Les versets "univoques" (مُحكَم) et les versets "équivoques" (متشابِه) - Peut-on connaître le Ta'wîl des versets "équivoques" (متشابِه) ?

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I) Muhkam et Mutashâbih ont des sens divers dans le texte du Coran :

Dans un verset, il est dit que tous les versets du Coran ont été rendus Muhkam : "كِتَابٌ أُحْكِمَتْ آيَاتُهُ ثُمَّ فُصِّلَتْ مِن لَّدُنْ حَكِيمٍ خَبِيرٍ" (Coran 11/1).

Dans un autre verset il est dit que tout le Coran est Mutashâbih : "اللَّهُ نَزَّلَ أَحْسَنَ الْحَدِيثِ كِتَابًا مُّتَشَابِهًا مَّثَانِيَ" (Coran 39/23).

Enfin, un troisième passage dit que dans le Coran, il y a des versets qui en constituent le fondement, eux sont Muhkam, alors que d'autres versets sont Mutashâbih :
"هُوَ الَّذِيَ أَنزَلَ عَلَيْكَ الْكِتَابَ مِنْهُ آيَاتٌ مُّحْكَمَاتٌ هُنَّ أُمُّ الْكِتَابِ وَأُخَرُ مُتَشَابِهَاتٌ فَأَمَّا الَّذِينَ في قُلُوبِهِمْ زَيْغٌ فَيَتَّبِعُونَ مَا تَشَابَهَ مِنْهُ ابْتِغَاء الْفِتْنَةِ وَابْتِغَاء تَأْوِيلِهِ وَمَا يَعْلَمُ تَأْوِيلَهُ إِلاَّ اللّهُ وَالرَّاسِخُونَ فِي الْعِلْمِ يَقُولُونَ آمَنَّا بِهِ كُلٌّ مِّنْ عِندِ رَبِّنَا وَمَا يَذَّكَّرُ إِلاَّ أُوْلُواْ الألْبَابِ {3/7} رَبَّنَا لاَ تُزِغْ قُلُوبَنَا بَعْدَ إِذْ هَدَيْتَنَا وَهَبْ لَنَا مِن لَّدُنكَ رَحْمَةً إِنَّكَ أَنتَ الْوَهَّابُ 3/8"
"Il est Celui qui a fait descendre sur toi le Livre.
De ce dernier :
- certains versets sont univoques ("Muhkam"), ils sont le fondement du Livre ;
- et d'autres sont équivoques ("Mutashâbih").
Ceux dans le cœur de qui il y a une tortuosité, ils poursuivent ce qui en est équivoque, par recherche du trouble et par recherche de son Ta'wîl.
Alors que n'en connaît le Ta'wîl que Dieu, et les gens approfondis dans la connaissance disent : "Nous apportons foi en ceci. Tout vient de notre Pourvoyeur". Et ne se rappellent que ceux qui sont doués d'intelligence. "Notre Pourvoyeur, ne rends pas nos
cœurs tortueux après que Tu nous as guidés. Et accorde-nous de Ta part une miséricorde. Tu es Celui qui donne beaucoup""
(Coran 3/7-8)
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En fait, les termes "Muhkam" et "Mutashâbih" n'ont pas la même signification dans ces 3 passages :

Dans le premier verset, tout le Coran est dit : "Muhkam" au sens de : "rendu solide par rapport à toute possibilité de falsification" ; "rendu parfait" ; Ihkâm veut dire : "parfaire, solidifier" ;

Dans le second verset, tout le Coran est dit : "Mutashâbih" au sens de : "se ressemblant quant au contenu, dans le sens où, bien qu'abordant des sujets différents, une partie n'en contredit pas l'autre".

