Quand Ibn Taymiyya se faisait emprisonner seulement pour avoir dit que Dieu est réellement Etabli sur Son Trône et qu'Il parle par une Voix

Ramadan de l'an 705 (a. h.) :  Ibn Taymiyya est convoqué au Caire sur ordre du Sultan (Roi) Mamelouk, Muhammad ibn Qalâwûn, celui-ci ayant été poussé à cela par Ibn Makhlûf, juge des juges dans la capitale égyptienne.

Là, fin Ramadan de l'an 705, Ibn Taymiyya comparaît devant ce juge qui lui reproche qu'il affirme que Dieu est réellement Etabli sur Son Trône et que Dieu parle par une Voix...

Procès complètement surréaliste vu que cela ne relève pas des prérogatives d'un juge (qâdhî / hâkim) que de trancher des désaccords liés au Croyances Pures, au sujet de Dieu.

Sans compter que Ibn Makhlûf mène le procès de façon totalement injuste et expéditive.

Avant même d'avoir pu dire quoi que ce soit pour sa défense, Ibn Taymiyya se retrouve en prison.

Il y restera... 18 mois : un an et demi !

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Avant de voir ces choses plus en détail plus bas, 3 choses sont à noter :

A) Sollicité un an plus tard pour qu'il revienne sur ses propos de 'Aqîda, Ibn Taymiyya dira avoir des convictions, avoir le courage de ses opinions, et ne pas pouvoir changer de 'Aqîda au gré des vents :

Une année après son arrestation, au geôlier qui vient lui transmettre le message du Vice-Sultan d'Egypte, Salâr, qui veut le voir être libéré et lui demande s'il maintient son propos, Ibn Taymiyya fait répondre qu'il ne sait toujours pas quel est ce propos, ni sur la base de quel délit il a été emprisonné. Un peu plus tard, alors que le Vice-Sultan lui fait dire d'écrire une 'Aqîda de sa main maintenant, Ibn Taymiyya répond : "Et la 'Aqîda, ce n'est pas chose que je pourrais tirer de moi-même, de sorte que chaque jour j'aie une 'Aqîda (différente) !" "فجاء الفتاح أولا فقال: "يسلم عليك النائب، وقال: إلى متى يكون المقام في الحبس؟ أما تخرج؟ هل أنت مقيم على تلك الكلمة أم لا؟" (...). فقلت له: سلم على النائب، وقل له: أنا ما أدري ما هذه الكلمة؟ وإلى الساعة لم أدر على أي شيء حبست؟ ولا علمت ذنبي؟" (MF 3/250-251). "فلما خرج الطيبرسي والفتاح، عاد الفتاح بعد ساعة فقال: "يسلم عليك نائب السلطان، وقال: فاكتب لنا الآن عقيدة بخطك!" فقلت: سلم على نائب السلطان، وقل له: "(...) والاعتقاد ليس هو شيئا أبتدئه من عندي حتى يكون كل يوم لي اعتقاد! وهو ذلك الاعتقاد بعينه والنسخة بعينها. فانظروا فيها" (MF 3/266).

B) Alors qu'Ibn Taymiyya est encore emprisonné (et même s'il dit que le décret que Ibn Makhlûf a fait écrire au nom du Sultan, ce décret est tellement éloigné de la Shar' que celui qui dit qu'il est conforme à la Shar', celui-là dit du kufr akbar), Ibn Taymiyya dira n'avoir aucune intention de se venger de Ibn Makhlûf après sa sortie :

"فراح، ثم عاد، وطلب أن أكتب بخطي أي شيء كان. فقلت فما الذي أكتبه؟ قال: مثل العفو وألا تتعرض لأحد. فقلت: نعم هذا أنا مجيب إليه، ليس غرضي في إيذاء أحد، ولا الانتقام منه ولا مؤاخذته. وأنا عاف عمن ظلمني" : "Je lui ai demandé : "Qu'est cela que j'écrirais ?" Il me répondit : "Le pardon, et que tu ne t'en prendras à personne." Je lui dis alors : "Cela oui, j'y réponds favorablement. Je n'ai l'objectif de nuire à personne, ni de me venger, ni de me saisir de lui. Je pardonne à qui a fait preuve d'injustice (zulm) envers moi" (MF 3/266).

A propos du Sultan lui-même, au nom de qui le décret a pourtant été écrit, Ibn Taymiyya dira qu'il lui apportera toute son assistance dans  tout bien qu'il fera : "كما قلت  للطيبرسي: "الكتاب من السلطان الذي كتب على لسان السلطان وأخبر عن ذلك بجميع ما أخبر، من الكذب ومخالفة الشريعة: أمور عظيمة بنحو عشرة أوجه. والكتاب الذي كتب على لسان غازان كان أقرب إلى الشريعة من هذا الكتاب الذي كتب على لسان السلطان. وسواء بأن فعل ذلك أو لم يفعله، فإني أعتقد وأدين الله بأن نصره ومعاونته على البر والتقوى وعلى نفوذ صدقه وعدله دون كذب الغير وظلمه وعلى رفع قدره على الغير: من أعظم الواجبات" (MF 3/241-242).

C) Plus tard, en Safar 709, Ibn Taymiyya sera de nouveau emprisonné, cette fois sous un nouveau Sultan (al-Jâshankîr). Lorsque l'ancien Sultan (Muhammad ibn Qalâwûn) aura recouvré son trône en Shawwâl 709, il ordonnera la libération immédiate de Ibn Taymiyya. Le Sultan, très remonté pour raisons personnelles contre Ibn Makhlûf et d'autres juges, cherchera à obtenir l'aval de Ibn Taymiyya pour faire exécuter ces hommes, au motif que lui aussi a eu à souffrir à cause d'eux. Mais Ibn Taymiyya refusera qu'on leur fasse un quelconque mal :

Plus encore : Ibn Taymiyya fera les éloges de ces hommes, et dira au Sultan : "Tu ne trouverais ensuite pas des personnages semblables à eux".
Le Sultan lui objectera : "Plusieurs fois ils t'ont fait du tort, et ont même voulu te faire tuer !"
Mais Ibn Taymiyya ne cessera de refuser, jusqu'à ce que le Sultan se calme.

Ce qui fera dire à Ibn Makhlûf : "Nous n'avons jamais vu de semblable à Ibn Taymiyya ! Nous avons monté (les autorités) contre lui (mais) n'avons pas eu la possibilité de (lui nuire). Et lui a eu la possibilité (de) nous (nuire), (mais) il nous a alors pardonnés et nous a défendus."

Ibn Kathîr raconte :
"وسمعت الشيخ تقي الدين يذكر ما كان بينه وبين السلطان من الكلام لما انفردا في ذلك الشباك الذي جلسا فيه، وأن السلطان استفتى الشيخ في قتل بعض القضاة بسبب ما كانوا تكلموا فيه، وأخرج له فتاوى بعضهم بعزله من الملك ومبايعة الجاشنكير، وأنهم "قاموا عليك وآذوك أنت أيضا"؛ وأخذ يحثه بذلك على أن يفتيه في قتل بعضهم. وإنما كان حنقه عليهم بسبب ما كانوا سعوا فيه من عزله ومبايعة الجاشنكير. ففهم الشيخ مراد السلطان فأخذ في تعظيم القضاة والعلماء، وينكر أن ينال أحدا منهم بسوء، وقال له: "إذا قتلت هؤلاء لا تجد بعدهم مثلهم!" فقال له: "إنهم قد آذوك وأرادوا قتلك مرارا!" فقال الشيخ: "من آذاني فهو في حل، ومن آذى الله ورسوله فالله ينتقم منه، وأنا لا أنتصر لنفسي." وما زال به حتى حلم عنهم السلطان وصفح.
قال: وكان قاضي المالكية ابن مخلوف يقول: "ما رأينا مثل ابن تيمية: حرضنا عليه فلم نقدر عليه؛ وقدر علينا فصفح عنا وحاجج عنا!"
ثم إن الشيخ بعد اجتماعه بالسلطان نزل إلى القاهرة وعاد إلى بث العلم ونشره، وأقبلت الخلق عليه ورحلوا إليه يشتغلون عليه ويستفتونه ويجيبهم بالكتابة والقول. وجاء الفقهاء يعتذرون مما وقع منهم في حقه فقال: "قد جعلت الكل في حل"
(Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 14/57).

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Ibn Taymiyya vit sous l'autorité des Mamelouks :

Les Mamelouks sont d'origine turque. Ils règnent sur l'Egypte et la Syrie, et leur capitale est le Caire.

