Quelle est la différence entre "prophète de Dieu" et "messager de Dieu" ? - ما الفرق بين النبي والرسول ؟

Question :

Dans notre enfance on nous avait enseigné à la medersa qu'il y a une différence, parmi les personnages envoyés par Dieu, entre le "prophète" ("nabi") et le "messager" ("rassoul"). Pourriez-vous nous dire si cette différence a lieu d'être et en quoi elle consiste ?

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Réponse :

Dans le Coran, Dieu explique avoir envoyé plusieurs personnages aux hommes, parmi lesquels Noé, Abraham, Moïse, Jésus... Muhammad (sur lui la paix) étant le dernier d'entre eux :
"وَمَا مُحَمَّدٌ إِلاَّ رَسُولٌ قَدْ خَلَتْ مِن قَبْلِهِ الرُّسُلُ أَفَإِن مَّاتَ أَوْ قُتِلَ انقَلَبْتُمْ عَلَى أَعْقَابِكُمْ وَمَن يَنقَلِبْ عَلَىَ عَقِبَيْهِ فَلَن يَضُرَّ اللّهَ شَيْئًا" : "Muhammad n'est qu'un messager. D'autres messagers l'ont précédé…" (Coran 3/144).
 "وَلَقَدْ بَعَثْنَا فِي كُلِّ أُمَّةٍ رَّسُولاً أَنِ اعْبُدُواْ اللّهَ وَاجْتَنِبُواْ الطَّاغُوتَ" : "Et Nous avons suscité dans chaque peuple (au moins) un messager (leur disant) : "Adorez Dieu et préservez-vous de tout tâghût"" (Coran 16/36).
"وَمَا أَرْسَلْنَا مِن قَبْلِكَ مِن رَّسُولٍ إِلَّا نُوحِي إِلَيْهِ أَنَّهُ لَا إِلَهَ إِلَّا أَنَا فَاعْبُدُونِ" : "Et Nous n'avons envoyé avant toi de messager que nous ne lui ayons révélé ceci : "Pas de divinité en dehors de Moi, adorez-Moi donc"" (Coran 21/25).
"قُلْ مَا كُنتُ بِدْعًا مِّنْ الرُّسُلِ وَمَا أَدْرِي مَا يُفْعَلُ بِي وَلَا بِكُمْ إِنْ أَتَّبِعُ إِلَّا مَا يُوحَى إِلَيَّ وَمَا أَنَا إِلَّا نَذِيرٌ مُّبِينٌ" : "Dis (aux hommes, ô Muhammad) : Je ne suis pas une nouveauté en terme de messager..." (Coran 46/9).
"ما كَانَ مُحَمَّدٌ أَبَا أَحَدٍ مِّن رِّجَالِكُمْ وَلَكِن رَّسُولَ اللَّهِ وَخَاتَمَ النَّبِيِّينَ وَكَانَ اللَّهُ بِكُلِّ شَيْءٍ عَلِيمًا" : "Muhammad n'est le père d'aucun d'entre vous, mais il est le messager de Dieu et le dernier des prophètes" (Coran 33/40).

En français, nous désignons parfois tous ces personnages indistinctement par les termes "prophète", "messager" ou "envoyé".

Cependant, les textes de nos sources utilisent à leur sujet deux termes distincts : d'une part "nabî" – littéralement "prophète" –, d'autre part "rassûl" – littéralement "envoyé", "messager".

Sens A, général) En fait, parfois le terme "rassûl" désigne tout simplement l'homme "envoyé", c'est-à-dire "dépêché", "suscité" par Dieu auprès d'un groupe d'hommes pour leur transmettre un message de la part de Dieu. (Ibn Taymiyya nomme cela : "apostolat limité" : "الإرسال المُقيَّد".)

Sens B, particulier) Alors que d'autres fois ce que le terme "rassûl" désigne est plus particulier (akhass). (Ibn Taymiyya nomme cela : "apostolat complet" : "الإرسال المُطلق".)