Quant aux versets 3/7-8, qu'y signifient les mots "Muhkam" et "Mutashâbih", traduits respectivement par "univoque" et "équivoque" ?
Shâh Waliyyullâh commente ces deux termes présents dans ce passage coranique ainsi :
"قوله تعالى: "منه آيات محكمات هن أم الكتاب وأخر متشابهات".
أقول: الظاهر أن المحكم: ما لم يحتمل إلا وجها واحدا. مثل:"حرمت عليكم أمهاتكم وبناتكم وأخواتكم
والمتشابه: ما احتمل وجوها وإنما المراد بعضها. كقوله تعالى: "ليس على الذين آمنوا وعملوا الصالحات جناح فيما طعموا": حملها الزائغون على إباحة الخمر ما لم يكن بغي أو إفساد في الأرض، والصحيح حملها على شاربيها قبل التحريم"
(Hujjat ullâh il-bâligha, 1/492).
Il dit ici que :
A) le "Muhkam" est le terme ou l'ensemble de termes dont le sens est clair et évident ; d'où la traduction de "univoque" ;

B) le "Mutashâbih" est le terme ou l'ensemble de termes qui, par la façon dont ils sont formulés, peuvent être compris de façons multiples alors même qu'une seule de celles-ci est acceptable (voir également : Al-Itqân, p. 640).

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II) 6 exemples de versets Mutashâbih (au sens où le verset 3/7 emploie ce terme) :

Un premier exemple :

Ici peut être cité tout verset dans lequel se trouvent des mots gharîb (rares), et dont le sens n'est pas répandu.
De même, ici peut être cité tout verset dans lequel on lit une expression typiquement arabe (kinâya), ou une parabole (mathal). "وَإِن كُنتُم مَّرْضَى أَوْ عَلَى سَفَرٍ أَوْ جَاء أَحَدٌ مِّنكُم مِّن الْغَآئِطِ أَوْ لَمَسْتُمُ النِّسَاء فَلَمْ تَجِدُواْ مَاء فَتَيَمَّمُواْ صَعِيدًا طَيِّبًا فَامْسَحُواْ بِوُجُوهِكُمْ وَأَيْدِيكُمْ" : "Et si vous êtes malades [et ne devez donc pas utiliser l'eau], ou en voyage – (alors que) l'un de vous revient du lieu creux, ou que vous avez touché une femme – et que vous ne trouvez pas d'eau, alors..." (Coran 4/43). "Partir au lieu creux" est un euphémisme pour signifier : "aller faire ses besoins naturels". C'étaient des lieux de ce genre que les Arabes des anciens temps choisissaient pour y faire leurs besoins naturels. Primo il s'agissait donc de s'y rendre, oui, mais avec un objectif particulier : y faire ses besoins. Secundo la formule est devenue un kinâya, utilisée pour désigner en fait : "faire ses besoins", qui est le lâzim de son sens premier ("se rendre véritablement en pareil lieu") (c'est-à-dire : qui est impliqué par son sens premier). "والغائِط: المكان المطمئن من الأرض، فكني عن الحدث بمكانه؛ قاله ابن قتيبة" (Zâd ul-massîr).

Car le Mutashâbih est, d'après l'un des commentaires : "والسادس: أنه ما احتاج إلى بيان، ذكره القاضي أبو يعلى عن أحمد؛ وقال الشّافعيّ: ما احتمل من التأويل وجوهاً؛ وقال ابن الأنباري: المحكم ما لا يحتمل التأويلات، ولا يخفى على مميّز، والمتشابه: الذي تعتوره تأويلات. والسابع: أنه القصص والأمثال، ذكره القاضي أبو يعلى" (Zâd ul-massîr).

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Un second exemple :

Un verset dit : "Il n'y a aucun grief fait à ceux qui croient et font les bonnes actions à propos de ce qu'ils ont consommé, du moment qu'ils ont eu la crainte (de Dieu), ont apporté foi et ont fait les bonnes actions, puis ont eu la crainte et ont apporté foi, puis ont eu la crainte et ont fait le bien" (Coran 5/93).