Le calife abbasside vit lui aussi au Caire. Il est protégé par le Sultan Mamelouk, mais n'a qu'un pouvoir nominal et symbolique.

Les Mamelouks ont succédé aux Ayyoubides.

Or les Ayyoubides étaient dans leur quasi-totalité Acharites. Saladin (Salâh ud-dîn al-ayyûbî) lui-même a été formé à cette 'Aqîda telle que présentée par les Acharites postérieurs (Mawqif Ibn Taymiyya min al-ashâ'ira, p. 134).

Dès lors, à l'époque de Ibn Taymiyya, certes on trouve toujours (comme à toute époque) des ulémas qui sont Atharis (on les appelle alors : "Hanbalî dans les Ussûl", les distinguant des "Ash'arî" et des "Maturidî", beaucoup de shafi'ites postérieurs, de même que des malikites, étant par tradition Ash'ari, et beaucoup de hanafites postérieurs étant traditionnellement : "maturidis"). Mais c'est le Credo Acharite qui domine chez les ulémas et chez le public, et qui y est perçu comme l'Orthodoxie Sunnite (quant aux Maturidites, on les trouve surtout en Asie musulmane).

Et les relations sont parfois tendues entre ceux qui sont Hanbalites dans les Ussûl et ceux qui sont Acharites dans les Ussûl : certains parmi les premiers reprochent aux seconds de tomber dans la Ta'wîl des textes Qualifiant Dieu, et certains parmi les seconds reprochent aux premiers de tomber, à propos de ces mêmes textes Qualifiant Dieu, dans un Littéralisme qui confine à l'Anthropomorphisme.

1) C'est la prédominance de la Ta'wîl des versets et hadîths des Sifât qui sera l'une des causes des soucis de Ibn Taymiyya, puisque lui s'inscrira en faux de cette tendance, qu'il dira être un effet atténué et inconscient du Jahmisme et du Mutazilisme. Son refus de faire la Ta'wîl et son insistance à dire qu'on connaît le Sens de ces termes lui vaudront d'être qualifié de Mubtadi', de Mujassim (Rijâl ul-fikr wa-d-da'wa fi-l-islâm, Abu-l-Hassan 'Alî an-Nadwî, 2/145), vu que ce sont la Ta'wîl ul-lafz et la Tafwîdh ul-ma'nâ qui sont alors communément admises comme étant les deux options de l'Orthodoxie Sunnite.
2) Abu-l-Hassan 'Alî an-Nadwî expose comme autre cause de ses soucis : la critique qu'il fait de certains écrits de Muh'yi-d-dîn Ibn 'Arabî. Pourtant, poursuit an-Nadwî, 3 siècles plus tard, un soufi indien du nom de Cheikh Ahmad as-Sarhindî fera lui aussi une vive critique du concept de Wahdat ul-wujûd de Ibn 'Arabî, ainsi que de ses Fussûs ul-hikam (Ibid., p. 146).
3) An-Nadwî expose aussi le fait suivant : la très grande intelligence de Ibn Taymiyya a fait qu'un certain nombre des ulémas de son époque n'ont pas pu comprendre la profondeur de sa pensée et ce sur quoi s'appuient certains de ses avis. An-Nadwî met cela en parallèle avec un propos de Shâh Waliyyullâh dans son livre Izâlat ul-khafâ' : "Comprendre le propos (que je viens d'exposer) est extrêmement difficile. Un groupe dont le 'Ilm ne dépasse pas Shar'h ul-Wiqâya et Al-Hidâya, comment pourrait-il atteindre ce si subtil propos ?" (Ibid. pp. 140-141).
4) An-Nadwî expose comme autre cause : la déformation que d'autres personnes ont faite de certains autres avis de Ibn Taymiyya (qui ne constituaient pas des singularités), et les rumeurs qui se sont alors développées autour (Ibid., pp. 148-153).
5) An-Nadwî évoque comme autre cause encore : la présence réelle et effective de certaines singularités (tafarrud) (avis isolés et singuliers) dans tout ce que Ibn Taymiyya disait et affirmait (Ibid., pp. 143-144).
6) Il y a eu parfois, dit an-Nadwî, également de la jalousie, et ce de la part de ulémas habitués à être acclamés et se voyant soudainement éclipsés dans les yeux des autorités et du public à cause de Ibn Taymiyya et de son savoir (Ibid. p. 141).
7) Enfin, élément non négligeable : lors de discussions et de débats, Ibn Taymiyya avait un tempérament assez incisif (hidda). Il maîtrisait cela par du calme (yaq'haruhâ bi-l-hilm), mais, malgré tout, parfois il parlait de façon virulente (hidda wa ghadhab), ou bien exprimait son désaccord et ses arguments d'une façon très frontale face à ses adversaires (sadma li-l-khussûm), ce qui lui valait certaines inimitiés tenaces. Son élève adh-Dhahabî lui-même l'a relaté (Ibid., pp. 142-143).
8) An-Nadwî rappelle que de toutes façons, de telles attitudes, de la part d'un groupe de ulémas, à propos d'une grande personnalité, cela est chose habituelle dans l'Histoire (Ibid., p. 139-140).

Pour en revenir à la 'Aqîda, Ibn Taymiyya écrira lui-même qu'il n'a pourtant forcé personne à le suivre. Il n'a même pas débuté la discussion sur le sujet, mais n'a fait que répondre à des questions :
"والطيبرسي طلب مني غير مرة ترك المحاقة. فقلت له: أنا ما بغيت على أحد. ولا قلت لأحد: "وافقني على اعتقادي، وإلا فعلت بك"، ولا أكرهت أحدا بقول ولا عمل. بل ما كتبت في ذلك شيئا قط إلا أن يكون جواب استفتاء بعد إلحاح السائل واحتراقه وكثرة مراجعته. ولا عادتي مخاطبة الناس في هذا ابتداء. وهؤلاء هم الذين دعوا الناس إلى ما دعوهم إليه وأكر[ه]وهم عليه"
(MF 3/243).
"وقلت له: أنا لم يصدر مني قط إلا جواب مسائل وإفتاء مستفت؛ ما كاتبت أحدا أبدا، ولا خاطبته في شيء من هذا؛ بل يجيئني الرجل المسترشد المستفتي بما أنزل الله على رسوله، فيسألني مع بعده، وهو محترق على طلب الهدى. أفيسعني في ديني أن أكتمه العلم؟"
(MF 3/259).

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Voici les noms de quelques Professions de Foi de Ibn Taymiyya :

– La 'Aqîda Hamawiyya (visible dans MF 5/5-120) : Ibn Taymiyya l'a écrite "peu après l'an 690" : suite à la demande de gens de la ville de Hama (en Syrie), Ibn Taymiyya rédige ce livret entre la prière de zohr et celle de 'asr (Naqdhu Ta'sîs it-Taqdîs, 1/28-29). Cette Profession de Foi affirme que la célèbre règle : "La posture des Salaf recèle plus de précaution, mais celle de Khalaf recèle plus de sagesse" est erronée. Ibn Taymiyya affirme que c'est la posture des Salaf qui est à la fois plus juste et plus sage.

– La 'Aqîda Wâssitiyya (visible dans MF 3/129-159) : Ibn Taymiyya la compose vers l'an 698 (MF 3/194) (ou bien vers l'an 695 d'après MF 3/203) : suite à la demande d'un qâdhî shafi'ite de la ville de Wâssit (sud de l'Irak), inquiet de l'état d'ignorance de la population musulmane d'Irak, Ibn Taymiyya écrit ce livret en une assise après la prière de 'asr (MF 3/164) (MF 3/204).

– Quant à la Rissâla Tadmuriyya (visible dans MF 3/1-128), Henri Laoust pense que Ibn Taymiyya la composa "soit sur la fin de son séjour au Caire [en 712], soit après son retour en Syrie en 712/ 1313" (La profession de foi d'Ibn Taymiyya, Henri Laoust, p. 32).

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– Il y a encore une Réponse à une question quant à la Aqîda des Anciens (visible dans MF 4/1-196).

– Il y a aussi la Qâ'ida Marrâkushiyya (visible dans MF 5/153-193), qu'il a composée sur la fin de son séjour au Caire (en l'an 712) (Mawqif, p. 187), en réponse à la question de savoir si on connaît, ou pas, le sens de "'Uluww 'ala-l-'arsh" (MF 5/153).

– Il y a également la Rissâla 'Arshiyya (visible in MF 6/545-583).