C'est ce qui explique le verset suivant, où on lit, aussi bien à propos de "nabî" que de "rassûl", qu'ils ont été "envoyés" ("irsâl") :
"وَمَا أَرْسَلْنَا مِنْ قَبْلِكَ مِنْ رَسُولٍ وَلَا نَبِيٍّ إِلَّا إِذَا تَمَنَّىٰ أَلْقَى الشَّيْطَانُ فِي أُمْنِيَّتِهِ فَيَنْسَخُ اللَّهُ مَا يُلْقِي الشَّيْطَانُ ثُمَّ يُحْكِمُ اللَّهُ آيَاتِهِ وَاللَّهُ عَلِيمٌ حَكِيمٌ" : "Et avant toi, Nous n'avons envoyé de rassûl ni de nabî sans que..." (Coran 22/52).
--- Quand le terme "rassûl" est utilisé en renvoyant au premier verbe ici employé, c'est le sens A, général, qui est induit ;
--- mais d'autres fois, et notamment quand le terme "rassûl" est employé en étant apposé à celui de "nabî", c'est le sens B, particulier, qui est induit.

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C'est avec le sens A, général, que le terme "rassûl" est à appréhender dans les textes suivants, désignant alors les prophètes dans leur totalité :

--- "وَأَرْسَلْنَا إِلَيْهِمْ رُسُلاً كُلَّمَا جَاءهُمْ رَسُولٌ بِمَا لاَ تَهْوَى أَنْفُسُهُمْ فَرِيقًا كَذَّبُواْ وَفَرِيقًا يَقْتُلُونَ" (Coran 5/70).
--- "إِنَّا أَوْحَيْنَا إِلَيْكَ كَمَا أَوْحَيْنَا إِلَى نُوحٍ وَالنَّبِيِّينَ مِن بَعْدِهِ وَأَوْحَيْنَا إِلَى إِبْرَاهِيمَ وَإِسْمَاعِيلَ وَإْسْحَقَ وَيَعْقُوبَ وَالأَسْبَاطِ وَعِيسَى وَأَيُّوبَ وَيُونُسَ وَهَارُونَ وَسُلَيْمَانَ وَآتَيْنَا دَاوُودَ زَبُورًا وَرُسُلاً قَدْ قَصَصْنَاهُمْ عَلَيْكَ مِن قَبْلُ وَرُسُلاً لَّمْ نَقْصُصْهُمْ عَلَيْكَ وَكَلَّمَ اللّهُ مُوسَى تَكْلِيمًا رُّسُلاً مُّبَشِّرِينَ وَمُنذِرِينَ لِئَلاَّ يَكُونَ لِلنَّاسِ عَلَى اللّهِ حُجَّةٌ بَعْدَ الرُّسُلِ وَكَانَ اللّهُ عَزِيزًا حَكِيمًا" (Coran 4/163/165).

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Et c'est avec le sens B, particulier, que le terme "rassûl" est à appréhender dans les textes suivants :

Abû Umâma rapporte ainsi avoir posé les questions suivantes au Prophète Muhammad (sur lui la paix) : "O Prophète de Dieu, quel homme a été le premier prophète ? – C'est Adam. – O Prophète de Dieu, Adam fut-il un prophète ? – Oui, un prophète, auquel Dieu a parlé ; Il l'a créé de Sa Main, ensuite y a insufflé l'âme puis lui a dit : "Adam, avance". – O Messager de Dieu, quel a été le nombre total de prophètes ("nabî") ? – Il y en a eu 124 000 ; 315 parmi eux ont été messagers ("rassul")…" (Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, tome 6 pp. 359-360, sahîh li ghayrih d'après al-Albânî).

Le Prophète Muhammad a dit ainsi que les hommes diront à Noé le jour du jugement : "O Noé, tu es le premier rassûl que Dieu a envoyé à des gens de la Terre" (rapporté par al-Bukhârî, n° 4206, Muslim, n° 194, at-Tirmidhî, n° 2434, etc.).

