Le sens littéral de "Wilâya" / "Walâ'" / "Walî" / "Tawallî" / "Muwâlâh", exposé par al-Asfahânî

Parlant de Walâ' et de Tawâlî (forme augmentée VI), al-Asfahânî écrit :

"الوَلَاءُ والتَّوَالِي: أن يَحْصُلَ شيئان فصاعدا حصولا ليس بينهما ما ليس منهما.

ويستعار ذلك للقرب من حيث المكان، ومن حيث النّسبة، ومن حيث الدّين، ومن حيث الصّداقة والنّصرة والاعتقاد.

والوِلَايَةُ النُّصْرةُ، والوَلَايَةُ: تَوَلِّي الأمرِ؛
وقيل: الوِلَايَةُ والوَلَايَةُ نحو: الدِّلَالة والدَّلَالة، وحقيقته: تَوَلِّي الأمرِ"

"Le Walâ' et le Tawâlî consiste à ce que deux choses – ou plus – soient de telle sorte qu'il n'y ait pas entre elles ce qui ne relève pas d'elles.

Ce (terme) est (ensuite) emprunté pour (désigner) le fait d'être proches par rapport au lieu, par rapport au lien (nisba), par rapport à la religion, et par rapport à l'amitié, l'aide et la croyance.

La Walâya c'est l'aide. [Par contre] la Wilâya c'est le fait de prendre en main l'affaire (de quelqu'un).
Un autre avis : la Walâya et la Wilâya constituent (la même chose), comme (c'est le cas pour) la Dalâla et la Dilâla ; et la réalité de (cette chose) est : prendre en main l'affaire (de quelqu'un) ("tawalli-l-amr")."

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Parlant des adjectifs "Walî" et "Mawlâ", al-Asfahânî écrit :

"والوَلِيُّ والمَوْلَى يستعملان في ذلك.
كلُّ واحدٍ منهما يقال في معنى الفاعل، أي: المُوَالِي؛ وفي معنى المفعول، أي: المُوَالَى"

""Walî" et "Mawlâ" sont employés pour cela [= c'est-à-dire pour désigner :
– celui qui prend en main l'affaire de quelqu'un,
– et celui dont quelqu'un prend en main l'affaire].
Chacun de ces deux (termes) est employé pour désigner :
– le participe actif (al-fâ'ïl), c'est-à-dire : "Muwâlî" [= celui qui prend en main l'affaire],
– et le participe passif (al-maf'ûl), c'est-à-dire : Muwâlâ [= celui dont l'affaire est prise en main]."

Un verset existe qui met particulièrement en exergue les deux sens contraires que "Walî" peut avoir :
– Dieu "n'a pas de Walî pour cause de faiblesse" : "وَلَمْ يَكُن لَّهُ وَلِيٌّ مِّنَ الذُّلَّ" (Coran 17/111). Ici il a été dit que Dieu n'a pas de Walî, mais c'est au premier sens, c'est-à-dire qu'Il n'a pas de Muwâlî (c'est ce que mettent en exergue les termes "pour cause de faiblesse").
– Par contre Dieu a bien des Walî, mais dans le second sens, c'est-à-dire qu'Il a des Muwâlâ.

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Un peu plus loin al-Asfahânî écrit :

"وقد يقال: اللهُ تعالى وَلِيُّ المؤمنين ومَوْلَاهُمْ"
"– Il est dit : "Dieu est le Walî des croyants",
(et il est dit aussi qu'Il est) le Mawlâ des (croyants)."
Al-Asfahanî cite des exemples de cet emploi, parmi lesquels :
"Dieu est le Walî de ceux qui ont apporté foi" (Coran 2/257) ; "Et Dieu est le Walî des Croyants" (Coran 3/68) ;
"Ceci parce que Dieu est le Mawlâ de ceux qui ont foi" (Coran Muhammad/11).
Ces deux qualificatifs, Walî et Mawlâ, ont ici le sens du participe actif, et ont été employés pour dire : "Muwâlî". Dieu est Walî ou Mawlâ des Croyants, cela veut dire qu'Il est le Muwâlî des Croyants, autrement dit : Il s'occupe des Croyants.