Ce verset est "Mutashâbih", "équivoque". En effet, de par les mots mêmes que Dieu y a employés, il y a possibilité en soi qu'il soit interprété de deux façons diamétralement opposées :
il pourrait pourrait être interprété comme signifiant que Dieu ne fera aucun grief aux croyants quant à ce qu'ils auront consommé durant leur vie : du moment qu'ils ont la foi et font les bonnes actions, ils peuvent donc consommer ce qu'ils veulent ;
et il peut tout simplement signifier que Dieu ne fera aucun grief à ceux des croyants qui sont morts avant qu'Il interdise tel aliment et telle boisson, et qui en avaient donc consommé de leur vivant.
On le voit, ce verset est "équivoque".

Dès lors, deux démarches existent dans sa lecture :

Soit on l'appréhende de façon indépendante par rapport aux autres versets ; on le "coupe", en quelque sorte, de tout le reste du texte coranique dans lequel il est intégré. Dans ce cas, il conduit à la première interprétation suscitée, et on aura alors beau jeu de prétendre qu'on a trouvé dans le Coran lui-même un verset montrant qu'il est licite pour le musulman de consommer ce qu'il veut ;

Soit on lit ce verset "équivoque" à la lumière de ce que présentent les autres versets du Coran. Et que constatons-nous alors ? que ces autres versets disent que Dieu interdit strictement la consommation du porc, de la bête morte sans avoir été abattue de la façon voulue, du sang (Coran 5/3 etc.), de l'alcool (Coran 5/90-91). Ce sont là des versets "univoques" : leur sens est clair. A la lumière de ces versets (celui concernant l'alcool figure d'ailleurs juste avant), la seule interprétation possible du verset 5/93 est alors la seconde : Dieu ne fera aucun grief aux personnes croyantes qui avaient consommé tel et tel aliments et qui sont mortes avant qu'Il ait interdit ceux-ci.
C'est d'ailleurs là, justement, la circonstance de révélation de ce verset 5/93 : Anas ibn Mâlik relate que des Compagnons s'étaient interrogés à propos de deux des leurs qui étaient morts avant l'interdiction de l'alcool et en avaient bu juste avant de mourir ; c'est alors que Dieu révéla ce verset (5/93) (al-Bukhârî 2332, Muslim 1980).

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Un troisième exemple :

"Les croyants, les juifs, les chrétiens, les sabéens, ceux qui ont cru en Dieu et au jour dernier et auront fait le bien, ceux-là auront leur récompense auprès de leur Seigneur, et sur eux il n'y aura aucune crainte, ni ils ne seront attristés" (Coran 2/62).

A l'appréhender seul, on déduirait de ce verset que, même après la venue de Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue), ceux qui ont eu connaissance de son message et ont refusé d'apporter foi en ce message, ceux-là restent quand même croyants, promis au Paradis.

Or c'est là un verset mutâshâbih, et il doit être lu et compris à la lumière des versets muhkam se rapportant au même sujet. Nous avons cité ceux-ci dans notre article : Les juifs et les chrétiens d'aujourd'hui sont-ils des mu'min ou des kâfir ?.

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Un quatrième exemple :