Un autre Hadîth dit : "Le premier "nabî" à avoir été "ursila" fut Noé" (Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, n° 1289).

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Qu'est-ce qui fait la différence entre le "nabî" et le "rassûl" (au sens B, particulier) ?

Plusieurs définitions ont été présentées par des ulémas. En voici quelques-unes...

La définition de az-Zamakhsharî :
"Le nabî qui est aussi rassûl [au sens B] est celui à qui Dieu a révélé un livre.
Quant au nabî qui n'est pas rassûl, c'est celui à qui Dieu n'a pas révélé de livre mais a chargé d'appeler des hommes à suivre des prescriptions d'origine divine (shar') déjà révélées avant lui."

La définition de al-Baydhâwî :
"Le nabî qui est aussi rassûl [au sens B] est celui que Dieu a envoyé avec des nouvelles prescriptions d'origine divine (shar'), vers lesquelles il doit appeler des hommes.
Quant au nabî qui n'est pas rassûl [au sens B], c'est celui que Dieu a chargé de rappeler et d'appuyer des prescriptions d'origine divine (shar') déjà révélées avant lui."

Cependant, ces deux définitions de "rassûl" n'englobent pas Ismaël, qui n'a reçu ni livre ni nouvelles prescriptions d'origine divine (mais était chargé d'appeler les habitants de l'Arabie à suivre les prescriptions apportées par Abraham). Or Dieu dit explicitement de Ismaël qu'il était "nabi" et "rassûl" : "وَاذْكُرْ فِي الْكِتَابِ إِسْمَاعِيلَ إِنَّهُ كَانَ صَادِقَ الْوَعْدِ وَكَانَ رَسُولًا نَّبِيًّا وَكَانَ يَأْمُرُ أَهْلَهُ بِالصَّلَاةِ وَالزَّكَاةِ وَكَانَ عِندَ رَبِّهِ مَرْضِيًّا" (Coran 19/54-55).

La définition de al-Albânî :
"Le nabî est celui que Dieu a chargé de rappeler et d'appuyer des prescriptions d'origine divine (shar') déjà révélées avant lui.
Quant au rassûl [au sens B], c'est celui que Dieu a envoyé avec des prescriptions d'origine divine (shar'), soit que celles-ci soient nouvelles en soi, soit qu'elles avaient été révélées à un autre messager."

Cette définition-ci de "rassûl" englobe Ismaël, mais le problème c'est qu'elle fait une distinction complète (tabâyun) entre nabî et rassûl, le rassûl n'étant plus nabî ! De plus elle n'englobe pas Adam, qui, bien évidemment, n'a pas pu être "chargé de rappeler et d'appuyer des prescriptions d'origine divine déjà révélées avant lui", puisqu'il n'y en avait pas !

La définition de al-Khattâbî :
"Le nabî est celui qui a reçu la révélation.
Le rassûl [au sens B] est celui qui a été chargé de transmettre ce qu'il a reçu comme révélation".

"والفرق بين النبي والرسول: أن النبي هو المُنبَّأُ - فعيل بمعنى مُفعَّل -؛ والرسول هو المأمور بتبليغ ما نُبِّئ وأُخبر به؛ فكل رسول نبي وليس كل نبي رسولا".

