La formule "فأَنْزَلَ الله" / "فنزلَتْ" présente dans les âthâr désigne tantôt réellement la cause de la révélation, tantôt pas (2/4)

Certains versets ont été révélés suite à un événement particulier : c'est ce qu'on appelle "la cause de la descente du verset" (sabab un-nuzûl). Il s'agit de l'événement de l'époque du Prophète ou bien de la question qui lui a été posée, et qui fait que Dieu a parlé et a révélé tel passage pour y apporter une réponse.

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Les causes de révélation :

As-Suyûtî cite un érudit qui le rappelle :

--- Il est des versets que Dieu a révélés sans qu'ils constituent une réponse à un événement particulier s'étant déroulé à l'époque du Prophète ("قسم نزل ابتداءً" : Al-Itqân p. 92). L'exemple le plus évident en est bien entendu la première révélation que le Prophète ait reçu : "Lis au nom de ton Seigneur qui a créé" (Coran 96/1).

--- Et puis il est d'autres versets que Dieu a révélés suite à un événement s'étant déroulé à l'époque du Prophète ("قسم نزل عقب واقعة أو سؤال" : Al-Itqân p. 92).

Les recueils de hadîths et de propos des Compagnons et de leurs élèves relatent ainsi un certain nombre d'événements qui ont été la cause de la révélation de tel et tel versets. Pour exprimer cet événement, on relate l'événement puis on dit : "فنزلت", "Le verset suivant fut alors révélé" ; ou on dit : "فأنزل الله", "Dieu révéla alors le verset suivant".

Or ici se pose un problème : les ulémas des premières générations ont fait de ces formules un emploi très large, ce qui fait que ce qu'ils relatent alors n'est pas toujours réellement la cause de la révélation du verset. Shâh Waliyyullâh écrit ainsi : "Il y a également, parmi les sujets difficiles [pour celui qui étudie l'exégèse coranique] : la compréhension des causes de descente. Ici aussi [comme pour le terme "naskh"], la cause de la difficulté est la différence dans l'usage des anciens et des suivants" (Al-Fawz ul-kabîr, p. 61).

Il y a donc ici 2 cas...

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Cas de figure 1.1) "فنزلت" (ou "فأنزل الله") désigne réellement l'événement du temps du Prophète qui a entraîné la révélation :

Nous avons donné des exemples de ce cas de figure dans l'article consacré à la nécessité de connaître les causes de révélation.

Voici l'un d'eux : "Dieu a entendu le propos de celle qui discutait avec toi au sujet de son mari et qui se plaignait à Dieu. Et Dieu entendait votre conversation. Dieu est Audient, Voyant" : "قَدْ سَمِعَ اللَّهُ قَوْلَ الَّتِي تُجَادِلُكَ فِي زَوْجِهَا وَتَشْتَكِي إِلَى اللَّهِ وَاللَّهُ يَسْمَعُ تَحَاوُرَكُمَا إِنَّ اللَّهَ سَمِيعٌ بَصِيرٌ" (Coran 58/1). Aïcha relate que "celle qui discutait avec toi" ici évoquée est Khawla bint Tha'laba : elle était venue se plaindre auprès du Prophète de la formule que son mari lui avait dite, "فأنزل الله", "et Dieu révéla alors" (ce verset ainsi que les versets qui le suivent)" : "عن عروة، عن عائشة، أنها قالت: "الحمد لله الذي وسع سمعه الأصوات. لقد جاءت خولة إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم تشكو زوجها، فكان يخفى علي كلامها، فأنزل الله عز وجل: {قد سمع الله قول التي تجادلك في زوجها وتشتكي إلى الله والله يسمع تحاوركما}" (an-Nassâ'ï, 3460).

