Ce qui conduit à un acte interdit /obligatoire, est-il lui aussi interdit /obligatoire ? (سَدُّ الذريعة و فَتْحُ الذريعة)

I) Qu'est-ce qu'une dharî'a (ذريعة) ?

La "dharî'a" (plur. dharâï') est un acte qui est en soi autorisé mais qui est très susceptible de conduire l'homme à faire un autre acte, qui est, lui, interdit, déconseillé, recommandé ou obligatoire.

La "dharî'a" est chose différente de la "muqaddima" :

la "muqaddima" est une shart ul-adâ' : c'est l'acte qui, bien que relevant en soi de la permission originelle, est tel qu'un autre acte, qui, est, lui, obligatoire, recommandé, déconseillé ou interdit, dépend de lui pour être accompli. C'est donc la dépendance du second par rapport au premier qui est à considérer (lire notre article au sujet de la "muqaddima") ;

tandis que la "dharî'a", elle, est une sabab : c'est l'acte qui, bien que relevant en soi de la permission originelle, est tel qu'il constitue un "sas" vers un autre acte, qui est interdit, déconseillé, recommandé ou obligatoire (c'est pour cette raison qu'on utilise aussi parfois le terme "bâb" – "porte" – au lieu de "dharî'a", et qu'on parle donc de la question de sadd ul-bâb wa fat'h ul-bâb) ; ici, c'est le degré de probabilité de l'entraînement du second acte par le premier qui est à considérer.

(Ussûl ul-fiqh il-islâmî 2/904-905.)

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II) Il existe 2 types de dharî'a :

Il existe en effet 2 types de dharî'a :

A) l'action qui a été explicitement interdite dans les textes, mais que des ulémas ont classifiée comme ayant été interdite parce que constituant une dharî'a ; il s'agit d'une action ayant été - par exemple - interdite de façon inconditionnelle ('ala-l-itlâq) par les textes des sources, mais que, à la lumière des principes généraux, des ulémas-mujtahidûn ont établi qu'elle ne constitue pas une mafsada en soi, mais ce qui est fortement susceptible de conduire à ce qui est mafsada en soi ; elle a donc été interdite par mesure de précaution (sadd udh-dharî'a) ;

B) l'action qui ne fait l'objet d'aucune spécification dans les textes mais qui a été déclarée (par exemple) "interdite" par des ulémas-mujtahidûn, et ce parce que ceux-ci ont constaté qu'elle constituait dans la réalité (wâqi') une action conduisant à une action qui a été interdite par les textes des sources car constituant en soi une mafsada.

La dharî'a qui fait l'objet de la divergence d'avis bien connue (et que nous évoquerons, avec Ibn Hazm d'un côté, les quatre écoles de l'autre, avec ensuite une divergence entre ces écoles par rapport à un cas de figure), est la dharî'a de type B.

Par contre, l'action qui est une dharî'a de type A ne relève bien entendu pas de cette divergence, vu que le caractère (hukm) d'"interdit" la concernant est stipulé dans les textes eux-mêmes. Certes, ce sont des ulémas qui ont ensuite attribué à ce hukm le statut de "hukm attribué par mesure de sadd udh-dharî'a" (chose que Ibn Hazm ne reconnaît évidemment pas). Cependant, le hukm, lui, a été donné dans les textes.

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A) L'action dont le caractère (hukm) "obligatoire" ou "interdit" est stipulé dans les textes des deux sources, mais qui a fait l'objet de ce caractère (hukm) seulement parce qu'elle constitue une dharî'a vers une action qui est interdite en soi :

L'interdiction d'effectuer une prière rituelle au moment du lever du soleil et de son coucher (il y a aussi d'autres moments spécifiés dans les hadîths) figure dans la Sunna. Cependant, il s'agit d'une interdiction de type sadd udh-dharî'a. L'action d'accomplir une prière rituelle n'est bien évidemment pas une mafsada en soi mais une maslaha ; cependant, choisir le moment du lever ou du coucher du soleil pour accomplir une prière rituelle vis-à-vis de Dieu, cela constitue un risque d'entraînement vers une imitation de polythéistes, et c'est pourquoi cela a été interdit. Ibn Taymiyya a explicitement écrit cela à propos de cette interdiction (MF 23/214).

Lire à ce sujet notre article détaillé :
- Ce que le Coran ou la Sunna ont déclaré "obligatoire" ou "interdit", mais seulement par mesure de précaution (sadd udh-dharî'a).