La définition de Ibn Taymiyya :
"Le nabî est celui qui a reçu la révélation divine et qui la transmet aux hommes.
Quant au "rassûl" [au sens B], c'est le "nabî" qui 
a été chargé de rappeler, aux hommes vers qui il a été suscité, des choses dont ces hommes n'avaient pas connaissance [parce qu'étant trop éloignés - en terme de croyances et/ou d'époque - des Enseignements Primordiaux, Inscrits dans le Coeur de chaque humain]."
"فالنبي هو الذي ينبئه الله، وهو ينبئ بما أنبأ الله به؛ فإن أرسل مع ذلك إلى من خالف أمر الله ليبلغه رسالة من الله إليه فهو رسول؛ وأما إذا كان إنما يعمل بالشريعة قبله، ولم يرسل هو إلى أحد يبلغه عن الله رسالة، فهو نبي وليس برسول. قال تعالى: {وما أرسلنا من قبلك من رسول ولا نبي إلا إذا تمنى ألقى الشيطان في أمنيته}؛ وقوله: {من رسول ولا نبي}: فذكر إرسالا يعم النوعين، وقد خص أحدهما بأنه رسول؛ فإن هذا هو الرسول المطلق الذي أمره تبليغ رسالته إلى من خالف الله، كنوح؛ وقد ثبت في الصحيح أنه أول رسول بعث إلى أهل الأرض. وقد كان قبله أنبياء، كشيث وإدريس عليهما السلام، وقبلهما آدم كان نبيا مكلما (قال ابن عباس: كان بين آدم ونوح، عشرة قرون كلهم على الإسلام)؛ فأولئك الأنبياء يأتيهم وحي من الله بما يفعلونه ويأمرون به المؤمنين الذين عندهم لكونهم مؤمنين بهم؛ كما يكون أهل الشريعة الواحدة يقبلون ما يبلغه العلماء عن الرسول. وكذلك أنبياء بني إسرائيل يأمرون بشريعة التوراة، وقد يوحى إلى أحدهم وحي خاص في قصة معينة، ولكن كانوا في شرع التوراة كالعالم الذي يفهمه الله في قضية معنى يطابق القرآن؛ كما فهم الله سليمان حكم القضية التي حكم فيها هو وداود. فالأنبياء ينبئهم الله، فيخبرهم بأمره ونهيه وخبره، وهم ينبئون المؤمنين بهم ما أنبأهم الله به من الخبر والأمر والنهي. فإن أرسلوا إلى كفار، يدعونهم إلى توحيد الله وعبادته وحده لا شريك له. ولا بد أن يكذب الرسل قوم؛ قال تعالى: {كذلك ما أتى الذين من قبلهم من رسول إلا قالوا ساحر أو مجنون}، وقال: {ما يقال لك إلا ما قد قيل للرسل من قبلك}؛ فإن الرسل ترسل إلى مخالفين؛ فيكذبهم بعضهم. وقال: {وما أرسلنا من قبلك إلا رجالا يوحى إليهم من أهل القرى أفلم يسيروا في الأرض فينظروا كيف كان عاقبة الذين من قبلهم ولدار الآخرة خير للذين اتقوا أفلا تعقلون حتى إذا استيأس الرسل وظنوا أنهم قد كذبوا جاءهم نصرنا فننجي من نشاء ولا يرد بأسنا عن القوم المجرمين}؛ وقال: {إنا لننصر رسلنا والذين آمنوا في الحياة الدنيا ويوم يقوم الأشهاد}؛ فقوله: {وما أرسلنا من قبلك من رسول ولا نبي} دليل على أن النبي مرسل، ولا يسمى رسولا عند الإطلاق، لأنه لم يرسل إلى قوم بما لا يعرفونه، بل كان يأمر المؤمنين بما يعرفونه أنه حق؛ كالعالم. ولهذا قال النبي صلى الله عليه وسلم: "العلماء ورثة الأنبياء"؛ وليس من شرط الرسول أن يأتي بشريعة جديدة؛ فإن يوسف كان على ملة إبراهيم، وداود وسليمان كانا رسولين، وكانا على شريعة التوراة" (Kitâb un-nubuwwât, pp. 255-257).
"الحمد لله رب العالمين. الحديث النبوي هو عند الإطلاق ينصرف إلى ما حُدِّثَ به عنه بعد النبوة، من قوله وفعله وإقراره؛ فإن سنته ثبتت من هذه الوجوه الثلاثة. فما قاله: إن كان خبرا وجب تصديقه به؛ وإن كان تشريعا إيجابا أو تحريما أو إباحة وجب اتباعه فيه. فإن الآيات الدالة على نبوة الأنبياء دلت على أنهم معصومون فيما يخبرون به عن الله عز وجل، فلا يكون خبرهم إلا حقا. وهذا معنى النبوة، وهو يتضمن أن الله يُنْبِئه بالغيب وأنه يُنَبِّىء الناس بالغيب. والرسول مأمور بدعوة الخلق وتبليغهم رسالات ربه. ولهذا كان كل رسول نبيا، وليس كل نبى رسولا (وإن كان قد يوصف بالإرسال المقيد في مثل قوله: {وما أرسلنا من قبلك من رسول ولا نبى إلا إذا تمنى القى الشيطان فى أمنيته فينسخ الله ما يلقى الشيطان ثم يحكم الله آياته والله عليم حكيم})" (MF 18/6-7).