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– Il y a aussi la Rissâla Madaniyya fi-l-haqîqa wa-l-majâz fi-s-sifât (visible in MF 6/351-373). A la demande, reçue par lettre, d'un habitant de Médine quant aux 4 causes nécessaires pour appréhender un terme en son sens figuré et pas en son sens propre, Ibn Taymiyya lui relate tout le débat qu'il a eu avec un Acharite au sujet de 3 questions (MF 6/354-355).

– Il y a également la Rissâla Akmaliyya (visible in MF 6/68-140). Ibn Taymiyya y répond à la question de savoir comment distinguer ce qui constitue réellement la Perfection de Dieu, puisque les mêmes attributs que les Sunnites attribuent à Dieu en les considérant comme relevant de la Perfection, les Mutazilites considèrent cela comme de l'imperfection et refusent donc de les attribuer à Dieu.

– Il y a encore Qâ'ïda fi-l-Asmâ' wa-s-Sifât (visible en MF 6/144-184).

Etc.

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Les soucis que Ibn Taymiyya connaîtra pour avoir diffusé la 'Aqîda des Anciens :

C'est tout d'abord en Rabî' I de l'an 698, qu'Ibn Taymiyya a quelques problèmes à cause de sa 'Aqîda Hamawiyya.
En effet, suite aux propos d'un groupe de Fuqahâ' allant en ce sens (BN 14/5), un qâdhî de Syrie l'accuse d'Anthropomorphisme (attribuer à Dieu un corps physique) et le somme de venir comparaître devant lui pour se justifier.
Ibn Taymiyya refuse, arguant que le qâdhî a pour fonction de rendre le jugement lors des litiges entre les gens, et non pas de juger des gens de 'Ilm quant à des points de 'Aqîda.
Le qâdhî se fâche alors, et envoie des gens annoncer en ville que la 'Aqîda Hamawiyya est fausse (Mawqif, pp. 159-160).
Mais l'émir par intérim, Jâghân, ramène le calme, et fait même punir quelques-uns de ces annonceurs.
Plus tard un autre qâdhî de Syrie questionne Ibn Taymiyya, en présence d'un groupe de ulémas, sur le contenu de cette 'Aqîda. Certains passages sont discutés et Ibn Taymiyya apporte les réponses. Les choses se calment alors (BN 14/5).

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Entretemps les Mongols viendront par 3 fois pour tenter d'envahir la Syrie : en 699, en 700 et en 703. Ibn Taymiyya comptera alors parmi les défenseurs de la Syrie, n'hésitant pas à aller discuter avec l'Il-khan en personne, et plus tard avec ses généraux, Qutlûshâh et Mûlây.
Quand l'Il-khan Ghâzân, mongol converti à l'islam, envahissait la Syrie musulmane.

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Quelques années plus tard, en Rajab de l'an 705, Ibn Taymiyya est de nouveau accusé d'Anthropomorphisme : cette fois, c'est le Sultan Mamelouk (qui réside au Caire), Muhammad ibn Qalâwûn, qui ordonne par édit au vice-sultan de Damas de questionner Ibn Taymiyya au sujet de sa 'Aqîda, en présence des juges des 4 écoles juridiques, de leurs adjoints (nuwwâb), de muftis et de mashâ'ïkh, parmi ceux qui sont considérés à Damas (MF 3/161, 203). C'est après les avoir réunis que le Vice-Sultan de Damas, Al-Af'ram, déclare à Ibn Taymiyya : "Cette assise est tenue pour toi ! Car un décret du Sultan est arrivé disant que je te questionne au sujet de ta 'Aqîda et au sujet de ces écrits que tu as envoyés en Egypte, dans lesquels tu invites les gens à la 'Aqîda" ; "et que je réunisse les juges et les juristes, et que vous discutiez sur le sujet" (MF 3/161).

Ibn Taymiyya doit donc s'expliquer quant à ses croyances. C'est en fait Ibn Makhlûf, "juge des juges" malikite au Caire, qui a fait écrire cet édit au nom du Sultan Mamelouk. Ibn Makhlûf déteste Ibn Taymiyya. Ibn Kathîr ajoute le nom du cheikh Nasr al-Manbijî, grand admirateur du soufi Muh'yi-d-dîn Ibn 'Arabî (BN, 14/39).

Ibn Taymiyya dira, au début même de la première séance, que ce qu'il a écrit, il ne l'a pas fait de lui-même pour inviter quelqu'un à quoi que ce soit, mais n'a fait que répondre à qui lui a posé des questions, de villes égyptiennes ou d'ailleurs (MF 3/161). Par ailleurs, il sait que des gens ont écrit une 'Aqîda falsifiée qu'ils lui ont attribuée et avaient envoyée au maréchal Al-Jâshankîr (MF 3/161).

On lui demande alors d'écrire une 'Aqîda. Il commence à exposer sa 'Aqîda, que quelqu'un rédige.
Puis, craignant qu'on mente à son sujet, il demande qu'on fasse plutôt venir de son domicile la copie de sa 'Aqîda Wâssitiyya, qu'il a "écrite 7 ans plus tôt environ, avant la venue des Tatars en Syrie" (MF 3/163). Avant que la copie parvienne dans l'assemblée, il dit : "Je sais que des gens ont menti à mon sujet et ont dit au Sultan des choses (fausses) ! (...) Parfois je passe sur mon droit. (Mais) parfois je ne passe pas mais exige la justice : que ceux qui mentent sont présentés afin qu'ils reconnaissent leur calomnie" (MF 3/163).

La copie de la 'Aqîda Wâssitiyya arrive.

Lecture en est alors donnée, et certains de ses points sont débattus : tel théologien ach'arite, tel juge, lui font des objections ou lui posent des questions.

Ce seront en tout 3 assises qui auront ainsi lieu : le 8 Rajab, le 12 Rajab, et le 7 Sha'bân 705.
Pour la 2nde assise, les adversaires se préparent mieux, et amènent avec eux Safiyy ud-Dîn al-Hindî, un savant acharite né en Inde et installé en terre arabe.

Dès la fin de la 2ème assise, Ibn Taymiyya est blanchi de l'accusation d'anthropomorphisme qui pesait sur lui (BN 14/39). Cela sera confirmé à la faveur de la 3ème assise (Ibid.).

Le 26 Cha'bân 705, un écrit officiel du Sultan arrive à Damas, confirmant ce blanchiment, et affirmant que Ibn Taymiyya a la 'Aqîda "des Salaf. Nous voulions le faire innocenter de ce dont il était accusé" (BN, 14/39).

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Or, seulement 2 semaines plus tard, le 5 Ramadan 705 (avril 1306), un nouvel écrit du Sultan arrive à Damas, qui ordonne que Ibn Taymiyya se présente au Caire. Le vice-sultan de Damas, Al-Afram, prie Ibn Taymiyya de ne pas s'y rendre, arguant qu'il saura convaincre le Sultan d'annuler son ordre. Mais Ibn Taymiyya insiste pour répondre à la convocation (BN, 14/40).

Ibn Taymiyya arrive au Caire le 22 Ramadan 705.

Le Vendredi suivant, après la grande prière, une assise a lieu dans la Citadelle du Caire, où juges et grands de l'Etat sont présents.

Ibn 'Adlân est nommé "partie adverse" de Ibn Taymiyya.

Le juge Ibn Makhlûf prononce en quelque sorte le chef d'accusation : Ibn Taymiyya affirme que Dieu est réellement au-dessus des 7 cieux, et qu'Il parle par une Voix et avec des lettres !

Le juge malikite demande ensuite à Ibn Taymiyya ce qu'il a à dire pour sa défense.

Le Cheikh commence alors par les louanges de Dieu, mais on le somme de répondre plutôt que de commencer une khutba.

Il demande : "Dois-je répondre à toi, ou à celui qui est le demandeur [= Ibn 'Adlân] ?"
Ibn Makhlûf fait : "Réponds au demandeur !"

Ibn Taymiyya demande : "Toi seul rendra le jugement, ou bien toi et ces juges ?"
Ibn Makhlûf lui dit : "Moi seul !"

Il dit : "Comment pourrais-tu rendre le jugement à mon sujet, alors que tu es mon adversaire ?"

Ibn Makhlûf se met alors en colère, crie : "De la sorte !", ordonne à Ibn Taymiyya : "Lève-toi ! Lève-toi !", et qu'il soit emprisonné sur le champ.

Il l'est en effet dans une tour jusqu'à la fin du Ramadan.
Puis, la nuit du Eid, il est transféré dans la prison connue sous le nom de al-Jubb (BN, 14/40). Il s'agit d'un lieu très désagréable et puant.

Ses deux frères sont emprisonnés avec lui.

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Ibn Taymiyya passera ainsi 18 mois emprisonné au Caire, seulement pour avoir dit que Dieu est réellement Etabli sur Son Trône, et qu'Il parle par une Voix.

