : Tel carré magique : constitue-t-il du Sihr, ou pas ? Si cela ne constitue pas du Sihr, cela demeure-t-il autorisé, ou bien cela est-il à délaisser, car on n'est pas certain du sens de ce qu'il contient ?
Une nouvelle fois, cela relève de la connaissance de la réalité de cette chose.
– Le hukm tak'lîfî qui était communiqué au grand public musulman d'un lieu précis jusqu'à présent, le remplacer par la communication et l'édition d'un hukm tak'lîfî différent, alors même que le premier ne constituait pas une khata' qat'î et qu'il s'agit d'une question de simple recommandation : il ne faut pas le faire si cela va engendrer des incompréhensions et donc troubler le grand public musulman (on parle de "faire fitna"). Voilà la Règle Tak'lîfî. Al-Bukhârî y a fait allusion dans son Jâmi' Sahîh, kitâb ul-'Ilm.
Seulement, il faut garder à l'esprit qu'il y a toujours quelques agitations lorsqu'un hukm auparavant connu est remplacé par un autre. La question est donc, toujours sur le plan Shar'î : à partir de quelle ampleur peut-on parler de "réelle fitna" ?
Ensuite, par rapport au réel, il faut vérifier de façon impartiale qu'il y a réellement eu un trouble de cette ampleur avant d'appliquer la règle susmentionnée ("être dans la nécessité de dénoncer l'édition d'un hukm auparavant ici inconnu ou non-répandu"). Et non pas faire de sorte que, pour les autres, dès qu'il y a quelques agitations on crie systématiquement à "la fitna" et on invoque le hukm susmentionné que l'on reprend de al-Bukhârî, alors que pour soi et son groupe le même type d'agitation est qualifié de "gesticulations sans importance, provenant de quelques ignorants de type has-been qui veulent seulement "faire les intéressants""...
– Pratiquer quelques exercices de respiration accompagnés de certaines postures corporelles, cela est tout à fait autorisé. Par contre, se mettre à la pratique complète du yoga, est-ce autorisé, ou est-ce interdit ?
Pour pouvoir répondre de façon satisfaisante à cela, le mufti a besoin de connaître parfaitement d'abord ce qui, d'un point de vue de la Shar', est interdit en matière de gestes et de paroles, parce que cela renvoie à quelque chose de "religieux".
Il doit ensuite connaître ce qu'est réellement le yoga.
C'est en fonction de ces deux connaissances qu'il pourra statuer (de façon courageuse) sur le caractère autorisé ou au contraire interdit, pour le musulman, de se mettre à la pratique complète du yoga.
– Le suffrage universel est-il équivalent, ou au moins presque équivalent, à la forme de shûrâ instituée par l'islam et pratiquée par les premiers Califes ?
Certes, dans les Mu'âmalât, le principe premier reste la permission. Et l'objectif, sur le Plan Shar'î, est bien qu'il y ait consultation des personnes compétentes avant la désignation d'un chef. Cependant, c'est une connaissance approfondie de la réalité du suffrage universel et de son efficacité ou des revers de sa médaille qui rendra possible au mufti de statuer et de dire s'il peut être adopté par les pays musulmans comme moyen de choisir le dirigeant (quelle que soit son échelle), ou si, au contraire, il ne peut pas rejoindre (al-il'hâq fî hukm il-mashrû'iyya) la forme de Shûrâ des Compagnons, car comportant un Fâriq.
– La pratique du drop shipping est-elle licite, ou pas ?
Pour pouvoir répondre à cette question, il faut connaître parfaitement les règles shar'î en la matière. De l'autre côté il faut connaître parfaitement ce en quoi cette pratique consiste. Alors on pourra répondre à cette question...
– Le principe retenu par l'école hanafite en matière d'annulation du jeûne par quelque chose qui entre dans le corps par une voie autre que la voie buccale et pharyngale est que : le jeûne est annulé si cette chose entre dans le corps par une voie directe ; est liquide (ou gazeuse) ; et profite au corps. Voilà la règle shar'î d'après l'interprétation de l'école hanafite.
Maintenant comment déterminer si la voie est directe ou indirecte ? Cela dépend des connaissances en anatomie humaine.