Par contre, souligne al-Asfahânî :
"يقال للمؤمن: هو وَلِيُّ اللهِ عزّ وجلّ؛ ولم يَرِد مَوْلَاهُ"
"– Il est dit du Croyant : "Il est le Walî de Dieu".
Il n'a (cependant) pas été dit (dans le Coran ni la Sunna) (que le Croyant est) le Mawlâ de (Dieu)".
Un des exemples de cet emploi dans le Coran :
"Dis : "O ceux qui se sont judaïsés, si vous prétendez que vous êtes, à l'exclusion des (autres) humains, les Walî de Dieu, alors…" (Coran jumu'a/6) : c'est-à-dire : "si vous prétendez que ce sont seulement vous qui êtes les Muwâlâ de Dieu". Un exemple de cet emploi dans la Sunna : "Dieu dit : "Celui qui se prend d'inimitié pour un Walî à Moi, Je lui déclare la guerre" (al-Bukhârî). Ceci signifie donc : "Celui qui se prend d'inimitié pour un homme dont c'est Moi qui m'occupe…".

Par cette mise en opposition, al-Asfahanî veut dire dans ce passage que pour désigner quelqu'un comme étant "Muwâlâ" de Dieu, le terme "Walî" s'emploie, mais pas le terme "Mawlâ" (malgré le fait que littéralement "Mawlâ" peut lui aussi vouloir dire : "Muwâlâ", comme al-Asfahânî l'avait écrit plus haut).

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On voit que Walî signifie non pas seulement "celui pour qui on a de l'affection", mais "celui qui a pris en charge nos affaires / dont nous avons pris en charge les affaires" ; "qui nous protège" / "que nous protégeons", le tout en étant proche de lui (al-qurb), puisque, comme l'a dit al-Asfahânî, c'est le sens de base du terme".

Beaucoup plus loin, al-Asfahânî écrit : "Toute personne qui prend en charge l'affaire d'un autre, il est le Walî de celui-ci" ("Wa kullu man waliya amr al-âkhar, fa huwa waliyyuhû").

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A propos maintenant de Tawallî (forme augmentée V), al-Asfahânî écrit :

" وقولهم تَوَلَّى إذا عدّي بنفسه اقتضى معنى الوَلَايَةِ، وحصوله في أقرب المواضع منه يقال: وَلَّيْتُ سمعي كذا، ووَلَّيْتُ عيني كذا، ووَلَّيْتُ وجهي كذا: أقبلت به عليه، قال الله عزّ وجلّ: فَلَنُوَلِّيَنَّكَ قِبْلَةً تَرْضاها"
"Lorsqu'il est utilisé de façon transitive directement [= sans particule], il implique le sens de Wilâya et que cela se réalise au plus proche des endroits de lui. On dit ainsi : "Wallaytu sam'î kadhâ" ; "Wallaytu 'aynî kadhâ" ; "Wallaytu waj'hî kadhâ"."
Exemples cités par al-Asfahânî : "وَمَنْ يَتَوَلَّهُمْ مِنْكُمْ فَإِنَّهُ مِنْهُمْه" : "Et celui d'entre vous qui fait leur Tawallî, celui-là fait partie d'eux" (5/51).

"وإذا عدّي بـ"عن" لفظا أو تقديرا اقتضى معنى الإعراض وترك قربه"
"Et lorsqu'il est utilisé avec (la particule) "'an", présente dans le texte ou sous-entendue, (le terme Tawallî) implique le sens de se détourner et de délaisser la proximité de (cette chose)."
Exemple : "Et si (eux) ils font Tawallî, alors sachez que Dieu est votre Mawlâ" (8/40). "والتَّوَلِّي قد يكون بالجسم، وقد يكون بترك الإصغاء والائتمار" : Le Tawallî dans ce second sens, précise al-Asfahânî, "se fait parfois par le corps, et se fait parfois par le fait de délaisser l'écoute et l'obéissance".

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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A lire après cet article :

Les termes "Walî" / "Wilâya" / "Tawallî" / "Muwâlât" et leurs différentes utilisations dans le Coran

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