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B) L'action qui a été qualifiée de "dharî'a d'une autre action" par des mujtahidûn :

Il s'agit d'une action qui ne fait l'objet d'aucun texte la rendant formellement interdite ou formellement obligatoire, et qui relèverait donc normalement de la permission originelle (al-ibâha al-asliyya). Cependant, la réalité (wâqi') fait qu'elle constitue un sas vers un acte interdit, déconseillé, recommandé ou obligatoire. Qu'en est-il donc de ce genre d'action ?

Ibn Hazm ne reconnaît nullement l'applicabilité, à une action dont les sources n'ont rien dit, du caractère d'une autre action, au prétexte que la première risque d'entraîner la seconde. Cela correspond bien à sa lecture littéraliste, refusant de qualifier d'interdit ce que les sources n'ont pas qualifié de tel (cf. Ussûl ul-fiqh il-islâmî 2/932-933).

La plupart des ulémas reconnaissent par contre cette applicabilité… Selon eux, le caractère de base de permission originelle de l'acte en question se trouve modifié par le fait qu'il entraîne un autre acte, c'est-à-dire constitue une "dharî'a" vers cet autre acte.

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B.A) Il existe la sadd udh-dharî'a, mais aussi la fat'h udh-dharî'a :

Ceci constitue un point important. En effet, contrairement à ce que l'on entend généralement dire, il n'existe pas que la "sadd ud-dharî'a" (ou "sadd ul-bâb") – la fermeture du moyen, autrement dit : le fait de déclarer la dharî'a interdite ou déconseillée – ; il existe aussi la "fat'h udh-dharî'a" (ou "fat'h ul-bâb") : l'ouverture du moyen, c'est-à-dire le fait de déclarer la dharî'a conseillée ou même obligatoire.

Al-Qarâfî écrit ainsi : "Sache que (pour ce qui est de) la dharî'a, comme il devient nécessaire de la fermer, il devient aussi nécessaire de l'ouvrir, comme elle devient déconseillée, recommandée, ou (demeure) permise. La dharî'a, c'est la wassîla (moyen) : comme le moyen de l'interdit est interdit, le moyen de l'obligatoire est obligatoire" (Al-Furûq, al-farq 58, 2/38, également cité dans Ussûl ul-fiqh il-islâmî 2/902-903).

La grille des différents caractères juridiques s'applique donc à la dharî'a : relevant à l'origine de la permission originelle, elle devient, de par ce qu'elle est susceptible d'entraîner, interdite, déconseillée, recommandée ou obligatoire.

En fait tout dépend du caractère du second acte auquel, en tant que dharî'a, elle conduit : s'il est interdit, ce qui en est la dharî'a devient aussi interdit ; s'il est déconseillé, ce qui en est la dharî'a devient déconseillée ; s'il est conseillé, ce qui en est la dharî'a le devient aussi ; et s'il est obligatoire ce qui en est la dharî'a le devient pareillement.

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B.B) C'est la probabilité de l'entraînement du second acte par le premier qui est à considérer :

Selon ash-Shâtibî, c'est la probabilité que l'acte en question a de conduire à l'autre acte qui est à prendre en compte :
a) soit il est certain qu'il y conduira ("yakûnû ifdhâ'uhû ila-l-'amal qat'iyyan") ; ceci correspond au degré de yaqîn et de zann aghlab ;
b) soit il est très probable qu'il y conduira ("yakûnû ifdhâ'uhû ila-l-'amal ghâliban") ; ceci correspond au degré de zann ghâlib ;
c) soit il est probable qu'il y conduira ("yakûnû ifdhâ'uhû ila-l-'amal kathîran lâ ghâliban wa lâ nâdiran") ; ceci correspond aux degrés de zann mujarrad, de zann dha'îf et de shakk ;
d) soit il est rare qu'il y conduise ("yakûnû ifdhâ'uhû ila-l-'amal nâdiran") (cf. Ussûl ul-fiqh il-islâmî 2/914-915 : le passage originel de ash-Shâtibî se trouve in Al-Muwâfaqât, 1/628-629) ; ceci correspond aux degrés de wahm.

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Lire notre article :
- Les degrés de certitude relatifs à un propos donné, ou à un événement donné : il y a la certitude (اليقين), la présomption (الظنّ), le doute (الشكّ)...