Dans le verset suscité : "وَإِن كُنتُم مَّرْضَى أَوْ عَلَى سَفَرٍ أَوْ جَاء أَحَدٌ مِّنكُم مِّن الْغَآئِطِ أَوْ لَمَسْتُمُ النِّسَاء فَلَمْ تَجِدُواْ مَاء فَتَيَمَّمُواْ صَعِيدًا طَيِّبًا فَامْسَحُواْ بِوُجُوهِكُمْ وَأَيْدِيكُمْ" : "Et si vous êtes malades [et ne devez donc pas utiliser l'eau], ou en voyage – (alors que) l'un de vous revient du lieu creux, ou que vous avez touché une femme – et que vous ne trouvez pas d'eau, alors..." (Coran 4/43), qu'est-il signifié :
- le fait de toucher de la main par exemple la main d'une femme, fût-elle son épouse (cette interprétation impliquant que cela annulerait les petites ablutions) ?
- ou bien seulement les relations intimes avec son épouse (cette seconde interprétation impliquant que cette formule évoque quelque chose qui annule les grandes ablutions) ?
Ibn Abbâs a affirmé que c'est la seconde interprétation qui est correcte : "عن قتادة قال، قال سعيد بن جبير وعطاء في التماس: الغمز باليد. وقال عبيد بن عمير: الجماع. فخرج عليهم ابن عباس فقال: أخطأ الموليان وأصاب العربي، ولكنه يعف ويكني" (Tafsîr ut-Tabarî, 9587). "عن سعيد بن جبير قال: ذكروا اللمس، فقال ناس من الموالي: ليس بالجماع. وقال ناس من العرب: اللمس الجماع. قال: فأتيت ابن عباس فقلت: إن ناسا من الموالي والعرب اختلفوا في"اللمس"، فقالت الموالي: ليس بالجماع، وقالت العرب: الجماع. قال: من أي الفريقين كنت؟ قلت: كنت من الموالي. قال: غلب فريق الموالي! إن"المس" و"اللمس"، و"المباشرة": الجماع؛ ولكن الله يكني ما شاء بما شاء" (Ibid., 9581). Cette affirmation de Ibn Abbâs en fait une interprétation en soi de niveau "zannî zannan ghâliban", où on ne peut faire que le tarjîh, et pas le jazm".

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Un cinquième exemple :

Le terme "qar'" (Coran 2/228) peut signifier aussi bien une chose que son contraire :
--- période menstruelle,
--- période de pureté.
C'est un terme mushtarak, amphibologique.
Cela est également un terme "mutashâbih" du genre de ceux dont parle ce verset 3/7. A son sujet il y a latitude à la divergence d'interprétation (li-l-ikhtilâfi fi-l-mas'alati massâgh).

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Un sixième exemple :

Les lettres détachées qui se trouvent au début de nombreuses sourates : Alim-Lâm-Mîm, par exemple. C'est l'un des cas présentés parmi l'ensemble des commentaires de ce verset 3/7 : "والثالث: أنه الحروف المقطعة كقوله: "ألم" ونحو ذلك؛ قاله ابن عباس" (Zâd ul-massîr).
Et ces Hurûf Muqatta'ât, soit on n'en connaît pas du tout le sens ; soit on n'en connaît pas le sens de façon tranchée (qat'î) mais seulement supposée (zannî) : on s'en remet donc pour cela à Dieu.

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III) En fait il existe en fait plusieurs degrés dans la "Tashâbuh", le "caractère équivoque" (évoqué en Coran 3/7), du mot / du groupe de mots présent(s) dans certains versets :

Ar-Râghib al-Asfahânî écrit ainsi :

"ثم جميع المتشابه على ثلاثة أضرب:
ضرب لا سبيل للوقوف عليه، كوقت الساعة، وخروج دابة الأرض، وكيفية الدابة ونحو ذلك [B.C]
وضرب للإنسان سبيل إلى معرفته، كالألفاظ الغريبة والأحكام الغلقة [B.A]
وضرب متردد بين الأمرين، يجوز أن يختص بمعرفة حقيقته [B.B]
بعض الراسخين في العلم ويخفى على من دونهم؛ وهو الضرب المشار إليه بقوله عليه السلام في علي رضي الله عنه: "اللهم فقهه في الدين وعلمه التأويل" وقوله لابن عباس مثل ذلك.
وإذ عرفت هذه الجملة علم أن الوقف على قوله: "وما يعلم تأويله إلا الله"، ووصله بقوله: "والراسخون في العلم": جائز، وأن لكل واحد منهما وجهًا حسبما دل عليه التفصيل المتقدم"
(Mufradât ur-Râghib, Sh-B-H).

Al-Asfahânî écrit ici que les versets coraniques "équivoques" sont de 3 types :

Type B.A de versets "équivoques" : "Mutashâbih Nissbî" : il s'agit des versets "équivoques" qui sont tels qu'il est possible de saisir leur Ta'wîl, mais cela demande un approfondissement dans la langue arabe (c'est le type que al-Asfahânî a évoqué en ces mots : "ضرب للإنسان سبيل إلى معرفته، كالألفاظ الغريبة والأحكام الغلقة").

