Serait-il interdit d'être l'ami d'un (ou plusieurs) non-musulman(s), d'avoir de l'affection (hubb 'aqlî) pour lui (ou eux) ?

Question :

Depuis quelques mois je me pose une question qui m'empêche de vivre pleinement mon Dîn islamique (je suis reconvertie à l'islam). Il s'agit du statut des juifs et des chrétiens en islam. (...)

Les personnes que j'ai fréquentées pendant ma période de reconversion m'ont dit qu'il est interdit d'avoir pour amie(s) des non-musulmanes, par exemple des chrétiennes, des juives, ou autres, que l'on côtoie (collègues de travail) ou que l'on connaît depuis l'enfance ?

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Réponse :

Les juifs et les chrétiens qui ont eu connaissance du plus récent message venant de Dieu (en l'occurence celui apporté par Muhammad) et qui ont choisi de ne pas y adhérer sont kâfir, nous l'avons démontré dans un article précédent.

Le musulman ne peut pas aimer (mahabba 'aqliyya) la croyance de kufr.

Cependant, peut-il, tout en n'aimant pas (bughdh 'aqlî) la croyance de kufr, aimer (mahabba 'aqliyya) une ou plusieurs personne(s) qui adhère(nt) à cette croyance de kufr ? peut-il ne pas aimer ce qu'une personne fait comme actions extérieures et/ou a comme croyances, et aimer quand même cette personne pour ce qu'elle est par ailleurs ?

Il le peut, en effet, mais il y a à cela certaines nuances.

Explications...

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I) Rappel : il existe deux types d'affection : la Mahabba Tab'iyya et la Mahabba 'Aqliyya :

Il y a l'affection (mahabba) qu'un être humain éprouve pour un autre humain et qui est présente chez lui sans qu'il ait besoin de l'entretenir ou de la développer. En un mot : sans qu'il ait besoin de faire effort de volonté.

Une telle affection est dite : "mahabba tab'iyya".
Son opposé est le "bughdh tab'î".

Vis-à-vis du kâfir, la mahabba tab'iyya motivée pour une raison établie, cela demeure autorisé. Il y a sur le sujet ce verset : "إِنَّكَ لَا تَهْدِي مَنْ أَحْبَبْتَ وَلَكِنَّ اللَّهَ يَهْدِي مَن يَشَاء" : "Tu ne guides pas qui tu aimes, mais Dieu guide qui Il veut" (Coran 28/56) ; d'après beaucoup de commentateurs, ce verset a été révélé suite au décès de Abû Tâlib, oncle du Prophète qui avait pris sa défense, mais qui est mort en demeurant polycultiste. Or, l'un des deux commentaires est qu'il s'agit de ici de "qui tu aimes à cause de son lien de parenté avec toi" : "قوله تعالى: {إنك لا تهدي من أحببت}: أي أحببت هدايته. وقيل: أحببته لقرابته" (Tafsîr ul-Baghawî).

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Et puis il y a l'affection qu'un être humain entretient en lui (éventuellement cherche même à développer en lui) par le biais de sa volonté :
--- par le fait de penser volontairement aux qualités de l'être aimé,
--- par le fait de faire les éloges de cet être,
--- par le fait de faire des cadeaux à cet être et/ou d'accepter des cadeaux que cet être nous fait ("Faites-vous des cadeaux, vous aurez de l'affection les uns pour les autres" : Sahîh ul-jâmi' is-saghîr, n° 3004),
--- etc.,
et ce :
----- que cet être humain ressentait déjà auparavant de l'affection pour le second humain et veut donc entretenir ou développer cette affection,
----- ou qu'il ne ressentait rien pour lui mais désire maintenant créer cette affection pour lui, parce qu'il la juge importante,
----- ou même qu'il détestait jusqu'alors pas cet être, mais cherche désormais à créer de l'affection pour lui, parce qu'il la juge importante.
Une telle affection est dite : "mahabba 'aqliyya".
Son opposé est le "bughdh 'aqlî".

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II) Quelques-unes des raisons entraînant l'affection ('Aqlî) d'un être humain pour un autre être humain :

L'affection qu'un humain a pour un autre humain peut avoir plusieurs raisons :
1) à cause de la religion à laquelle cet humain adhère (بسبب دينه) ;
2) à cause d'un aspect temporel que cet humain recèle (بسبب أمر دنيويّ) :
----- à cause d'un lien de parenté que le premier humain a pour le second ;
----- à cause des qualités humaines que le second humain a ;
----- à cause d'un grand service que ce second humain a rendu au premier ;
----- à cause d'une longue fréquentation que les deux ont eue (dans le cadre du travail, des études, du voisinage, etc.) ;
----- en tant que sentiment qu'un homme peut éprouver pour une femme et qu'une femme peut éprouver pour un homme.

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1) Avoir de l'affection pour quelqu'un en raison de la religion à laquelle il adhère, cela est, en islam :
----- 1.a) institué par rapport au musulman : cette raison est clairement mentionnée dans de nombreux hadîths, et il s'agit d'une mahabba 'aqliyya (voir point précédent) : elle est volontaire, réfléchie, elle doit être entretenue, etc. ;
----- 1.b) interdit par rapport au non-musulman : on ne peut pas aimer le kufr.

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2) Avoir de l'affection pour des motifs temporels :
----- 2.a) lorsque l'être humain en question est musulman, cela est évidemment soit demandé (matlûb), soit autorisé (mubâh, ou bien jâ'ïz). On peut et on doit avoir de l'affection pour ses parents musulmans, pour les autres personnes musulmanes de sa parenté. On peut et on doit avoir de l'affection pour le musulman qui a de grandes qualités humaines (douceur, de compagnie agréable, etc.). Si un coreligionnaire nous a rendu un service, il est normal et souhaitable qu'on ait de l'affection pour lui. L'époux doit avoir de l'affection pour son épouse musulmane, et l'épouse doit avoir de l'affection pour son époux musulman. De même, on peut avoir de l'affection pour le collègue musulman, pour le voisin musulman, pour son camarade de classe musulman, etc.

----- 2.b) Mais qu'en est-il d'avoir de l'affection pour ce genre de motifs temporels, vis-à-vis d'un être humain qui n'est pas musulman ?  

Déjà, avant de répondre à cette question, il faut souligner que le fait qu'un non-musulman ait de grandes qualités humaines, cela est entièrement reconnu.

Le Prophète Muhammad (sur lui la paix) a dit : "Dieu a choisi (iSTafâ), parmi les descendants de Ismaël : Kinâna [= Kinâna et sa descendance]. Et Il a choisi, parmi (toute la descendance de) Kinâna : Quraysh [= Fihr ibn Mâlik et sa descendance]. Et Il a choisi, parmi (toute la descendance de) Quraysh : les fils de Hâshim [= la descendance de Hâshim]. Et Il m'a choisi parmi les fils de Hâshim [= toute la descendance de Hâshim]" (Muslim 2276 ; quant à la phrase supplémentaire qui figure au début de ce hadîth tel que rapporté par at-Tirmidhî 3609, elle est shâddh d'après al-Albânî : cf. Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, tome 1 pp. 610-612, p. 933). (Cliquez ici, ici et ici pour lire des articles sur le sujet).
Ce hadîth signifie que, ce sont, à chaque fois, parmi tous les hommes vivant à leur époque sur Terre, ces personnages que Dieu a choisis. Or, parmi les ancêtres immédiats du Prophète, son père Abdullâh (MF 4/325-328), son grand-père Abd ul-Muttalib, son arrière grand-père Hâshim, étaient Polycultistes. En fait, comme Alî al-qarî l'a écrit, dans ce hadîth, le fait qu'il ait été dit que ces personnes ont été choisies ("istifâ'iyya"), cela est "par rapport aux qualités" qu'elles avaient, et non pas dans l'absolu, puisqu'elles étaient par ailleurs Polycultistes (Mirqât ul-mafâtîh, 10/419, n. é.).

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III) Rappel préalable à la réponse à la question 2.b :

Si un musulman éprouve de l'affection de type mahabba tab'iyya pour un être humain et que cette affection est demandée (matlûb) par l'islam, alors cela parle de mahabba 'aqliyya, et cela signifie que ce musulman doit développer cette affection par les moyens autorisés.
Ainsi en est-il de l'affection pour ses parents musulmans, ou pour son épouse musulmane.

Si un musulman éprouve de l'affection de type mahabba tab'iyya pour un être humain et que cette affection est autorisée (mubâh, ou bien jâ'ïz), alors cela parle de mahabba 'aqliyya, et cela implique qu'il lui est autorisé (mubâh, ou bien jâ'ïz) de développer cette affection par les moyens sus-évoqués.
Ainsi en est-il de l'affection pour un ami musulman qui n'est pas de mauvaises moeurs.

Si un musulman éprouve de l'affection de type mahabba tab'iyya pour un être humain mais qu'il lui est interdit (harâm) d'aimer cet être humain, alors cela parle de mahabba 'aqliyya, et cela veut dire que ce musulman doit ne rien faire, vis-à-vis de cet humain, des moyens sus-mentionnés qui pourraient développer ou maintenir cette affection. Plus encore, il doit faire dominer cette mahabba tab'iyya par le bughdh 'aqlî.
Ainsi, le musulman ne peut pas aimer un humain qui combat (muhâdda) l'islam, ou qui insulte Dieu, ou Son Messager, etc. Si cet être humain est son père, alors cela signifie que la mahabba tab'iyya qu'il éprouve à son égard (et qui est normale, vu le lien de parenté qui existe entre eux) doit être dominée par le bughdh 'aqlî : les deux ne relèvent pas du même ordre : l'une est tab'î, l'autre 'aqlî ; mais la 'Aql doit dominer la Tab'.
Cependant, si on estime pouvoir adoucir ce père, alors on peut lui donner des cadeaux, des présents : le Prophète donnait ainsi des présents à ceux dont il estimait qu'il pouvait gagner le coeur (ta'lîfan li-l-qulûb) : on peut lui offrir des présents pour gagner son coeur et l'amener justement à cesser d'insulter Dieu ou Son Messager, mais, tant qu'il ne cesse pas concrètement de le faire, on n'aura pas de mahabba 'aqliyya pour lui, même si on lui offre ces présents.