La définition de at-Thanwî :
"Le nabî est celui qui a reçu la révélation divine [et qui a été chargé de la transmettre à des hommes], et ce, qu'il ait été envoyé avec de nouvelles prescriptions divines (shar'), ou pas.
Quant au "rassûl" [au sens B], c'est le "nabî" qui a été suscité muni de nouvelles prescriptions divines (shar'), et ce, que celles-ci soient nouvelles en soi (comme c'est le cas en ce qui concerne Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Muhammad – sur eux la paix), ou qu'elles aient été révélées à un autre messager mais soient nouvelles seulement par rapport au peuple vers lequel ce messager-ci est dépêché (comme c'est le cas en ce qui concerne Ismaël – sur lui la paix)"
(cf. Bayân ul-qurân).
Les prescriptions que Ismaël a apportées aux habitants de l'Arabie n'étaient pas nouvelles dans l'absolu puisque constituées de ce que son père Abraham avait apporté. Cependant elles étaient nouvelles par rapport aux habitants de l'Arabie, auprès de qui il était dépêché par Dieu (mab'ûth).
Comme "nabî mursal" qui ne fut pas aussi "rassûl", on peut citer entre autres les noms des prophètes qui furent chargés de rappeler aux Fils d'Israël la nécessité de suivre la Torah, apportée par Moïse : il s'agit entre autres de Josué, Jonas, Jérémie, Isaïe, Daniel, etc. etc.

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Laquelle de ces définitions retenir quant à la définition du "rassûl" (au sens B, particulier) ?

Si on retient la définition de Ibn Taymiyya, alors :

--- Adam a été rassûl au sens A seulement, parce qu'il a reçu la révélation et a informé les gens de cette révélation quand besoin en était.
--- Par contre, c'est Noé qui, le premier, a été rassûl au sens B : car c'est le premier prophète qui a été chargé par Dieu de transmettre Son message à des gens qui ne connaissaient plus la vérité (le monothéisme), et donc d'appeler son peuple à revenir à l'adoration de Dieu.

C'est en effet Adam qui (d'après l'un des commentaires) a dit à Caïn que sa soeur qu'il désirait n'était pas licite pour lui (Tafsîr ut-Tabarî), et qui a communiqué à ses deux fils Abel et Caïn qu'ils devaient faire une offrande à Dieu (voir par exemple Tafsîr Ibn Kathîr) : c'est donc une information venant de la révélation et concernant autrui qu'il a eu le devoir de communiquer, et il a donc été rassûl au sens A.
Cela contrairement à Noé, qui a dûment prêché, invité, les gens de sa cité à adorer Dieu et à cesser d'adorer les idoles, leur expliquant pourquoi cela était mauvais : il fut donc rassûl au sens B.

Nous avons alors ceci :
--- chez Adam : du inbâ' min allâh ; et un irsâl muqayyad (sens A) induisant un simple tanbî' un-nâs ;
--- chez Noé (premier rassûl au sens B) : inbâ' min allâh, du tanbî' un-nâs et un irsâl plus conséquent, qui consiste à devoir prêcher (da'wa) aux gens vers lesquels il a été dépêché et qui ne connaissaient plus la vérité ;
--- chez le dernier des prophètes Muhammad (rassûl vers toute l'humanité) : inbâ' min allâh, du tanbî' un-nâs et un irsâl à toute l'humanité.