Type B.B de versets "équivoques" : "Mutashâbih Nissbî" : il s'agit des versets "équivoques" qui sont tels qu'il est possible de saisir leur Ta'wîl, mais cela demande un approfondissement d'un niveau plus important (c'est le type que al-Asfahânî a évoqué en ces termes : "ضرب متردد بين الأمرين: يجوز أن يختص بمعرفة حقيقته بعض الراسخين في العلم، ويخفى على من دونهم").

Type B.C de versets "équivoques" : "Mutashâbih Mutlaq" : d'autres versets "équivoques" sont tels qu'il n'est pas possible de saisir leur Ta'wîl : seul Dieu connaît celle-ci (c'est le type que al-Asfahânî a ainsi évoqué : "ضرب لا سبيل للوقوف عليه، كوقت الساعة، وخروج دابة الأرض، وكيفية الدابة ونحو ذلك") ; Seul Dieu connaît leur Ta'wîl, cela signifie :
----- soit que les humains ne peuvent pas connaître leur sens avec certitude, ne pouvant que supposer leur sens ;
----- soit qu'il n'est pas du tout possible aux humains de connaître leur sens, même de façon supposée.

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Cela correspond tout à fait à ce que Ibn Abbâs a ainsi exprimé :
"حدثنا محمد بن بشار، قال: حدثنا مؤمل، قال: حدثنا سفيان، عن أبي الزناد، قال: قال ابن عباس: التفسير على أربعة أوجه:
وجه تعرفه العرب من كلامها [1]
وتفسير لا يعذر أحد بجهالته [2]
وتفسير يعلمه العلماء [3]
وتفسير لا يعلمه إلا الله تعالى ذكره [4]"
(Tafsîr ut-Tabarî, Introduction).

– Les versets que Ibn Abbâs a ici évoqués en 2ème position (تفسير لا يعذر أحد بجهالته) sont soit les versets "univoques" (A), soit la partie du contenu des versets coraniques qui est ma'lûm min ad-dîn dharûratan.

– Et les 3 autres types de versets que Ibn Abbâs a évoqués renvoient aux versets "équivoques" :
--- le 1er (وجه تعرفه العرب من كلامها) renvoie à une partie du type B.A (ضرب للإنسان سبيل إلى معرفته، كالألفاظ الغريبة) ;
--- le 3ème (تفسير يعلمه العلماء) à l'autre partie du type B.A (الأحكام الغلقة), ainsi qu'au type B.B (ضرب متردد بين الأمرين: يجوز أن يختص بمعرفة حقيقته بعض الراسخين في العلم، ويخفى على من دونهم) ;
--- et le 4ème (تفسير لا يعلمه إلا الله تعالى ذكره) au type B.C (ضرب لا سبيل للوقوف عليه) : cela correspond à ces deux commentaires de ce qu'est le Mutashâbih : "والثاني: أنه ما لم يكن للعلماء إلى معرفته سبيل، كقيام الساعة، روي عن جابر بن عبد الله. والثالث: أنه الحروف المقطعة، كقوله: "ألم" ونحو ذلك، قاله ابن عباس" (Zâd ul-massîr).

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Quand ash-Shawkânî, exposant l'avis le plus pertinent selon lui de ce qu'est le Mutashâbih, écrit : "والأولى أن يقال: إن المحكم هو الواضح المعنى، الظاهر الدلالة، إما باعتبار نفسه أو باعتبار غيره؛ والمتشابه: ما لا يتضح معناه، أو لا تظهر دلالته، لا باعتبار نفسه ولا باعتبار غيره" (Fat'h ul-qadîr), il a retenu le Mutashâbih Mutlaq seulement : le 4ème.