Pour ce qui est de l'affection qui existe entre un homme et une femme, elle est de nature avant tout physique, mais touche ensuite l'âme. Cette affection a été mentionnée – sans que cela y soit dit "autorisé" ou "non autorisé" – dans le hadîth parlant des trois hommes prisonniers d'une grotte où ils s'étaient réfugiés, où chacun demande à Dieu de les en faire sortir à cause de telle bonne action qu'il avait faite à un moment de sa vie : l'un parle alors d'une femme qu'il "aimait du plus fort qu'un homme puisse aimer une femme" (al-Bukhârî). Lire un article en relation avec ce point.

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IV) La question 2.b sus-citée revient en fait à demander ceci : Est-il possible de ne pas aimer (Bughdh 'Aqlî) la croyance de kufr d'une personne non-musulmane, et, en même temps, d'avoir de l'affection (de type Mahabba 'Aqliyya) pour la même personne, pour ce qu'elle est par ailleurs ?

A cette question, certains coreligionnaires répondent par : "Non, cela n'est pas possible. Dès lors qu'on n'aime pas la croyance de kufr, on ne peut pas aimer la personne qui est kâfir. Il est impossible – sur le plan islamique, voire même sur le plan humain – de ne pas aimer ce qu'une personne fait comme actions extérieures et/ou a comme croyances, et aimer une autre part de cette personne et avoir donc de l'affection 'Aqlî pour cette personne." Et c'est ce que d'illustres ulémas disent.

Pour ma part je ne suis cependant pas convaincu par cet avis et cette argumentation. Je trouve que ce que al-Qaradhâwî dit sur le sujet est plus pertinent (cf. Al-Halâl wa-l-harâm, pp. 294-295).

Le fait est que dans le Coran Dieu a autorisé au musulman de se marier avec une juive ou une chrétienne, du moment qu'elle est chaste : "الْيَوْمَ أُحِلَّ لَكُمُ الطَّيِّبَاتُ وَطَعَامُ الَّذِينَ أُوتُواْ الْكِتَابَ حِلٌّ لَّكُمْ وَطَعَامُكُمْ حِلُّ لَّهُمْ وَالْمُحْصَنَاتُ مِنَ الْمُؤْمِنَاتِ وَالْمُحْصَنَاتُ مِنَ الَّذِينَ أُوتُواْ الْكِتَابَ مِن قَبْلِكُمْ إِذَا آتَيْتُمُوهُنَّ أُجُورَهُنَّ مُحْصِنِينَ غَيْرَ مُسَافِحِينَ وَلاَ مُتَّخِذِي أَخْدَانٍ وَمَن يَكْفُرْ بِالإِيمَانِ فَقَدْ حَبِطَ عَمَلُهُ وَهُوَ فِي الآخِرَةِ مِنَ الْخَاسِرِينَ" (Coran 5/5).

Or, par ailleurs Il a dit qu'entre l'époux et l'épouse il y a de l'affection (mawadda) : "وَمِنْ آيَاتِهِ أَنْ خَلَقَ لَكُم مِّنْ أَنفُسِكُمْ أَزْوَاجًا لِّتَسْكُنُوا إِلَيْهَا وَجَعَلَ بَيْنَكُم مَّوَدَّةً وَرَحْمَةً إِنَّ فِي ذَلِكَ لَآيَاتٍ لِّقَوْمٍ يَتَفَكَّرُونَ" (Coran 30/21). Et il s'agit ici d'une affection requise (matlûb), donc d'une mahabba 'aqliyya, et non pas seulement tab'iyya.

Or encore, il n'y a pas d'exception pour le kufr de son épouse juive ou chrétienne. C'est-à-dire qu'il n'y a pas que son épouse juive ou chrétienne, il serait exceptionnellement autorisé d'aimer la croyance de kufr qu'elle a : même si son épouse, juive ou chrétienne, on l'aime – ce qui est attendu et même requis –, on doit ne pas aimer la croyance de kufr qu'elle a.

Preuve est donc faite qu'en islam, il n'est pas impossible de, à la fois :
--- ne pas aimer (
bughdh 'aqlî) la croyance de kufr d'une personne,
--- avoir de l'affection (
mahabba 'aqliyya) pour la personne qui adhère à ce kufr, pour ce qu'elle est par ailleurs sur le plan temporel.

(Certains ulémas disent certes qu'un tel mariage, bien qu'autorisé, est déconseillé ; cependant, ils ont dit cela pour raisons extérieures : li 'âridh, et non pas en soi : layssa fî nafsihî. Ibn Jarîr at-Tabarî écrit quant à lui, comme condition à l'autorisation d'un tel mariage : "à condition qu'elle soit dans une situation où celui qui fait ce mariage n'ait pas à craindre, pour l'enfant (qui naîtra), qu'il soit amené à être dans le kufr" : Tafsîr ut-Tabarî.)

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Certains coreligionnaires répondent à cela que le cas du mariage avec une juive ou une chrétienne étant autorisé, l'affection (mahabba 'aqliyya)  pour la juive ou la chrétienne qui est son épouse est exceptionnellement autorisée, tandis que l'affection (mahabba 'aqliyya) pour tout autre non-musulman reste interdite, même s'il ne combat pas l'islam et même s'il se trouve en lui une des autres raisons suscitées (c'est son parent, ou son collègue, ou son voisin, ou son camarade d'enfance, ou autre chose de ce genre).

Or cela ne semble pas pertinent, car, justement, des ulémas ont écrit qu'il est interdit de se marier avec une juive ou une chrétienne dont le groupe auquel elle appartient est en guerre contre les musulmans (harbiyya). Le fait de pouvoir prendre comme épouse une non-musulmane (juive ou chrétienne) n'est selon eux pas inconditionnel mais au contraire conditionné au fait qu'elle ne fasse pas partie d'un groupe qui est en guerre avec les musulmans. Sinon, si une juive ou une chrétienne est harbiyya, il est interdit de l'épouser et donc d'avoir de l'affection pour elle (fin de citation de l'avis de ces ulémas). C'est ainsi qu'il n'est par exemple pas autorisé aujourd'hui à un musulman de se marier avec une juive qui est sioniste, ni avec une chrétienne qui est sioniste ou qui est d'une mentalité ouvertement islamophobe.

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Le pivot (manât), par rapport au caractère "autorisé" ou "non-autorisé" de l'affection (hubb 'aqlî) pour la personne (à côté du nécessaire bughdh 'aqlî pour son kufr), cela semble donc bien être le caractère "ennemi" ou le caractère "non-ennemi" de la personne non-musulmane.
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Il faut ainsi faire la distinction, parmi tous ceux qui sont kâfir, entre :
ceux qui combattent l'islam intellectuellement, ou qui combattent les musulmans par les armes,
et ceux qui ne sont pas ainsi.
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2.b.a) Les premiers, on ne les aime pas (ne pas les aimer n'implique pas les agresser, ni verbalement, et encore moins physiquement ; cela signifie qu'on n'aura pas de hubb 'aqlî pour eux ; on ne les prendra donc pas comme amis).
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2.b.b)
Les seconds, on peut avoir de l'affection (hubb 'aqlî) pour eux pour l'une des raisons temporelles suscitées (par exemple des qualités qu'ils ont), et on a du bughdh 'aqlî pour le kufr auquel ils adhèrent.
As-Sâwî écrit ainsi, en commentaire de Coran 60/8-9 :
"Sa Parole : "Dieu ne vous interdit pas..." [Coran 60/8] : ce verset a été descendu pour rendre particulière la règle qui est descendue figurant au début de cette sourate. Car le premier verset [Coran 60/1] induisait une généralité pour tous les non-musulmans, de façon inconditionnelle, fussent-ils en état de paix. Ici [Coran 60/8] Il a explicité que ceux des non-musulmans qui sont sous traité avec les musulmans, il est autorisé d'avoir de l'affection (mawadda) pour eux ; l'interdiction ne les englobe pas ; c'était le cas des Khuzâ'ah et des Banu-l-Hârith. Selon cela, ce verset [Coran 60/8] est toujours en vigueur. Il est conc autorisé aujourd'hui pour les musulmans d'avoir de l'affection pour ceux des non-musulmans qui sont résidents de la Dâr ul-islâm, ou qui sont sous traité" : "قوله: {لاَّ يَنْهَاكُمُ} نزلت هذه الآية لتخصيص الحكم النازل أول السورة. لأن الآية الأولى عامة* في سائر الكفار مطلقاً ولو كانوا مصالحين. ثم بين هنا أن من كان من الكفار بينهم وبين المسلمين صلح ومهادنة، تجوز مودتهم، ولم يكن النهي شاملاً لهم؛ كخزاعة وبني الحارث. وعلى هذا تكون الآية محكمة؛ فيجوز الآن للمسلمين موادة الكفار الذين تحت الذمة والصلح" (Hâshiyat us-Sâwî 'alâ Tafsîr il-Jalâlayn) * أي بظاهرها.

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2.b.c) Il y a encore ici le cas du musulman qui commet ouvertement des grands péchés : lui on a de l'affection (hubb 'aqlî) pour lui pour son adhésion à la vraie foi, et on a du bughdh 'aqlî pour les péchés qu'il commet.
Al-Khâdimî écrit ainsi (désapprouvant l'affirmation de al-Birkiwî qu'il commente) : أما المرجئة الذين يقولون: "لا نتولى) لا نتخذ أولياء (المؤمنين المذنبين، ولا نتبرأ منهمفهؤلاء المبتدعة) مبتدأ أو خبر، فالأولى: فهؤلاء هم المبتدعة أو مبتدعة. (ولا تخرجهم بدعتهم من الإيمان إلى الكفر). أقول: الظاهر أن ذلك ليس ببدعة إذ ظاهره هو البغض في الله لعصيانه بل اللائق عدم اتخاذ الفساق أولياء" (Burayqa mahmûdiyya). Le fait est qu'il y a de la nuance à apporter quant au Tawallî du Fâssiq Millî, nuance que Ibn Taymiyya a exposée ainsi (et qui rejoint ce que al-Khâdimî a dit) : الفاسق الملي يعطى من الموالاة بقدر إيمانه، ويعطى من المعاداة بقدر فسقه. فإن مذهب أهل السنة والجماعة أن الفاسق الملي له الثواب والعقاب إذا لم يعف الله عنه؛ وأنه لا بد أن يدخل النار من الفساق من شاء الله، وإن كان لا يخلد في النار أحد من أهل الإيمان - بل يخلد فيها المنافقون كما يخلد فيها المتظاهرون بالكفر" (MF 28/578) ; "وإذا اجتمع في الرجل الواحد خير وشر، وفجور وطاعة ومعصية، وسنة وبدعة، استحق من الموالاة والثواب بقدر ما فيه من الخير، واستحق من المعاداة والعقاب بحسب ما فيه من الشر؛ فيجتمع في الشخص الواحد موجبات الإكرام والإهانة، فيجتمع له من هذا وهذا" (MF 28/209).