Ainsi, une divergence a vu le jour entre Abû Yûssuf et Abû Hanîfa au sujet de savoir si introduire un liquide (par exemple médicamenteux) dans corps par le conduit urinaire masculin, cela annule-t-il le jeûne, ou pas. Or les ulémas hanafites ont précisé que cette divergence-ci est due non pas à une interprétation différente de textes (nussûs) mais à des interprétations différentes en anatomie ("ولو أقطر في إحليله لم يفطر" عند أبي حنيفة. وقال أبو يوسف رحمه الله: يفطر. وقول محمد رحمه الله مضطرب فيه. فكأنه وقع عند أبي يوسف رحمه الله أن بينه وبين الجوف منفذا، ولهذا يخرج منه البول. ووقع عند أبي حنيفة رحمه الله أن المثانة بينهما حائل، والبول يترشح منه. وهذا ليس من باب الفقه" : Al-Hidâya 1/200).
Dans le même ordre d'idées, sur la base des connaissances anatomiques actuelles – qui sont différentes de celles qui étaient disponibles il y a quelques siècles –, Cheikh Khâlid Saïfullah propose, à propos de l'administration d'un médicament par les canaux oculaire et auditif, un autre avis que celui développé jusqu'à présent par les juristes hanafites : il dit que l'administration, par le canal oculaire, d'un médicament [mais non de khôl, car élément solide] devrait être considéré comme annulant le jeûne, car une voie directe existe entre l'œil et la gorge ; et que, par contre, entre l'oreille et la gorge la voie est indirecte (Jadîd fiqhî massâ'ïl 1/90).
De même, Muftî Rafî' Uthmânî dit que mettre des gouttes dans l'oreille saine (dont le tympan n'est pas perforé) n'annule pas le jeûne, car on sait maintenant que ces gouttes n'atteignent pas l'intérieur du corps. Et il précise que tous les ulémas hanafites des siècles précédents qui disaient que cela annule le jeûne l'ont dit uniquement parce qu'ils croyaient que le conduit auditif mène directement à l'intérieur du corps appelé "jawf" ; or on sait maintenant, suite aux progrès des connaissances en anatomie, que ce n'est pas le cas. Il a évoqué bien d'autres choses dont il pense que cela n'annule pas le jeûne, contrairement à ce que les anciens ulémas hanafites disaient par rapport aux connaissances en anatomie de leur époque : "ولا فطر إذا لم يصل المفطر إلى الجوف المعتبر: كالإقطار فى الإحليل - خلافا لأبى يوسف -؛ والاحتشاء فى فرج المرأة الداخل - خلافا لمشايخ الحنفية -؛ والإقطار فى الأذن إن كانت الطبلة سليمة - خلافا لجميع الحنفية -؛ ومداواة الآمة - خلافا لأبى حنيفة وعامة المشايخ - [وهذا كله وفق التحقيق المعاصر فى هذه الصور].(...). وما ذكره أبو يوسف فى الإحليل، ومشايخ الحنفية فى فرج المرأة الداخل، وجميع الحنفية فى الأذن، وأبو حنيفة وعامة المشايخ فى مداواة الآمة: فمبنيّ على أن بينها وبين الجوف المعتبر مسلك مباشرةً أو بواسطة جوف آخر تبعًا، كما قد صرحوا به؛ وهو خلاف التحقيق؛ وليس هذا من باب الفقه بل من باب الطب، كما نبه عليه المرغينانى وتبعه ابن نجيم" (Dhâbit ul-fitr fî majâl it-tadâwî).
– Une musulmane qui doit se rendre en pèlerinage, peut-elle prendre une pilule spécifique, qui empêchera l'arrivée des règles, ce afin de pouvoir entrer dans les mosquées (ceci étant interdit à la femme en période d'indisposition) ?
C'est, ici encore, du côté médical qu'il faut se tourner : la prise de ce genre de pilule est-elle réellement inoffensive pour la santé ? est-elle au contraire nocive ? ou bien est-elle nocive à partir d'un certain âge ? Et à quel degré de probabilité cette nocivité est-elle établie ?
C'est de la réponse apportée à ces questions relevant de la médecine (réponse devant faire suite à une recherche sérieuse et impartiale) que dépendra la réponse islamique apportée à la question de la licité ou au contraire l'illicité (ou au moins le caractère mak'rûh) de la prise de ce médicament avant l'accomplissement du pèlerinage.