En voici un autre : "A ceux qui ont apporté foi et fait les bonnes actions, il n'y a pas de problème dans ce qu'ils ont consommé, pourvu qu'ils aient été pieux, aient apporté foi et aient fait les bonnes actions, puis qu'ils aient (continué à) être pieux, à avoir foi et à agir dans la perfection (ihsân). Dieu aime ceux qui agissent dans la perfection" : "لَيْسَ عَلَى الَّذِينَ آمَنُواْ وَعَمِلُواْ الصَّالِحَاتِ جُنَاحٌ فِيمَا طَعِمُواْ إِذَا مَا اتَّقَواْ وَّآمَنُواْ وَعَمِلُواْ الصَّالِحَاتِ ثُمَّ اتَّقَواْ وَّآمَنُواْ ثُمَّ اتَّقَواْ وَّأَحْسَنُواْ وَاللّهُ يُحِبُّ الْمُحْسِنِينَ" (Coran 5/93). Anas ibn Mâlik a raconté que suite à l'interdiction de l'alcool, des musulmans s'interrogèrent sur ceux de leurs frères qui étaient morts avant l'interdiction, avec de l'alcool dans le ventre : qu'adviendrait-il d'eux ? "Dieu fit alors descendre" ce verset : "عن أنس رضي الله عنه: كنت ساقي القوم في منزل أبي طلحة، وكان خمرهم يومئذ الفضيخ. فأمر رسول الله صلى الله عليه وسلم مناديا ينادي: "ألا إن الخمر قد حرمت". قال: فقال لي أبو طلحة: "اخرج فأهرقها"، فخرجت فهرقتها. فجرت في سكك المدينة. فقال بعض القوم: "قد قتل قوم وهي في بطونهم"، فأنزل الله: {ليس على الذين آمنوا وعملوا الصالحات جناح فيما طعموا" (al-Bukhârî, 2332, 4344, Muslim, 1980). Celui-ci parle donc des musulmans ayant consommé des aliments ou boissons avant que ceux-ci aient été interdits par la révélation.

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Cas de figure 1.2) La formule "فنزلت" (ou "فأنزل الله") n'a pas été utilisée avec le sens de ce qui désigne réellement l'événement ayant entraîné la révélation du verset, mais avec un sens élargi :

En effet, cela s'est produit, et ce à cause de l'emploi que les ulémas des premières générations en faisaient.

--- Cas de figure 1.2.1) Cette formule "فنزلت" (ou "فأنزل الله") a été employée pour seulement parler d'un événement dont certains éléments sont communs avec l'événement qui a, lui, véritablement entraîné la révélation du verset :

Ibn Taymiyya écrit ainsi :
"ومعرفة "سبب النزول" يعين على فهم الآية فإن العلم بالسبب يورث العلم بالمسبب؛ ولهذا كان أصح قولي الفقهاء أنه إذا لم يعرف ما نواه الحالف رجع إلى سبب يمينه وما هيجها وأثارها.
وقولهم "نزلت هذه الآية في كذا": يراد به تارة أنه سبب النزول؛ ويراد به تارة أن ذلك داخل في الآية وإن لم يكن السبب، كما تقول: "عنى بهذه الآية كذا"

"Quand ils disent : "Nazalat hâdhih-l-âyatu fî kadhâ" :
– tantôt cela indique la cause de révélation ;
– et tantôt cela signifie que le cas qu'ils citent alors est englobé dans le thème du verset, bien qu'il ne s'agisse pas de la cause de sa révélation ; c'est comme si on disait (en fait) : "'Uniya bi hâdhihi-l-âyatu kadhâ""
(Majmû' ul-fatâwâ 13/339 ; également cité par as-Suyûtî dans Al-Itqân, p. 100).