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V) Le Birr vis-à-vis des non-musulmans :

Asmâ' bint Abî Bakr informa le Prophète (sur lui soit la paix) que sa mère, Qutayla, polycultiste mecquoise, voulait lui rendre visite, "désireuse (d'entretenir les liens de parenté)" ("râghiba") : elle voulait savoir si elle pouvait accepter les présents qu'elle avait apportés et lui faire à son tour des présents. Le Prophète répondit par l'affirmative : "عن أسماء قال: قدمت أمي وهي مشركة في عهد قريش ومدتهم إذ عاهدوا النبي صلى الله عليه وسلم، مع ابنها، فاستفتيت النبي صلى الله عليه وسلم فقلت: "إن أمي قدمت وهي راغبة؛ أفأصلها؟" قال: "نعم، صلي أمك" (al-Bukhârî 5634, etc., Muslim, 1003 ; voir aussi Fat'h ul-bârî 5/287-288 ; 10/507). "فقد أخرجه ابن سعد وأبو داود الطيالسي والحاكم من حديث عبد الله بن الزبير قال: قدمت قتيلة بنت عبد العزى بن سعد من بني مالك بن حسل على ابنتها أسماء بنت أبي بكر في الهدنة - وكان أبو بكر طلقها في الجاهلية - بهدايا زبيب وسمن وقرظ. فأبت أسماء أن تقبل هديتها أو تدخلها بيتها، وأرسلت إلى عائشة: "سلي رسول الله صلى الله عليه وسلم"؛ فقال: "لتدخلها" الحديث" (Fat'h ul-bârî 5/287).
Cela est concerné, dit Ibn 'Uyayna, par ce verset du Coran [60/8] : "Dieu ne vous interdit pas d'être bienfaisants (tabarrû) et équitables (tuqsitû) envers ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures" : "عن أسماء بنت أبي بكر رضي الله عنهما قالت: أتتني أمي راغبة في عهد النبي صلى الله عليه وسلم، فسألت النبي صلى الله عليه وسلم: "آصلها؟" قال: "نعم." قال ابن عيينة: فأنزل الله تعالى فيها: {لا ينهاكم الله عن الذين لم يقاتلوكم في الدين" (al-Bukhârî, 5633) ; cela dans la mesure où premièrement il s'agissait d'une dame (et pas d'un combattant), et deuxièmement que son peuple avait alors conclu un traité avec les musulmans.

Al-Bukhârî lui-même, dans un titre (tarjama) qu'il a déduit de ce hadîth, après avoir écrit : "Offrir un présent aux Polycultistes", a cité ce verset 60/8 : "باب الهدية للمشركين وقول الله تعالى {لا ينهاكم الله عن الذين لم يقاتلوكم في الدين" (Kitâb ul-hiba, bâb n° 29). Cela montre qu'offrir un présent relève du birr.

Quant au vêtement de soie que Omar a offert à 'Uthmân ibn Hakîm, un frère utérin qu'il avait habitant La Mecque, qui n'avait alors pas encore embrassé l'islam, il s'est agi d'un complet que le Prophète lui avait offert. Or c'était 'Utârid ibn Hâjib at-Tamîmî qui vendait ces complets à Médine (FB 10/368). Et, comme le relate Ibn ul-Qayyim, la délégation des Banû Tamîm était venue à Médine en muharram de l'an 9 (ZM 3/510). Les Mecquois étaient à ce moment-là des résidents de la dâr ul-islâm.

Cette autorisation de faire preuve de bienfaisance (birr) concerne tous les non-musulmans qui ne sont pas en situation de conflit armé avec des musulmans (c'est l'une des explications visibles dans Ahkâm ul-qur'ân 4/228 ; Tafsîr ul-Qurtubî 18/59 ; Zâd ul-massîr 8/6).
Ensuite, si on retient que ce fut le fait que cela se produisit pendant la trêve qui fut déterminant quant à la possibilité de prendre les cadeaux de la mère de Asmâ', cela implique que même une femme - normalement non-combattante -, si sa cité est en guerre contre les musulmans, accepter son présent n'est pas possible ; ce verset s'applique donc à des gens qui sont sous traité avec les musulmans, fût-ce à l'occasion d'une simple trêve à durée déterminée, ayant été signée après des conflits armés
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Le verset 60/1 interdisait la ilqâ' ul-mawadda aux non-musulmans qui se sont remis en guerre ; et, surtout, le verset 60/4 présentait la 'adâwa vis-à-vis des non-musulmans comme étant nécessaire jusqu'à rien d'autre qu'ils acceptent la foi.
Cependant, le verset 60/8 a fait
takhsîs de cette 'umûm, en autorisant pour sa part la tawallî (opposée au birr) (ce qui, d'après as-Sâwî, englobe la mawadda) des non-musulmans qui ne sont pas en guerre.
Dans le même temps, le verset 60/9 a induit que,
vis-à-vis des non-musulmans qui sont en guerre, ce n'est pas seulement la tawallî d'intensité 2 qui est interdite (comme c'était le cas dans la cause de révélation du verset 60/1) : tout birr - fût-il d'intensité 1 - est interdit vis-à-vis d'eux.

Le Prophète (sur lui soit la paix) a d'ailleurs refusé d'accepter le présent offert par certains Polycultistes ("Nous n'acceptons pas le présent de Polycultistes" a-t-il alors dit : Abû Dâoûd, 3057, at-Tirmidhî, 1577), alors qu'il a accepté le présent offert par d'autres Polycultistes (voir les hadîths rapportés par al-Bukhârî in Kitâb ul-hiba, bâb n° 28 : "باب قبول الهدية من المشركين"). Abû 'Ubayd est d'avis que c'est un Polycultiste en situation de conflit armé avec lui ("mushrik muhârib") dont le Prophète n'a pas accepté le présent, alors que les présents que le Prophète a acceptés provenaient de Polycultistes ayant conclu un traité de paix ou ayant honoré son ambassadeur (Zâd ul-ma'âd 5/78-79).

Par contre ce dernier propos peut peut-être être nuancé par le cas où le Prophète espérait pouvoir adoucir le coeur de cet homme en conflit armé avec les musulmans : il lui faisait alors lui-même des présents, ou acceptait son présent. En fait il y a une différence entre :
----- le fait d'être bienfaisant pour honorer, li-l-ikrâm, ce que l'on peut faire vis-à-vis d'un non-musulman qui n'est pas ennemi (Ahkâm ul-qur'ân, 4/228), mais pas d'un ennemi ;
----- et le fait d'offrir un présent seulement pour adoucir la personne, li ta'lîf il-qalb, li daf' ish-sharr, ce qui peut être fait li-l-maslaha vis-à-vis d'un ennemi.

L'acceptation de présents et le fait d'en offrir soi-même est, ici, lui aussi lié au fait que le non-musulman ne combat pas l'islam.
Si le non-musulman combat l'islam, on doit agir humainement et avec équité avec lui, mais on n'a pas à chercher à lui être bienfaisant, par exemple lui offrir des présents pour l'honorer (
ik'râman) (on peut quand même lui faire des présents, mais c'est alors pour gagner son coeur, l'adoucir : ta'lîfan li qalbihî wa daf'an li sharrihî).

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Le commentaire de Ibn Âshûr :

