Quelques points complémentaires à propos du concept d'adoration de Dieu

Les lignes qui suivent constituent un complément de l'article "Le concept de l'adoration de Dieu en islam"

1) Qu'est-ce qui relève de l'adoration de Dieu ?

"L'adoration de Dieu est un terme général qui désigne (la pratique de) tout ce que Dieu agrée, qu'il s'agisse de paroles ou d'actes, et que ceux-ci soient extérieurs ou intérieurs" (Al-'Ubûdiyya, p. 23). Sont donc susceptibles de relever de l'adoration de Dieu – ou, au contraire, de Sa non-adoration – non pas seulement les rituels, mais aussi les actes quotidiens que l'on fait, les croyances que l'on a adoptées, les intentions que l'on a, ses pensées volontaires et ses paroles.

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2) C'est le fait de pratiquer ce que Dieu a rendu obligatoire ou recommandé qui constitue l'adoration de Dieu :

"L'adoration de Dieu ne se fait que par ce qui est obligatoire ou recommandé" (Qâ'ïda jalîla fi-t-tawassul wa-l-wassîla, p. 124), qu'il s'agisse de croyances, de pensées volontaires, de paroles ou d'actes.

Cliquez ici pour découvrir les classifications des différents caractères juridiques (obligatoire / recommandé / autorisé / déconseillé / interdit).

Point complémentaire 2.a : Etre "obligatoire ou recommandé" suppose "être conforme à ce que Dieu agrée" : il s'agit donc de la fidélité aux sources.

Point complémentaire 2.b : Il faut aussi, pour qu'un acte soit compté auprès de Dieu comme adoration de Dieu, que cela soit fait avec sincérité pour Lui (cliquez ici).

La nécessité de ces deux points – la fidélité à l'enseignement des sources et la sincérité – pour qu'un acte soit compté comme adoration de Dieu peut être résumée en une formule reprenant ce que le soufi Fudhayl ibn 'Iyâdh a dit : il faut, pour qu'elle soit vertueuse, que l'action soit conforme et sincère ("ahsanu 'amalan : ay aswabah wa akhlassah").

Point complémentaire 2.c : Se préserver de ce qui est interdit est également obligatoire ; se préserver de ce qui est déconseillé est aussi recommandé. En effet, quand un texte dit d'une croyance ou d'une action qu'elle est obligatoire, cela implique bien entendu qu'il est interdit de ne pas l'adopter ou l'accomplir. Et quand un texte dit d'un acte qu'il est interdit, cela entraîne qu'il est obligatoire de s'en abstenir (c'est l'avis de l'école hanafite - Nûr ul-anwâr, p. 169 - ainsi que d'autres écoles, dont on peut voir une liste dans Nazariyyat ul-maqâssid 'inda-l-imâm-ish-shâtibî, p. 241). Dès lors, quand on dit qu'on n'adore Dieu que par le fait de mettre en pratique ce qui est obligatoire et recommandé, cela implique également le fait de se préserver de ce qui est interdit et déconseillé.

Point complémentaire 2.d : L'acte ta'abbudî mustahabb (recommandé) peut ne pas être pratiqué, mais doit toujours être considéré comme étant recommandé...
En effet, les éléments ta'abbudî qui sont recommandés (mustahabb) ne sont bien évidemment pas obligatoires à mettre en pratique. Cependant, les considérer comme étant recommandés est, lui, obligatoire ("'aqîdatu-stihbâbihî wâjib" : Ussûl ul-fiqh il-islâmî, 1/77-78 ; "[bardh] umûré dîniyya mein ittibâ' ['amalî] wâjib nahîn, jayssé nawâfil mein", lêkin har "amré dînî mein ek ittibâ' mutlaqan wâjib hé, ya'nî i'tiqâd" : Bayân ul-qur'ân 9/53). Ainsi, commencer par le côté droit tout acte noble est ta'abbudî mustahabb (cf. Riyâdh us-sâlihîn, chapitre 95) ; si un musulman s'habille en commençant du côté gauche, il ne fait donc rien d'interdit ; cependant, il est nécessaire que ce musulman garde quand même comme croyance que s'habiller en commençant du côté droit est mieux car mustahabb. Le fait est que le musulman considère nécessaire d'accepter le message du Prophète, et que cet acte – fût-il seulement recommandé – relève lui aussi du message, puisque ta'abbudî. Et l'acceptation ("taslîm") se fait obligatoirement – nous parlons d'une obligation au niveau de la relation entre Dieu et l'individu – au niveau de la considération ("croyance"), même si le fait de pratiquer cet acte n'est pas obligatoire entre Dieu et l'individu.
La même chose peut être dite à propos du caractère opposé : si un musulman fait en connaissance de cause ce que les sources premières ont déclaré "légèrement déconseillé" (mak'rûh tanzîhî), il ne fait aucun péché (il n'y a même pas de 'itâb : cliquez ici et ici pour en savoir plus) ; ce qui est cependant nécessaire c'est qu'il garde comme considération qu'il s'agit d'un acte qualifié de déconseillé par les sources.

Point complémentaire 2.e : Les actions purement autorisées (mubâh) ne rapprochent pas en elles-mêmes de Dieu ; il faut une intention particulière pour que faire une action mubâh constitue de l'adoration de Dieu. Cliquez ici pour en savoir plus.

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3) Les éléments ta'abbudî sont parfois des règles détaillées, mais d'autres fois des principes, qui sont plus généraux :

Nous savons que dans le domaine des actions temporelles ('âdât), du moment que l'on tient compte des éléments ta'abbudî, on peut avoir recours à d'autres formes que celles communiquées par les sunna 'âdiyya. Cependant il faut bien comprendre que ces "éléments ta'abbudî" sont constituées d'une part de règles détaillées, mais aussi, d'autre part, de règles plusgénérales.

J'entends par "règle détaillée" la norme traitant d'un éléments ou d'un point particulier et précis (hukm juz'î). Et par "règle générale", j'entends une orientation générale donnée explicitement dans le Coran ou la Sunna (hukm kullî) (cliquez ici et ici). Ces deux règles demeurent malgré tout ta'abbudî.

Ainsi, l'interdiction de porter la nourriture à sa bouche par le moyen de sa main gauche, de manger et de boire dans ou par le moyen d'ustensiles en or ou en argent, de manger comme un glouton, les règles de la recommandation de prononcer le Nom de Dieu au début du repas, de remercier Dieu à la fin, etc. concernent toutes des éléments particuliers (ajzâ') et constituent donc ce que j'appelle "des règles détaillées" (ahkâm mansûs 'alayhâ, juz'iyya).

A la différence de l'enseignement du Prophète mettant en avant la simplicité et la frugalité dans le mode et le niveau de vie du musulman, et que j'appelle "une règle générale" car cet enseignement consiste en une orientation générale ; ici, le Prophète n'a pas détaillé qu'est-ce que la simplicité, qu'est-ce que la frugalité... En fait il est bien connu que, à la différence de celle d'une règle détaillée, traitant d'un élément particulier, les modalités de l'application d'une règle générale ne sont pas déterminées par nos textes, et dépendent de l'usage ('urf) du lieu dans lequel le musulman vit.

Aussi, à côté du fait que l'on peut tenir compte – dans les éléments purement 'adî s'entend – des coutumes du pays où l'on vit, on doit aussi tenir compte des règles ta'abbudî juz'î, mais on doit aussi pratiquer les règles ta'abbudî kullî, soit les règles générales. Et à propos de la façon de manger, de boire et de se vêtir, une de ces règles générales est la simplicité, qu'il convient de vivre de façon liée au contexte.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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