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Si on retient la définition de at-Thânwî :

--- Adam a été rassûl au sens A seulement, parce qu'il a reçu la révélation et a été suscité (mursal) pour inviter les hommes de son entourage (ses fils et leur descendance qu'il a connue) au contenu de cette révélation.
--- Par contre, c'est Noé qui, le premier, a été rassûl au sens B : car il a été le premier prophète à avoir apporté des prescriptions d'origine divine sur Terre.

Une question se pose alors ici à propos de Adam (sur lui la paix) : il fallait bien qu'il enseigne des règles à ses enfants et à ces premiers éléments de l'humanité. Or, recevoir la révélation divine tout en apportant de Dieu des règles, c'est justement être rassûl. Comment le Hadîth dit-il donc que Adam fut nabî mais non pas rassûl, le premier nabî-rassûl ayant été Noé ?

Ibn Hajar propose plusieurs réponses à cette question, parmi lesquelles celle-ci en substance : ce que Adam enseigna à ses enfants étaient des règles basiques, semblables à celles qu'un père enseigne à ses enfants (cf. Fat'h ul-bârî, kitâb ul-anbiyâ').

On peut alors ajouter à cela que la Loi apportée par Noé était moins détaillée que celle apportée plus part par Moïse, de même que celle apportée encore plus tard par Muhammad (que Dieu les bénisse et les salue tous).

Le verset qui dit : "كُلُّ الطَّعَامِ كَانَ حِلاًّ لِّبَنِي إِسْرَائِيلَ إِلاَّ مَا حَرَّمَ إِسْرَائِيلُ عَلَى نَفْسِهِ مِن قَبْلِ أَن تُنَزَّلَ التَّوْرَاةُ قُلْ فَأْتُواْ بِالتَّوْرَاةِ فَاتْلُوهَا إِن كُنتُمْ صَادِقِينَ" : "Avant que la Torah fut descendue, tous ces aliments étaient licites pour les fils d'Israël – exception faite de ce que Israël s'était interdit à lui-même. Dis : "Apportez donc la Torah et récitez-la, si vous êtes véridiques"" (Coran 3/93), al-Qaffâl le commente en disant qu'il ne nous est pas parvenu que la consommation de la chair de l'animal à sang chaud mort de lui-même (mayta) et de la chair de porc (khinzîr) seraient alors perpétuellement demeurées "licites" pour les fils d'Israël avant que la Torah soit descendue : "قال القفال: "لم يبلغنا أنه كانت الميتة مباحة لهم مع أنها طعام، وكذا القول في الخنزير".

Le Coran souligne le caractère détaillé de la Loi de la Torah dans ces versets : "ثُمَّ آتَيْنَا مُوسَى الْكِتَابَ تَمَامًا عَلَى الَّذِيَ أَحْسَنَ وَتَفْصِيلاً لِّكُلِّ شَيْءٍ وَهُدًى وَرَحْمَةً لَّعَلَّهُم بِلِقَاء رَبِّهِمْ يُؤْمِنُونَ" (Coran 6/154), "وَكَتَبْنَا لَهُ فِي الأَلْوَاحِ مِن كُلِّ شَيْءٍ مَّوْعِظَةً وَتَفْصِيلاً لِّكُلِّ شَيْءٍ" (Coran 7/145), ainsi que celui de la Loi du Coran dans ces autres versets : "مَا كَانَ حَدِيثًا يُفْتَرَى وَلَكِن تَصْدِيقَ الَّذِي بَيْنَ يَدَيْهِ وَتَفْصِيلَ كُلَّ شَيْءٍ وَهُدًى وَرَحْمَةً لِّقَوْمٍ يُؤْمِنُونَ" (Coran 12/111), "وَمَا كَانَ هَذَا الْقُرْآنُ أَن يُفْتَرَى مِن دُونِ اللّهِ وَلَكِن تَصْدِيقَ الَّذِي بَيْنَ يَدَيْهِ وَتَفْصِيلَ الْكِتَابِ لاَ رَيْبَ فِيهِ مِن رَّبِّ الْعَالَمِينَ" (Coran 10/37).