"{لَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ لَمْ يُقَاتِلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَلَمْ يُخْرِجُوكُمْ مِنْ دِيَارِكُمْ أَنْ تَبَرُّوهُمْ وَتُقْسِطُوا إِلَيْهِمْ إِنَّ اللَّهَ يُحِبُّ الْمُقْسِطِينَ} استئناف هو منطوق لمفهوم الأوصاف التي وُصف بها العدوّ في قوله تعالى: {وقد كفروا بما جاءكم من الحق يخرجون الرسول وإياكم} وقوله: {إن يثقفوكم يكونوا لكم أعداء ويبسطوا إليكم أيديهم وألسنتهم بالسوء}، المسوقة مساق التعليل للنهي عن اتخاذ عدوّ الله أولياء: استثنى الله أقواماً من المشركين غير مضمرين العداوة للمسلمين وكان دينهم شديد المنافرة مع دين الإِسلام .
فإن نظرنا إلى وصف العدوّ من قوله: {لا تتخذوا عدوي وعدوكم}، وحملناه على حالة معاداة من خالفهم في الدين، ونظرنا مع ذلك إلى وصف {يخرجون الرسول وإياكم}، كان مضمون قوله: {لا ينهاكم الله عن الذين لم يقاتلوكم في الدين} إلى آخره: بياناً لمعنى العداوة المجعولة علة للنهي عن الموالاة؛ وكان المعنى أن مناط النهي هو مجموع الصفات المذكورة لا كل صفة على حيالها.
وإن نظرنا إلى أن وصف العدوّ هو عدوّ الدين، أي مخالفة في نفسه، مع ضميمة وصف {وقد كفروا بما جاءكم من الحق}، كان مضمون {لا ينهاكم الله} إلى آخره: تخصيصاً للنهي بخصوص أعداء الدين الذين لم يقاتلوا المسلمين لأجل الدين ولم يُخرجوا المسلمين من ديارهم.
وأيَّاً ما كان، فهذه الجملة قد أَخرَجت من حكم النهي القومَ الذين لم يقاتلوا في الدين ولم يُخرجوا المسلمين من ديارهم. واتصال هذه الآية بالآيات التّي قبلها يجعل الاعتبارين سواء؛ فدخل في حكم هذه الآية أصناف، وهم: حلفاءُ النبي صلى الله عليه وسلم مثل خُزاعة، وبني الحارث بن كعب بن عبد مناةَ بن كنانة، ومزينة؛ كان هؤلاء كلهم مظاهرين لنبي صلى الله عليه وسلم ويحبون ظهوره على قريش؛ ومثل النساء والصبيان من المشركين، وقد جاءت قُتيلة (بالتصغير ويقال لها : قتلة ، مكبراً) بنت عبد العُزى من بني عامر بن لؤي من قريش وهي أم أسماء بنت أبي بكر الصديق إلى المدينة زائرةً ابنتها وقتيلة يومئذٍ مشركة في المدة التي كانت فيها المهادنة بين رسول الله صلى الله عليه وسلم وبين كفار قريش بعد صلح الحديبية (وهي المدة التي نزلت فيها هذه السورة)، فسألت أسماءُ رسول الله صلى الله عليه وسلم أتصِل أمها؟ قال : "نعم صِلي أُمَّككِ"، وقد قيل: إن هذه الآية نزلت في شأنها.
وقوله: {أن تبروهم} بدل اشتمال من {الذين لم يقاتلوكم في الدين} الخ، لأن وجود ضمير الموصول في المبدل وهو الضمير المنصوب في {أن تبروهم} يجعل بر المسلمين بهم مما تشتمل عليه أحوالهم. فدخل في الذين لم يقاتلوا المسلمين في الدين: نَفر من بني هاشم منهم العباس بن عبد المطلب.
والذينَ شملتهم أحكام هذه الآية كلّهم، قد قيل: إنهم سبب نزولها؛ وإنما هو شمول وما هو بسبب نزول.
والبرّ: حسن المعاملة والإِكرامُ؛ وهو يتعدى بحرف الجر، يقال : برّ به، فتعديته هنا بنفسه على نزع الخافض.
والقسط: العدل؛ وضمن {تقسطوا} معنى تُفضوا فعدّي بـ{إلى}، وكان حقه أن يعدَّى باللام، على أن اللام و إلى يتعاقبان كثيراً في الكلام؛ أي أن تعاملوهم بمثل ما يعاملونكم به من التقرب، فإن معاملة أحد بمثل ما عامل به من العدل.
وجملة {إن الله يحب المقسطين} تذييل؛ أي يحب كل مقسط فيدخل الذين يقسطون للذين حالفوهم في الدين إذا كانوا مع المخالفة محسنين معاملتهم.
وعن ابن وهب قال: سألت ابن زيد عن قوله تعالى : {لا ينهاكم الله} الآية، قال: نسخها القتال. قال الطبري: لا معنى لقول من قال: ذلك منسوخ، لأن بر المؤمن بمن بينه وبينه قرابة من أهل الحرب أو بمن لا قرابة بينه وبينه غير محرم إذا لم يكن في ذلك دلالة على عورة لأهل الإِسلام . اه" (At-Tahrîr wa-t-tanwîr).

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VI) Le verset 60/4, certains coreligionnaires le citent parfois ici, l'opposant à ce qui vient d'être dit :

"قَدْ كَانَتْ لَكُمْ أُسْوَةٌ حَسَنَةٌ فِي إِبْرَاهِيمَ وَالَّذِينَ مَعَهُ إِذْ قَالُوا لِقَوْمِهِمْ إِنَّا بُرَاء مِنكُمْ وَمِمَّا تَعْبُدُونَ مِن دُونِ اللَّهِ كَفَرْنَا بِكُمْ وَبَدَا بَيْنَنَا وَبَيْنَكُمُ الْعَدَاوَةُ وَالْبَغْضَاء أَبَدًا حَتَّى تُؤْمِنُوا بِاللَّهِ وَحْدَهُ" : "Il y a pour vous un excellent modèle en Abraham et ceux qui étaient avec lui, lorsqu'ils dirent à leur peuple : "Nous sommes innocents de vous et de ce que vous adorez en dehors de Dieu ; nous renions vo(tre action* que voilà) ; l'inimitié et la haine sont apparues entre nous et entre vous pour toujours, jusqu'à ce que vous croyez en Dieu Seul"" (Coran 60/4) (* "كفرنا بكم} أي بما آمنتم به من الأوثان. وقيل: أي بأفعالكم. وكذبناها وأنكرنا أن تكونوا على حق" : Tafsîr ul-Qurtubî).

D'illustres ulémas ont déduit de ce verset que le pivot (manât) de l'interdiction d'avoir de l'affection pour un non-musulman, cela est présenté ici : "le seul fait que la personne soit dans le kufr" ; et non pas qu'elle combatte les musulmans.

Cependant, personnellement je ne suis pas convaincu par cette déduction. Le fait est que ce verset est à intégrer dans tout le passage dans lequel il se trouve : il s'adresse aux musulmans pour leur dire de ne pas prendre les kâfir comme awliyâ' : or la circonstance de révélation montre qu'il s'agissait des Polycultistes mecquois, qui étaient retournés à l'état de belligérance par la rupture de l'une des clauses du traité de al-Hudaybiya, et à qui Hâtib avait fait une expression de mawadda particulière : il venait de leur envoyer une missive les informant de la venue imminente du Prophète et des croyants pour conquérir La Mecque : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا لَا تَتَّخِذُوا عَدُوِّي وَعَدُوَّكُمْ أَوْلِيَاء تُلْقُونَ إِلَيْهِم بِالْمَوَدَّةِ وَقَدْ كَفَرُوا بِمَا جَاءكُم مِّنَ الْحَقِّ يُخْرِجُونَ الرَّسُولَ وَإِيَّاكُمْ أَن تُؤْمِنُوا بِاللَّهِ رَبِّكُمْ إِن كُنتُمْ خَرَجْتُمْ جِهَادًا فِي سَبِيلِي وَابْتِغَاء مَرْضَاتِي تُسِرُّونَ إِلَيْهِم بِالْمَوَدَّةِ وَأَنَا أَعْلَمُ بِمَا أَخْفَيْتُمْ وَمَا أَعْلَنتُمْ وَمَن يَفْعَلْهُ مِنكُمْ فَقَدْ ضَلَّ سَوَاء السَّبِيلِ إِن يَثْقَفُوكُمْ يَكُونُوا لَكُمْ أَعْدَاء وَيَبْسُطُوا إِلَيْكُمْ أَيْدِيَهُمْ وَأَلْسِنَتَهُم بِالسُّوءِ وَوَدُّوا لَوْ تَكْفُرُونَ لَن تَنفَعَكُمْ أَرْحَامُكُمْ وَلَا أَوْلَادُكُمْ يَوْمَ الْقِيَامَةِ يَفْصِلُ بَيْنَكُمْ وَاللَّهُ بِمَا تَعْمَلُونَ بَصِيرٌ" (Coran 60/1-3).

L'envoi de cette missive à l'ennemi a constitué un cas de tawwallî interdite.

Dieu dit donc aux musulmans qu'il y avait pour eux un modèle à suivre en Abraham et les croyants qui étaient avec lui - il s'agit de Sarah et Loth (Tafsîr Ibn 'Âshûr) -, qui désavouèrent totalement (firent barâ'ah vis-à-vis de) ceux qui ne croyaient pas.

Alors, déjà, ceux dont Abraham se désavoua en ces termes et vis-à-vis desquels il dit que l'inimitié est exprimée, eux aussi le combattaient âprement pour son monothéisme (il s'agit de ceux de la cité de Harran qui finirent par le jeter dans le brasier).

Ensuite, certes, Abraham (sur lui soit la paix) dit que cette barâ'ah cessera seulement lorsque ces incroyants non pas cesseront de combattre son message monothéiste, mais se mettront à croire en Dieu Seul : "l'inimitié et la haine sont apparues entre nous et entre vous pour toujours, jusqu'à ce que vous croyez en Dieu Seul".
Cependant, dans le cas de la Shar' de Muhammad (sur lui soit la paix), dans la même sourate, figurent les versets qui disent que ceux des incroyants qui n'ont pas combattu les musulmans, vis-à-vis d'eux faire le birr n'est pas interdit : "لَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ لَمْ يُقَاتِلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَلَمْ يُخْرِجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ أَن تَبَرُّوهُمْ وَتُقْسِطُوا إِلَيْهِمْ إِنَّ اللَّهَ يُحِبُّ الْمُقْسِطِينَ إِنَّمَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ قَاتَلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَأَخْرَجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ وَظَاهَرُوا عَلَى إِخْرَاجِكُمْ أَن تَوَلَّوْهُمْ وَمَن يَتَوَلَّهُمْ فَأُوْلَئِكَ هُمُ الظَّالِمُونَ" (Coran 60/8-9 : ces versets 60/8-9 ont été révélés soit avant les versets 60/1-6, soit après eux : nous allons y revenir plus bas).

Or, comment pourrait-on faire du birr vis-à-vis d'un polycultiste non-combattant si on dit que l'inimitié doit être exprimée vis-à-vis de ce polycultiste (comme cela est affirmé dans les propos suivants) : لا يكفي بغضهم بالقلب، بل لا بد من إظهار العداوة والبغضاء، قال تعالى: {قَدْ كَانَتْ لَكُمْ أُسْوَةٌ حَسَنَةٌ فِي إِبْرَاهِيمَ وَالَّذِينَ مَعَهُ إِذْ قَالُوا لِقَوْمِهِمْ إِنَّا بُرَآءُ مِنْكُمْ وَمِمَّا تَعْبُدُونَ مِنْ دُونِ اللَّهِ كَفَرْنَا بِكُمْ وَبَدَا بَيْنَنَا وَبَيْنَكُمُ الْعَدَاوَةُ وَالْبَغْضَاءُ أَبَداً حَتَّى تُؤْمِنُوا بِاللَّهِ وَحْدَهُ}. فانظر إلى هذا البيان الذي ليس بعده بيان، حيث قال: {وَبَدَا بَيْنَنَا} أي: ظهر؛ هذا هو إظهار الدين، فلا بد من التصريح بالعداوة، وتكفيرهم جهاراً، والمفارقة بالبدن" (Ad-Durar us-saniyya, 8/305 : cheikh Is'hâq ibn Abd ir-Rahmân) ; "فإن الإنسان قد يبغض المشركين ولا يعاديهم فلا يكون آتيا بالواجب عليه حتى تحصل منه العداوة والبغضاء، ولا بد أيضا من أن تكون العداوة والبغضاء باديتين ظاهرتين بيّنتين، واعلم أنه وإن كانت البغضاء متعلقة بالقلب فإنه لا تنفعه حتى تظهر آثارها وتتبين علاماتها، ولا تكون كذلك حتى تقترن بالعداوة والمقاطعة فحينئذ تكون العداوة والبغضاء ظاهرتين" (cheikh Hamd ibn 'Atîq)...

