L'inspiration (ilhâm) que reçoivent des hommes pieux

L'ilhâm (inspiration que reçoit un homme qui n'est pas prophète) est quelque chose dont le Prophète (sur lui la paix) a parlé ainsi : "Il y avait, dans les peuples qui étaient avant vous, des hommes qui étaient inspirés (muhaddathûn). S'il y en a dans cette Umma, c'est bien Omar" (al-Bukhârî).

Certains voient dans cette parole la preuve qu'il y a bien en islam une connaissance cachée, différente de celle que présentent le Coran et les Hadîths, et accessible aux hommes pieux. Est-ce vrai ?

Ce qui est important ici, c'est de comprendre quel est, en islam, le domaine d'application de l'inspiration, et, surtout, quelle est la relation entre inspiration (ilhâm) et révélation (wahy, que reçoivent uniquement les prophètes).

Sur ce dernier point, il faut savoir que jamais l'inspiration (ilhâm) ne peut avoir priorité sur la révélation (wahy), donc sur une donnée du Coran ou d'un hadîth du Prophète. D'une part car, par la révélation, Dieu a communiqué aux hommes les croyances et les règles pour le culte qu'ils Lui rendent comme pour leurs relations sociales. D'autre part car un homme qui n'est pas prophète, aussi pieux soit-il, peut se tromper et prendre pour "inspiration" ce qui n'est en fait que le produit de son imagination. Et comment un musulman pourrait-il faire passer ce que lui ou un homme pieux pense recevoir en son cœur, avant ce dont il est persuadé que Dieu a révélé à son Messager ou que ce Messager a dit ?

D'ailleurs Omar ibn ul-Khattâb lui-même, dont le Prophète (sur lui la paix) a dit dans ce Hadîth qu'il recevait des inspirations, donnait toujours priorité aux données de la révélation (wahy) sur celles de l'inspiration (ilhâm). C'est bien pourquoi il avait fait une recherche auprès des autres Compagnons afin de savoir si le Prophète avait laissé un hadîth au sujet du dédommagement qu'un homme doit donner quand il a été la cause involontaire de la perte d'un fœtus (imlâs ul-mar'a) (al-Bukhârî). C'est aussi pourquoi, une autre fois, lorsque Abû Mussâ al-Ash'arî lui avait rapporté ce Hadîth du Prophète "La permission d'entrer doit être demandée trois fois ; si on te la donne (tant mieux), sinon retourne", il avait exigé le témoignage d'un autre Compagnon ayant entendu du Prophète cette parole, et ce afin d'enseigner aux musulmans la recherche de l'authenticité dans les Hadîths ; et quand Abû Sa'îd témoigna avoir lui aussi entendu ce propos de la bouche du Messager de Dieu, Omar fit cette remarque : "J'ai dû manquer cette parole lorsque j'étais occupé à faire du commerce !" (al-Bukhârî). Mais jamais il ne déclara que ses inspirations, dont le Prophète lui-même avait dit qu'il en recevait, lui permettaient de se passer de paroles du Prophète (sur lui la paix).

Ceci nous amène à tenter de cerner le domaine d'application d'une inspiration : elle ne pourra jamais instituer une règle (hukm), c'est-à-dire un caractère obligatoire, recommandé, permis, déconseillé ou interdit. Tout au plus pourra-t-elle être utilisée par celui qui la reçoit :
1) de façon personnelle, et non pas pour les autres personnes ;
2) tout en gardant à l'esprit le fait que cette pensée peut n'être qu'un produit de sa propre imagination, et non une authentique inspiration ;
3) pour choisir entre deux solutions qui sont autorisées (jâ'ïz) par le Coran et les hadîths (car si la donnée de l'inspiration demande l'accomplissement d'un acte interdit par le Coran ou un hadîth, elle ne peut être acceptée) ;
4) dans un domaine dont chaque élément n'est pas réservé aux deux sources du Coran et des Hadîths (comme le sont les domaines des croyances et de ce qui est purement cultuel).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

A lire :Y a-t-il une connaissance cachée en islam ?

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