Pourquoi est-il demandé à la femme de se vêtir davantage que l'homme ?

Question :

Bonjour. J'ai lu vos articles à propos de la place de la femme en islam, et j'avoue que je comprends mieux certaines choses à présent. Une question demeure toutefois dans mon esprit à propos de la tenue de la musulmane : pourquoi l'islam demande-t-il à la femme de dissimuler des regards sa chevelure, ses épaules, ses bras, ses mollets, etc., alors que l'homme, lui, peut ne pas dissimuler des regards ces mêmes membres ?

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Réponse :

Bonjour. Si vous avez lu les articles présents sur le site à ce sujet, il y a plusieurs points liés à votre question que vous avez sûrement compris. Je voudrais néanmoins les rappeler d'abord ici, pour le bénéfice des autres visiteurs, avant de traiter votre question en elle-même...

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Premier point :

En islam, les époux ont, entre eux deux, le droit de regarder n'importe quelle partie de leur corps, sans restriction (sauf pendant la période menstruelle d'après certains ulémas).
De même, l'islam ne demande pas à la femme de dissimuler sa chevelure, ses épaules, ses bras, ses mollets, etc. devant ses proches parents (mahârim).

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Second point :

L'islam ne demande pas qu'à la femme de se vêtir. Pour l'homme aussi il a rendu obligatoire de cacher, en public, certaines parties de son corps par des vêtements. L'ensemble de ces parties corporelles à dissimuler des regards est appelé en islam : 'awra. Pour découvrir à quoi correspond la 'awra de l'homme devant qui, et à quoi correspond celle de la femme devant qui, lisez l'article Quelles limites à l'action des regards ? Pourquoi ?.

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Troisième point :

L'objectif de l'islam, en faisant ainsi, n'est pas d'exprimer l'idée que le corps humain, qu'il s'agisse de celui de la femme ou de l'homme, serait marqué négativement et qu'il faudrait donc le dissimuler. Il ne s'agit pas d'avoir honte de son corps. Il s'agit d'avoir de la pudeur, et l'objectif de l'islam est que chacun "voile" des regards des passants les attraits de son corps pour réserver ceux-ci à l'être avec qui il partage sa vie : son époux(se).

L'attirance pour les attraits corporels est naturelle chez l'être humain, et l'islam ne demande pas à ce dernier de chercher à éradiquer cette attirance. Au contraire, c'est bien parce qu'il reconnaît qu'entre homme et femme attirance naturelle il y a et il y aura toujours qu'il désire orienter celle-ci. Si l'attirance vers l'autre sexe et l'instinct qui en est à la base sont naturels, et si cet instinct doit s'exprimer et non être refoulé, il y a une grande différence entre le fait de l'orienter et celui de le flatter sans cesse. Ainsi, les corps n'étant pas marqués négativement, il est normal qu'entre époux et épouse on s'admire et on s'attire. Mais que des corps affichent partout en public leurs attraits aux regards, et que des regards ne se privent pas de se délecter de ces attraits, voilà des faits qui ne peuvent manquer avoir des répercussions sur l'individu, la famille et la société...

Une objection :

Il n'est pas rare que les musulmans et musulmanes entendent certains de leurs interlocuteurs leur tenir le raisonnement suivant : "Les occidentaux, ayant reçu une éducation libérée sur le plan corporel, ne regardent plus les attraits corporels de la femme, et peuvent vivre hommes et femmes les uns à côté des autres en tenue décontractée sans rien ressentir, sans même porter attention aux chevelures et aux jambes qui se trouvent à deux mètres d'eux. Tandis que les musulmans, eux, à force de voiler leurs femmes, sont attirés et troublés par la vue d'une chevelure, d'une paire de jambes. Regardez à quelle sur-érotisation du corps vous a conduit votre manque de libération vestimentaire. La "libération vestimentaire des corps" est la solution pour faire disparaître l'attirance vers les corps, car cette attirance empêche la marche harmonieuse d'une société."

Des éléments de réponse par rapport à cette objection :

Si, comme le dit cette objection, "la libération vestimentaire des corps est la solution pour faire disparaître l'attirance vers les corps", alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas adopter le modèle de ces sociétés des îles Andaman, de certaines îles de Polynésie, et de certaines régions d'Amérique du Sud, d'Afrique et d'Australie, où les hommes et les femmes vivent presque totalement nus ?
En fait cette objection se fonde sur le constat du fait qu'en Occident hommes et femmes cohabitent apparemment de manière très digne, sans se dévisager ni porter des regards insistants, et en déduit qu'il n'y a plus d'attirance. Or, si le constat est vrai, la déduction est, elle, très discutable. En effet, l'attirance n'a pas disparu, car l'attrait pour l'autre est naturellement présent chez l'homme et chez la femme.

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Une seconde objection :

A cela certains de nos interlocuteurs nous répondent : "Oui mais il s'agit d'une attirance vers le beau, dénuée de toute arrière pensée, pure de tout désir corporel."