Shâh Waliyyullâh écrit : ""Il y a également, parmi les sujets difficiles [pour celui qui étudie l'exégèse coranique] : la compréhension des causes de descente (du verset).
Ici aussi [comme pour le terme "naskh"], la cause de la difficulté est la différence dans l'usage des anciens et des suivants.
L'analyse des propos des Compagnons et de leurs élèves révèle que ces personnages n'employaient pas la formule "Nazalat fî kadhâ…" uniquement par rapport à l'événement qui s'est déroulé à l'époque du Prophète et qui a réellement été la cause de la révélation du verset en question ; mais qu'ils employaient également cette formule parfois pour exposer un événement s'étant déroulé à l'époque du Prophète ou même après, mais qui est concerné par le thème du verset : il s'agit donc d'un des cas de figure concerné par le contenu du verset ; ils disaient alors : "Nazalat fî kadhâ". Il n'est alors même pas nécessaire que tous les éléments présents dans le verset se vérifient dans l'événement en question : il suffit que la base du propos que le verset induit soit vérifié dans cet événement"
: "ومن المواضيع الصعبة أيضاً معرفة أسباب النزول، ووجه الصعوبة في هذا الباب كذلك اختلاف المتقدمين والمتأخرين فيها. وما يستفاد من استقراء كلام الصحابة والتابعين - رضي الله عنهم - أنهم لا يقولون: "نزلت في كذا" لمجرد بيان الحديث الذي وقع في عهد النبي - صلى الله عليه وسلم - وكان سبباً لنزول تلك الآية؛ بل إنهم يستعملون هذا التعبير أحياناً لبيان ما تنطبق عليه الآية وتصدق عليه مما حدث في عهد النبي - صلى الله عليه وسلم - أو بعده؛ فهو بيان لصورة من الصور التي تصدق عيلها الآية؛ فيقولون عند ذاك: "نزلت في كذا"؛ ولا يلزم في مثل هذا الموضع أن تنطبق جميع القيود الواردة في الآية على الحادث، بل يكفي أن ينطبق أصل الحكم الوارد فيها"
(Al-Fawz ul-kabîr, p. 61).

Az-Zarkashî écrit quant à lui : "On connaît comme relevant de l'usage des Compagnons et de leurs élèves que lorsque l'un d'entre eux dit : "Nazalat hâdhihi-l-ayatu fî kadhâ", il veut dire que ce verset englobe ce cas (aussi) [c'est-à-dire que ce que ce verset dit s'applique également à l'événement en question], et non pas [forcément] que ce cas constitue la cause de révélation du verset. Cela relève donc de la déduction (istidlâl) de la règle [s'appliquant à l'événement en question] à partir du verset, et non de la relation de (l'événement) qui s'est passé" : "وقال الزركشي في البرهان: قد عرف من عادة الصحابة والتابعين أن أحدهم إذا قال: "نزلت هذه الآية في كذا"، فإنه يريد بذلك أنها تتضمن هذا الحكم، لا أن هذا كان السبب في نزولها: فهو من جنس الاستدلال على الحكم بالآية، لا من جنس النقل لما وقع" (cité dans Al-Itqân, p. 101).

