Accomplir un acte cultuel pour un défunt (النيابة عن الميّت) - Offrir au défunt la récompense d'un acte cultuel (إهداء الثواب)...

Question :

Le verset du Coran qui dit : "N'a-t-il pas été informé de ce qu'il y a dans les feuillets de Moïse et de Abraham – celui qui a tenu sa promesse – qu'aucune âme ne portera le fardeau d'une autre, que l'homme n'aura que ce à quoi il se sera efforcé, et que son effort sera vu [le jour du jugement] puis qu'il en sera rétribué pleinement ?" (Coran 53/36-41) montre que l'homme n'obtiendra que les bonnes actions qu'il aura acquises et non celles d'autres personnes que lui. Pourquoi dit-on alors qu'on peut offrir à un frère défunt la récompense de certaines actions (comme la récitation du texte du Coran), ou même accomplir certaines autres (comme le pèlerinage) à la place d'un frère défunt ?

-
Réponse :

Déjà il faut dégager deux grandes catégories...

-

A) Il y a d'une part ce qui découle d'un "investissement" de la personne pendant qu'elle était en vie (mâ tassabbaba ilayh il-mayyitu fî hayâtih) :

Il s'agit de ce que l'homme défunt avait réalisé d'"investissement devant lui rapporter à long terme" (cf. Tafsîr Ibn Kathîr 4/227). Relève de ce cas de figure ce que le Prophète a décrit comme étant une "sadaqa jâriya" (Muslim 1631) : il s'agit d'une "aumône continue" réalisée par la personne de son vivant : par exemple un puits qu'elle a fait creuser charitablement et dont les humains ou les animaux profitent toujours après sa mort ; un dispensaire qu'elle a créé et auquel elle a donné un legs ; etc. Relève également de ce cas de figure ce que le Prophète a ainsi évoqué : "une connaissance dont (les gens) tirent profit" (Muslim 1631). Ici votre question ne se pose pas, car il est évident qu'il s'agit bien de ce que l'homme aujourd'hui défunt avait acquis durant son vivant, la seule différence étant que ces actions confèrent un rapport continu dans le temps, lequel rapport perdure donc au-delà de la mort de cet homme...

-

B) Et puis d'autre part il y a ce qui découle de l'action d'autres personnes en faveur du défunt (mâ yaf'aluhu-l-ghayru li-l-mayyit) :

A l'intérieur de cette seconde catégorie, plusieurs types existent :

B.a) Régler une dette du défunt ;

B.b) L'invocation adressée à Dieu en faveur du défunt (du'â' ul-hayyi Allâha li fâ'ïdat-il-mayyit) : par exemple Ahmad dit à Dieu : "O Dieu, accorde Ton pardon à mon défunt père, à Untel, à Untel" ;

B.c) L'offre, par le vivant, de la récompense d'une action au défunt (ihdâ' uth-thawâb) : par exemple Ahmad récite un passage du Coran puis dit à Dieu : "J'offre la récompense de cette récitation à mon défunt père" ;

B.d) L'action faite par le vivant en place du défunt (niyâba) : par exemple Ahmad accomplit la pèlerinage à la Mecque pour son défunt père qui, lui, n'avait pu l'effectuer parce que, bien que possédant les moyens financiers pour le voyage et le séjour dans les lieux saints ainsi que pour l'entretien de ceux dont il avait la responsabilité, il n'était pas suffisamment en bonne santé pour pouvoir accomplir le voyage et les rites du pèlerinage.

-

Quelques notes à propos de chacun de ces points :

Le point B.a est évident : une dette d'argent constitue un devoir lié au paiement d'une somme à un autre homme, et l'objectif de cet autre homme est d'être payé ; le fait que ce soit quelqu'un d'autre que le débiteur qui règle la dette n'importe donc pas vraiment. Ainsi, Qatâda se chargea d'acquitter à la place d'un défunt la dette de deux pièces d'or que celui-ci avait à son passif, et le Prophète approuva cela (rapporté par Ahmad, Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, p. 668).

