Est-il vrai que chez les hanafites, le Hadîthu Wâhidin ne peut jamais induire une obligation (ألا يثبت خبر الواحد فرضيةً عند الأحناف ؟) ? Est-il vrai qu'un tel Hadîth ne peut non plus jamais nuancer (taqyîd) la règle (hukkm) établie de façon inconditionnelle (mutlaq) dans le Coran, ni faire exception de certains individus (takhsîs) par rapport à ce qui est établi pour une généralité ('âmm) dans le Coran ? - ألا يُخصِّص خبر الواحد عامّ كتاب الله عند الأحناف؟ ألا يُقيِّد خبر الواحد مطلق كتاب الله عندهم؟ ألا يَزيد خبر الواحد على ما جاء في كتاب الله عندهم ؟

Le hadîthu wâhid (ou : khabaru wâhid) est le hadîth qui, même s'il est authentique, est relaté par pas plus que quelques maillons à chaque niveau de la chaîne de transmission, et qui est ainsi différent du hadîth mutawâtir, et aussi du hadîth appelé "mash'hûr" chez les hanafites.

Le fait est que chez les fuqahâ' hanafites, le texte "mash'hûr" n'est pas une sous-catégorie du type "wâhid" ("âhâd"), mais constitue au contraire un 3ème type, distinct des deux types "mutawâtir" et "wâhid".

Chez les ulémas hanfites, en effet, les textes rapportés par une chaîne de transmission fiable (sahîh) sont, en fonction du nombre de rapporteurs qui sont présents à chaque niveau de la chaîne, de 3 types :
– le texte"mutawâtir" ou "rapporté au tawâtur" : la définition de ce texte mutawâtir est la même que chez les muhaddithûn ;
– le texte "wâhid" est le texte qui, pendant les 3 premières générations (Compagnons, Tâbi'ûn et Atbâ' ut-tâbi'în), n'a jamais atteint ce stade de diffusion importante, tawâtur, et n'est resté connu que d'un nombre relativement limité de personnes ;
– le texte "mash'hûr" est celui qui était au tout début "wâhid" mais qui, par la suite, à partir de Compagnons ultérieurs, ou à partir d'un des niveaux de la génération des Tâbi'ûn, ou tout au plus à partir de l'un des niveaux de la génération des Atbâ' ut-tabi'în, a atteint le tawâtur. (Le fait que le texte atteigne le degré de tawâtur après cette génération, cela n'est plus pris en considération dans cette classification.)
(Voir note de bas de page de Cheikh 'Uwaidha sur Nuz'hat un-nazar shar'h nukhbat il-fikr de Ibn Hajar, pp. 28-29, ainsi que Nûr ul-anwâr, Mullâ Jîwan, pp. 180-181.)

Ainsi, pour les ulémas hanafites, le hadîthu wâhid est distinct du hadîthu mash'hûr.

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Or il existe ici 3 cas où cela entraîne une problématique chez les hanafites :

--- I) La règle énoncée dans le Coran comme concernant certains individus, un hadîthu wâhid énonce qu'elle s'applique à d'autres individus encore (Ziyâdatu hadîth il-wâhid 'ala-l-Qur'ân).

--- II) La règle énoncée dans le Coran comme concernant de façon inconditionnelle à des individus, un hadîthu wâhid énonce qu'elle s'applique avec à ces individus avec telle condition (Taqyîdu hadîth il-wâhid mutlaq al-Qur'ân).

--- III) La règle énoncée dans le Coran comme concernant tel genre d'individus, un hadîthu wâhid énonce que tel et tel individus en font exception (Takhsîssu hadîth il-wâhid 'âmm al-Qur'ân).

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Ibn ul-Humâm a classé la Ziyâda et le Takhsîs comme relevant du même chapitre, alors que, souligne al-Kashmîrî : "Ce sont deux questions différentes : le Takhsîs ne relève pas du chapitre de la Ziyâda.
La Ziyâda ne se produit qu'en ce par rapport à quoi le texte [= le verset coranique] ne dit rien et que le khabar [= hadîthu wâhid] précise quelque chose.
Alors que le Takhsîs a cours en ce que le texte [= le texte coranique] englobe (...) [et consiste] en le fait d'en faire l'exception d'une partie"
(Faydh ul-bârî, 1/52).