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Ce sont, comme l'a écrit Henri Laoust, les documents suivants dont on dispose quant à ces événements :

- Souvenirs des 2 premières assises du débat contradictoire (munâzara) (MF 3/160-193), écrits par Ibn Taymiyya lui-même : il a rédigé ces lignes suite à la demande de certaines personnes.

- Compte-rendu résumé de ces 2 assises du débat contradictoire (MF 3/195-201), transmise par 'Alam ud-Dîn al-Birzâlî.

- Une Lettre de Ibn Taymiyya à son frère Zayn ud-dîn, dans laquelle il lui fait un bref compte-rendu des 2 premières assises (MF 3/202-210). Dans ce texte, toutefois, si certains passages emploient le pronom "je" pour désigner Ibn Taymiyya, d'autres le désignent à la 3ème personne du singulier : "il". La dernière partie de cette lettre à Zayn ud-Dîn semble indiquer qu'elle a été écrite assez rapidement après les événements : avant le départ de Ibn Taymiyya pour le Caire ; donc avant la lettre figurant en MF 3/160-193.

- On dispose également (mais cela, le Professeur Laoust ne l'a pas mentionné dans ce passage) de ce que Ibn Kathîr, contemporain, relate dans sa Al-Bidâya wa-n-Nihâya, tome 14, pp. 38-40. C'est dans ce passage qu'on trouve une brève mention de la 3ème assise du débat contradictoire.

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- Une Lettre de Ibn Taymiyya depuis la prison du Caire, écrite en ramadan 706 (MF 3/211-247), en réponse à une lettre reçue de quelqu'un (non nommé). Dans cette réponse, il expose à cette personne ce qui s'est passé avec l'intermédiaire venu lui parler, et expose qu'il tient comme entier responsable de son incarcération le juge Ibn Makhlûf.

- Une autre Lettre écrite de la prison du Caire, par Ibn Taymiyya (MF 3/248-277), également en réponse à une lettre reçue d'une personne (non nommée). Ici Ibn Taymiyya expose la même chose que précédemment. Il demande à son interlocuteur de transmettre telle et telle choses au Cheikh Nasr al-Manbijî (contre lequel il ne semble pas avoir autant de griefs qu'il en a contre Ibn Makhlûf).

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Tentatives de médiation pour faire libérer Ibn Taymiyya :

Un an plus tard, alors qu'Ibn Taymiyya est toujours enfermé, le geôlier lui fait part du désir du Vice-Sultan d'Egypte (Salâr), de le voir sortir de prison : il lui demande : "Maintiens-tu la parole que (tu as dite) ?" (MF 3/251).
Ibn Taymiyya lui répond qu'il ne sait pas quelle peut bien être cette parole qu'il a dite et qui poserait problème, et qu'il ne sait toujours pas sur la base de quel délit il a été emprisonné. Il ajoute qu'il a besoin d'un certain nombre de garanties, parce que trop de mensonges ont été avancés dans cette affaire : "فجاء الفتاح أولا فقال: يسلم عليك النائب. وقال: إلى متى يكون المقام في الحبس؟ أما تخرج؟ هل أنت مقيم على تلك الكلمة أم لا؟ وعلمت أن الفتاح ليس في استقلاله بالرسالة مصلحة لأمور لا تخفى. فقلت له: سلم على النائب وقل له أنا ما أدري ما هذه الكلمة؟ وإلى الساعة لم أدر على أي شيء حبست؟ ولا علمت ذنبي؟ وأن جواب هذه الرسالة لا يكون مع خدمتك، بل يرسل من ثقاته الذين يفهمون ويصدقون أربعة أمراء؛ ليكون الكلام معهم مضبوطا عن الزيادة والنقصان. فأنا قد علمت ما وقع في هذه القصة من الأكاذيب" (MF 3/250-251).

Peu après un certain at-Taybarsî est dépêché auprès de lui comme médiateur. Ibn Taymiyya explique à celui-ci qu'il fait l'objet d'une cabale montée contre lui par Ibn Makhlûf, qu'on lui a attribué des choses qu'il n'a jamais dites et que c'est sur la base de ces choses mensongères qu'il a été emprisonné, etc.
Mais l'entretien n'aboutit à rien (MF 3/253).

Après le départ de at-Taybarsî, le geôlier revient (MF 3/266), et lui dit : "Le Vice-Sultan te salue, et te dit : "Ecris donc de ta main une 'Aqîda !"" Ibn Taymiyya répond entre autres qu'il a déjà écrit la 'Aqîda Wâssitiyya, que lecture en a été donnée dans les 3 séances de Munâzara à Damas, et que le texte de cette 'Aqîda, et, plus tard, les conclusion des juges et ulémas de Damas, ainsi que le compte-rendu de cette Munâzara étaient déjà parvenus au Caire. Ibn Taymiyya ajoute : "Et la 'Aqîda, ce n'est pas chose que je pourrais tirer de moi-même, de sorte que chaque jour j'aie une 'Aqîda (différente) ! (Ma 'Aqîda) (aujourd'hui) est cette 'Aqîda là même (que j'avais écrite auparavant), dans la copie [que vous avez en votre possession]" : "والاعتقاد ليس هو شيئا أبتدئه من عندي حتى يكون كل يوم لي اعتقاد! وهو ذلك الاعتقاد بعينه والنسخة بعينها. فانظروا فيها" (MF 3/266).

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Critiques de Ibn Taymiyya contre le jugement rendu contre lui :

1) Je ne vois pas sur la base de quel délit j'ai été emprisonné : "فقلت له: سلم على النائب وقل له أنا ما أدري ما هذه الكلمة؟ وإلى الساعة لم أدر على أي شيء حبست؟ ولا علمت ذنبي؟" (MF 3/251).

2) Rendre un jugement à propos des divergences existant entre Ulémas quant aux choses du 'Ilm ud-dîn (hors cas d'un litige entre deux plaignants, ou d'un délit dûment commis par quelqu'un), cela ne relève aucunement des prérogatives d'un juge, un Qâdhî :
"وأيضا فيعلم أن هذا إما أن يتعلق بالحكم أو لا. فإن تعلق به لم يكن للخصم المدعى عليه أن يختار حكم حاكم معين، بل يجب إلى من يحكم بالعلم والعدل. وإن لم يتعلق بالحاكم فذاك أبعد.
وأيضا فأنا لم يدع عليّ دعوى يختص بها الحاكم من الحدود والحقوق، مثل قتل أو قذف أو مال ونحوه، بل في مسائل العلم الكلية، مثل التفسير والحديث والفقه وغير ذلك. وهذا: فيه ما اتفقت عليه الأمة، وفيه ما تنازعت فيه. والأمة إذا تنازعت في معنى آية أو حديث أو حكم خبري أو طلبي، لم يكن صحة أحد القولين وفساد الآخر ثابتا بمجرد حكم حاكم. فإنه إنما ينفذ حكمه في الأمور المعينة دون العامة.
ولو جاز هذا لجاز أن يحكم حاكم بأن قوله تعالى {يتربصن بأنفسهن ثلاثة قروء} هو الحيض والأطهار ويكون هذا حكما يلزم جميع الناس قوله؛ أو يحكم بأن اللمس في قوله تعالى {أو لامستم النساء} هو الوطء، والمباشرة فيما دونه؛ أو بأن الذي بيده عقدة النكاح هو الزوج أو الأب والسيد. وهذا لا يقوله أحد. وكذلك الناس إذا تنازعوا في قوله: {الرحمن على العرش استوى} فقال: هو استواؤه بنفسه وذاته فوق العرش ومعنى الاستواء معلوم ولكن كيفيته مجهولة، وقال قوم: ليس فوق العرش رب ولا هناك شيء أصلا، ولكن معنى الآية: أنه قدر على العرش ونحو ذلك، لم يكن حكم الحاكم لصحة أحد القولين وفساد الآخر مما فيه فائدة. ولو كان كذلك لكان من ينصر القول الآخر يحكم بصحته إذ يقول. وكذلك باب العبادات، مثل كون مس الذكر ينقض أو لا، وكون العصر يستحب تعجيلها أو تأخيرها والفجر يقنت فيه دائما أو لا أو يقنت عند النوازل ونحو ذلك"
(MF 3/238-239).