Le point B.b est également clair : il s'agit non pas d'une offre de récompense d'une action à un défunt, ni de l'accomplissement d'une action à la place du défunt, mais d'une demande qu'une personne adresse à Dieu en faveur du défunt : elle Lui demande de lui accorder Son Pardon, ou le Paradis. Dieu accepte la demande ou ne l'accepte pas, mais la personne ne Lui a adressé qu'une demande : la responsabilité individuelle par rapport aux actions n'est ici pas questionnée. Quand un musulman venait d'être enterré, le Prophète restait un moment ; il dit à ses Compagnons : "Demandez (à Dieu) pour votre frère le pardon, ainsi que la constance (sur la foi) ; car il est maintenant questionné" : "عن عثمان بن عفان، قال: كان النبي صلى الله عليه وسلم إذا فرغ من دفن الميت، وقف عليه، فقال: "استغفروا لأخيكم، وسلوا له بالتثبيت، فإنه الآن يسأل" (Abû Dâoûd 3221). On peut ainsi invoquer Dieu en faveur des autres musulmans décédés, comme on peut L'invoquer à propos de n'importe quel humain (rappelons qu'on ne peut pas demander à Dieu d'accorder Son Pardon / le Paradis à qui a quitté ce monde sans avoir apparemment la foi que Dieu agrée : cliquez ici).

Par contre, pour ce qui est des cas B.c et B.d, la question se pose effectivement : Croire que cela est possible ne contredit-il pas le principe de la responsabilité individuelle enseignée par le Coran ?

En fait il faut savoir qu'il y a des textes qui évoquent clairement le cas B.c (c'est-à-dire l'offre de récompense) :
--- A propos de l'aumône : à un homme venu lui demander : "Ma mère est morte subitement, sans avoir fait de testament. Je pense que si elle avait parlé elle aurait fait l'aumône. Aura-t-elle une récompense si je fais l'aumône de sa part ?", le Prophète répondit : "Oui" (al-Bukhârî 1388, Muslim 1004). Un cas voisin s'est produit avec Sa'd ibn 'Ubâda (voir al-Bukhârî 2756, Abû Dâoûd 2882). Un homme vint voir le Prophète et lui dit : "Mon père est décédé en laissant des biens mais sans avoir fait de testament ; si je fais l'aumône de sa part, cela effacera-t-il ses péchés ? – Oui" (Muslim 1630).
--- A propos du sacrifice rituel d'un animal lors de la fête d'Abraham : le Prophète offrit deux animaux et dédia la récompense de l'un d'eux à sa Umma : "O Dieu, celui-ci est pour toute ma Umma : ceux qui témoignent que Tu es unique et que j'ai transmis le message" (Ahmad, cité en note de bas de page sur Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, pp. 671-672).

D'autres textes évoquent le cas B.d (la possibilité de faire un acte en place de quelqu'un d'autre) :
--- A propos du jeûne : "Celui qui meurt alors qu'il devait des jeûnes, que son parent jeûne pour lui" (al-Bukhârî 1952, Muslim 1147). "Ma mère est morte alors qu'elle avait fait le vœu (de jeûner et elle n'a pas pu honorer ce vœu). Jeûnerais-je à sa place ? – Si ta mère avait contracté une dette et que tu la réglais à sa place, cela l'acquitterait-elle de cette dette ? – Oui. – Eh bien jeûne à sa place" (Muslim 1148).
--- A propos du pèlerinage : un homme vint voir le Prophète et lui dit : "Mon père est mort sans avoir accompli le pèlerinage. Ferais-je le pèlerinage de sa part ? – Si ton père avait contracté une dette, l'acquitterais-tu à sa place ? – Oui. – Eh bien la dette qu'on a vis-à-vis de Dieu mérite plus qu'on l'acquitte" (an-Nassâ'ï 2639).

Tous les sunnites ont, même à propos de ces deux cas B.c et B.d, gardé comme règle générale l'idée du verset coranique que vous avez cité, et ont considéré que les cas où il était possible d'offrir la récompense ou bien d'accomplir un acte à la place de quelqu'un d'autre constituaient, par rapport à cette règle générale, des exceptions, car englobant de légères différences par rapport aux autres cas.