Le Taqyîdu hadîth il-wâhid mutlaq al-Qur'ân semble se situer à mi-chemin entre les deux, bien que al-Kashmîrî l'a compté comme relevant de la Ziyâdatu hadîth il-wâhid 'ala-l-Qur'ân.

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I) Il y a une règle énoncée dans le Coran comme concernant certains individus. Or un niveau hadîthu wâhid énonce que cette règle s'applique à d'autres individus encore (Ziyâdatu hadîth il-wâhid 'ala-l-Qur'ân) : cet ajout opéré par ce hadîth est reconnu par les hanafites aussi !

Ainsi, les interdits alimentaires que la Sunna a énoncés et qui ne se trouvent pas dans le Coran, n'ont pas été qualifiés de "mak'rûh tanzîhî" ni même de "mak'rûh tahrîmî" par les ulémas hanafites, mais bien de "harâm".

De même, l'interdiction d'être marié à deux soeurs en même temps figure dans le Coran (4/23). La Sunna y a ajouté l'interdiction de se marier avec une tante et sa nièce. Les ulémas hanafites considèrent cela aussi comme étant "harâm".

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II) Il y a une règle énoncée dans le Coran comme concernant de façon inconditionnelle à des individus. Or un hadîthu wâhid énonce que c'est avec telle condition que cette règle s'applique à ces individus (Taqyîdu hadîth il-wâhid mutlaq al-Qur'ân) : cet ajout de cette nuance (qayd) par ce hadîth est-il reconnu par les hanafites aussi ?

Beaucoup de ulémas hanafites ont écrit que dans l'école hanafite, un hadîthu wâhid ne peut jamais rajouter une nuance (qayd) à ce que le Coran énonce de façon inconditionnelle (mutlaq), car cela relèverait du Naskh. Or un hadîthu wâhid ne peut pas procéder au Naskh d'un verset du Coran.
On retrouve ici la distinction sus-citée entre les textes qat'iy uth-thubût (qui sont établis de façon certaine) (et c'est le cas de tous les versets coraniques, ainsi que des hadîths mutawâtir et mash'hûr), et les textes zanniy uth-thubût (authentiques mais établis à un niveau de certitude moindre) (c'est le cas des hadîthu âhâd).

Mais Cheikh Anwar Shâh al-Kashmîrî a nuancé cette affirmation.
Et il évoque bien le cas où :
– deux textes, l'un qat'iy uth-thubût et l'autre zanniy uth-thubût, parlent du même point,
– alors même que le texte zanniy uth-thubût nuance (yuqayyid) ce que le texte qat'iy uth-thubût énonce pour sa part de façon inconditionnelle (mutlaqan).

Selon al-Kashmîrî, dans ce cas, l'école hanafite rajoute bel et bien, et ce sur la base d'un hadîthu wâhid, une nuance à ce que le Coran communique de façon inconditionnelle. Cependant, elle confère à cette nuance induite par le texte zanniy uth-thubût un caractère moindre que celui qu'elle confère à la règle, inconditionnelle, induite par le texte qat'iy uth-thubût.

Ce faisant, elle désire faire à la fois :
– prendre en considération le contenu du hadîthu wâhid, puisqu'elle extrait de ce texte zanniy uth-thubût une nuance ;
– et ne pas mettre exactement au même niveau ces deux textes, puisqu'elle confère à la nuance extraite du texte zanniy uth-thubût un degré moindre par rapport à la règle inconditionnelle communiquée par le texte qat'iy uth-thubût (cf. Faydh ul-bârî, 1/48).