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Nous avons alors ceci :

a) & b) Dans le premier ("
il est certain que cela y conduise") et le second cas de figure ("il est très probable que cela y conduise"), d'après les quatre écoles juridiques la dharî'a prend le caractère de l'acte auquel elle conduit : si ce dernier est interdit, elle le devient aussi ; s'il est déconseillé, elle le devient aussi ; s'il est recommandé, elle le devient aussi ; et s'il est obligatoire elle le devient également.

c)
A propos du troisième cas de figure ("il est probable que cela y conduise") il y a divergence d'avis :
--- d'après les écoles malikite et hanbalite, le qualificatif de dharî'a est reconnu au premier acte, qui prend donc le caractère du second : si ce dernier est interdit, le premier le devient aussi ; s'il est déconseillé, il le devient aussi ; s'il est recommandé, il le devient aussi ; et s'il est obligatoire il le devient également ;
--- par contre, d'après les écoles hanafite et shafi'ite, le qualificatif de dharî'a n'est pas applicable au premier acte ; il ne prend donc pas le caractère de ce dernier mais au contraire continue à relever de la permission originelle (al-ibâha al-asliyya).

d) Dans le quatrième cas de figure ("il est rare que cela y conduise"), c'est d'après les quatre écoles que, le degré de probabilité d'entraînement étant trop faible, le premier acte ne revêt pas la qualité de dharî'a pour le second, et ce premier acte continue donc de relever de la permission originelle (Ussûl ul-fiqh il-islâmî 2/914-915).

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Ainsi, parler à une femme avec qui on n'est pas marié et qui n'est pas sa proche parente est autorisé (du moment que le contenu de la conversation ne contredit pas l'éthique islamique). Cependant, Abû Chuqqa pense que (par mesure de sadd udh-dharî'a, précise-t-il) les conversations de ce genre qui sont faites de façon longue et répétée avec la même personne sont à éviter. Sauf si on ne peut faire autrement, précise-t-il aussi (Tahrîr ul-mar'a fî 'asr ir-rissâla, 2/96-97).

La première catégorie (catégorie 1) dans notre article sur la question de al-i'âna 'ala-l-harâm est aussi constituée de cas de dharî'a.

De même, l'imitation (tashabbuh) dans les choses extérieures est une dharî'a vers l'imitation dans les valeurs ou les croyances (cliquez ici).

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III) Un cas voisin du B, mais qui en réalité en est quelque peu différent : la prise en considération de son caractère de dhar'îa pour interdire une action qui ne relève plus de la simple permission originelle (comme c'était le cas en B) mais qui a été explicitement autorisée dans les textes :

Aïcha disait : "عن عمرة بنت عبد الرحمن، أنها سمعت عائشة زوج النبي صلى الله عليه وسلم تقول: "لو أن رسول الله صلى الله عليه وسلم رأى ما أحدث النساء لمنعهن المسجد كما منعت نساء بني إسرائيل." قال: فقلت لعمرة: أنساء بني إسرائيل منعن المسجد؟ قالت: "نعم" : "Si le Prophète, que Dieu le bénisse et le salue, avait vu ce que les femmes font, il leur aurait interdit de se rendre à la mosquée" (al-Bukhârî 831, Muslim 445, et c'est la version de celui-ci qui a été reproduite). Aïcha met en exergue, ici, une "sadd udh-dharî'a", car elle fait valoir que par précaution par rapport au contexte (wâqi'), les femmes ne devraient plus se rendre aux mosquées.
Or
nous ne sommes plus, ici, en présence d'un acte dont les sources n'ont rien dit. Nous sommes face à une action que les sources ont explicitement autorisée. En effet, Abdullâh ibn Omar relate que le Prophète a dit : "عن سالم بن عبد الله، عن أبيه، عن النبي صلى الله عليه وسلم: "إذا استأذنت امرأة أحدكم فلا يمنعها" : "Lorsque la femme demande à l'un de vous la permission de se rendre à la mosquée, qu'il ne l'en empêche pas" (al-Bukhârî 835, 4940, Muslim 442). "عن ابن عمر، قال: كانت امرأة لعمر تشهد صلاة الصبح والعشاء في الجماعة في المسجد، فقيل لها: لم تخرجين وقد تعلمين أن عمر يكره ذلك ويغار؟ قالت: وما يمنعه أن ينهاني؟ قال: يمنعه قول رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا تمنعوا إماء الله مساجد الله" : "N'interdisez pas aux servantes de Dieu les mosquées de Dieu" (al-Bukhârî 858, Muslim 442). Leur présence à la mosquée est en soi jâ'ïz, mais le Prophète a dit aux hommes de ne pas les en empêcher (les en empêcher est mak'rûh tanzîhan ou mak'rûh tahrîman ; cf. Shar'h Muslim 4/161-162).