Ils ont cependant divergé quant au détail de ces exceptions et de ces différences.

Déjà il faut dire que le consensus (ijmâ') des ulémas est relaté à propos :
– du fait qu'un musulman ne peut pas accomplir la prière rituelle (salât) à la place d'un d'autre (Fat'h ul-bârî 4/90),
– et du fait qu'un fils peut offrir la récompense d'une aumône à son défunt parent (Ibn Kathîr a relaté le consensus à propos de l'offre de la récompense par un musulman, quel qu'il soit : Tafsîr Ibn Kathîr 4/227. Cependant ash-Shawkânî a écrit que cette possibilité d'offrir la récompense de tout acte cultuel concerne le fils seulement : Nayl ul-awtâr 4/130. Le consensus ne concerne donc que l'offre de récompense par le fils, puisque le cas du musulman en général fait l'objet d'une divergence).

Pour ce qui est des autres cas de figure, ci-après les positions de deux écoles...

-

Les ulémas shafi'ites ont émis les quelques points directeurs suivants…

Le premier point est que l'exception (par rapport à la règle générale de l'enregistrement à son actif de ses seules actions personnelles) doit rester confinée aux cas stipulés dans les textes, et ne peut donc pas être élargie à d'autres cas par analogie (Tafsîr Ibn Kathîr 4/227). C'est pourquoi les shafi'ites disent qu'il est impossible à un musulman de demander à Dieu d'offrir à quelqu'un d'autre la récompense d'une récitation du Coran qu'il a faite, car l'offre de récompense de la récitation du Coran n'est pas mentionnée dans les textes des deux sources.

Il semble ensuite (d'après mon humble compréhension) que chez les shafi'ites les deux notions B.c et B.d soient liées ensemble : l'acte dont il est possible d'offrir la récompense à une personne (B.c), il est aussi possible de l'accomplir à la place de cette personne si elle venait à en être empêchée (décès, grave maladie) (B.d). De même, l'acte qu'il est possible d'accomplir à la place de quelqu'un (B.d), il est aussi possible d'en offrir la récompense à quelqu'un (B.c). Ainsi, s'il est possible d'offrir la récompense d'un jeûne à un défunt, il est aussi possible d'accomplir le jeûne que le proche parent défunt a manqué (ce faisant, les shafi'ites ont appréhendé le Hadîth dans sa littéralité). (Il faut cependant noter qu'en fait deux avis coexistent au sein de l'école shafi'ite quant au fait de savoir s'il est possible d'accomplir en place de quelqu'un un jeûne obligatoire qu'il avait manqué : et l'avis qui a été retenu chez les shafi'ites est le même que chez les hanafites : nul ne peut accomplir à la place de quelqu'un le jeûne obligatoire qu'il avait manqué, il faudra payer une compensation (fidya) de sa part : Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, p. 1737.)

Le troisième point est que lorsque le défunt laisse à son passif le non accomplissement d'actions de ce genre et qu'il laisse aussi un héritage constitué de biens matériels, les héritiers devront impérativement retirer les sommes d'argent nécessaires pour accomplir ce que leur parent aurait du faire, et ce même si ce parent n'a pas fait de testament en ce sens. Ainsi, si le défunt devait payer deux compensations (fidya) parce qu'il avait manqué des jeûnes obligatoires pour cause de grave maladie, ces compensations seront payées de son legs même s'il n'avait pas de son vivant demandé qu'on le fasse : le fait est qu'il s'agit d'une dette vis-à-vis de Dieu, et, similairement à la dette que le défunt laisse vis-à-vis d'êtres humains, ce montant doit être réglé à partir du legs même si le défunt n'avait laissé aucune directive allant dans ce sens (Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, p. 1737, Al-Hidâya, 1/202, Al-Mawârîth, as-Sâbûnî, p. 35).