Ce que al-Kashmîrî a dit là, avant lui Sad'r ush-Sharî'a l'avait lui aussi exprimé ; il écrit : "يرد هنا أنكم زدتم الفاتحة والتعديل بخبر الواحد حتى وجبا، وإنما لم تثبت الفرضية لأنها لا تثبت بخبر الواحد عندكم) فإن الفرض عندكم ما ثبت لزومه بدليل قطعي، والواجب ما ثبت لزومه بدليل ظني، فقد زدتم على الكتاب بخبر الواحد ما يمكن أن يزاد به وهو الوجوب. ويمكن أن يجاب بـأنا لم نزد الفاتحة والتعديل على وجه يلزم منه نسخ الكتاب، لأنا لم نقل بعدم إجزاء الأصل لولا الفاتحة والتعديل حتى يلزم النسخ حينئذ، بل قلنا بالوجوب فقط، بمعنى أنه يأثم تاركهما، وفي هذا المعنى لا يلزم نسخ الكتاب أصلا. ولا يمكن مثل هذا في الوضوء حتى تكون النية والترتيب واجبين في الوضوء، لأن الوضوء ليس عبادة مقصودة بل هو شرط للصلاة فلا يمكن أن يكون شيء من أجزائه واجبا لعينه بمعنى أنه يأثم تاركه بل لأجل الصلاة بمعنى أنه لا تجوز الصلاة إلا به؛ فإن قلنا بوجوب النية والترتيب فمعناه أنه لا تصح الصلاة إلا بهما فيلزم من وجوبهما عدم إجزاء الصلاة التي هي الأصل، وهذا سر أن أبا حنيفة - رحمه الله تعالى - جعل في الصلاة واجبات ولم يجعل تلك في الوضوء؛ فلله دره ما أدق نظره في أحكام الشريعة الغراء، وهو الذي أصله ثابت وفروعه في السماء" (At-Tawdhîh, 2/93-94).

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Sad'r ush-Sharî'a et al-Kashmîrî ont cependant repris ici l'explication classique selon laquelle, dans l'école hanafite, ce "degré moindre" est forcément une règle d'obligation complémentaire (wujûb) ou de recommandation (istihbâb), puisque ce sont les seuls caractères qui peuvent être extraits d'un hadîthu wâhid. Ce dernier n'induit jamais une règle d'obligation première (fardhiyya) ni une conditionnalité (shartiyya) : c'est-à-dire que le hanafite considérera ce hadîth wâhid (pluriel : âhâd) comme une référence, mais n'en extraira jamais une règle d'obligation première (fardhiyya) ni n'en extraira une condition (shart) pour une action ; il n'en extraira qu'une règle d'obligation complémentaire (wujûb) ou de recommandation (istihbâb).

Or un autre 'âlim hanafite, Cheikh 'Abd ul-Alî, est allé plus loin : selon lui, même un caractère d'obligation première (fardhiyya) peut être extrait d'un hadîthu wâhid.

Cheikh 'Abd ul-'Alî prend l'exemple de la prière rituelle (salât). Il dit que celle-ci est, dans sa forme complète, composée d'un minimum ainsi que de compléments.
--- Le minimum est formé des piliers de l'acte (arkân, de caractère fardh) et des conditions (sharâ'ït) qui lui sont préalables et desquelles dépend sa validité.
--- Les compléments (mukammilât), eux, sont pour certains nécessaires (wâjib), pour d'autres, fortement appuyés (mandûb mua'akkad), pour d'autres encore, simplement recommandés (mustahabb).
Dieu a parlé de la prière dans le Coran, et le Prophète (sur lui la paix) a expliqué la forme complète de celle-ci à travers ses hadîths (ses paroles, sa façon de l'accomplir, et ses approbations quant à la façon qu'avaient des Compagnons d'accomplir tel ou tel composant de la prière).

Dès lors, plusieurs questions se posent par rapport au thème qui nous intéresse ici :
– Comment a-t-on distingué, au sein de cette forme complète, ce qui constitue le minimum obligatoire de ce qui constitue les compléments ?
– Comment a-t-on déterminé, au sein du minimum obligatoire, ce qui constitue des piliers et ce qui forme des conditions ?
– Comment, au sein des compléments, a-t-on pu séparer ce qui est facultatif de ce qui est nécessaire ?

En général, les ulémas hanafites répondent que c'est en fonction du type de texte (verset / hadîth ; ensuite : hadîth mutawâtir / mash'hûr / wâhid) qui parle de ces composants que ces distinction et classification se sont faites. Ils disent que les composants établis sur la base de textes qat'iyy uth-thubût sont classés comme étant fardh ou shart, alors que ceux extraits de textes zanniy uth-thubût ne sont pas plus que wâjib ou mustahabb.