3) Un Sultan non plus ne dispose pas d'une telle prérogative, quand il y a une divergence entre les gens du 'Ilm, sauf s'il a la preuve que l'avis est complètement faux :
" والذي على السلطان في مسائل النزاع بين الأمة أحد أمرين: إما أن يحملهم كلهم على ما جاء به الكتاب والسنة واتفق عليه سلف الأمة، لقوله تعالى {فإن تنازعتم في شيء فردوه إلى الله والرسول}؛ وإذا تنازعوا: فهم كلامهم إن كان ممن يمكنه فهم الحق، فإذا تبين له ما جاء به الكتاب والسنة دعا الناس إليه؛ و[إن لم يمكنه فهم الحق، فعليه] أن يقر الناس على ما هم عليه كما يقرهم على مذاهبهم العملية.
فأما إذا كانت البدعة ظاهرة تعرف العامة أنها مخالفة للشريعة كبدعة الخوارج والروافض والقدرية والجهمية، فهذه على السلطان إنكارها؛ لأن علمها عام، كما عليه الإنكار على من يستحل الفواحش والخمر وترك الصلاة ونحو ذلك. ومع هذا فقد يكثر أهل هذه الأهواء في بعض الأمكنة والأزمنة حتى يصير بسبب كثرة كلامهم مكافئا عند الجهال لكلام أهل العلم والسنة حتى يشتبه الأمر على من يتولى أمر هؤلاء، فيحتاج حينئذ إلى من يقوم بإظهار حجة الله وتبيينها (...). وأما إلزام السلطان في مسائل النزاع بالتزام قول بلا حجة من الكتاب والسنة، فهذا لا يجوز باتفاق المسلمين"
(MF 3/239-240).

2 & 3) "Dès lors, si le jugement qu'a rendu Ibn Makhlûf était conforme à l'école de Mâlik ou de al-Ash'arî, alors à l'unanimité de la Umma il ne pourrait pas l'imposer à la totalité des gens et punir ceux qui ne sont pas d'accord avec lui sur le sujet" : "فلو كان الذي حكم به ابن مخلوف هو مذهب مالك أو الأشعري، لم يكن له أن يلزم جميع الناس به ويعاقب من لم يوافقه عليه باتفاق الأمة" (MF 3/268).

4) Que dire lorsque c'est l'avis que Ibn Makhlûf défend qui est erroné, et que moi je n'ai fait que citer ce qui fait l'objet d'un Consensus des Anciens, et même des Acharites premiers ! : "فكيف والقول الذي يقوله ويلزم به هو خلاف نص مالك وأئمة أصحابه وخلاف نص الأشعري وأئمة أصحابه؟ كالقاضي أبي بكر وأبي الحسن الطبري،وأبي بكر بن فورك وأبي القاسم القشيري وأبي بكر البيهقي وغير هؤلاء: كلهم مصرحون بمثل ما قلناه، وبنقيض ما قاله" : "Que dire lorsque la parole qu'il a dite et a imposée est contraire au propos explicite de Mâlik et des imams parmi ses élèves, contraire au propos explicite de al-Ash'arî et des imams parmi ses élèves, comme le qâdhî Abû Bakr [ibn ul-Bâqillânî], Abu-l-Hassan at-Tabarî, Abû Bakr ibn Fûrak, Abu-l-Qâssim al-Qushayrî et Abû Bakr al-Bayhaqî ?" (MF 3/269).
"وقلت مرات: قد أمهلت كل من خالفني في شيء منها ثلاث سنين: فإن جاء بحرف واحد عن أحد من القرون الثلاثة - التي أثنى عليها النبي صلى الله عليه وسلم حيث قال: "خير القرون القرن الذي بعثت فيه ثم الذين يلونهم ثم الذين يلونهم" - يخالف ما ذكرته، فأنا أرجع عن ذلك. وعلي أن آتي بنقول جميع الطوائف - عن القرون الثلاثة توافق ما ذكرته - من الحنفية، والمالكية، والشافعية، والحنبلية، والأشعرية، وأهل الحديث، والصوفية، وغيرهم" (MF 3/169).

5) Même à supposer qu'Ibn Makhlûf avait le droit de rendre un jugement en pareille affaire, il ne pourrait pas casser le jugement déjà rendu par un autre juge avant lui. Que dire alors de casser le jugement déjà rendu par l'ensemble des juges de Damas (qui avaient reconnu en Rajab et Cha'bân 705 que ma 'Aqîda est correcte) "ثم لو فرض أن هذا الذي حكم فيه مما يسوغ فيه الاجتهاد: لم يكن له أن ينقض حكم غيره فكيف إذا نقض حكم حكام الشام جميعهم بلا شبهة، بل بما يخالف دين المسلمين بإجماع المسلمين؟ ولو زعم زاعم أن حكام الشام مكرهون، ففيهم من يصرح بعدم الإكراه غير واحد وهؤلاء بمصر كانوا أظهر إكراها لما اشتهر عند الناس أنه فعل ذلك لأجل غرض الدولة المتعلق بالملك وأنه لولا ذلك لتكلم الحكام بأشياء وهذا ثابت عن حكام مصر" (MF 3/269).

6) Plus encore : Ibn Makhlûf et Ibn 'Adlân ont, le jour du procès, menti à mon sujet dans la plupart de ce qu'ils ont affirmé : "ثم هذا الرجل قد ظهر كذبه غير مرة. ذلك اليوم كذب عليّ في أكثر ما قاله" (MF 3/254). "وكان كل منهما قد ذكر كلاما أكثره كذب" (MF 3/255).

7) Plus encore : le jugement a été rendu sans même que j'aie eu le droit de me défendre, ce qui est contre toute Loi, et contre la Loi de Muhammad, sur lui soit la paix ! "وقلت له في ضمن الكلام أنت لو ادعى عليك رجل بعشرة دراهم وأنت حاضر في البلد، غير ممتنع من حضور مجلس الحاكم، لم يكن للحاكم أن يحكم عليك في غيبتك هذا في الحقوق فكيف بالعقوبات التي يحرم فيها ذلك بإجماع المسلمين" (MF 3/254). "بل حين شرعت أحمد الله وأثني عليه لقول النبي صلى الله عليه وسلم "كل أمر ذي بال لا يبدأ فيه بالحمد لله فهو أجذم"، منعوني من حمد الله. وقالوا: "لا تحمد الله بل أجب!" فقلت لابن مخلوف: "ألك أجيب أو لهذا المدعي؟" وكان كل منهما قد ذكر كلاما أكثره كذب. فقال: "أجب المدعي." فقلت: "فأنت وحدك تحكم، أو أنت وهؤلاء القضاة؟" فقال: "بل أنا وحدي." فقلت: "فأنت خصمي فكيف يصح حكمك علي؟ فلم تطلب مني الاستفسار عن وجه المخاصمة!" فإن هذا كان خصما من وجوه متعددة معروفة عند جميع المسلمين" (MF 3/255). "ولم يحكم علي أحد من الحكام إلا ابن مخلوف. وأنت كنت ذلك اليوم حاضرا. وقلت له: أنت وحدك تحكم أو أنت وهؤلاء؟ فقال: بل أنا وحدي. فقلت له: أنت خصمي، فكيف تحكم علي؟ فقال: "كذ!" ومد صوته، وانزوى إلى الزاوية، وقال: "قم، قم!" فأقاموني، وأمروا بي إلى الحبس. ثم جعلت أقول أنا وإخوتي غير مرة: "أنا أرجع وأجيب وإن كنت أنت الحاكم وحدك." فلم يقبل ذلك مني. فلما ذهبوا بي إلى الحبس حكم بما حكم به وأثبت ما أثبت وأمر في الكتاب السلطاني بما أمر به" (MF 3/253).

8) Le procès-verbal que Ibn Makhlûf a fait rédiger ne comporte que des choses fausses, mis à part un seul propos que j'ai réellement tenu et que je tiens toujours : "Dieu S'est réellement Etabli sur Son Trône" ; cependant, on ne sait pas comment" : "وكان لما أعطاني الدرج، فتأملته فقلت له: هذا كله كذب! إلا كلمة واحدة، وهي: "أنه استوى على العرش حقيقة"؛ لكن بلا تكييف ولا تشبيه. قلت: وهذا هو في العقيدة بهذا اللفظ: "بلا تكييف ولا تمثيل ولا تحريف ولا تعطيل" (MF 3/217). "وهذه الورقة التي أمر بكتابتها أكثرها كذب" (MF 3/254-255).

9) Même l'acte de condamnation que Ibn Makhlûf a rédigé au nom du Sultan, il y a menti : "والكتاب السلطاني الذي كتب بأمره مخالف للشريعة من نحو عشرة أوجه. وفيه من الكذب على المجلس الذي عقد أمور عظيمة قد علمها الخاص والعام. (...) قلت: "وهو دائما يقول عني: إني أقول: "إن الله في زاوية، ولد ولدا"! وهذا كله كذب" (MF 3/254-255).