-

Les ulémas hanafites ont, eux, une position différente :

D'une part) Ils n'ont pas lié ensemble les points B.c et B.d :

--- A propos du point B.d (accomplir l'acte à la place de quelqu'un d'autre, niyâba), ils ont dégagé une règle générale à partir des cas stipulés dans les sources : selon eux, pour qu'un homme puisse accomplir l'acte cultuel à la place d'une autre personne, il y a 2 conditions...

----- Il faut d'une part qu'il s'agisse d'un acte cultuel qui ne se fait pas uniquement par le moyen de gestes physiques ('ibâda badaniyya). Car tout acte de culte qui se fait par des gestes physiques – comme la prière rituelle – ('ibâda badaniyya) ne peut pas être accompli à la place de quelqu'un d'autre, fût-il défunt. Dès lors, ces ulémas de la tradition ahl ur-ra'y n'ont pas appréhendé de façon littérale le Hadîth "Celui qui meurt alors qu'il a manqué des jeûnes, que son parent jeûne pour lui".
Primo at-Tahâwî dit que les deux Compagnons qui ont rapportés ces deux Hadîths ont émis la fatwa contrairement à ce que leur texte dit (cf. Al-Muwâfaqât 2/531 – la fatwa de Aïcha est visible dans Ahkâm ul-janâ'ïz, p. 215 ; quant à la fatwa de Ibn Abbâs, elle est visible dans Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, p. 665). Or le fait que le Compagnon ayant rapporté un Hadîth wahid ait donné une fatwa contraire à ce que la lettre de ce Hadîth dit constitue, dans l'école hanafite, la preuve que ce Hadîth a été ensuite abrogé ou bien est à comprendre dans un sens figuré.
Secundo les ulémas  hanafites ont lu ces deux Hadîths à la lumière de la règle générale précédemment évoquée : ces deux textes sont donc selon eux à comprendre comme signifiant que le parent paiera la compensation (fidya) pour les jeûnes manqués par le défunt.
Ici une question se pose : On vient de voir que les hanafites restreignent la possibilité d'accomplir un acte cultuel en place de quelqu'un qui est empêché de le faire au cas où cet acte se fait par une dépense d'argent et non par le corps. Pourtant, conformément au Hadîth relaté plus haut, les ulémas hanafites autorisent eux aussi que l'on accomplisse le pèlerinage en place de celui qui ne peut pas le faire, et a fortiori du défunt. Or le pèlerinage est un acte cultuel qui ne se fait pas principalement par une dépense d'argent mais par un déplacement physique ainsi que par un ensemble de gestes physiques et de formules verbales.
A cela certains hanafites répondent que le pèlerinage n'est pas un acte cultuel qui se fait par le physique seulement, mais aussi par la dépense d'une certaine somme d'argent.
Mais à cette tentative de réponse on objecte que, même si le pèlerinage se fait la plupart du temps par la dépense d'une certaine somme d'argent aussi, la dimension de l'"accomplissement par le corps" y domine largement celle de la "dépense d'argent" (ainsi que l'ont relevé certains hanafites : Shar'h ul-aqîda at-tahâwiyya, p. 672 ; voir aussi note n° 11 en bas de page de Al-Hidâya 1/276, et Radd ul-muhtâr 4/14). Le pèlerin qui habite la Mecque ne dépense ainsi presque rien de son argent pour accomplir le pèlerinage.
La réponse pertinente semble donc être que le pèlerinage renferme également un autre aspect que celui de l'"accomplissement par le corps", et qui s'exprime par rapport à quelque chose d'extérieur à l'homme. Le pèlerinage est, en même temps qu'un ensemble d'actes physiques, un témoignage de respect vis-à-vis de la Maison de Dieu (c'est pourquoi on dit que la cause de son caractère obligatoire est la Présence de la Maison de Dieu, à quoi s'ajoute l'existence de l'homme en tant que serviteur (et donc aspirant à la proximité de Dieu) : "Sababuhû : al-bayt" (Al-Hidâya, 1/212) ; "Sababu wujûbihî : wujûd ul-'abd min hayth ul-'ubûdiyya" (Ussûl ush-Shâshî, note de bas de page sur p. 101). Le pèlerinage ne peut donc pas être ramené à seulement un ensemble d'actes à accomplir par son être, corps et cœur – comme c'est le cas de la prière rituelle (salât) – ; étant donné qu'il constitue aussi un témoignage de respect vis-à-vis de la Maison de Dieu, il peut donc être accompli par quelqu'un en place de quelqu'un d'autre. Le sacrifice d'un animal, lui, n'est pas constitué que d'une dépense d'argent mais consiste aussi en le fait de sacrifier l'animal au nom de Dieu (ce qui constitue bien une ibâda badaniyya : cf. Shar'h ul-aqîda at-tahâwiyya, p. 671). Cependant, étant donné que lui aussi a pour objectif que l'animal soit sacrifié au nom de Dieu de la part de la personne, cela peut être réalisé par un autre musulman que celui de la part de qui il est sacrifié. Et ici, contrairement au cas du pèlerinage, cela peut même être fait s'il n'y a pas d'empêchement (bien que le mieux soit que ce soit la personne elle-même qui fasse son sacrifice). Il suffit que la personne fournisse l'animal et ait l'intention de le sacrifier pour l'objectif voulu.