C'est avec cette réponse que Cheikh Abd ul-'Alî n'est pas d'accord. Il écrit que ces distinction et classification entre les différents composants de la prière n'ont pas été établies par les hanafites sur la base d'une distinction entre les types de textes où ils sont mentionnés, mais sur la base de ce que les textes ont dit de chacun de ces composants.
Il écrit :
"L'acte dont le Législateur a dit que la prière était invalide sans lui a été classé comme étant une condition (shart) pour la prière. Si, en plus, cet acte fait partie intégrante de la prière, il a été classé comme étant un pilier (rukn) de la prière. Et cela, que le texte qui relate ce propos du Législateur nous soit parvenu en étant qat'iyy uth-thubût (comme le sont le verset coranique, le hadîth mutawâtir et le hadîth mash'hûr), ou en étant zanniy uth-thubût (comme l'est le hadîthu wâhid) (…).
Et si le Législateur a donné l'ordre de faire un acte dans la prière et qu'il n'a pas dit que la prière était invalide sans lui, et qu'il n'y a pas non plus un indice prouvant que cet acte est quand même un pilier ou une condition, alors cet acte a été classé comme étant d'obligation complémentaire (wujûb), que cet ordre ait été relaté dans un texte qui nous soit parvenu sous forme de hadîthu wâhid, ou bien en tant que texte qat'iyy uth-thubût, qu'il s'agisse d'ailleurs d'un verset ou d'un hadîth.
Ce dont dépend le caractère d'obligation complémentaire ("wâjib") ou d'obligation première ("fardh") est ce que nous venons de dire, et non pas ce qui ressort des termes du propos exprimé dans Fat'h ul-Qadîr"
(Al-Farq bayn al-wâjib wa-l-fardh, Cheikh 'Abd ul-Alî, Epître généralement imprimée en annexe des copies indiennes de l'ouvrage Nûr ul-îdhâh, par ash-Shurunbulâlî).

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Ainsi, l'école hanafite est d'avis que l'obligation première (fardh) pendant la posture debout lors de la prière est la récitation d'une partie du Coran, quelle qu'elle soit, alors que la récitation de la sourate al-Fâtiha précisément puis d'une autre partie du Coran n'est qu'une obligation complémentaire (wâjib).

Selon l'explication de Cheikh 'Abd ul-'Alî, cette différenciation est due non pas au fait que c'est un verset coranique, le 73/20, qui communique une règle générale, mais au fait qu'il y a deux hadîth âhâd qui disent : "Puis récite ce qui t'est possible, de ce que tu possèdes du texte coranique" (al-Bukhârî, 724, Muslim, 397) et "Pas de prière sans une récitation" (Muslim, 396) : ces deux hadîths induisent la règle générale.

Dès lors, les hadîths "Pas de prière sans la sourate al-Fâtiha et quelque chose de supplémentaire" (Abû Dâoûd, 820) et "Celui qui fait une prière dans laquelle il ne récite pas la sourate al-Fâtiha, sa prière est incomplète, incomplète, incomplète" (an-Nassâ'ï, 909) constituent bien sûr des références, et sont également pris en considération, mais à l'intérieur du cadre de la règle générale suscitée.

En vertu de cette règle générale, réciter n'importe quelle partie du Coran constitue donc le pilier obligatoire (rukn). Quant au fait de réciter précisément la Fâtiha plus autre chose (qu'évoquent les deux derniers Hadîths), cela ne constitue qu'une obligation complémentaire (wujûb).

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Si on retient les nuances indiquées par Cheikh Kashmîrî et par Cheikh 'Abd ul-'Alî, on a le résultat suivant

Quand Cheikh Kashmîrî dit que l'école hanafite établit les caractères fardh et wâjib selon que le texte dans lequel l'acte est mentionné, est qat'iyy uth-thubût (établi de façon certaine) ou zanniy uth-thubût (établi à un degré de certitude moindre), cela est vrai uniquement dans le cas où :
– les deux textes (l'un étant qat'iyy uth-thubût, l'autre zanniy uth-thubût) parlent du même point,
– et le texte zanniy uth-thubût nuance (yuqayyid) ce que le texte qat'iyy uth-thubût dit de façon inconditionnelle (mutlaqan).
C'est dans ce cas seulement que l'école hanafite se fonde sur le degré d'après lequel le texte est établi (zanniy uth-thubût ou qat'iyy uth-thubût) pour induire deux caractères différents : elle confère alors à la nuance induite par le texte zanniy uth-thubût un caractère moindre que celui qu'elle confère à la règle (inconditionnelle) induite par le texte qat'iyy uth-thubût.