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Un 1er exemple : "Qu'avez-vous à être deux groupes à propos de [ces] hypocrites alors que Dieu les a refoulés à cause de ce qu'ils ont acquis ? … " : "فَمَا لَكُمْ فِي الْمُنَافِقِينَ فِئَتَيْنِ وَاللّهُ أَرْكَسَهُم بِمَا كَسَبُواْ أَتُرِيدُونَ أَن تَهْدُواْ مَنْ أَضَلَّ اللّهُ وَمَن يُضْلِلِ اللّهُ فَلَن تَجِدَ لَهُ سَبِيلاً" (Coran 4/88). Suit tout un passage à ce propos. De quel événement ces versets parlent-ils ?
--- Zayd ibn Thâbit relate : "Lorsque le Prophète sortit (de la ville) pour Uhud, des gens étant sortis avec lui s'en retournèrent. Les Compagnons du Prophète furent alors deux groupes à leur sujet (...)." Zayd ibn Thâbit ajoute, une ligne plus loin : "فنزلت : "Qu'avez-vous à être deux groupes à propos des hypocrites…"" : "عن زيد بن ثابت رضي الله عنه، قال: لما خرج النبي صلى الله عليه وسلم إلى أحد، رجع ناس ممن خرج معه، وكان أصحاب النبي صلى الله عليه وسلم فرقتين: فرقة تقول: نقاتلهم، وفرقة تقول: لا نقاتلهم، فنزلت {فما لكم في المنافقين فئتين والله أركسهم بما كسبوا}. وقال: "إنها طيبة، تنفي الذنوب، كما تنفي النار خبث الفضة" (al-Bukhârî, 3824 etc.) ; "عن زيد بن ثابت، أن النبي صلى الله عليه وسلم خرج إلى أحد، فرجع ناس ممن كان معه، فكان أصحاب النبي صلى الله عليه وسلم فيهم فرقتين، قال بعضهم: نقتلهم، وقال بعضهم: لا. فنزلت: {فما لكم في المنافقين فئتين}"" (Muslim, 2776).
--- Mujâhid a rapporté un autre récit : "Ce sont des gens qui avaient quitté La Mecque jusqu'à se rendre à Médine, prétendant qu'ils émigraient. Par la suite ils apostasièrent. Ils demandèrent alors l'autorisation du Prophète - que Dieu le bénisse et le salue - de se rendre à La Mecque pour en ramener des marchandises leur appartenant, et dont ils feraient commerce. Les musulmans divergèrent à leur sujet : certains dirent : "Ce sont des hypocrites", d'autres : "Ce sont des croyants". Dieu exposa alors leur hypocrisie…" : "أخرج عبد بن حميد عن مجاهد قال: هم قوم خرجوا من مكة حتى جاؤوا المدينة يزعمون أنهم مهاجرون، ثم ارتدوا بعد ذلك فاستأذنوا النبي صلى الله عليه وسلم إلى مكة ليأتوا ببضائع لهم يتجرون فيها؛ فاختلف فيه المسلمون: فقائل يقول: هم منافقون، وقائل يقول: هم مؤمنون؛ فبين الله تعالى نفاقهم وأنزل هذه الآية وأمر بقتلهم" (rapporté par 'Abd ibn Humayd, cité dans Rûh ul-ma'ânî, tome 3 p. 104 ; également cité dans Bayân ul-qur'ân, 1/141).
--- Al-Jassâs dit du récit rapporté par al-Bukhârî et Muslim qu'il ne correspond pas à certains passages explicites des versets : "قوله تعالى: {فما لكم في المنافقين فئتين والله أركسهم بما كسبوا} روي عن ابن عباس: "أنها نزلت في قوم أظهروا الإسلام بمكة وكانوا يعينون المشركين على المسلمين" وروي مثله عن قتادة. وقال الحسن ومجاهد: "نزلت في قوم قدموا المدينة فأظهروا الإسلام ثم رجعوا إلى مكة فأظهروا الشرك". وقال زيد بن ثابت: "نزلت في الذين تخلفوا عن رسول الله صلى الله عليه وسلم يوم أحد وقالوا: "لو نعلم قتالا لاتبعناكم". وفي نسق الآية دلالة على خلاف هذا التأويل الأخير وأنهم من أهل مكة، وهو قوله تعالى: {فلا تتخذوا منهم أولياء حتى يهاجروا في سبيل الله" (Ahkâm ul-qur'ân, 3/187). Cheikh Thânwî écrit quelque chose de voisin ("ذكرت في المتن وأخرى ما في الصحاح أن نزول الآية في من رجع من المنافقين من أحد؛ لكنها لا يساعدها ظاهر الآية" : Bayân ul-qur'ân, 2/142, note de bas de page). Le fait est qu'ici, dans le droit fil de ce qu'ont écrit Ibn Taymiyya, az-Zarkashî et Shâh Waliyyullâh, lorsqu'il dit "Fa nazalat", Zayd n'a pas voulu relater la cause de révélation de ces versets, mais un événement que certains passages de ces versets concernent indirectement.
--- Lire le commentaire de ce passage coranique 4/88-92 dans notre article lui étant consacré.

Un 2nd exemple : "Eh quoi, ils replient leur poitrine afin de se cacher de Lui ! Eh quoi, lorsqu'ils se couvrent de leurs vêtements, Il sait ce qu'ils cachent et ce qu'ils expriment. Il est Savant du contenu des poitrines" : "أَلا إِنَّهُمْ يَثْنُونَ صُدُورَهُمْ لِيَسْتَخْفُواْ مِنْهُ أَلا حِينَ يَسْتَغْشُونَ ثِيَابَهُمْ يَعْلَمُ مَا يُسِرُّونَ وَمَا يُعْلِنُونَ إِنَّهُ عَلِيمٌ بِذَاتِ الصُّدُورِ" (Coran 11/5).
--- Ibn Abbâs dit qu'il y avait des gens qui avaient honte de devoir découvrir devant le ciel leur nudité pour faire leurs besoins naturels ou pour avoir des relations intimes avec leur épouse"Cela fut alors révélé à leur sujet" : "قال ابن جريج: أخبرني محمد بن عباد بن جعفر أنه سمع ابن عباس يقرأ: {ألا إنهم تثنوني صدورهم}. قال: سألته عنها. فقال: "أناس كانوا يستحيون أن يتخلوا فيفضوا إلى السماء، وأن يجامعوا نساءهم فيفضوا إلى السماء. فنزل ذلك فيهم" (al-Bukhârî, 4404-4405).
--- Une autre relation dit quant à elle qu'il y avait des gens (incroyants) qui repliaient leur poitrine lorsqu'ils disaient ou faisaient quelque chose de mal (contre l'islam et le Prophète), pensant soit que Celui qui parlait dans le Coran ne saurait pas ce qu'ils disaient ou faisaient. C'est alors que Dieu révéla ce verset (une partie de cette relation a été dite par Mujâhid et al-Hassan : Tafsîr Ibn Kathîr 2/376, l'autre partie ayant été reprise de Bayân ul-qur'ân).
--- Cheikh Thânwî écrit que ce second récit correspond plus au passage ("wa-huwa awfaqu bi-l-maqâm" : Bayân ul-qur'ân, 5/34, note de bas de page). Quant au premier récit, Ibn Abbâs semble y avoir utilisé la formule "fa nazala fîhim" dans le sens élargi que nous avons expliqué plus haut.