----- Et il faut d'autre part que la personne soit empêchée d'accomplir elle-même cet acte cultuel (grave maladie, décès). Dans le cas de la zakât, cependant, étant donné que l'objectif est de faire parvenir l'argent au pauvre, la personne qui est redevable de la zakât peut demander à quelqu'un d'autre de le lui remettre, même si elle-même n'est pas empêchée de le faire ; elle doit simplement fournir l'argent et avoir l'intention de s'acquitter ainsi de zakât, sinon ce ne serait pas valable (cliquez ici). Quant au sacrifice d'un animal, comme nous l'avons dit, cela n'est pas constitué que d'une dépense d'argent mais consiste aussi en le fait de sacrifier l'animal au nom de Dieu (ce qui constitue bien une ibâda badaniyya : cf. Shar'h ul-aqîda at-tahâwiyya, p. 671) ; s'il est quand même autorisé que, même sans empêchement, ce soit quelqu'un d'autre qui sacrifie l'animal, c'est parce que l'objectif de l'acte est que l'animal soit sacrifié au nom de Dieu, et cela peut être réalisé par un autre musulman ; il suffit que la personne fournisse l'animal et ait l'intention de le sacrifier pour l'objectif voulu.

--- Par contre, le point B.c (offrir la récompense d'un acte que l'on fait) fait chez les hanafites l'objet d'une plus grande latitude que chez les ulémas shafi'ites, puisque c'est à propos de tout acte facultatif que les hanafites autorisent qu'on offre la récompense à un musulman défunt. Ils ont ici fait une analogie (qiyâs fî ma'na-n-nass) à partir des cas mentionnés dans les textes quant à ce point B.c, en vertu de quoi ils ont autorisé que l'on offre au défunt la récompense pour une récitation du Coran, bien que ce cas de figure ne soit pas mentionné dans les textes (Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, pp. 673-674) ("Al-Aslu anna kulla man atâ bi 'ibâdatin mâ, lahû ja'lu thawâbuhâ li ghayrih"Ad-Durr ul-muktâr, avec Radd ul-Muhtâr 4/10-11). Cet élargissement à des cas pour lesquels ils n'autorisent pourtant pas le B.d (l'accomplissement en place de la personne), les hanafites le fondent sur le fait que le Prophète a offert la récompense du sacrifice d'un animal à toute sa Umma, alors que le sacrifice d'un animal n'est pas un acte cultuel de pure dépense (Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, p. 671).
Peut-on alors offrir la récompense d'un acte cultuel au Prophète (sur lui soit la paix) ? As-Subkî répond par l'affirmative, Ibn Taymiyya par la négative (Radd ul-Muhtâr 3/153, 4/11) (voir aussi Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, p. 673).
Et peut-on offrir la récompense d'un acte cultuel facultatif à un musulman vivant ? Ash-Shâmî cite Ibn ul-Qayyim qui, dans Ar-Rûh, a relaté une divergence sur le sujet (Radd ul-muhtâr 3/152). Ash-Shâmî a retenu l'avis selon lequel cela est possible (Ibid. 4/11).
Le vivant ou le défunt reçoit la récompense de cet acte facultatif ; mais cela reste-t-il également écrit en faveur de celui qui a pratiqué cet acte et en a offert la récompense ?
Les deux avis existent sur le sujet : "واعتبر بعضهم) في حصول الثواب للمجعول له (إذا نواه حال الفعل) أي: القراءة أو الاستغفار ونحوه (أو) نواه (قبله) أي: قبل الفعل دون ما نواه بعده: نقله في الفروع عن مفردات ابن عقيل، ورده. (ويستحب إهداء ذلك، فيقول: اللهم اجعل ثواب كذا لفلان) وذكر القاضي أنه يقول: "اللهم إن كنت أثبتني على هذا فاجعله أو ما تشاء منه لفلان"، و(قال ابن تميم: والأولى أن يسأل الأجر من الله تعالى، ثم يجعله له) أي: للمهدى له (فيقول: "اللهم أثبني برحمتك على ذلك واجعل ثوابه لفلان") وللمهدي ثواب الإهداء: وذكر القاضي: وللمهدي ثواب الإهداء. وقال بعض العلماء: يثاب كل من المهدي والمهدى له، وفضل الله واسع" (Kashshâf ul-qinâ').