10) Quand dans cet Etat la justice et le droit font que les non-musulmans qui ont commis des délits ne sont pas emprisonnés dans un lieu comme celui où nous le sommes, pourquoi mes deux frères et moi sommes-nous emprisonnés en pareil lieu, nous qui de surcroît n'avons commis aucun délit ? "فيا ليت حبسنا كان من جنس حبس النصارى! ويا ليتنا سوينا بالمشركين وعباد الأوثان! بل لأولئك الكرامة ولنا الهوان! فهل يقول من يؤمن بالله واليوم الآخر: أن رسول الله صلى الله عليه وسلم أمر بهذا؟ وبأي ذنب حبس إخوتي في دين الإسلام غير الكذب والبهتان" (MF 3/254).

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Autres affirmations de Ibn Taymiyya :

A) Je n'ai pas rédigé un Credo Hanbalite ! J'ai rédigé le Credo de tous les Salaf Sâlih : "مع أني في عمري إلى ساعتي هذه لم أدع أحدا قط في أصول الدين إلى مذهب حنبلي وغير حنبلي، ولا انتصرت لذلك، ولا أذكره في كلامي، ولا أذكر إلا ما اتفق عليه سلف الأمة وأئمتها" (MF 3/228-229).
Lors du débat contradictoire organisé pour lui à Damas, Ibn Taymiyya l'avait déjà affirmé :
"ولما رأى هذا الحاكم العدل ممالأتهم وتعصبهم ورأى قلة العارف الناصر وخافهم، قال: "أنت صنفت اعتقاد الإمام أحمد. فتقول هذا اعتقاد أحمد!" يعني والرجل يصنف على مذهبه فلا يعترض عليه، فإن هذا مذهب متبوع؛ وغرضه بذلك قطع مخاصمة الخصوم. فقلت: "ما جمعت إلا عقيدة السلف الصالح جميعهم. ليس للإمام أحمد اختصاص بهذا" (MF 3/169). "فقيل لي أنت صنفت اعتقاد الإمام أحمد وأرادوا قطع النزاع لكونه مذهبا متبوعا.فقلت: ما خرجت إلا عقيدة السلف الصالح جميعهم؛ ليس للإمام أحمد اختصاص بهذا" (MF 3/196-197).

B) Les gens savent les relations tendues qu'il y a entre les Hanbalites dans les Ussûl et les Acharites, et ce surtout depuis la Fitna Qushayriyya* à Bagdad. Or j'ai toujours cherché à rapprocher les uns des autres à Damas, et lorsque j'avais montré le Credo de al-Ash'arî aux hanbalites de Damas, ceux-ci se sont exclamés : "Ce (propos) est encore meilleur que le propos de al-Muwaffaq [= Ibn Qudâma al-hanbalî] !" [* On trouve une première Fitna qui débute en l'an 445, à l'occasion de laquelle Abu-l-Qâssim al-Qushayrî rédigera une épître ; et une seconde, avec Abû Nasr ibn ul-Qushayrî, qui commence en l'an 469.]
"وأظهرت ما ذكره ابن عساكر في مناقبه أنه لم تزل الحنابلة والأشاعرة متفقين إلى زمن القشيري؛ فإنه لما جرت تلك الفتنة ببغداد تفرقت الكلمة. ومعلوم أن في جميع الطوائف من هو زائغ ومستقيم. مع أني في عمري إلى ساعتي هذه لم أدع أحدا قط في أصول الدين إلى مذهب حنبلي وغير حنبلي، ولا انتصرت لذلك، ولا أذكره في كلامي، ولا أذكر إلا ما اتفق عليه سلف الأمة وأئمتها" (MF 3/228-229).
"والناس يعلمون أنه كان بين الحنبلية والأشعرية وحشة ومنافرة. وأنا كنت من أعظم الناس تأليفا لقلوب المسلمين وطلبا لاتفاق كلمتهم واتباعا لما أمرنا به من الاعتصام بحبل الله. وأَزَلْتُ عامة ما كان في النفوس من الوحشة، وبيّنت لهم أن الأشعري كان من أجل المتكلمين المنتسبين إلى الإمام أحمد رحمه الله ونحوه المنتصرين لطريقه كما يذكر الأشعري ذلك في كتبه" (MF 3/227-228).
"ولما أظهرت كلام الأشعري - ورآه الحنبلية - قالوا: "هذا خير من كلام الشيخ الموفق!" وفرح المسلمون باتفاق الكلمة"
(MF 3/228-229).

C) Par ailleurs, je n'ai fait que répondre à des questions posées par des musulmans :
"والطيبرسي طلب مني غير مرة ترك المحاقة. فقلت له: أنا ما بغيت على أحد. ولا قلت لأحد: "وافقني على اعتقادي وإلا فعلت بك"، ولا أكرهت أحدا بقول ولا عمل. بل ما كتبت في ذلك شيئا قط إلا أن يكون جواب استفتاء بعد إلحاح السائل واحتراقه وكثرة مراجعته. ولا عادتي مخاطبة الناس في هذا ابتداء. وهؤلاء هم الذين دعوا الناس إلى ما دعوهم إليه وأكر[ه]وهم عليه.
فيبينون للناس ما الذي أمروهم به وما الذي نهوهم عنه:
فإن كانوا أمروهم بما أمرهم الله به ورسوله: فالسمع والطاعة لله ولرسوله ولمن أمر بما أمر الله به ورسوله؛
وإن كانوا أمروا بحق وباطل، ونهوا عن حق وباطل، وأمروا ونهوا عن أمور لا يعرفون حقيقتها، كانوا بذلك من الجاهلين الظالمين، وكان الحاكم بذلك من القاضيين اللذين في النار ولم تجز طاعتهم في ذلك بل تحرم"
(MF 3/243).

D) Les réfutations de principe ne servent à rien ! Celui qui veut réfuter ce que j'ai dit, qu'il le fasse de façon détaillée, arguments à l'appui.
" وقد قلت قبل ذلك بدمشق: هذه الإنكارات المجملة لا تفيد شيئا بل من أنكر شيئا فليكتب خطه بما أنكره وبحجته، وأنا أكتب خطي بجواب ذلك، ويرى أهل العلم والإيمان الكلامين. فهذا هو الطريق في الأمور العامة" (MF 3/244).
"ومما يجب أن يعلم أن الذي يريد أن ينكر على الناس ليس له أن ينكر إلا بحجة وبيان! إذ ليس لأحد أن يلزم أحدا بشيء ولا يحظر على أحد شيئا بلا حجة خاصة، إلا رسول الله (صلى الله عليه وسلم)، المبلغ عن الله، الذي أوجب على الخلق طاعته فيما أدركته عقولهم وما لم تدركه، وخبره مصدق فيما علمناه وما لم نعلمه. وأما غيره إذا قال هذا صواب أو خطأ فإن لم يبين ذلك بما يجب به اتباعه... فأول درجات الإنكار أن يكون المنكر عالما بما ينكره وما يقدر الناس عليه. فليس لأحد من خلق الله كائنا من كان أن يبطل قولا أو يحرم فعلا، إلا بسلطان الحجة"
(MF 3/245).

E) Ce ne sont pas "les juges" qui m'ont fait emprisonner, c'est Ibn Makhlûf seul : "ولم يحكم علي أحد من الحكام إلا ابن مخلوف وأنت كنت ذلك اليوم حاضرا" (MF 3/253).

F) L'édit de Ghâzân qui avait été lu sur les chaires de Damas est plus proche de la Loi de Dieu que cet édit écrit au nom du Sultan : "كما قلت للطيبرسي: الكتاب من السلطان الذي كتب على لسان السلطان وأخبر عن ذلك بجميع ما أخبر من الكذب ومخالفة الشريعة: أمور عظيمة بنحو عشرة أوجه. والكتاب الذي كتب على لسان غازان كان أقرب إلى الشريعة من هذا الكتاب الذي كتب على لسان السلطان" (MF 3/241). "وكتاب غازان الذي قرئ على منبر الشام أقرب إلى شريعة الإسلام من هذا الذي كتب على لسان سلطان المسلمين وقرئ على منابر الإسلام" (MF 3/244).