Nous avons alors ceci :
--- chez Adam : des règles basiques, semblables à celles qu'un père enseigne à ses enfants ;
--- chez Noé (premier rassûl au sens B) : une Loi conséquente, mais relativement concise ;
--- chez Moïse et chez Muhammad (rassûl) : deux Lois beaucoup plus détaillées.

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Si on ajoute à tout cela l'avis qui dit que des femmes ont été prophétesses :

Alors elles n'ont pas été suscitées auprès d'êtres humains pour leur transmettre ce message reçu. Elles n'ont donc pas eu le devoir de communiquer aux gens ce que Dieu leur a révélé (لم يُنَبِّئْن الناسَ). Elles ne sont donc pas "mursalât", fût-ce au sens A (et ce, même d'après la définition de al-Khattâbî).

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Nous avons dès lors ceci :

--- Chez Eve, Agar, Sarah, Jokebed (la Mère de Moïse), Assia et Marie (la Mère de Jésus) (nabiyyât sans être russûl fût-ce au sens A) : du inbâ' min allâh ; cependant aucun irsâl, fût-il muqayyad : il n'y a pas eu devoir de tablîgh un-nâssi mâ unbi'na bihî.
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-- Chez Adam et d'autres Nabî ghayr-rassûl (
anbiyâ', et russûl au sens A mais pas au sens B) : du inbâ' min allâh ; et un irsâl muqayyad (sens A) induisant un devoir de simple tanbî' un-nâs / induisant un devoir de simple prédication vers des règles basiques, ou bien vers une Loi conséquente déjà connue des gens vers qui ce nabî est dépêché.
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--- Chez Noé (premier
rassûl au sens B) : du inbâ' min allâh, du tanbî' un-nâs et un irsâl plus conséquent, induisant le devoir de prêcher (da'wa) aux gens vers lesquels il a été dépêché pour leur exposer la vérité qu'ils ne connaissaient plus et les ramener à la droiture (Ibn Taymiyya) / induisant le devoir de prédication vers une Loi conséquente et qui est nouvelle pour les gens vers lesquels il a été dépêché (ath-Thânwî).
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-- Chez le dernier prophète, Muhammad (
rassûl vers toute l'humanité) : du inbâ' min allâh, du tanbî' un-nâs et un irsâl vers toute l'humanité, induisant le devoir de faire parvenir cette prédication à toute l'humanité (sans bien sûr y contraindre) / induisant le devoir de prédication vers une Loi conséquente et qui a été nouvelle pour toute l'humanité

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Quand Ibn Taymiyya écrit au sujet du Dernier des prophètes : هذه السورة أول ما أنزل الله عليه، وبها صار نبيا. ثم أنزل عليه سورة المدثر، وبها صار رسولا، لقوله: {قم فأنذر" : "(Ces 5 versets de) cette sourate constituent la première chose à lui avoir été révélée ; et par eux il est devenu Nabî. Ensuite (les premiers versets de) Sourate al-Muddaththir descendirent sur lui ; et par eux il est devenu Rassûl, à cause de la Parole de (Dieu) : "Lève-toi et avertis"" (MF 2/151-152), que désigne-t-il par les mots "Nabî" et "Rassûl" :
--- veut-il dire que, par la révélation du début de sourate al-'Alaq, Muhammad ibn Abdillâh est devenu Nabî avec irsâl muqayyad (ce qui fit de lui un Rassûl au sens A) ; et qu'ensuite, par la révélation du début de sourate al-Muddaththir, il est devenu Rassûl au sens B du terme ?
--- ou bien voudrait-il dire que, par la révélation du début de sourate al-'Alaq, Muhammad ibn Abdillâh est devenu Nabî sans irsâl muqayyad ; et qu'ensuite, par la révélation du début de sourate al-Muddaththir, il est devenu Rassûl au sens A comme au sens B du terme ?

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Que Dieu salue tous Ses prophètes et messagers.

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