D'autre part) Toujours par rapport au point B.d, les hanafites disent : il s'agit d'actes purement cultuels. Or la validité des actes purement cultuels nécessite l'intention (niyya) de celui qui les accomplit (lire notre article sur le sujet). Dans le cas de l'accomplissement d'un acte en place d'une personne défunte, l'"intention" consiste en le fait qu'elle ait, de son vivant, fait un testament : il faut que, de son vivant, elle ait demandé qu'on l'on puise dans son legs pour s'acquitter de ce qu'elle devait à Dieu (zakât). Au cas où elle n'avait pas fait de testament de ce genre, non seulement les héritiers ne sont pas obligés de s'acquitter de la somme d'argent voulue, mais s'ils le font cela ne sera pas valable auprès de Dieu (Muhammad ibn ul-Hassan a formulé les choses ainsi : si les héritiers choisissent d'eux-mêmes de s'acquitter de la somme voulue, il est à espérer de Dieu qu'Il déchargera la personne défunte de l'acte obligatoire qu'elle n'avait pas fait et dont cette somme constitue la compensation ("yujzîhi inshâ Allâh" : Fat'h ul-qadîr 2/363). Cette formulation indique bien que la règle originelle est ce que nous avons vu : sans testament, l'acquittement n'est normalement pas valide, mais si quelqu'un l'accomplit, il peut espérer que Dieu l'acceptera). C'est pour cette raison que si on veut payer soi-même le montant que quelqu'un d'autre qui est vivant (par exemple son fils) doit en zakât, il faut qu'on l'en ait informé et qu'il ait donné son accord au moins tacite.

-

Ibn Taymiyya écrit :

"فصل: وأما [العتق] والصدقة وغيرهما من أعمال البر: فلا نزاع بين علماء السنة والجماعة في وصول ثواب العبادات المالية كالصدقة والعتق كما يصل إليه أيضا الدعاء والاستغفار والصلاة عليه صلاة الجنازة والدعاء عند قبره. وتنازعوا في وصول الأعمال البدنية: كالصوم والصلاة والقراءة. والصواب أن الجميع يصل إليه" (MF 24/366).

"بل الناس على قولين:
أحدهما: أن ثواب العبادات البدنية، من الصلاة والقراءة وغيرهما، يصل إلى الميت (كما يصل إليه ثواب العبادات المالية بالإجماع). وهذا مذهب أبي حنيفة وأحمد وغيرهما وقول طائفة من أصحاب الشافعي ومالك. وهو الصواب لأدلة كثيرة ذكرناها في غير هذا الموضع.
والثاني: أن ثواب البدنية لا يصل إليه بحال، وهو المشهور عند أصحاب الشافعي ومالك"
(Al-Iqtidhâ', p. 348).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Print Friendly, PDF & Email