Dans la Shar' de Muhammad (sur lui soit la paix), de façon nuancée par rapport à la parole sus-citée de Abraham (sur lui soit la paix) :
--- l'interdiction de la tawallî d'intensité 3 vis-à-vis de tout non-musulman, cela requiert la barâ'ah au même niveau ;
--- l'interdiction de la tawallî d'intensité 2 vis-à-vis de tout non-musulman, cela requiert la barâ'ah au même niveau ;
--- enfin, l'interdiction de la tawallî d'intensité 1, qui ne concerne que le non-musulman qui combat les musulmans, cela requiert la barâ'ah au même niveau vis-à-vis de lui. Car, ici, dans la Shar' de Muhammad (sur lui soit la paix), la tawallî d'intensité 1 n'est pas interdite vis-à-vis du non-musulman qui ne combat pas les musulmans.

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Aux musulmans suivant le dernier Prophète (sur lui soit la paix), l'application du propos de Abraham (sur lui soit la paix) a donc été demandée, certes, mais, pour ce qui est de son application absolue (englobant alors même l'intensité 1), elle a été demandée uniquement vis-à-vis des non-musulmans qui combattent les musulmans.
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Que cette application soit réelle mais restreinte, on la trouve également dans le fait suivant :
--- le prophète Abraham (sur lui soit la paix) détruisit les idoles de sa cité, à Harran ;
--- or, pour sa part, les idoles de la ville de La Mecque, qui, pourtant, souillaient al-Masjid ul-harâm, le prophète Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) ne les détruisit qu'une fois qu'il eut conquis l'antique cité ; il ne le fit jamais pendant ses 10 années de prédication ouverte à La Mecque, ni même lorsque, pendant 3 jours en l'an 7 de l'hégire, ils furent laissés seuls dans la cité, lui et 1500 de ses Compagnons... Par ailleurs, même en Dâr ul-islâm hors Arabie, le musulman suivant la Shar' de Muhammad (sur lui soit la paix) n'a pas le droit d'entrer dans un temple de polycultistes
dhimmis et d'en détruire les idoles.

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Par ailleurs, dans le droit fil du propos de Abraham (sur lui soit la paix), il est vérifié dans la Shar' de Muhammad (sur lui soit la paix) aussi que vis-à-vis de non-musulmans combattant les musulmans, l'inimitié ne cessera de façon complète et parfaite que lorsqu'ils accepteront le message du dernier Prophète (sur lui soit  la paix). Cela est normal, puisque, alors il n'y aura plus aucune raison de ne pas les aimer : ils ne combattront alors plus les musulmans, ni ne seront dans le kufr.
Cependant, dans la Shar' de Muhammad (sur lui soit la paix), il se peut également qu'on les aime d'une certaine affection s'ils cessent de combattre les musulmans, sans pourtant embrasser l'islam (on déteste alors toujours leur kufr, mais on peut avoir de l'affection pour eux pour une cause dunyawî, comme exposé plus haut). C'est ce qui explique que, dans la même sourate, ensuite on lit ce verset 60/7 : "عَسَى اللَّهُ أَن يَجْعَلَ بَيْنَكُمْ وَبَيْنَ الَّذِينَ عَادَيْتُم مِّنْهُم مَّوَدَّةً وَاللَّهُ قَدِيرٌ وَاللَّهُ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" : "Il est à espérer que Dieu suscitera de l'amour entre vous et entre ceux vis-à-vis de qui [pour Lui] vous avez [actuellement] de l'inimitié" (Coran 60/7).
--- Certes, d'après le commentaire le plus répandu, cette affection ici annoncée concerne le moment où ils embrasseront l'islam (moment où, alors, les musulmans les aimèrent pleinement, vu qu'il n'y avait même plus, alors, à ne pas aimer leur croyance).
--- Cependant, d'après un autre commentaire (par Ibn Abbâs), cela concerne aussi, dans une mesure moindre, le moment où des motifs d'affection plus particuliers, sur le plan dunyawî, sont apparus : Ibn Abbâs a commenté ce verset 60/7 en disant que cela [a commencé à se réaliser vis-à-vis de Abû Suf'yân] par le fait que le Prophète épousa Ummu Habîba, la fille de celui-ci : "عسى الله أن يجعل بينكم وبين الذين عاديتم منهم مودة}: وهذا بأن يسلم الكافر؛ وقد أسلم قوم منهم بعد فتح مكة وخالطهم المسلمون، كأبي سفيان ابن حرب والحارث بن هشام وسهيل بن عمرو وحكيم بن حزام. وقيل: "المودة": تزويج النبي صلى الله عليه وسلم أم حبيبة بنت أبي سفيان، فلانت عند ذلك عريكة أبي سفيان، واسترخت شكيمته في العداوة. قال ابن عباس: كانت المودة بعد الفتح** تزويج النبي صلى الله عليه وسلم أم حبيبة بنت أبي سفيان؛ وكانت تحت عبيدالله بن جحش، وكانت هي وزوجها من مهاجرة الحبش" (Tafsîr ul-Qurtubî) (** أي فتح الحديبية). Cependant, ce second commentaire n'est acceptable que si on retient que ce verset 60/7 n'a pas été révélé après les versets du début de cette sourate 60, descendus pour leur part juste avant la conquête de La Mecque, donc en l'an 8 de l'hégire), mais bien avant (conformément à l'un des deux avis, comme nous allons le voir ci-après).

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Tentative de restitution de l'ordre chronologique dans la révélation des différents passages constituant la sourate 60 :

--- Peu après la conclusion du traité de al-Hudaybiya (en dhu-l-qa'da de l'an 6), furent révélés les versets 60/11-12, qui indiquait que la clause du traité de al-Hudaybiya qui prévoyait le renvoi à La Mecque de ceux des Mecquois qui émigreraient à Médine, cette clause ne pouvait pas s'appliquer aux femmes ;
--- le verset 60/13, lui, explique comment prendre allégeance aux femmes qui venaient ainsi à Médine ; sa révélation date donc d'à peu près la même période ;

--- le passage 60/1-6 fut révélé juste avant la Conquête de La Mecque (en ramadan de l'an 8), suite à l'envoi, par Hâtib, de la missive aux Polycultistes Mecquois venant de rompre le traité ;

--- quant aux versets 60/8-9 (لَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ لَمْ يُقَاتِلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَلَمْ يُخْرِجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ أَن تَبَرُّوهُمْ وَتُقْسِطُوا إِلَيْهِمْ إِنَّ اللَّهَ يُحِبُّ الْمُقْسِطِينَ إِنَّمَا يَنْهَاكُمُ اللَّهُ عَنِ الَّذِينَ قَاتَلُوكُمْ فِي الدِّينِ وَأَخْرَجُوكُم مِّن دِيَارِكُمْ وَظَاهَرُوا عَلَى إِخْرَاجِكُمْ أَن تَوَلَّوْهُمْ وَمَن يَتَوَلَّهُمْ فَأُوْلَئِكَ هُمُ الظَّالِمُونَ), on trouve chez les commentateurs deux positions :
----- pour certains, ils avaient été révélés avant le passage 60/1-6 : "وقيل: كان هذا الحكم لعلة وهو الصلح؛ فلما زال الصلح بفتح مكة، نُسخ الحكمُ وبقي الرسم يتلى" (Tafsîr ul-Qurtubî) ; "ومن ذكر أن هذه المودة تزويج النبي صلى الله عليه وسلم أم حبيبة بنت أبي سفيان، وأنها كانت بعد الفتح*، فقد أخطأ، لأن النبي صلى الله عليه وسلم تزوجها وقت هجرة الحبشة، وهذه الآيات نزلت سنة ست من الهجرة" (Tafsîr Ibn 'Atiyya) (* أي فتح الحديبية). Le raisonnement que Ibn 'Atiyya développe ici repose sur l'idée que le Prophète - sur lui soit la paix - s'est marié avec Ummu Habîba avant Fat'h ul-Hudaybiyya - an 6 -, donc : en l'an 5, ou en l'an 4. (Mais en fait il existe plusieurs relations quant à l'année où le Prophète - sur lui soit la paix - a épousé Ummu Habîba : l'an 4 / l'an 5 / l'an 6 / l'an 7 : Al-Bidâya wa-n-nihâya, 4/161-163. Et si on retient le second commentaire sus-cité, celui de Ibn Abbas - selon lequel ce mariage a entraîné un certain radoucissement chez Abû Sufyân -, ce mariage ne peut avoir eu lieu qu'après la bataille des Coalisés, puisque jusqu'alors il n'y avait pas de radoucissement chez lui - et cette bataille se produisit en l'an 5. Pour ce qui est de la date du mariage, Ibn Kathîr a retenu l'an 5 ; Ibn Manda et Abû 'Ubayda : l'an 6 ; et Ibn ul-Qayyim l'an 7 - ZM 1/110) ;
----- pour d'autres commentateurs, ces versets 60/8-9 furent révélés après le passage 60/1-6, pour induire une particularisation de la règle d'interdiction de la tawallî, qui y figure de façon inconditionnelle : "ولما نزلت هذه الآيات الكريمات المهيجة على عداوة الكافرين، وقعت من المؤمنين كل موقع، وقاموا بها أتم القيام، وتأثموا من صلة بعض أقاربهم المشركين، وظنوا أن ذلك داخل فيما نهى الله عنه. فأخبرهم الله أن ذلك لا يدخل في المحرم فقال: {لَا يَنْهَاكُمُ الله" (Tafsîr us-Sa'dî) ;

--- le verset 60/7 (عَسَى اللَّهُ أَن يَجْعَلَ بَيْنَكُمْ وَبَيْنَ الَّذِينَ عَادَيْتُم مِّنْهُم مَّوَدَّةً وَاللَّهُ قَدِيرٌ وَاللَّهُ غَفُورٌ رَّحِيمٌ), Ibn Atiyya écrit qu'il a été révélé en même temps que les 60/8-9 (nous avons déjà vu son écrit) ;

--- quant au dernier verset, le 60/13, je ne sais pas quand il a été révélé.

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Pour certains commentateurs, le contenu des versets 60/8-9 a été abrogé par le passage 60/1-6 (et ce dernier a été forcément révélé après le passage 60/8-9).