Peut-on donc avoir recours au principe de la sadd udh-dharî'a à propos d'un tel acte, au sujet duquel le Prophète a explicitement dit quelque chose ?

Ibn Hazm, fidèle à ses principes vus plus haut, refuse bien entendu et à plus forte raison ici pareille considération.
Concernant ce propos précis de Aïcha, il formule 8 raisons de ne pas se fonder sur lui pour interdire aux femmes de se rendre à la mosquée.
D'abord, rappelle-t-il, ce sont les dits du Prophète qui servent de référence ("hujja") et non ceux d'autres personnes (raison n° 4). Ensuite, Ibn Hazm affirme que Aïcha n'a pas voulu dire qu'il était possible d'interdire aux femmes de se rendre aux mosquées : selon lui, elle savait bien qu'on ne pouvait le leur interdire, puisque le Prophète le leur avait permis : elle voulait simplement dire qu'elle pensait que si le Prophète avait vécu la situation nouvelle, il leur aurait interdit de venir à la mosquée (raison n° 5). Or, le Prophète, n'ayant pas vécu cette nouvelle situation, n'a pas interdit aux femmes de venir à la mosquée ; nul ne peut donc le faire (n° 2). Sinon cela reviendrait à abroger une règle énoncée par le Prophète pour jusqu'à la fin des temps (n° 3). Car le Prophète savait, parce que Dieu l'en avait informé, qu'il y aurait, dans les temps à venir, des femmes qui seraient habillées-dénudées, précisant que ces choses n'avaient pas encore vu le jour à l'époque où il vivait ("عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: «صنفان من أهل النار لم أرهما، قوم معهم سياط كأذناب البقر يضربون بها الناس، ونساء كاسيات عاريات مميلات مائلات، رءوسهن كأسنمة البخت المائلة، لا يدخلن الجنة، ولا يجدن ريحها، وإن ريحها ليوجد من مسيرة كذا وكذا" : Muslim, 2128), et pourtant cela ne l'a pas conduit à dire : "Quand vous verrez pareil comportement de la part de certaines femmes, interdisez à toutes les femmes de se rendre aux mosquées" (n° 6 ; également n° 1). Ibn Hazm souligne qu'il est normal que des femmes habillées de façon légère ne puissent pas entrer ainsi vêtues dans les mosquées, mais l'action de certaines femmes ne saurait conduire à l'interdiction, faite à toutes les femmes (y compris celles qui ne sont pas ainsi) de se rendre aux mosquées (n° 7). Enfin, affirme-t-il, "aucun 'âlim n'a dit que les femmes ne devaient plus sortir pour se rendre visite entre elles, pour faire des achats au marché ou pour d'autres besoins ; il n'y a pas plus grand égarement que de leur permettre tout ceci tout en restreignant l'interdiction de sortir à leur présence dans les mosquées pour y accomplir la prière, la meilleure action après l'adhésion à la foi monothéiste" (n° 8).
Tels sont les arguments de Ibn Hazm (Al-Muhallâ 3/115-116). Soit dit, en passant, qu'on voit bien dans ce passage le caractère tranché des avis et tranchant des argumentations de ce savant andalou littéraliste.

Selon Ibn Bâdîs, la parole de Aïcha ne se veut pas une abrogation de la parole du Prophète autorisant la venue des femmes à la mosquée, mais le simple constat de la non-applicabilité de cette permission, pour cause de non-respect des conditions (shurût) auxquelles elle est liée.
En fait le Prophète a interdit un certain nombre d'éléments à la musulmane qui sort de chez elle : pas de parfum qui se ressente à distance, etc. Aïcha, constatant qu'à son époque un nombre conséquent de musulmanes ne respectaient plus ces interdits, disait donc que si le Prophète avait vu ce manquement assez répandu, il aurait interdit de façon générale aux femmes de se rendre à la mosquée pour y accomplir la prière en congrégation en même temps que les hommes (c'est en substance l'explication de Ibn Bâdîs : cf. Tahrîr ul-mar'a 3/36). C'est également la substance de l'explication avancée par an-Nawawî (cf. Shar'h Muslim 4/161-162).