Un 3ème exemple concerne tout le passage présent en Coran 5/41-47, et qui débute par ces mots : "O Messager, que ne t'affligent point ceux qui concourent en mécréance, parmi ceux qui ont dit "Nous avons cru" avec leurs bouches sans que leurs cœurs aient jamais cru, et parmi ceux qui se sont judaïsés. Ecoutant beaucoup ce qui est faux, écoutant d'autres gens qui ne sont jamais venus à toi. Ils détournent le sens des mots après que (ceux-ci) aient été établis en leur place. Ils disent : "Si vous recevez ceci [la réponse attendue], alors prenez-le. Et si vous ne le recevez pas, alors préservez-vous"" : "يَا أَيُّهَا الرَّسُولُ لاَ يَحْزُنكَ الَّذِينَ يُسَارِعُونَ فِي الْكُفْرِ مِنَ الَّذِينَ قَالُواْ آمَنَّا بِأَفْوَاهِهِمْ وَلَمْ تُؤْمِن قُلُوبُهُمْ وَمِنَ الَّذِينَ هِادُواْ" (Coran 5/41).
--- Une première relation mentionne que le litige concernait un cas d'adultère ayant eu lieu chez des juifs de Médine (rapporté par Muslim, 1700, Abû Dâoûd, 4448, Ahmad, 17794).
--- Une seconde relation se lit ainsi : "عن ابن عباس قال: كان قريظة والنضير؛ وكان النضير أشرف من قريظة؛ فكان إذا قتل رجل من قريظة رجلا من النضير قتل به، وإذا قتل رجل من النضير رجلا من قريظة فودي بمائة وسق من تمر. فلما بعث النبي صلى الله عليه وسلم، قتل رجل من النضير رجلا من قريظة، فقالوا: ادفعوه إلينا نقتله، فقالوا: بيننا وبينكم النبي صلى الله عليه وسلم، فأتوه، فنزلت: "{وإن حكمت فاحكم بينهم بالقسط}. والقسط: النفس بالنفس. ثم نزلت: {أفحكم الجاهلية يبغون}." قال أبو داود: قريظة والنضير جميعا من ولد هارون النبي عليه السلام" : le litige concernait un cas de meurtre ayant été perpétré par une personne de la tribu juive médinoise des Banu-n-Nadhîr sur une personne de la tribu juive médinoise des Banû Qurayza. Les Banû Qurayza réclamèrent le droit d'appliquer le talion au meurtrier. (Mais les Banu-n-Nadhîr refusèrent l'applicabilité même de ce talion, en vertu de l'accord conclu entre eux auparavant, accord selon lequel les Banu-n-Nadhîr ne devaient, en pareil cas, que payer un dédommagement.) Les Banû Qurayza proposèrent alors de porter l'affaire devant Abu-l-Qâssim (le Prophète Muhammad) (rapporté par Abû Dâoûd, 4494). Les Banu-n-Nadhîr envoyèrent alors certains Hypocrites sonder la position du Prophète (Bayân ul-qur'ân). (Ce qui vient d'être cité est la version la plus juste de cette seconde relation, wallâhu A'lam. Une autre version de cette seconde relation présente un récit qui diffère en certains détails : d'après cette autre version, le meurtre fut perpétré par une personne des Banû Qurayza sur une personne des Banu-n-Nadhîr (donc l'inverse), et le litige porta sur la quantité du dédommagement à verser : les Banu-n-Nadhîr exigeaient le double de ce que eux versaient, conformément à l'accord conclu entre eux avant la venue du (prophète) Muhammad à Médine (Ahmad, 2102) (voir également Tafsîr Ibn Kathîr).)
--- Cheikh Albanî a retenu, comme cause réelle de révélation de ce passage, la seconde relation (Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 6/109). Bien qu'ayant retenu quant à lui la première relation, Ibn Kathîr a décrit la seconde relation comme étant une forte probabilité, étayée par le déroulement de l'ensemble du passage coranique (Tafsîr Ibn Kathîr).
Lire notre article consacré à ce verset.