Car sinon, dans d'autres cas, l'école hanafite peut également extraire d'un hadîthu wâhid un caractère d'obligation première, fardhiyya. Et c'est ce point précis que Cheikh 'Abd ul-'Alî a mis en exergue.

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III) Il y a une règle énoncée dans le Coran comme concernant tel type d'individus. Or un hadîthu wâhid énonce que tel et tel individus font exception à cette règle (Takhsîssu hadîth il-wâhid 'âmm al-Qur'ân) : cette particularisation (takhsîs) que ce hadîth induit, est-elle reconnue par les hanafites aussi ?

Al-Kashmîrî écrit :
"– Dans nos livres [hanafites] il est généralement écrit que, chez nous, le 'Âmm ul-qur'ân ne peut pas être Mukhassas par le khabar [ul-wâhid].
Or ce qui m'apparaît c'est que cela est (au contraire) possible, car les livres des 3 autres écoles stipulent que cela est reconnu par les fondateurs des 4 écoles (cela figure dans Al-Mahsûl, Al-Mukhtassar et son Shar'h par al-'Adhud, dans Shar'h ul-Isnawî 'ala-l-Minhâj de al-qâdhî al-Baydhâwî, dans al-Mustasfâ, etc.
Ainsi, dans la relation de ce que notre école dit (sur ce point), il y a divergence entre nos ulémas et les ulémas des (trois) autres écoles.
----- Je pensais d'abord que la vraie relation est ce que (nos ulémas) ont écrit, car dans nos livres figure la relation des ulémas postérieurs.
----- [Mais ensuite j'ai vu que] parmi nos ulémas, à al-Karkhî il est attribué que le takhsîs est autorisé chez (Abû Hanîfa).
Je me suis donc appuyé sur cela pour (établir ce que dit) notre école ; et ce que (al-Kharkhî) a ainsi retenu, je l'ai déclaré : "la posture de l'imam (Abû Hanîfa)", vu que (al-Karkhî) est plus ancien et plus fiable.
Quant à ce qui est dit (en général) dans nos livres, cela semble être ce qui a été retenu par les (ulémas hanafites postérieurs). Or cela n'est pas (ce que dit) notre école. Sauf à trouver chez ces (ulémas postérieurs) une relation authentique jusqu'au fondateur de l'école"
(Faydh ul-bârî, 1/51).

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En fait il semble que la vérité se situe entre les deux :
--- il est des lieux où, comme al-Kashmîrî l'a dit : "Abû Hanîfa procède bel et bien au Takhsîs du 'Âmm ul-qur'ân sur la base d'un khabar ul-wâhid" ;
--- et il est d'autres lieux où Abû Hanîfa ne l'a pas fait, bien que le khabar ul-wahîd lui soit parvenu. Cela est dû à sa tradition interprétative dite des "Ahl ur-ra'y", consistant à donner préférence aux règles générales et à faire, des textes induisant une règle différente pour les cas particuliers, une ta'wîl pour les faire correspondre à la règle générale.

On ne peut donc pas faire de règle absolue ni dans un sens ni dans l'autre.

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Shâh Waliyyullâh a exposé cette problématique en les termes suivants :

"ومنها أني وجدت بعضهم يزعم أن بناء الخلاف بين أبي حنيفة والشافعي (رحمهما الله) على هذه الأصول المذكورة في كتاب البزدوي ونحوه.

وإنما الحق أن أكثرها أصول مخرجة على قولهم.