G) Le jugement rendu par Ibn Makhlûf au nom du Sultan (qui est peut-être au courant, peut-être pas), est tellement éloigné des principes de la Shar', que celui qui dit que ce jugement a été rendu conformément à la Shar' de Muhammad (sur lui soit la paix), celui-là dit un propos de kufr akbar :
"فهل يقول أحد من اليهود أو النصارى دع المسلمين إن هذا حبس بالشرع فضلا عن أن يقال: شرع محمد بن عبد الله. وهذا مما يعلم الصبيان الصغار بالاضطرار من دين الإسلام أنه مخالف لشرع محمد بن عبد الله. وهذا الحاكم هو وذووه دائما يقولون فعلنا ما فعلنا بشرع محمد بن عبد الله. وهذا الحكم مخالف لشرع الله - الذي أجمع المسلمون عليه - من أكثر من عشرين وجها. (...). فهل يقول من يؤمن بالله واليوم الآخر: أن رسول الله صلى الله عليه وسلم أمر بهذا. وبأي ذنب حبس إخوتي في دين الإسلام غير الكذب والبهتان ومن قال: إن ذلك فعل بالشرع فقد كفر بإجماع المسلمين" : "Dès lors, est-ce que quelqu'un parmi les juifs ou les chrétiens – laisse de côté les musulmans – dirait : "Il a été emprisonné d'après la Loi", n'en parlons plus qu'il dise : "d'après la Loi de Muhammad ibn Abdillâh" ? Cela, d'après ce que les petits enfants connaissent de façon nécessaire [= évidente] comme relevant du Dîn de l'islam, est contraire à la Loi de Muhammad ibn Abdillâh ! Or ce juge et les siens disent sans cesse : "Nous avons fait ce que nous avons fait d'après la Loi de Muhammad ibn Abdillâh !" Alors que ce jugement est contraire à la Loi de Dieu sur laquelle les musulmans sont unanimes, par plus de 20 aspects ! (...) Dès lors, est-ce que quelqu'un qui croit en Dieu et au jour dernier dirait : "Le Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et le salue, a ordonné cela" ? Pour quelle faute mes frères en religion d'islam ont-ils été emprisonnés ? Rien d'autre que le mensonge et la calomnie. Et celui qui dit : "Cela a été fait en conformité avec la Loi [du Prophète Muhammad], celui-là a [dit propos de] kufr à l'unanimité des musulmans" (MF 3/253-254).

H) Les autres juges ne se sont pas prononcés ouvertement contre le jugement rendu par Ibn Makhlûf parce qu'ils ont su qu'il y avait là un ordre du Sultan, et ils ont donc pris peur [et si le Sultan a lui-même eu des doutes au sujet de la rectitude de ma Croyance, c'est seulement à cause de ce que des ulémas lui ont dit] :
"ولكن أنتم ما كان مقصودكم إلا دفع أمر الملك لم بلغكم من الأكاذيب فقال: "يا مولانا، دع أمر الملك؛ أحد ما يتكلم في الملك." فقلت: " إيه! الساعة ما بقي أحد يتكلم في الملك! وهل قامت هذه الفتنة إلا لأجل ذلك؟ ونحن سمعنا بهذا ونحن بالشام: أن المثير لها تهمة الملك؛ لكن ما اعتقدنا أن أحدا يصدق هذا"
(MF 3/259).
" وقلت له: "أنتم ما كان مقصودكم الحكم الشرعي، وإنما كان مقصودكم دفع ما سمعتموه من تهمة الملك! ولما علمت الحكام أن في القضية أمر الملك أحجموا وخافوا من الكلام، خوفا يعذرهم الله فيه أو لا يعذرهم. لكن لولا هذا لتكلموا بأشياء! ولو كان هذا الحكم شاذا أو فيه غرض لذي سيف لكان عجائب." فقالوا: "يا مولانا من يتكلم في أمر الملك؟ نحن ما نتكلم! دعنا من الكلام في الملك." فقلت: "أيها النائم، أخليكم من الملك! وهذه الفتنة التي قد ملأتم بها الدنيا هل أثارها إلا ذلك! ونحن قد سمعنا هذا بدمشق. لكن ما اعتقدنا أن عاقلا يصدق بذلك. وهؤلاء القوم بعد أن خرج من أنفسهم تهمة الملك إذا ذكر لهم بعض ما يقوله المنازعون لي يستعظمونه جدا ويرون مقابلة قائلها بأعظم العقوبة"
(MF 3/236-237).

I) Malgré tout, je n'ai pas l'intention de m'en prendre à Ibn Makhlûf "فراح، ثم عاد، وطلب أن أكتب بخطي أي شيء كان. فقلت فما الذي أكتبه؟ قال: مثل العفو وألا تتعرض لأحد. فقلت: نعم هذا أنا مجيب إليه، ليس غرضي في إيذاء أحد، ولا الانتقام منه ولا مؤاخذته. وأنا عاف عمن ظلمني" : "Je lui ai demandé : "Qu'est cela que j'écrirais ?" Il me répondit : "Le pardon, et que tu ne t'en prendras à personne." Je lui dis alors : "Cela oui, j'y réponds favorablement. Je n'ai l'objectif de nuire à personne, ni de me venger, ni de me saisir de lui. Je pardonne à qui a été injuste envers moi" (MF 3/266).
"ومما ينبغي أن يعرف به الشيخ أني أخاف أن القضية تخرج عن أمره بالكلية ويكون فيها ما فيه ضرر عليه وعلى ابن مخلوف ونحوهما، فإنه قد طلب مني ما يجعل سببا لذلك ولم أجب إليه. فإني إنما أنا لون واحد. والله ما غششتهما قط. ولو غششتهما كتمت ذلك. وأنا مساعد لهما على كل بر وتقوى" : "Car on m'a demandé ce qui aurait été la cause d'(un tel tort pour Ibn Makhlûf et al-Manbijî), mais je n'y ai pas répondu favorablement. Car je suis d'une teinte unique. Par Dieu je ne les ai pas trompés tous les deux. (...) Je vais les aider tous deux pour tout ce qui est bien et piété" (MF 3/277).

J) Et, malgré cela, je fais toujours preuve d'obéissance au Sultan, et je l'aiderai dans tout bien qu'il entreprend : "كما قلت  للطيبرسي: "الكتاب من السلطان الذي كتب على لسان السلطان وأخبر عن ذلك بجميع ما أخبر، من الكذب ومخالفة الشريعة: أمور عظيمة بنحو عشرة أوجه. والكتاب الذي كتب على لسان غازان كان أقرب إلى الشريعة من هذا الكتاب الذي كتب على لسان السلطان. وسواء بأن فعل ذلك أو لم يفعله، فإني أعتقد وأدين الله بأن نصره ومعاونته على البر والتقوى وعلى نفوذ صدقه وعدله دون كذب الغير وظلمه وعلى رفع قدره على الغير: من أعظم الواجبات" (MF 3/241-242).

K) Dans cette affaire, en fait, le tort sera sur vous : car c'est un ennemi que vous ne connaissez pas qui veut faire du tort à votre Dîn et à votre Etat (l'Etat mamelouk). Quant à moi, je ne possède ni école, terrain, ni bien matériel, ni pouvoir. L'ennemi s'en prend à moi parce qu'il sait que je suis allié à vous et que je veux votre bien :
"وذكرت له أن هذه القصة ليس ضررها علي! فإني أنا من أي شيء أخاف؟ إن قتلت كنت من أفضل الشهداء، وكان ذلك سعادة في حقي: يترضى بها علي إلى يوم القيامة ويلعن الساعي في ذلك إلى يوم القيامة فإن جمع أمة محمد صلى الله عليه وسلم يعلمون أني أقتل على الحق الذي بعث الله به رسوله. وإن حبست فوالله إن حبسي لمن أعظم نعم الله علي. وليس لي ما أخاف الناس عليه: لا مدرسة ولا إقطاع ولا مال ولا رئاسة ولا شيئا من الأشياء.
ولكن هذه القصة ضررها يعود عليكم: فإن الذين سعوا فيها من الشام أنا أعلم أن قصدهم فيها كيدكم وفساد ملتكم ودولتكم. وقد ذهب بعضهم إلى بلاد التتر، وبعضهم مقيم هناك. فهم الذين قصدوا فساد دينكم ودنياكم، وجعلوني إماما بالتستر لعلمهم بأني أواليكم وأنصح لكم وأريد لكم خير الدنيا والآخرة. والقضية لها أسرار كلما جاءت تنكشف"
(MF 3/259-260).

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D'autres emprisonnements de Ibn Taymiyya :

Plus tard, en Shawwâl 707, Ibn Taymiyya sera de nouveau emprisonné en Egypte, au Caire, cette fois sur accusation d'anti-soufisme (alors qu'il ne critique que le soufisme déviant). Puis il sera libéré.