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On trouve ainsi, dans ces 3 exemples, ce premier cas (1.2.1) d'élargissement de l'emploi de la formule "Nazalat fî" : il s'agit de la citation d'un cas qui n'a pas réellement été la cause de la révélation du verset, mais qui est tout simplement concerné lui aussi par le propos du verset.

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--- Cas de figure 1.2.2) Cette formule "فنزلت" (ou "فأنزل الله") a été employée pour seulement parler du fait que le Prophète, en guise de réponse à une question lui ayant été posée, a récité un verset déjà révélé :

C'est là le second cas de l'élargissement de l'emploi de la formule "nazalat fî kadhâ".

Shâh Waliyyulâh écrit : "Parfois, certains Compagnons - que Dieu les agrée - présentaient devant le (Prophète) - que Dieu le bénisse et le salue - une question, ou bien un événement se produisait à l'époque du Prophète - que Dieu le bénisse et le salue - et il extrayait la règle s'appliquant à ce (cas) d'un verset parmi les versets [déjà révélés] et le récitait devant eux ; ces (Compagnons) racontaient cela et disaient alors : "Ce verset fut révélé à ce sujet", ou parfois : "Alors Dieu fit descendre telle Parole", ou : "Alors descendit telle chose". Et si quelqu'un exprime cela comme étant une répétition de la descente du verset, il y a pareillement latitude à employer cette (formule)" : "وتارة يكون قد أورد بعض الصحابة - رضي الله عنهم - في حضرته - صلى الله عليه وسلم - سؤالاً أو يقع حادث في عهد النبي - صلى الله عليه وسلم - ويكون هو - صلى الله عليه وسلم - قد استنبط حكمه من آية من الآيات وتلاها عليهم في ذلك الباب، فيحكون هذا الحادث ويقولون: "نزلت الآية في كذا"، وتارة يقولون عند ذلك: "فأنزل الله - تعالى - قول كذا" أو "فنزلت كذا". وإذا عبر أحد عن ذلك بتكرار نزول الآية، فله كذلك مساغ" (Al-Fawz ul-kabîr, p. 61). Ici encore, cela ne veut pas dire que le verset ait été révélé suite à cette question ou à cet événement, mais que le Prophète, ayant récité un verset déjà révélé en guise de réponse, a montré que le contenu de ce verset concernait cette question ou cet événement aussi.