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IV) Et il existe 2 possibilités de comprendre le passage qui dit des versets Muhkam qu'"ils sont le fondement du Livre" :

Soit cela signifie tout simplement que les versets Muhkam constituent la partie essentielle du Coran : "ثم وصف جل ثناؤه هؤلاء الآيات المحكمات، بأنهن "هن أم الكتاب": يعني بذلك أنهن أصل الكتاب الذي فيه عماد الدين والفرائض والحدود، وسائر ما بالخلق إليه الحاجة من أمر دينهم، وما كلفوا من الفرائض في عاجلهم وآجلهم. وإنما سماهن "أم الكتاب" لأنهن معظم الكتاب، وموضع مفزع أهله عند الحاجة إليه؛ وكذلك تفعل العرب: تسمي الجامع معظم الشيء "أما" له؛ فتسمى راية القوم التي تجمعهم في العساكر: "أمهم"، والمدبر معظم أمر القرية والبلدة: "أمها"؛ وقد بينا ذلك فيما مضى بما أغنى عن إعادته" (Tafsîr ut-Tabarî).

Soit cela signifie qu'il faut lire et comprendre les versets Mutashâbih à la lumière des versets Muhkam : "خبر تعالى أن في القرآن آيات محكمات هن أم الكتاب، أي: بينات واضحات الدلالة، لا التباس فيها على أحد من الناس، ومنه آيات أخر فيها اشتباه في الدلالة على كثير من الناس أو بعضهم؛ فمن رد ما اشتبه عليه إلى الواضح منه وحكم محكمه على متشابهه عنده، فقد اهتدى؛ ومن عكس انعكس. ولهذا قال تعالى :(هو الذي أنزل عليك الكتاب منه آيات محكمات هن أم الكتاب) أي: أصله الذي يرجع إليه عند الاشتباه (وأخر متشابهات) أي: تحتمل دلالتها موافقة المحكم، وقد تحتمل شيئا آخر من حيث اللفظ والتركيب، لا من حيث المراد" (Tafsîr Ibn Kathîr). Mais cela s'applique seulement aux exemples 2 et 3 cités plus haut.

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V) Par ailleurs, il existe 2 sens au terme "Ta'wîl" dans la phrase : "Ceux dans le cœur de qui il y a une tortuosité, ils poursuivent ce qui en est équivoque, par recherche du trouble et par recherche de son Ta'wîl" :

Ce terme peut y revêtir 2 sens :

Sens 1) "Ta'wîl" signifie : "ma'nâ", ou "tafsîr", c'est-à-dire : "le sens du propos", ou "indiquer le sens du propos". C'est avec ce sens que ce terme a été utilisé dans le verset coranique où est relaté le propos des deux compagnons de prison ayant demandé au prophète Joseph (sur lui soit la paix) à propos du rêve qu'ils avaient vu : "نَبِّئْنَا بِتَأْوِيلِهِ" : "Informe-nous de son sens" (Coran 12/36). C'est également avec ce sens que le Prophète (sur lui soit la paix) a invoqué en ces termes Dieu en faveur de Ibn Abbâs : "اللهم فقهه في الدين وعلمه التأويل" : "Dieu, accorde-lui la compréhension profonde du Dîn, et enseigne-lui le Ta'wîl" (Fat'h ul-bârî 1/224) : il s'agit de la (connaissance du) sens du texte coranique.

Sens 2) Le terme "Ta'wîl" signifie : "al-haqîqa fi-l-wujûd" : "la réalité existante". C'est avec ce sens que ce terme a été utilisé dans le verset coranique : "هَلْ يَنظُرُونَ إِلاَّ تَأْوِيلَهُ؟ يَوْمَ يَأْتِي تَأْوِيلُهُ يَقُولُ الَّذِينَ نَسُوهُ مِن قَبْلُ قَدْ جَاءتْ رُسُلُ رَبِّنَا بِالْحَقِّ" : "Est-ce qu'ils n'attendraient (pour apporter foi) que sa réalisation ? Le jour où viendra sa réalisation, ceux qui l'avaient auparavant oublié diront : "Les Messagers (venus à) nous avaient (donc) apporté la vérité !" (Coran 7/53).

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VI) Et il existe également 2 lectures possibles du verset parlant de qui connaît le Ta'wîl des versets équivoques : Dieu Seul ? ou bien : Dieu, ainsi que les hommes approfondis dans la connaissance ?