Par contre, l'avis déjà cité de as-Sâwî est que, tout au contraire, c'est le passage 60/8-9 qui particularise le contenu du passage 60/1-6. Par ailleurs, cet avis de as-Sâwî peut lui aussi se marier avec l'avis disant que le passage 60/1-6 a été révélé après le passage 60/8-9 : Shâh Waliyyullâh a exposé qu'on trouve parfois chez des mufassirûn une formulation spécifique, ne reflétant que la particularisation, et pas réellement l'ordre historique de révélation : "وأحيانا يذكر الصحابة رضي الله عنهم التقديم والتأخير في بعض الآيات، ومرادهم بذلك هو التقدم والتأخير الرتبي كما قال ابن عمر رضي الله عنه في قوله تعالى: {وَالَّذِينَ يَكْنِزُونَ الذَّهَبَ وَالْفِضَّةَ} إلخ الآية : "هذا قبل أن تنزل الزكاة، فلما أنزلت جعلها الله تعالى طهوراً للأموال". فمن المعلوم أن سورة البراءة آخر سورة نزلت وجاءت هذه الآية في تضاعيف القصص المتأخرة، وقد كانت فرضية الزكاة قبلها بأعوام. فمراد ابن عمر. رضي الله عنهما هو تقدم الإجمال رتبة - لا نزولا - على التفصيل الذي هو متأخر رتبة وإن كان متقدما نزولا" (Al-Fawz ul-kabîr, p. 64).

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VII) Un autre verset que certains coreligionnaires citent parfois ici, l'opposant à ce qui a été dit plus haut :

"لا تَجِدُ قَوْمًا يُؤْمِنُونَ بِاللَّهِ وَالْيَوْمِ الْآخِرِ يُوَادُّونَ مَنْ حَادَّ اللَّهَ وَرَسُولَهُ وَلَوْ كَانُوا آبَاءهُمْ أَوْ أَبْنَاءهُمْ أَوْ إِخْوَانَهُمْ أَوْ عَشِيرَتَهُمْ أُوْلَئِكَ كَتَبَ فِي قُلُوبِهِمُ الْإِيمَانَ وَأَيَّدَهُم بِرُوحٍ مِّنْهُ وَيُدْخِلُهُمْ جَنَّاتٍ تَجْرِي مِن تَحْتِهَا الْأَنْهَارُ خَالِدِينَ فِيهَا رَضِيَ اللَّهُ عَنْهُمْ وَرَضُوا عَنْهُ أُوْلَئِكَ حِزْبُ اللَّهِ أَلَا إِنَّ حِزْبَ اللَّهِ هُمُ الْمُفْلِحُونَ" : "Tu ne trouveras pas des gens qui croient en Dieu et au Jour dernier aimer (yuwâddûna) ceux qui font la muhâdda vis-à-vis de Dieu et de Son Messager, fussent-ils leurs pères, leurs fils, leurs frères ou les gens de leur tribu. Ceux-là [= les premiers], Dieu a établi la foi dans leur cœur, et les a aidés par un esprit venant de Lui" (Coran 58/22).

Ces frères et sœurs ont compris de ce verset que, si on a réellement foi en Dieu et Son Messager, on ne peut pas aimer une personne qui a renié (kufr akbar) Dieu et Son Messager.

Or ce verset parle de ceux qui font "muhâdda" avec Dieu et Son Messager.

Et la muhâdda est particulière par rapport au seul kufr akbar.

En commentaire d'un autre verset qui parle lui aussi de muhâdda : "Ne savent-ils pas que celui qui fait muhâdda avec Dieu et Son Messager, celui-là aura le feu de la Géhenne dans lequel il restera perpétuellement" (Coran 9/63), Ibn Taymiyya écrit ainsi : "ودل ذلك على أن الإيذاء والمحادة كفر لأنه أخبر أن له نار جهنم خالدا فيها ولم يقل "هي جزاؤه" وبين الكلامين فرق. بل المحادة هي المعاداة والمشاقة؛ وذلك كفر ومحاربة، فهو أغلظ من مجرد الكفر" : "Ceci indique que le îdhâ' et la muhâdda constituent du kufr. (...) Plutôt même, la muhâdda est de la mu'âdâh et de la mushâqqa : cela constitue du kufr et de la muhâraba ; cela est donc plus épais (aghlaz) que le kufr [simple]" (As-Sârim, p. 27).
On peut donc dire que toute muhâdda est du kufr, mais que tout kufr ne s'accompagne pas forcément de muhâdda.

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Ce verset 58/22 ne dit donc rien quant au fait d'avoir de l'affection pour ceux qui ont le kufr mais ne font pas preuve de muhâdda.

Ce verset interdit seulement d'avoir de l'affection (muwâdda, donc mahabba 'aqliyya) (الموادّة) pour ceux qui font preuve de muhâdda vis-à-vis de Dieu et de Son Messager, ce qui constitue du kufr plus de la muhâraba.

Et cela vaut aussi pour les parents et les enfants, dit ce verset.

Nous avons donc ceci au sujet des parents non-musulmans :
--- s'ils sont islamophiles, la question ne se pose pas ;
--- s'ils sont neutres au sujet de l'islam, ne faisant ni ne disant rien de plus, c'est ce que nous avons vu plus haut qui s'applique : on les aime toujours (mahabba 'aqliyya) ;
--- s'ils agissent pour nous faire abandonner l'islam, on ne doit pas leur obéir mais on les aime toujours (mahabba 'aqliyya). Le Coran parle lui-même de ces parents qui sont kâfir et qui ne sont pas "neutres" vis-à-vis de l'islam mais qui, au contraire, font des efforts pour que leur fils abandonne l'islam et se mette à l'adoration d'idoles ; et il dit d'agir avec eux selon le convenable : "وَإِن جَاهَدَاكَ عَلى أَن تُشْرِكَ بِي مَا لَيْسَ لَكَ بِهِ عِلْمٌ فَلَا تُطِعْهُمَا وَصَاحِبْهُمَا فِي الدُّنْيَا مَعْرُوفًا وَاتَّبِعْ سَبِيلَ مَنْ أَنَابَ إِلَيَّ ث" : "Et s'ils font des efforts sur toi pour que tu M'associes ce dont tu n'as pas de preuve, ne leur obéis pas, et comporte-toi convenablement avec eux en ce monde. Et suis le chemin de qui se tourne vers Moi" (Coran 31/15). "وَوَصَّيْنَا الْإِنسَانَ بِوَالِدَيْهِ حُسْنًا وَإِن جَاهَدَاكَ لِتُشْرِكَ بِي مَا لَيْسَ لَكَ بِهِ عِلْمٌ فَلَا تُطِعْهُمَا" (Coran 29/8). Il est relaté comme cas relevant de ce qui est concerné par ce verset que la mère de Sa'd ibn Abî Waqqâs avait fait serment de ne plus prendre de nourriture ni de boisson et de ne plus parler à Sa'd jusqu'à ce qu'il apostasie de l'islam ; elle ajouta : "Tu prétends que Dieu t'a enjoint de bien agir envers tes parents. Eh bien je suis ta mère, et je t'ordonne cela" : "عن سعد أنه نزلت فيه آيات من القرآن. قال: حلفت أم سعد أن لا تكلمه أبدا حتى يكفر بدينه ولا تأكل ولا تشرب. قالت: "زعمت أن الله وصاك بوالديك؛ وأنا أمك، وأنا آمرك بهذا." قال: مكثت ثلاثا حتى غشي عليها من الجهد. فقام ابن لها يقال له عمارة، فسقاها. فجعلت تدعو على سعد. فأنزل الله عز وجل في القرآن هذه الآية: {ووصينا الإنسان بوالديه حسنا وإن جاهداك على أن تشرك بي} وفيها {وصاحبهما في الدنيا معروفا" (Muslim, 1648) ;
--- c'est s'ils font muhâddat ullâh wa rassûli-hî qu'on ne peut plus les aimer d'une mahabba 'aqliyya : dans ce cas, on ne les insulte jamais, mais on se limite aux règles de bienséance à leur sujet (s'ils sont grabataires et ont besoin de notre aide, on la leur fournit).

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VIII) Attention : L'interdiction d'avoir du Hubb 'Aqlî pour un kâfir muhârib li-l-islâm, cela n'implique pas vouloir le malheur de cette personne :

Vis-à-vis de telles gens, on peut être amené à exprimer ce bughdh 'aqlî en ne les fréquentant plus (الهجر).

Cependant, par muwâzana entre maslaha et mafsada, on peut également être amené à agir en bien avec eux (المُداراة). C'est généralement le cas lorsque ce sont des proches parents. (Mais d'autres cas de figure sont aussi envisageables, comme un supérieur hiérarchique.)

Abû Hurayra l'a fait vis-à-vis de sa mère : "عن أبي. هريرة، قال: كنت أدعو أمي إلى الإسلام وهي مشركة، فدعوتها يوما فأسمعتني في رسول الله صلى الله عليه وسلم ما أكره. فأتيت رسول الله صلى الله عليه وسلم وأنا أبكي، قلت: "يا رسول الله إني كنت أدعو أمي إلى الإسلام فتأبى علي، فدعوتها اليوم فأسمعتني فيك ما أكره، فادع الله أن يهدي أم أبي هريرة." فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "اللهم اهد أم أبي هريرة." فخرجت مستبشرا بدعوة نبي الله صلى الله عليه وسلم. فلما جئت فصرت إلى الباب، فإذا هو مجاف، فسمعت أمي خشف قدمي، فقالت: "مكانك يا أبا هريرة!" وسمعت خضخضة الماء، قال: فاغتسلت ولبست درعها وعجلت عن خمارها، ففتحت الباب، ثم قالت: "يا أبا هريرة أشهد أن لا إله إلا الله، وأشهد أن محمدا عبده ورسوله." قال فرجعت إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فأتيته وأنا أبكي من الفرح، قال: قلت: "يا رسول الله أبشر قد استجاب الله دعوتك وهدى أم أبي هريرة." فحمد الله وأثنى عليه وقال خيرا، قال قلت: "يا رسول الله ادع الله أن يحببني أنا وأمي إلى عباده المؤمنين، ويحببهم إلينا." قال: فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "اللهم حبب عبيدك هذا - يعني أبا هريرة - وأمه إلى عبادك المؤمنين، وحبب إليهم المؤمنين." فما خلق مؤمن يسمع بي ولا يراني إلا أحبني" (Muslim, 2491).