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Voici un 1er exemple : un verset du Coran relate cette parole de Luqmân à son fils : "Mon fils, n'associe rien à Dieu, car l'associationnisme est une grande injustice" : "وَإِذْ قَالَ لُقْمَانُ لِابْنِهِ وَهُوَ يَعِظُهُ يَا بُنَيَّ لَا تُشْرِكْ بِاللَّهِ إِنَّ الشِّرْكَ لَظُلْمٌ عَظِيمٌ" (Coran 31/13).
--- Ibn Mas'ûd raconte, d'après certaines relations : "Lorsque le verset "Ceux qui ont apporté foi et n'ont point troublé leur foi par quelque injustice, ceux-là auront la sécurité (dans l'au-delà), et eux sont les biens guidés" [6/82] fut révélé, les Compagnons du Prophète dirent : "Messager de Dieu, qui d'entre nous n'a jamais été injuste envers lui-même [= n'a jamais fait de péché] ?" فأنزل الله : "L'associationnisme est une grande injustice" [Coran 31/13]" (rapporté ainsi par al-Bukhârî en 32, 3245 et 4353). Ces relations semblent montrer que c'est suite à cette question de la part de ces Compagnons que le verset 31/13 fut révélé.
--- Or al-Bukhârî a également rapporté ce propos de Ibn Mas'ûd en d'autres passages de son ouvrage, et, dans ces autres relations, on lit que lorsque les Compagnons dirent au Prophète ce qu'ils lui dirent, "le Prophète leur répondit : "Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais de l'associationnisme. N'avez-vous pas entendu le propos [relaté par le Coran] de Luqmân : "Mon fils, n'associe rien à Dieu, car l'associationnisme est une grande injustice" [Coran 31/13]" (rapporté ainsi par al-Bukhârî en 3181, 3246, 4498, 6520 et 6538). Il s'agit bien de la récitation du verset 31/13, par le Prophète, désirant montrer ainsi à ses Compagnons qu'il ne s'agissait pas de toute injustice (= péché) mais seulement de la plus grande injustice : le fait de diviniser autre que Dieu, conformément à ce que Luqmân a dit à son fils en Coran 31/13. Ce verset 31/13 était donc alors déjà révélé, le Prophète n'a fait que le citer pour expliciter le sens de l'autre verset 6/82.
--- On voit ici que dans les autres relations (32, 3245 et 4353), la formule "Fa anzalallâh" ou "Fa nazalat" ne désigne pas réellement la cause de révélation. Ceci met bien en exergue ce que Shâh Waliyyullâh a expliqué.

Un 2nd exemple : Un verset se lit ainsi : "Ils te questionnent au sujet de l'âme. Dis : "L'âme relève de l'affaire de mon Seigneur, et il ne vous a été donné que peu de connaissance"" : "وَيَسْأَلُونَكَ عَنِ الرُّوحِ قُلِ الرُّوحُ مِنْ أَمْرِ رَبِّي وَمَا أُوتِيتُم مِّن الْعِلْمِ إِلاَّ قَلِيلاً" (Coran 17/85).
--- Ibn Mas'ûd relate qu'alors qu'à Médine il marchait en compagnie du Prophète, des juifs, les ayant rencontrés, questionnèrent ce dernier au sujet de l'âme. "Le Prophète, raconte Ibn Mas'ûd, resta silencieux et je sus qu'il recevait la révélation. Fa lammâ nazala-l-wah'yu, qâla (Lorsque la révélation eut été faite, il dit) : "Ils te questionnent au sujet de l'âme. Dis : "L'âme relève de l'affaire de mon Seigneur, et il ne vous a été donné que peu de connaissance"" : "عن عبد الله، قال: بينا أنا أمشي مع النبي صلى الله عليه وسلم في خرب المدينة، وهو يتوكأ على عسيب معه، فمر بنفر من اليهود. فقال بعضهم لبعض: سلوه عن الروح. وقال بعضهم: لا تسألوه، لا يجيء فيه بشيء تكرهونه. فقال بعضهم: لنسألنه. فقام رجل منهم، فقال: يا أبا القاسم، ما الروح؟ فسكت، فقلت إنه يوحى إليه، فقمت. فلما انجلى عنه، قال: (ويسألونك عن الروح قل الروح من أمر ربي وما أوتوا من العلم إلا قليلا). قال الأعمش: هكذا في قراءتنا" (al-Bukhârî, 125 ; voir aussi : 4444, 6867, 7018, 7024 ; Muslim 2794). Cette relation semble montrer que le verset fut révélé alors que le Prophète avait déjà émigré à Médine, et c'est ce que Ibn Hajar en a compris.
--- Or Ibn Abbâs a relaté que le verset fut révélé alors que le Prophète vivait encore à la Mecque : c'était des qurayshites qui se rendirent auprès de juifs de Médine pour que ceux-ci leur donnent quelque chose au sujet de quoi ils pourraient questionner Muhammad ; les juifs leur demandèrent de le questionner au sujet de l'âme ; et alors le verset en question fut révélé : "عن ابن عباس، قال: قالت قريش ليهود: أعطونا شيئا نسأل هذا الرجل. فقال: سلوه عن الروح. فسألوه عن الروح. فأنزل الله تعالى {ويسألونك عن الروح قل الروح من أمر ربي وما أوتيتم من العلم إلا قليلا}. قالوا: أوتينا علما كثيرا، أوتينا التوراة، ومن أوتي التوراة فقد أوتي خيرا كثيرا. فأنزلت {قل لو كان البحر مدادا لكلمات ربي لنفد البحر} إلى آخر الآية" (at-Tirmidhî, 3140).
--- Ibn Hajar a donné préférence à la relation de Ibn Mas'ûd qui a été rapportée par al-Bukhârî et Muslim (sur la relation de Ibn Abbâs qui a été rapportée par at-Tirmidhî). Il en a conclu que le verset a été révélé à Médine (Fat'h ul-bârî 8/510).
--- Or il semble bien qu'ici encore ce soit le même principe qui soit à l'œuvre : le verset a été révélé une seule fois, et il l'a été quand le Prophète vivait encore à la Mecque : cela suite à la question posée par des qurayshites étant allés s'enquérir auprès de rabbins de Médine. Plus tard, et alors que le Prophète avait déjà émigré à Médine, la même question lui fut posée par d'autres juifs. Certes, comme Ibn Mas'ûd l'a relaté, il attendit alors, mais ce fut parce qu'il se demandait si le verset précédemment révélé devait être cité ou si Dieu allait donner une réponse plus détaillée. Certes, comme Ibn Mas'ûd l'a relaté, il reçut alors la révélation, mais ce ne fut pas la révélation d'un nouveau verset : ce fut la simple indication qu'il devait citer le verset déjà révélé sur le sujet (qu'il reçoive une révélation ne consistant pas en la communication d'un verset, cela est relaté explicitement en d'autres occasions : lire notre article traitant des différents cas dans lesquels on classe les hadîths ; il s'agit du cas 4.2.2.1).