– La fellation et le cunnilingus sont-ils autorisés, ou interdits ?
En soi les époux peuvent s'embrasser là où ils le veulent. Cependant, un premier interdit ta'abbudî touche le fait d'absorber alors une substance najiss : aller jusqu'à avaler du madhî est donc interdit. Par contre, sans aller jusque là, il faut savoir qu'un autre interdit ta'abbudî touche le fait de faire une action dangereuse pour la santé physique ; c'est cela qui est à approfondir : l'aspect médical. Le propos de Asbagh le dit d'ailleurs explicitement : "قيل لأصبغ: "إن قوماً يذكرون كراهته." فقال: "من كرهه، إنما كرهه بالطب، لا بالعلم. ولا بأس به وليس بمكروه" : "Celui qui déclare cela mauvais, il le déclare mauvais sur la base de la Médecine, et pas sur la base du 'Ilm. (Mais selon moi) cela est autorisé et n'est pas mak'rûh" (Mawâhib ul-Jalîl, cité sur Islamway) : il voulait dire : "et pas sur la base d'un interdit présent dans les Textes de la Shar', comme c'est le cas pour la sodomie et pour l'acte sexuel pendant les règles". Or Asbagh a émis cette fatwa d'autorisation selon la connaissance qu'il avait de l'absence de 'Illa ("être susceptible d'entraîner un problème d'ordre sanitaire") : "عدم وجود العلة". Or encore, cela peut être discuté (comme nous l'avons vu plus haut avec l'exemple de l'avis de Mâlik quant à la façon dont la terre d'Egypte a été ouverte à l'Islam). Dès lors, s'il devient prouvé scientifiquement que ce genre de pratique met en danger la santé physique (certains médecins parlent de développement de cancer de la gorge à cause de l'abondance de cette pratique), cette pratique sera alors interdit li ghayri-hî, cela ayant été établi par qiyâs ul-maslaha ; ou cela sera : "acte mubâh juz'iyyan wa mak'rûh tahrîmî kulliyyan". Sinon, il y a toujours la possibilité d'utiliser une digue dentaire : l'action elle-même reste autorisée (comme l'a dit Asbagh), et le risque sanitaire sera bi idhnillâh écarté.
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Lorsque la règle (Hukm Tak'lîfî) est liée - dans le Texte de la Shar' - à un nom qui a été cité dans la Shar' mais n'a pas été défini par elle : il s'agit de Déterminer ce qu'est le 'Urf, afin de déterminer les nouveaux cas auxquels la règle s'applique :
Ibn Taymiyya écrit : "كل اسم ليس له حد في اللغة ولا في الشرع، فالمرجع فيه إلى العرف" (MF 24/40).
– C'est le cas avec par exemple la prise de possession (قبض) du bien matériel qu'on vient d'acheter avant de pouvoir le revendre : qu'est-ce qui constitue une telle prise de possession, قبض ?
Cela est su pour certains cas de façon évidente (on a pris le bien matériel dans sa main et on l'a déplacé), et pour d'autres cela peut connaître de nouvelles formes.
– Par contre, cela n'est pas le cas avec la prière rituelle (salât) : même si d'autres formes sont nommées de ce nom dans le 'Urf dans lequel le musulman s'est installé, il ne peut pas pratiquer ces nouvelles formes pour pratiquer la salât.
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Lorsque la règle (Hukm Tak'lîfî) est explicitement liée - dans le Texte de la Shar' - au 'Urf pour la mesure de son applicabilité : il s'agit de Déterminer quel est le 'Urf, l'Usage, dans lequel on se trouve ? et ce afin de déterminer la mesure à laquelle la règle s'applique :
Ainsi, Ibn Taymiyya écrit que certains devoirs du mari et de l'épouse se déterminent d'après le Ma'rûf / le 'Urf. Il a parlé de :
--- l'Usage de telle région, différent de celui des autres régions,
--- l'Usage en vigueur chez telle catégorie sociale de personnes, différent de celui de telle autre catégorie sociale, vivant pourtant dans la même région ;
--- l'Usage de telle famille (pour le montant du douaire, par exemple).