Plus encore : on veut le bien pour ces personnes, puisqu'il est autorisé d'invoquer Dieu de guider même les kâfir muhârib... "عن جابر بن عبد الله رضي الله عنهما قال: قالوا: "يا رسول الله، أحرقتنا نبال ثقيف، فادع الله عليهم". قال: "اللهم اهد ثقيفًا" (at-Tirmidhî, 3942, Ahmad). Le Prophète a invoqué Dieu en faveur de la mère de Abû Hurayra alors que ce dernier venait de l'informer qu'elle faisait son sabb (disait du mal de lui) (référence sus-citée).
Le Bughdh 'Aqlî est donc tempéré par une considération de "li 'âridh" (pour raison extérieure et pouvant disparaître).

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IX) Un autre verset parfois également cité ici :

"مُّحَمَّدٌ رَّسُولُ اللَّهِ وَالَّذِينَ مَعَهُ أَشِدَّاء عَلَى الْكُفَّارِ رُحَمَاء بَيْنَهُمْ" : "Muhammad est Messager de Dieu. Et ceux qui sont avec lui sont Shadîd sur les Kâfir, Rahîm entre eux" (Coran 48/29). Qu'est-ce que le terme "Shadîd" (singulier de "Ashiddâ'"), qui signifie : "avoir de la Shidda", y désigne-t-il donc ?

--------- soit ce verset parle des kâfir en général ; mais, alors, Ghilza n'y signifie pas "dureté" mais : "détermination de sorte de ne pas abandonner le fait de promouvoir le bien et faire disparaître ce qui est mal" : "وهو كقوله {أشداء على الكفار رحماء بينهم} إلى قوله {ذلك مثلهم في التوراة} فـشدتهم على الكفار: أمرهم بالمعروف ونهيهم عن المنكر" (Tafsîr ur-Râzî sur Coran 3/110). La sourate al-Fat'h, dans laquelle se trouve ce verset, évoque le traité de al-Hudaybiya, conclu avec les Quraysh. A al-Hudaybiya, le Prophète (sur lui soit la paix) n'a pas fait preuve de rudesse mais de sagesse vis-à-vis des émissaires venus l'un après l'autre parlementer avec lui ;

--------- soit Shidda y signifie : "dureté dans la façon d'être avec eux" ; mais, alors, le verset ne parle pas de tous les kâfir mais uniquement de ceux des kâfir qui sont Harbî : qui sont en état de guerre avec les musulmans. "مُحَمَّدٌ رَسُولُ اللَّهِ وَالَّذِينَ مَعَهُ أي أصحابه أَشِدَّاءُ عَلَى الْكُفَّارِ رُحَماءُ بَيْنَهُمْ} أي لهم شدة وغلظة على الكفار المحاربين لهم الصادّين عن سبيل الله، وعندهم تراحم فيها بينهم، كقوله تعالى: {أَذِلَّةٍ عَلَى الْمُؤْمِنِينَ أَعِزَّةٍ عَلَى الْكافِرِينَ" (Tafsîr ul-Qâssimî).

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X) Deux autres versets encore :

"يَا أَيُّهَا النَّبِيُّ جَاهِدِ الْكُفَّارَ وَالْمُنَافِقِينَ وَاغْلُظْ عَلَيْهِمْ وَمَأْوَاهُمْ جَهَنَّمُ وَبِئْسَ الْمَصِيرُ" : "O Prophète, fais le Jihâd face aux kâfir et aux hypocrites, et fais preuve de Ghilzah sur eux"(Coran 9/73 ; Coran 66/9). "Ghilza" signifie littéralement : "rudesse" : que désigne ce terme ici ?

----- Si on retient que ces 2 versets Coran 9/73 et 66/9 incluent le Jihâd bi-l-lissân, donc les prédication, débat et argumentation aussi (vu que, comme cela est exposé dans un autre article, le "jihâd" n'a pas qu'un sens militaire) : "وقوله عز وجل: {يا أيها النبي جاهد الكفار والمنافقين واغلظ عليهم} (...). ويحتمل: مجاهدة بالحجج والبراهين الفريقين جميعا. (...). وإن كان الأمر على المجاهدة: مجاهدة بالحجج، فهو - صلى الله عليه وسلم - قد حاجّ الفريقين جميعا بالحجج، وخاصة سورة براءة إنما أنزلت في محاجة المنافقين. (...)" (Tafsîr ul-Mâturîdî). "والقول الثالث - وهو الصحيح -: أن الجهاد عبارة عن بذل الجهد، وليس في اللفظ ما يدل على أن ذلك الجهاد بالسيف أو باللسان أو بطريق آخر. فنقول: إن الآية تدل على وجوب الجهاد مع الفريقين؛ فأما كيفية تلك المجاهدة، فلفظ الآية لا يدل عليها، بل إنما يعرف من دليل آخر. (...). قال عبد الله في قوله: {جاهد الكفار والمنافقين} قال: تارة باليد، وتارة باللسان، فمن لم يستطع فليكشر في وجهه، فمن لم يستطع فبالقلب" (Tafsîr ur-Râzî sur Coran 9/74). "فأمره أن يجاهد الكفار بالسيف والمواعظ الحسنة والدعاء إلى الله؛ والمنافقين بالغلظة وإقامة الحجة وأن يعرفهم أحوالهم في الآخرة، وأنهم لا نور لهم يجوزون به الصراط مع المؤمنين" (Tafsîr ul-Qurtubî) (ce qu'il cite là concernant les kâfir, cela relève de la cause B.5 dans notre article consacré aux cas du combat), alors le terme Ghilza figurant dans ces 2 versets Coran 9/73 et 66/9 peut sembler contredire les 2 autres versets Coran 16/125 et 29/46, qui disent pour leur part : "Discute avec eux par la façon qui est (la) meilleure" ("وَجَادِلْهُم بِالَّتِي هِيَ أَحْسَنُ" : Coran 16/125 ; "وَلَا تُجَادِلُوا أَهْلَ الْكِتَابِ إِلَّا بِالَّتِي هِيَ أَحْسَنُ، إِلَّا الَّذِينَ ظَلَمُوا مِنْهُمْ" : Coran 29/46)...

Mais en fait :

--------- soit les 2 versets Coran 9/73 et 66/9 parlent des kâfir et des hypocrites en général ; mais, alors, Ghilza n'y signifie pas "rudesse" (afin de ne pas contredire les 2 autres versets Coran 16/125 et 29/46, qui demandent de "discuter de la façon la meilleure", avec l'exception "sauf ceux d'entre eux qui sont injustes" comprise comme signifiant : "eux, il s'agit de les délaisser" : un des commentaires visibles in Tafsîr ul-Mâturîdî) : lors des prédication, débat et argumentation (qui sont du Jihâd bi-l-lissân), la Ghilzah dont il s'agit de faire preuve est de faire preuve de détermination, et pas d'une telle douceur qu'elle conduise à abandonner toute argumentation et prédication... "وأما قوله تعالى: {وليجدوا فيكم غلظة} قال الزجاج: فيها ثلاث لغات، فتح الغين وضمها وكسرها. قال صاحب الكشاف: "الغلظة بالكسر الشدة العظيمة، والغلظة كالضغطة، والغلظة كالسخطة". وهذه الآية تدل على الأمر بالتغليظ عليهم، ونظيره قوله تعالى: {واغلظ عليهم} وقوله: {ولا تهنوا} وقوله في صفة الصحابة رضي الله عنهم: {أعزة على الكافرين} وقوله: {أشداء على الكفار} وللمفسرين عبارات في تفسير الغلظة، قيل: شجاعة، وقيل: شدة، وقيل: غيظا" (Tafsîr ur-Râzî sur Coran 9/123). "أما إذا جعلناه صفة ليحيى عليه السلام ففيه وجوه: الأول: "آتيناه الحكم والحنان على عبادنا" أي التعطف عليهم وحسن النظر على كافتهم فيما أوليه من الحكم عليهم؛ كما وصف نبيه فقال: {فبما رحمة من الله لنت لهم}، وقال: {حريص عليكم بالمؤمنين رؤف رحيم}؛ ثم أخبر تعالى أنه آتاه {زكاة}، ومعناه أن لا تكون شفقته داعية له إلى الإخلال بالواجب لأن الرأفة واللين ربما أورثا ترك الواجب؛ ألا ترى إلى قوله تعالى: {ولا تأخذكم بهما رأفة في دين الله}، وقال: {قاتلوا الذين يلونكم من الكفار وليجدوا فيكم غلظة}، وقال: {أذلة على المؤمنين أعزة على الكافرين يجاهدون في سبيل الله ولا يخافون لومة لائم}؛ فالمعنى: إنما جعلنا له التعطف على عباد الله مع الطهارة عن الإخلال بالواجبات" (Tafsîr ur-Râzî sur Coran 19/13). "البحث الثالث: هذه الآية تدل على كون الصحابة مؤمنين في علم الله تعالى إيمانا حقيقيا لأنها تدل على أن قلوبهم كانت مملوءة من الغضب ومن الحمية لأجل الدين، ومن الرغبة الشديدة في علو دين الإسلام، وهذه الأحوال لا تحصل إلا في قلوب المؤمنين" (Tafsîr ur-Râzî sur Coran 9/15) ;