En effet, il y a deux lectures possibles de ce passage :

– Lecture I : "Alors que n'en connaissent le Ta'wîl que : Dieu, ainsi que les gens approfondis dans la connaissance, [lesquels] disent : "Nous apportons foi en ceci. Tout vient de notre Seigneur".

– Lecture II : "Alors que n'en connaît le Ta'wîl que : Dieu. Et les gens approfondis dans la connaissance [se contentent de] dire : "Nous apportons foi en ceci. Tout vient de notre Seigneur".

En fait chacune de ces deux lectures est correcte, mais en correspondance :
--- d'une part avec le type B.A, ou B.B, ou bien le type B.C parmi les différents types de versets "équivoques" ;
--- d'autre part selon le sens que l'on donne au terme "Ta'wîl" (sens 1 ou sens 2) que les gens de la tortuosité recherchent.

C'est ce que al-Asfahânî a exprimé ainsi : "وإذ عرفت هذه الجملة، علم أن الوقف على قوله: "وما يعلم تأويله إلا الله"، ووصله بقوله: "والراسخون في العلم": جائز، وأن لكل واحد منهما وجهًا حسبما دل عليه التفصيل المتقدم" (Mufradât ur-Râghib, Sh-B-H).

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Ainsi, la lecture I s'applique aux versets "équivoques" du type B.A ou B.B, avec le terme "Ta'wîl" en son sens 1 ou en son sens 2 : Dieu, mais aussi ceux qui sont doués de science approfondie et qui n'ont pas de tortuosité dans leur cœur, sont capables de comprendre la Ta'wîl de ce verset 5/93 : son sens, ou bien la réalité à laquelle ce sens correspond. Les gens de la tortuosité, eux, se servent de ce genre de versets afin qu'ils puissent servir de prétexte à l'idée déviante et préconçue qu'ils ont déjà en eux. Par contre, l'interprétation qui est faite de ce type de versets à la lumière des versets "univoques" est, elle, correcte.

Cette lecture I s'applique également aux versets où figurent les termes "Ses deux Mains", "Dieu S'est établi sur le Trône" etc., mais avec le terme "Ta'wîl" appréhendé en son sens 1 : Dieu, mais aussi ceux qui sont doués de science approfondie et qui n'ont pas de tortuosité dans leur cœur, sont capables de comprendre la Ta'wîl de ces versets : le sens de ces versets.

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Quant à la lecture II, elle s'applique, avec le terme "Ta'wîl" appréhendé en son sens 1, aux versets ne comportant que des Lettres Détachées, au début de certaines sourates : seul Dieu connaît le sens de ces Lettres. Les gens doués de science doivent se contenter de dire : "Nous n'en connaissons pas le sens, mais cela aussi provient de notre Seigneur".

La lecture II concerne les versets où figurent les termes "Ses deux Mains", "Dieu S'est établi sur le Trône" etc., mais avec le terme "Ta'wîl" appréhendé cette fois en son sens 2 : seul Dieu connaît la réalité qu'évoquent ces versets. Les humains, fussent-ils doués de science et de piété, ne peuvent pas connaître la réalité que ces termes désignent (bien qu'ils en connaissent le sens).

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Ibn Taymiyya a écrit cela dans différents passages. Il écrit entre autres :
"وابن عباس جاء عنه أنه قال: أنا من الراسخين الذين يعلمون تأويله.
وجاء عنه: أن الراسخين لا يعلمون تأويله.
وجاء عنه أنه قال: التفسير على أربعة أوجه: تفسير تعرفه العرب من كلامها، وتفسير لا يعذر أحد بجهالته، وتفسير يعلمه العلماء، وتفسير لا يعلمه إلا الله من ادعى علمه فهو كاذب.
وهذا القول يجمع القولين ويبين أن العلماء يعلمون من تفسيره ما لا يعلمه غيرهم، وأن فيه ما لا يعلمه إلا الله"
(MF 17/400).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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