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Conclusion de Shâh Waliyyullâh quant aux événements que celui qui étudie le Coran doit connaître :

Shâh Waliyyullâh écrit :
"La plupart des commentateurs ont lié chaque verset de droit et chaque verset de discussion à un récit relaté à propos de la cause de leur révélation ; ils ont pensé qu'il s'agissait bien de la cause de leur révélation.
La vérité est que la révélation du Coran a été faite pour éduquer les âmes humaines, mettre en exergue les fausses croyances et les actions impies. La vraie cause de révélation des versets de discussion est l'existence de fausses croyances dans le cœur de ceux à qui le Coran s'adresse ; la vraie cause de révélation des versets juridiques est la diffusion des injustices et la présence d'actions impies en ceux à qui le Coran s'adresse ; la vraie cause de révélation des versets du rappel des bienfaits de Dieu, du sens de l'histoire et de ce qu'il advient après la mort est l'insouciance de ceux à qui le Coran s'adresse par rapport aux (signes) qu'ils voient et auprès de quoi ils passent : les bienfaits de Dieu, ce qu'Il a fait se dérouler, les événements de la mort (…). Pour ce qui est des causes particulières et des récits détaillés que les commentateurs ont fait l'effort de mentionner, ils n'ont pas à voir avec cela.
Seuls font exception les versets qui contiennent une allusion à un événement de l'époque du Prophète ou d'avant, allusion qui est telle que le lecteur demeure dans l'expectative du récit, de l'événement ou de la cause qui est derrière ce verset, expectative qui ne disparaît qu'après avoir pris connaissance de ce récit et de cette cause de révélation
"
(Al-Fawz ul-kabîr, pp. 20-21).

Shâh Waliyyullâh écrit encore :
"[Parmi tous les événements présentés comme étant des causes de révélation de versets,] ce sont seulement les deux (catégories) suivantes que l'étudiant (en sciences de l'exégèse coranique) a le devoir de connaître :
– l'événement auquel le verset fait allusion et sans la connaissance duquel on ne peut pas comprendre l'allusion que fait le verset ;
– l'événement qui a entraîné la révélation du verset et qui restreint la généralité du verset ou qui, de façon générale, induit une nuance dans le sens apparent du verset, et sans la connaissance duquel il est impossible de comprendre l'objectif du verset"
(Ibid., p. 62).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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