Des éléments de réponse par rapport à cette autre objection :

A la vérité, ceci n'est pas toujours vrai. C'est ce qu'on disait au moment de la libération des mœurs : "Les uns et les autres ne se regarderont plus jamais qu'avec des regards neutres."

Force est cependant de constater que ces promesses ne se sont pas réalisées. Les regards chargés de délectation (taladhdhudh) n'ont pas disparu. En d'autres mots : l'érotisation des corps n'a pas disparu en Occident. Combien de gens admirent les formes corporelles (jambes, etc.) d'une personne ayant le dos tourné, puis, une fois surpris par cette personne, doivent détourner le regard, gênés... S'agissait-il vraiment d'un regard neutre ? Et combien de femmes elles-mêmes se plaignent d'être parfois mal à l'aise par des regards insistants dirigés vers telle ou telle partie de leur anatomie. Et combien de couples ont éclaté après que l'un ait découvert que l'autre entretenait une liaison qui elle-même avait débuté à la suite d'une rencontre d'un soir. L'attirance physique et charnelle pour la beauté corporelle n'a pas disparu.

Certes, il est prévisible que celui qui voit plus rarement ces attraits soit davantage troublé par leur vue que celui qui les voit partout, tous les jours. Mais cela ne signifie pas que celui qui les voit partout ne connaisse plus du tout ce genre d'attirance. A la vérité, le fait de vivre constamment avec cet affichage des corps entraîne un trouble moindre à la simple vue d'attraits corporels, mais pas une disparition complète de l'attirance à cette vue. Je ne crois pas que l'on puisse faire disparaître totalement l'attirance naturelle – avec tout ce qu'elle implique – qui existe en l'être humain pour le corps humain.
De même, le fait de vivre constamment ainsi a également entraîné la nécessité d'une éducation pour qu'on ne regarde pas de façon ouverte les attraits corporels qui l'attirent. Mais cela ne veut pas dire qu'on ne les regarde plus du tout. Les regards furtifs et en biais n'ont pas disparu...

C'est ici qu'apparaît le réalisme de l'islam. En islam, il est demandé à l'être humain non pas seulement de vivre l'aspect extérieur et juridique des enseignements des textes, mais également de se purifier le cœur, comme le demandent ces textes. Cependant, purifier son cœur veut dire se libérer de l'excès, de l'emprise dictatoriale de l'instinct sur l'âme. Cela ne veut pas dire atteindre l'irréalisable : éteindre le désir et le sentiment, devenir un ange ou presque. Aussi, purifier son cœur de l'attirance vers l'autre sexe veut dire l'éduquer pour ne pas penser qu'à çà. Mais il est impossible de faire disparaître totalement cette attirance, elle est inscrite en l'être humain ! Dès lors, – exception faite des époux entre eux –, l'islam demande aux êtres humains de maîtriser leur regard...

En islam, il ne s'agit pas de voiler tout ce qui est beau chez l'être humain (pour preuve, l'islam ne fait pas l'obligation à la femme de voiler son visage). L'islam aussi fait la différence entre le regard neutre et le regard de délectation, et prend en compte l'absence ou non de délectation – donc la neutralité ou non du regard – pour permettre ou interdire ce regard. Cependant, cela concerne certaines parties du corps seulement (celles qui sont autres que la 'awra). Si l'islam n'a pas demandé de façon obligatoire de couvrir ces parties du corps précises, c'est d'une part parce que les nécessités de la vie font qu'on a besoin de les laisser découvertes ; et d'autre part parce que, comme le souligne Abû Chuqqa, cela permet aussi qu'un certain lien d'attirance subsiste entre les hommes et les femmes (à charge ensuite à chacun de le maîtriser), car l'impossibilité de tout lien à l'échelle d'un pays tout entier risque d'entraîner une déviance de l'attirance (Tahrîr ul-mar'a, 4/155-156 et 301-302). Par rapport à ces parties du corps là, le regard maîtrisé est donc "le regard neutre", et non pas forcément le regard baissé. Tout cela est vrai.

Par contre, en ce qui concerne d'autres parties corporelles, l'islam demande de systématiquement ne pas les regarder chez autrui, et ce, qu'on ressente alors de la délectation (shahwa) ou pas. Il s'agit d'une mesure de précaution, qui concerne ce qui est souvent objet d'attirance d'ordre corporel. L'ensemble de ces parties corporelles qu'une personne A ne doit ainsi pas regarder chez une personne B est nommé "'awra de B par rapport à A". Pour tout ce qui est "'awra" par rapport à soi, le regard maîtrisé est le regard baissé – la seule exception étant les cas de nécessité, comme une situation d'accident, ou une intervention chirurgicale, etc. (Tout ceci ne concerne bien entendu pas les époux entre eux, où aucune partie du corps n'a à être voilée des regards de l'autre. De même, en ce qui concerne les proches parents, la "'awra" est réduite.)