Mais ensuite, en Safar 709, il sera envoyé en prison à Alexandrie. Cela coïncidera avec la période où le Sultan Muhammad ibn Qalawûn aura été évincé du pouvoir et où Al-Jâshankîr accèdera au trône, celui-là même dont le conseiller spirituel est Al-Manbijî !
On peut lire une Rissâla ilâ as'hâbihî wa huwa fi-s-sijn, in MF 28/30-59.
Muhammad ibn Qalawûn, ayant pu récupérer son trône en Shawwâl 709, fera immédiatement libérer Ibn Taymiyya.

En Rajab 720 jusqu'en Muharram 721, Ibn Taymiyya sera de nouveau emprisonné, à Damas, cette fois à cause de sa fatwa quant à la formule : "Si je romps tel serment, alors mon épouse est divorcée" : Ibn Taymiyya émet l'avis que la rupture d'un tel serment n'entraîne pas la séparation entre mari et femme mais seulement l'obligation de la kaffâra.

Enfin, en Sha'ban 726, le Sultan Muhammad ibn Qalâwûn signera un édit pour faire emprisonner une énième fois Ibn Taymiyya, de nouveau sous influence de savants et de soufis. Cette fois au futil prétexte qu'Ibn Taymiyya relate 2 avis quant au fait d'entreprendre un voyage pour aller visiter une tombe, et donne préférence à l'avis qui dit que cela n'est pas mashrû'. Le Cheikh restera cette fois  enfermé jusqu'à sa mort, en Dhu-l-Qa'da de l'an 728.

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A la fin, alors que le représentant de l'autorité à Damas viendra à son chevet, là où il est emprisonné, lui demander pardon :

Ibn Taymiyya lui répondra :
"إني قد أحللتك وجميع من عاداني وهو لا يعلم أني على الحق" :
"Je te fais libre (de toute réclamation de ma part auprès de Dieu), ainsi que tous ceux qui ont fait preuve d'inimitié pour moi alors qu'il ne savait pas que ce que je dis est vrai."

Il ajoutera :
"إني قد أحللت السلطان المعظم الملك الناصر من حبسه إياي، كونه فعل ذلك مقلدا غيره، معذور، أو لم يفعله بحظ نفسه بل لما بلغه مما ظنه حقا من مبلغه والله يعلم أنه بخلافه"
:
"Je fais libre (de toute réclamation de ma part auprès de Dieu) le Sultan al-Mu'azzam, al-malik un-nâssir [Muhammad ibn Qalâwûn], du fait de m'avoir fait emprisonner : il l'a fait en suivant (taqlîd) d'autre que lui, et est (donc) excusable".
Ou : "Il ne l'a pas fait de lui-même, mais à cause de ce qu'on lui a dit et qu'il a cru vrai de celui qui le lui fait parvenir, alors même que Dieu sait que la réalité est contraire à cela"
(Mawqif).

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Ibn ul-Qayyim raconte :

"وسمعت شيخ الإسلام أبن تيمية قدس الله روحه يقول: إن في الدنيا جنة من لم يدخلها لا يدخل جنة الآخرة.
وقال لي مرة: "ما يصنع أعدائي بي؟ أنا جنتي وبستاني في صدري، أين رحت فهي معي لا تفارقني. إن حبسي خلوة، وقتلي شهادة، وإخراجي من بلدي سياحة."
وكان يقول في محبسه في القلعة: "لو بذلت ملء هذه القاعة ذهبا ما عدل عندي شكر هذه النعمة؛ أو قال: ما جزيتهم على ما تسببوا لي فيه من الخير"، ونحو هذا.
وكان يقول في سجوده وهو محبوس: "اللهم أعني على ذكرك وشكرك وحسن عبادتك ما شاء الله."
وقال لي مرة: "المحبوس من حبس قلبه عن ربه تعالى. والمأسور من أسره هواه."
ولما دخل إلى القلعة وصار داخل سورها نظر إليه وقال: "فضرب بينهم بسور له باب باطنه فيه الرحمة وظاهره من قبله العذاب."
وعلم الله ما رأيت أحدا أطيب عيشا منه قط، مع ما كان فيه من ضيق العيش وخلاف الرفاهية والنعيم بل ضدها، ومع ما كان فيه من الحبس والتهديد والإرهاق، وهو مع ذلك من أطيب الناس عيشا، وأشرحهم صدرا، وأقواهم قلبا، وأسرهم نفسا، تلوح نضرة النعيم على وجهه.
وكنا إذا اشتد بنا الخوف وساءت منا الظنون وضاقت بنا الأرض أتيناه، فما هو إلا أن نراه ونسمع كلامه فيذهب ذلك كله وينقلب انشراحا وقوة ويقينا وطمأنينة.
فسبحان من أشهد عباده جنته قبل لقائه، وفتح لهم أبوابها في دار العمل، فآتاهم من روحها ونسيمها وطيبها ما استفرغ قواهم لطلبها والمسابقة إليها" :

"J'ai entendu Cheikh ul-islâm Ibn Taymiyya (que Dieu sanctifie son âme) dire : "Dans ce monde terrestre, il y a un jardin, celui qui n'y est pas entré n'entrera pas dans le jardin de l'au-delà."
Une fois il me dit :
"Qu'est-ce que mes ennemis pourraient me faire ? Mon paradis, mon jardin se trouve dans ma poitrine ; où que j'aille il reste avec moi, ne me quitte pas. L'emprisonnement est pour moi une khalwa [= retraite spirituelle]. Le fait d'être tué est un shahâda [= martyre]. Le fait d'être exilé de ma ville est un siyâha [= érémitisme]""
(Al-Wâbil us-sayyib, p. 73).
"Une fois il me dit : "Le (véritable) enfermé est celui dont le coeur a été enfermé par rapport à son Pourvoyeur. Et le (véritable) emprisonné est celui que ses désirs (hawâ) ont emprisonné"" (Ibid.).
Ibn ul-Qayyim écrit encore de son professeur et maître : "Dieu sait que je n'ai jamais vu personne ayant une vie plus agréable que lui ; et ce malgré le fait que ses moyens étaient restreints et qu'il vivait dans le contraire du luxe et des bienfaits matériels, et malgré (ce qu'il a connu d') emprisonnement, de menaces et de harcèlement ; malgré tout cela il était parmi les hommes ayant la vie la plus agréable, à la poitrine la plus sereine, au coeur le plus fort, à l'âme la plus heureuse ; la fraîcheur du bienfait brillait sur son visage. Lorsque la crainte devenait dure sur nous et que nous avions des pensées noires et que la Terre nous semblait étroite, nous nous rendions auprès de lui ; nous ne l'avions pas regardé et n'avions pas entendu ses paroles que tout cela disparaissait de nous et laissait la place à une sérénité (inshirâh), une force, une conviction et une tranquillité" (Ibid., pp. 73-74).

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Que Dieu agrée Ibn Taymiyya, lui pardonne ses péchés et ses erreurs, et lui accorde un grade élevé dans le Paradis.

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En tous cas, c'est ainsi que, à toute époque, certains hommes procèdent : A des gens du commun qui ne sont pas versés dans la science islamique (mais qui sont dépositaires de l'autorité, ou qui sont influents dans la communauté parce que notables ou riches), certains hommes de science peu scrupuleux aiment à aller dire (d'un air qui se veut le plus sincère et le plus désintéressé possible) : "Tel autre homme de science ? Il dit telle chose et telle chose [ces hommes simplifient alors à dessein ses propos, ou les déforment, ou en inventent]. Vous devez cesser de lui apporter votre soutien / vous devez agir pour ne pas le laisser diffuser cette "fausseté" ! Sinon votre responsabilité sera engagée devant Dieu ! C'est votre au-delà qui est en jeu. Nous qui sommes versés dans la science / la piété, nous vous le disons sincèrement. Maintenant c'est à vous de voir ! Si vous ne nous croyez pas, ce sera vous les perdants"... Entendant ces propos de la part d'hommes de science et d'apparence pieuse, ces gens tombent dans le piège : ils prennent peur pour leur au-delà et font ce que ces hommes leur disent de faire. Et ils ne réalisent pas que leur sincérité a été attelée à d'autres causes, fort peu glorieuses.

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A lire également :

Un autre écrit de Ibn Taymiyya (qu'il a apparemment rédigé après avoir été emprisonné en l'an 726 pour son avis relatif au fait d'entreprendre un voyage pour visiter une tombe), exposant les limites des prérogatives des juges, et le fait qu'ils n'ont pas à empêcher, par prononciation de jugement, des ulémas de délivrer un avis que ces derniers sont capables d'argumenter sur la base du Coran et de la Sunna.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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