--------- soit Ghilza signifie : "rudesse dans la discussion" ; mais, alors, les 2 versets Coran 9/73 et 66/9 ne parlent que de certains Kâfir et Munâfiq : il s'agit de ceux qui, d'eux-mêmes, font preuve de rudesse dans la discussion : il s'agit alors de répondre à leur rudesse par un propos tout aussi rude. Cela correspond alors à un autre commentaire de l'exception présente en Coran 29/46, qui dit de faire "Mujadala avec eux par la façon qui est la meilleure", "sauf ceux qui sont injustes parmi eux" : avec eux, il s'agit de répondre avec autant de rudesse : "وَلَا تُجَادِلُوا أَهْلَ الْكِتَابِ إِلَّا بِالَّتِي هِيَ أَحْسَنُ إِلَّا الَّذِينَ ظَلَمُوا مِنْهُمْ وَقُولُوا آمَنَّا بِالَّذِي أُنزِلَ إِلَيْنَا وَأُنزِلَ إِلَيْكُمْ وَإِلَهُنَا وَإِلَهُكُمْ وَاحِدٌ وَنَحْنُ لَهُ مُسْلِمُونَ" (Coran 29/46) : "بالتي هي أحسن} بالخصلة التي هي أحسن: وهي مقابلة الخشونة باللين، والغضب بالكظم، والسورة بالأناة، كما قال: {ادفع بالتي هي أحسن}. {إلا الذين ظلموا} فأفرطوا في الاعتداء والعناد ولم يقبلوا النصح ولم ينفع فيهم الرفق، فاستعملوا معهم الغلظة" (Tafsîr uz-Zamakhsharî sur Coran 29/46). "واختلفوا في صفة جهاد المنافقين: فقال ابن مسعود: بيده فإن لم يستطع فبلسانه فإن لم يستطع فبقلبه، وقال: لا تلق المنافقين إلا بوجه مكفهر. وقال ابن عباس: باللسان وترك الرفق. وقال الضحاك: بتغليظ الكلام. وقال الحسن وقتادة: بإقامة الحدود عليهم" (Tafsîr ul-Baghawî). Attention : cette "rudesse" évoquée ici ne concerne pas les transactions et le comportement humain, mais seulement ce qui relève de l'argumentation liée au dîn et la prédication ("واعلم أن هذه الغلظة إنما تعتبر فيما يتصل بالدعوة إلى الدين؛ وذلك إما بإقامة الحجة والبينة، وإما بالقتال والجهاد. فأما أن يحصل هذا التغليظ فيما يتصل بالبيع والشراء والمجالسة والمؤاكلة، فلا"Tafsîr ur-Râzî sur Coran 9/123).

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XI) Un hadîth que d'autres coreligionnaires citent parfois, pour en déduire qu'il est interdit d'avoir de l'affection pour celui qui ne croit pas :

"عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "الرجل على دين خليله، فلينظر أحدكم من يخالل" : "L'homme est sur le dîn de son khalîl. Que chacun d'entre vous regarde donc qui il noue de la mukhâlla" (Abû Dâoûd 4833, at-Tirmidhî 2378).

Ces frères et sœurs en déduisent que le Prophète (sur lui soit la paix) a ici interdit de prendre comme ami un non-musulman, de même qu'un musulman qui se laisse aller de façon permanente et ouverte à des mauvaises actions.

Or ce hadith dit que, le fait de prendre quelqu'un comme khalîl est une dharî'a vers le fait de subir son influence dans le Dîn ; cela concerne celui qui n'a pas Asl ud-Dîn – il s'agit du non-musulman – comme celui qui n'a pas Kamâl ud-Dîn al-wâjib – il s'agit du musulman qui se laisse aller de façon permanente et ouverte à des mauvaises actions. Cependant, ce hadîth ne parle pas du fait d'avoir de la mahabba 'aqliyya pour quelqu'un à un niveau demeurant de "simple sadâqa". Car "khalîl" désigne la personne pour qui on a une affection très poussée : la "khulla" est beaucoup plus accentuée que la "sadâqa" ; la "khulla" est différente de la "mahabba mutlaqa".

C'est bien pourquoi le Prophète (sur lui soit la paix) lui-même a dit d'une part, à 'Amr ibn ul-As, que celui des hommes pour lequel il a le plus d'affection (mahabba) est Abû Bakr (al-Bukhârî 3462, Muslim 2384), mais a également, d'autre part, dit, 5 jours avant de mourir : "عن جندب، قال: سمعت النبي صلى الله عليه وسلم قبل أن يموت بخمس، وهو يقول: "إني أبرأ إلى الله أن يكون لي منكم خليل، فإن الله تعالى قد اتخذني خليلا، كما اتخذ إبراهيم خليلا. ولو كنت متخذا من أمتي خليلا لاتخذت أبا بكر خليلا" : "Je suis innocent devant Dieu d'avoir un khalîl parmi vous. Car Dieu m'a pris comme khalîl, comme Il a pris Abraham comme khalîl. Et si j'en étais à prendre un khalîl parmi ma Umma, je prendrais Abû Bakr comme khalîl…" ; "Si j'en étais à prendre un khalîl à part mon Rabb, je prendrais Abû Bakr comme khalîl ; mais…" (al-Bukhârî 3454) / "Si j'en étais à prendre un khalîl parmi les hommes, je prendrais Abû Bakr comme khalîl ; mais…" (al-Bukhârî 455).
(Il n'est pas interdit au musulman d'avoir un khalîl parmi les humains : le hadîth cité plus haut le prouve : "Que chacun d'entre vous regarde donc qui il prend comme khalîl". Ce que le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) a voulu dire ici c'est que, lui, par égard pour la plénitude de son lien avec Dieu, a voulu n'avoir avec aucun humain un lien qui soit de niveau "khulla", ayant réservé cela à Dieu.)

Ibn Hajar écrit : "Il y a divergence à propos des (termes) "mawadda", "khulla", "mahabba" et "sadâqa" : sont-ils synonymes ou différents ? Les spécialistes (ahl ul-lugha) disent : "La "khulla" constitue le degré le plus élevé." C'est ce qu'indique le hadîth mentionné dans ce point, de même que la parole du (Prophète), que la paix soit sur lui : "Si j'en étais à prendre un khalîl à part mon Rabb…" : il indique qu'il n'avait pas de khalîl parmi les fils de Adam, alors qu'il est est établi qu'il avait de la mahabba pour un groupe de Compagnons tels que Abû Bakr, Fâtima, Aïcha, al-Hassan, al-Hussayn et autre qu'eux" (Fat'h ul-bârî 7/30).

"Khalîl" désigne donc non pas simplement un homme pour lequel on a de l'affection et avec qui on est lié d'amitié, mais un homme pour lequel on a une extrêmement grande affection ; cela est beaucoup plus accentué que "sadîq".

– Le hadîth interdisant de prendre celui qui n'a pas asl ud-dîn comme khalîl se comprend dès lors par le fait qu'il ne faudrait pas que l'affection pour ce non-musulman (même non-combattant) soit d'un niveau tel qu'elle amène ensuite ce musulman à dire ou à penser : "Sa religion aussi ne peut être que vraie, la mienne aussi est vraie" ; ou encore : "Peut-être même que ce que sa religion dit sur tel point est plus vrai que ce que l'islam dit".
Cela est valable même par rapport à son épouse juive ou chrétienne : il ne faut pas que l'affection que l'on a pour elle entraîne ce que l'on vient de décrire. Mon professeur Cheikh Ya'qûb Gora disait que cela semble être la raison pour laquelle, dans le verset 5/5, immédiatement après l'autorisation de se marier avec une juive ou une chrétienne, on lit le rappel de la gravité du fait de quitter la foi. Dieu dit : "وَالْمُحْصَنَاتُ مِنَ الْمُؤْمِنَاتِ وَالْمُحْصَنَاتُ مِنَ الَّذِينَ أُوتُواْ الْكِتَابَ مِن قَبْلِكُمْ إِذَا آتَيْتُمُوهُنَّ أُجُورَهُنَّ مُحْصِنِينَ غَيْرَ مُسَافِحِينَ وَلاَ مُتَّخِذِي أَخْدَانٍ وَمَن يَكْفُرْ بِالإِيمَانِ فَقَدْ حَبِطَ عَمَلُهُ وَهُوَ فِي الآخِرَةِ مِنَ الْخَاسِرِينَ" : "Et [il vous a été rendu licite de vous marier avec] les (femmes) chastes parmi les croyantes [= les musulmanes] et les (femmes) chastes faisant partie de ceux qui ont reçu le Livre avant vous [= les juives et les chrétiennes], si vous leur donnez leur douaire, ceci étant (sous la forme) d'un mariage et non en gens de mauvaise vie ni en preneurs d'amantes. Et celui qui fait kufr par rapport à la foi, alors vaine devient son action, et il sera dans l'au-delà parmi les perdants" (Coran 5/5).

– De même, il ne faut pas non plus que, l'affection pour son ami soit telle que, pour contenter cet ami ou pour honorer sa mémoire, on se mette à faire une action (far') qui lui plaît (ou lui aurait plu) même si cela déplaît à Dieu (fisq asghar) (par exemple prendre un apéritif avec lui, être témoin à la cérémonie religieuse de son mariage, participer, en se trouvant à l'intérieur de la salle, à la cérémonie religieuse de ses funérailles, etc.).

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En terme de Tawallî, les intensités 3 (qui constitue du kufr akbar) et 2 (qui constitue du fisq asghar) sont interdites.
Or c'est à cela que l'affection de niveau khulla mène en général.
C'est pourquoi le Prophète (sur lui soit la paix) a dit ce qu'il a dit à son sujet.

Mais sinon, tant que, à coté de l'affection qu'on a pour le non-musulman, on sait raison garder, alors cela demeure autorisé : Sa'd ibn Mu'âdh, compagnon du Prophète, parmi les Auxiliaires à Médine, était ami (sadîq) de Umayya ibn Khalaf, polycultiste de la Mecque, et l'un descendait chez l'autre quand il se rendait dans sa ville. Cela s'était passé encore après l'émigration du Prophète à Médine, avant Badr : "عن عمرو بن ميمون، أنه سمع عبد الله بن مسعود رضي الله عنه حدث عن سعد بن معاذ أنه قال: كان صديقا لأمية بن خلف، وكان أمية إذا مر بالمدينة نزل على سعد، وكان سعد إذا مر بمكة نزل على أمية، فلما قدم رسول الله صلى الله عليه وسلم المدينة انطلق سعد معتمرا، فنزل على أمية بمكة" (rapporté par al-Bukhârî, 3734 : Kitâb ul-maghâzî, Badr ; on y lit ce terme "sadîq").

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XII) Une nuance supplémentaire :

Même en ce qui concerne des non-musulmans ne combattant pas l'islam, et même à un niveau de "sadâqa" et non pas de "khulla", il ne faut pas avoir comme amis (sadîq) seulement ou principalement des non-musulmans et non plus des musulmans, ni ne fréquenter que des non-musulmans, en se coupant des musulmans : la grande fréquentation influe sur ses perceptions et sa façon d'être.

Lire notre article : Un moment en compagnie de gens pieux ("صحبتے با اهل دل".

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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