Selon d'autres ulémas, les hanafites, la venue des musulmanes aux mosquées pour qu'elles y accomplissent la prière en congrégation en même temps que les musulmans, sous la direction de l'imam, peut être interdit en vertu de la parole de Aïcha.
Selon ces ulémas, il ne s'agit pas (comme l'affirme Ibn Hazm) d'une abrogation ; il s'agit d'une non-applicabilité de la règle de permission formulée par le Prophète, pour cause de Muwâzana : nous sommes, disent ces ulémas, en présence d'une évaluation (muwâzana) entre les Maslahas que la venue des femmes à la mosquée rend possible pour elles (et qui ont motivé la permission, par le Prophète, de cette venue), et les Mafsada que risque d'entraîner (dharî'a) de façon très probable (soit le niveau b plus haut mentionné) la présence d'hommes et de femmes dans un lieu tel que la mosquée (et cela par rapport à la nouvelle réalité du contexte, différente de celle de l'époque du Prophète). L'évaluation de la Maslaha et de la Mafsada qui se trouvent dans cette venue justifie qu'on déclare celle-ci mak'rûh tahrîmî, par constat de non-applicabilité de la règle pour cause de généralisation d'un mal dominant, lui-même dû à un changement de contexte.
Et il ne s'agit pas d'une sanction, prise contre les femmes dans leur ensemble à cause de l'action de certaines d'elles, mais d'une prise en considération de l'amoindrissement de la qualité des mœurs aussi bien des hommes que des femmes, qui fait que l'on sait que les mettre ensemble dans un lieu confiné tel que la mosquée risque fort d'entraîner ce qu'il ne faut pas. Or la mosquée n'est pas comme le marché, elle est un lieu de spiritualité et de culte, où l'activité certes non exclusive mais principale est la prière : une plus grande prudence s'impose donc à son sujet, ce qui rend nécessaire une plus grande application du principe de "sadd udh-dharî'a".

Dans cette troisième explication, on voit des mujtahids dire que, suite à un changement de contexte, un acte que les sources ont explicitement déclaré autorisé peut revêtir le qualificatif d'interdit s'il est susceptible d'entraîner quelque chose d'interdit.

Ce cas est différent du cas précédent (le B) :
--- là-bas la question de la "sadd udh-dharî'a" concernait un acte relevant dont les textes n'ont rien dit et qui relève donc de la permission originelle mais qui constitue un "sas" vers un autre acte, mauvais, qu'il entraîne (man'u 'amalin maskûtin 'anh, idhâ afdhâ ilâ 'amalin mak'rûh aw muharram) ;
--- alors qu'ici la question est liée à un acte explicitement autorisé dans les textes mais qui, par rapport à un nouveau contexte, différent de celui du Prophète, sert de sas à un autre acte, mauvais (man'u 'amalin mansûs 'alayh, idhâ afdhâ ilâ 'amalin âkhara mak'rûhin aw muharramin, mafsadatuhû a'zamu min maslahat il-'amal al-awwal).

Ce cas est également différent de la simple "ta'ârudh bayn al-hassana wa-s-sayyi'a" :
--- dans cette dernière il y a évaluation entre le bien et le mal de deux actes qui s'opposent mais qui sont distincts et présents, pour choisir d'avoir recours à l'un d'eux seulement (muwâzana bayna maslahati wa masfsadati 'amalayn mansûssin 'alayhimâ, layssa baynahumâ 'alâqat udh-dharî'a, li-khtiyâri akhaff il-mafsadatayn aw a'zama il-maslahatayn) ;
--- alors qu'ici, il y a évaluation entre d'une part le bien d'un acte de bien, et d'autre part le mal d'un autre acte, que le premier acte de bien risque d'entraîner parce qu'il en est la dharî'a et ce, à cause d'un chagement de contexte par rapport à celui de l'époque du Prophète (muwâzana bayna maslahati hassana, wa mafsadati 'amalin âkhara ghayri wâqi' wa lâkin muhtamal, tufdhî ilayh il-hassanat ul-ûlâ).

Lire notre article : La musulmane accomplira-t-elle ses prières rituelles à la mosquée, ou chez elle ?

Lire aussi notre article : Al-Istislâh (exception d'un cas particulier, dans le Réel, par rapport à la norme, et cela parce que la situation concrète fait que l'application de la norme à ce cas aussi entraînerait une Mafsada ou l'absence d'une Maslaha) (2/3).

Ces différences entraînent-elles que le degré de la probabilité d'entraînement à prendre en considération ici soit différent de celui qui concerne l'acte relevant de la permission originelle ?
Est-ce que ce degré de probabilité d'entraînement à prendre ici en considération :

– serait seulement a (l'acte de bien conduit de façon certaine à l'acte de mal) ?
– serait a, mais aussi b (il y conduit de façon très probable) ?
– serait a et b, mais également c (il y conduit de façon probable), selon deux écoles, en sorte qu'il n'y ait en fait aucune différence d'avec l'acte relevant de la permission originelle ?

Je ne sais pas (لا أدري).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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