Il écrit : "فكما أن ما يجب للمرأة عليه من الرزق والكسوة: هو بالمعروف، وهو العرف الذي يعرفه الناس في حالهما نوعا وقدرا وصفة (وإن كان ذلك يتنوع بتنوع حالهما من اليسار والإعسار والزمان كالشتاء والصيف والليل والنهار، والمكان) فيطعمها في كل بلد مما هو عادة أهل البلد وهو العرف بينهم، وكذلك ما يجب لها عليه من المتعة والعشرة فعليه أن يبيت عندها ويطأها: بالمعروف؛ ويختلف ذلك باختلاف حالها وحاله. وهذا أصح القولين في الوطء الواجب: أنه مقدر بالمعروف، لا بتقدير من الشرع، قررته في غير هذا الموضع" (MF 34/85).
"ولهن عليكم رزقهن وكسوتهن بالمعروف" : "Et (vos épouses) ont comme droit sur vous : d'être nourries et vêtues d'après le Ma'rûf" (Muslim, 1218).
Lire à ce sujet notre article : Le terme "'Urf" / "Ma'rûf" désigne à la fois : "Ce qui est Bien", et : "Ce qui est d'usage /bienséant" - المعروف المعيّن بالشرع، والمعروف المفوَّض تفصيله إلى عادة الناس .
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Pour les cas où la Règle est Qat'î et que son applicabilité est liée à une Cause (Sabab) qui est toujours présente : ici, Tenir compte du Réel se fait également, mais aux deux niveaux suivants :
– Un premier niveau : فقه المآلات : Le musulman a devant lui la possibilité de pratiquer telle Action de Bien. Cependant, par rapport à la situation dans laquelle il se trouve dans le Réel (الواقع), la pratique de cette Action de Bien est susceptible d'entraîner (في المآل) un Problème (Mafsada). Que devra alors faire ce musulman : pratiquer l'Action, sans autre considération ? ou bien considérer la nature et le degré de cette Mafsada, ainsi que la probabilité de son entraînement ? "التعارض بين العملين، والموازنة بينهما، والترجيح ؛ الاستصلاح". Dans les cas où il s'agit de tenir compte de ce que cela va entraîner, et que ce qui va être entraîné constitue une Mafsada supérieure, on peut dire que cela constitue un Mâni' à l'application du premier Hukm. Ibn ul-Qayyim écrit : "الفائدة الخامسة والثلاثون: الفتيا أوسع من الحكم والشهادة؛ فيجوز فتيا العبد والحر، والمرأة والرجل، والقريب والبعيد والأجنبي، والأمي والقارئ، والأخرس بكتابته والناطق، والعدو والصديق، وفيه وجه أنه لا تقبل فتيا العدو ولا من لا تقبل شهادته له، كالشهادة. والوجهان في الفتيا كالوجهين في الحكم، وإن كان الخلاف في الحاكم أشهر. وأما فتيا الفاسق فإن أفتى غيره لم تقبل فتواه، وليس للمستفتي أن يستفتيه، وله أن يعمل بفتوى نفسه، ولا يجب عليه أن يفتي غيره. وفي جواز استفتاء مستور الحال وجهان، والصواب جواز استفتائه وإفتائه. قلت: وكذلك الفاسق إلا أن يكون معلنا بفسقه داعيا إلى بدعته، فحكم استفتائه حكم إمامته وشهادته. وهذا يختلف باختلاف الأمكنة والأزمنة والقدرة والعجز؛ فالواجب شيء، والواقع شيء، والفقيه من يطبق بين الواقع والواجب وينفذ الواجب بحسب استطاعته، لا من يلقى العداوة بين الواجب والواقع؛ فلكل زمان حكم، والناس بزمانهم أشبه منهم بآبائهم. وإذا عم الفسوق وغلب على أهل الأرض فلو منعت إمامة الفساق وشهاداتهم وأحكامهم وفتاويهم وولاياتهم لعطلت الأحكام، وفسد نظام الخلق، وبطلت أكثر الحقوق، ومع هذا فالواجب اعتبار الأصلح فالأصلح، وهذا عند القدرة والاختيار، وأما عند الضرورة والغلبة بالباطل فليس إلا الاصطبار، والقيام بأضعف مراتب الإنكار" (A'lâm ul-muwaqqi'în, 4/169).
– Un second niveau : فقه الأولوية والتدريج : Tenir compte des priorités et de la progressivité.
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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).