وعندي أن المسألة القائلة بـأن الخاص مبين ولا يلحقه بيان، وأن الزيادة نسخ، وأن العام قطعي كالخاص، وأن لا ترجيح بكثرة الرواية، وأنه لا يجب العمل بحديث غير الفقيه إذا انسد باب الرأي، وأن لا عبرة بمفهوم الشرط والوصف أصلا، وأن موجب الأمر هو الوجوب ألبتة، وأمثال ذلك: أصول مخرجة على كلام الأئمة، وأنه لا تصح بها رواية عن أبي حنيفة وصاحبيه؛ وأنه ليست المحافظة عليها والتكلف في جواب ما يرد عليه من صنائع المتقدمين في استنباطاتهم (كما يفعله البزدوى وغيره) أحق من المحافظة على خلافها والجواب عما يرد عليه.

مثاله أنهم أصلوا أن الخاص مبين فلا يلحقه البيان، وخرجوه من صنيع الأوائل في قوله تعالى: {اركعوا واسجدوا}، وقوله صلى الله عليه وسلم: "لا تجزئ صلاة الرجل حتى يقيم ظهره في الركوع والسجود"، حيث لم يقولوا بفريضية الاطمئنان، ولم يجعلوا الحديث بيانا للآية. فورد عليهم صنيعهم في قوله تعالى: {وامسحوا برءوسكم}، ومسحه صلى الله عليه وسلم على ناصيته، حيث جعلوه بيانا؛ وقوله تعالى: {الزانية والزاني فاجلدوا} وقوله تعالى: {السارق والسارقة فاقطعوا} الآية وقوله تعالى: {حتى تنكح زوجا غيره}، وما لحقه من البيان بعد ذلك. فتكلفوا للجواب كما هو مذكور في كتبهم.

وأنهم أصلوا أن العام قطعي كالخاص، وخرجوه من صنيع الأوائل في قوله تعالى: {فاقرءوا ما تيسر من القرآن} وقوله صلى الله عليه وسلم: "لا صلاة إلا بفاتحة القرآن"، حيث لم يجعلوه مخصصا؛ وفي قوله صلى الله عليه وسلم: "فيما سقت العيون العشر" الحديث، وقوله صلى الله عليه وسلم: "ليس فيما دون خمسة أواق صدقة"، حيث لم يخصوه به؛ ونحو ذلك من المواد. ثم ورد عليهم قوله تعالى: {فما استيسر من الهدي}، وإنما هو الشاة فما فوقه ببيان النبي صلى الله عليه وسلم. فتكلفوا في الجواب.

وكذلك أصلوا أن لا عبرة بمفهوم الشرط والوصف وخرجوه من صنيعهم في قوله تعالى: {ومن لم يستطع منكم طولا} الآية. ثم ورد عليهم كثير من صنائعهم كقوله صلى الله عليه وسلم "في الإبل السائمة زكاة". فتكلفوا في الجواب.

وأصلوا أنه لا يجب العمل بحديث غير الفقه إذا انسد به باب الرأي، وخرجوه من صنيعهم في ترك حديث المصراة. ثم ورد عليهم حديث القهقهة وحديث عدم فساد الصوم بالأكل ناسيا. فتكلفوا في الجواب.

وأمثال ما ذكرنا كثيرة لا تخفى على المتتبع؛ ومن لم يتتبع لا تكفيه الإطالة فضلا عن الاشارة.

ويكفيك دليلا على هذا قول المحققين في مسألةِ "لا يجب العمل بحديث من اشتهر بالضبط والعدالة دون الفقه إذا انسد باب الرأي - كحديث المصراة" أن هذا مذهب عيسى بن إبان، واختاره كثير من المتأخرين. وذهب الكرخي وتبعه الكثير من العلماء إلى عدم اشتراط فقه الراوي، لتقدم الخبر على القياس؛ قالوا: "لم ينقل هذا القول عن أصحابنا، بل المنقول عنهم أن خبر الواحد مقدم على القياس؛ ألا ترى أنهم عملوا بخبر أبي هريرة في الصائم إذا أكل أو شرب ناسيا، وإن كان مخالفا للقياس؛ حتى قال أبو حنيفة رحمه الله: "لولا الرواية لقلت بالقياس."
ويرشدك أيضا اختلافهم في كثير من التخريجات أخذا من صنائعهم، ورد بعضهم على بعض" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/459-461).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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