Parallèlement à cette demande de maîtriser son regard, et conformément au principe "Pour éviter les effets, évitons les causes", l'islam demande que l'on recouvre par des vêtements ces parties du corps susceptibles d'entraîner l'attirance. Ainsi, s'il est demandé à A de ne pas regarder ce qui, par rapport à lui, est "'awra" chez B, il est parallèlement demandé à B de revêtir sa "'awra" en présence de A. Il faut cependant préciser que le fait pour B de revêtir en présence de A ce que A ne doit pas regarder concerne ceux et celles qui ont accepté l'éthique musulmane parce qu'ils ont accepté la foi musulmane : d'après l'un des avis existants, même en pays musulmans, si les musulmans ne doivent pas porter de regard déplacé sur les attraits des non-musulmanes, ces dernières n'ont pas l'obligation religieuse de couvrir leur chevelure en public (elles doivent cependant respecter le cadre publique en vigueur dans ces pays et porter donc des vêtements plus amples que ceux qui sont parfois portés dans les pays occidentaux).

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Quatrième point :

Une question demeure ici, c'est celle que vous avez posée : Pourquoi la 'awra de la femme est-elle plus grande que celle de l'homme ? Autrement dit, pourquoi l'islam demande-t-il à la femme de dissimuler des regards de ceux qui ne sont ni son mari ni ses proches parents, une plus grande étendue corporelle que celle qu'il demande à l'homme de dissimuler devant toute personne n'étant pas son épouse ?

En islam, cette différence n'est pas due au fait que la femme serait assujettie à l'homme et qu'elle devrait l'exprimer par cette différence vestimentaire. (C'est là en fait ce que Paul de Tarse, lui, disait à propos du fait que la femme chrétienne doive recouvrir sa chevelure : cliquez ci-après pour en savoir plus à ce sujet : Le foulard musulman n'exprime pas la soumission de la femme).

En islam, cette différence est due d'une part à ce que Abû Chuqqa expose ainsi : "Dieu a créé le corps féminin en lui donnant certaines particularités par rapport à celui de l'homme. Le corps masculin est doté d'une "simplicité" qui fait que l'attirance charnelle qu'il éveille est d'ordre global, tandis que, chez le corps féminin, chaque partie possède son attirance. On peut d'ailleurs voir qu'aujourd'hui dans certains pays, l'homme se met en valeur en s'habillant, tandis que la femme se met en valeur en se déshabillant le plus possible, en exposant donc les attraits naturels de son corps" (d'après Tahrîr ul-mar'a, 4/22). Et d'autre part, au fait que, alors que la femme est plus sensible à l'affection, la gentillesse, l'humour, etc., l'homme, lui, est plus attiré par l'"image", par ce qu'il voit.

C'est bien à cause de ces deux facteurs que, dans la grande majorité des cas, ce sont les femmes qui se plaignent d'être mises mal à l'aise par les regards déplacés de certains hommes sur tel ou tel de leurs attraits. L'inverse peut être vrai, mais est beaucoup plus rare. On peut même dire qu'au contraire, les hommes, eux, sont dans la majorité des cas fiers et heureux de se voir être l'objet de regards féminins !

Dieu a cité tous ces enseignements – les regards furtifs, la purification du cœur, la maîtrise du regard, la nécessité de se vêtir – dans le Coran. Dans un verset, Il dit ainsi : "(Dieu) connaît les regards traîtres ainsi que ce que recèlent les cœurs" (Coran 40/19). Commentant ce verset, Ibn Abbâs dit : "Il s'agit de l'homme qui regarde les attraits d'une femme lorsqu'elle passe près de lui ou lorsqu'il entre dans un lieu où elle se trouve. Puis, lorsqu'on remarque ce qu'il fait, il baisse son regard. Dieu sait que cet homme voudrait pouvoir regarder des parties plus intimes de cette femme..." (Fat'h ul-bârî, 10/13). Et, dans deux autres versets qui se font suite, Dieu dit, s'adressant d'abord aux croyants, ensuite aux croyantes : "Dis aux croyants de baisser de leur regard et de rester chastes. C'est là cause de plus de pureté pour eux. Dieu sait ce qu'ils font. Et dis aux croyantes de baisser de leur regard, de rester chastes, de ne montrer de leurs attraits que ce qu'il paraît et de rabattre leur foulard sur leur poitrine…" (Coran 24/29-30).

Et à toute femme – qu'elle soit d'Occident ou d'Orient – qui se plaint de regards masculins posés sur telle ou telle partie de son anatomie, le message de l'islam est en quelque sorte : "Vos complaintes sont tout à fait compréhensibles. Et rien ne justifie ces regards déplacés venant des hommes, car il est demandé de façon obligatoire à ces derniers de maîtriser leur regard et de purifier leur cœur. Mais vous savez comment sont les hommes ! Alors, pour éviter les effets, évitez-en les causes : habillez-vous avec des vêtements moins courts et moins moulants." Car c'est là un des objectifs de la tenue que l'islam propose à la femme : protéger ses attraits personnels des regards qui peuvent être de délectation (taladhdhudh). D'une façon plus générale, la femme rappelle et exprime ainsi la dimension sacrée de son être, qui n'est pas réductible à "un corps" et aux attraits de celui-ci.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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