Quelle différence entre les cas de "légitime défense" ("دَفْعُ الصائل", littéralement : "repousser l'agresseur"), la guerre civile ("قتال الفتنة"), et le fait de combattre les insurgés ("قتال البغاة الخارجين على الأمير") ?

Il existe en fait plusieurs cas de figure :

1) "المحاربة والسعي في الأرض فسادًا" : le fait de pratiquer le grand banditisme ;
2) "البغي على الأمير", c'est-à-dire "الخروج على الأمير لخلعه" : le fait pour un groupe de faire une insurrection armée contre celui qui dispose de l'autorité publique sur lui, pour un motif qui existe mais n'est pas reconnu shar'an pour déclencher cette insurrection : par exemple au motif que ce dirigeant est injuste (jâ'ïr), ou bien ne suit pas la Sunna du Prophète (sur lui soit la paix) en matière de conduite personnelle du dirigeant ;
- 3) "الامتناع بشكل طائفي عن شريعة من شرائع الإسلام" : le fait pour un groupe de refuser collectivement de pratiquer une action connue de l'islam (comme les Mâni'u-z-zakât de l'époque de Abû Bakr, et les Harûriyyûn de l'époque de 'Alî) ;
- 4) "اقتتال رجلين أو طائفتين لغرض دنيويّ" ; par exemple un duel entre deux hommes décidant de s'affronter jusqu'à la mort pour une conquête féminine qui n'est l'épouse d'aucun d'eux ;
- 5) "صولة رجلٍ أو طائفةٍ على رجلٍ أو طائفةٍ" : l'attaque d'un homme / d'un groupe contre un autre par violence gratuite, ou pour ensuite le voler, ou toute autre raison qui n'est pas reconnue shar'an ;

- 6) "قتال الفتنة", le qitâl ul-l-fitna, où :
----- 6.1) soit l'autorité publique s'est mise à combattre une tâ'ïfa (groupe) sur la base d'une raison qui, en réalité, est une khata' qat'î ijtihadî, et cette tâ'ïfa ne faisait alors au début que repousser - légalement - l'attaque injuste qu'elle subissait de la part de l'autorité (soit un cas 7 de sa part, au début), cependant, ensuite cela s'est mué en affrontement prolongé entre l'autorité publique et cette tâ'ïfa ;
----- 6.2) soit deux groupes s'affrontent, chacun sur la base d'une raison qui, en réalité, est une khata' qat'î ijtihadî ;
----- 6.3) soit l'affaire est complexe au point que l'on ne peut pas distinguer qui est dans le vrai et qui est dans le faux ;

- 7) "دفع الفردِ أو الطائفةِ الصائلَ عليه" : le fait pour un homme / un groupe de se défendre contre un individu / un groupe qui se trouve dans le cas 5 et qui, donc, l'attaque ;
- 8) "قتال الأميرِ الطائفةَ التي تقاتل طائفة أخرى ظلمًا وعدوانًا، وتأبى من الإصلاح والفيئة" : le fait pour l'autorité publique d'intervenir pour mettre fin à l'agression injustifiée d'un groupe sur un autre (le cas 4, ou certains sous-cas du 6), les deux étant sous son autorité ;
- 9) "قتال الأميرِ الطائفةَ التي امتنعت من الالتزام بشريعة من شرائع الإسلام وتهيئت لقتاله" : le fait pour l'autorité publique de combattre le groupe se trouvant dans le cas 3 et qui s'apprête concrètement à la combattre ;
- 10) "قتال الأميرِ الطائفةَ التي خرجت تروم خلعه" : le fait pour l'autorité légitime en place de repousser le groupe qui se trouve dans le cas 2 et cherche donc à la renverser : il s'agit, de la part de ce amîr, d'une forme de 7 : daf' us-sâ'ïl (c'est bien pourquoi l'autorité ne doit alors pas poursuivre les fuyards ni achever les blessés) ;
- 11) "قتال الأميرِ المحاربين الساعين في الأرض فسادًا" : le fait pour l'autorité publique de combattre le grand banditisme, donc le 1
.

-
A propos de ces différents cas :

Les cas 1, 2, 3, 4 et 5 sont bien sûr strictement interdits.

Se joindre à un cas 6 alors qu'on sait qu'il s'agit d'une qitâlu fitna est également interdit. "عن أبي ذر، قال: ركب رسول الله صلى الله عليه وسلم حمارا وأردفني خلفه، وقال: "يا أبا ذر، أرأيت إن أصاب الناس جوع شديد لا تستطيع أن تقوم من فراشك إلى مسجدك، كيف تصنع؟" قال: الله ورسوله أعلم. قال: "تعفف". قال: "يا أبا ذر، أرأيت إن أصاب الناس موت شديد يكون البيت فيه بالعبد - يعني القبر -، كيف تصنع؟ " قلت: الله ورسوله أعلم. قال: "اصبر". قال: "يا أبا ذر، أرأيت إن قتل الناس بعضهم بعضا، يعني حتى تغرق حجارة الزيت من الدماء، كيف تصنع؟" قال: الله ورسوله أعلم. قال: "اقعد في بيتك، وأغلق عليك بابك". قال: فإن لم أُترَك؟ قال: "فأت من أنت منهم، فكن فيهم". قال: فآخذ سلاحي؟ قال: "إذن تشاركهم فيما هم فيه! ولكن إن خشيت أن يروعك شعاع السيف، فألق طرف ردائك على وجهك حتى يبوء بإثمه وإثمك" (Ahmad, 21325). "قعن أبي ذر قال قال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: يا أبا ذر! قلت: "لبيك يا رسول الله وسعديك" فذكر الحديث قال فيه: "كيف أنت إذا أصاب الناس موت يكون البيت فيه بالوصيف يعني القبر؟" قلت: الله ورسوله أعلم، أو قال: ما خار الله لي ورسوله! قال: عليك بالصبر، أو قال: تصبر. ثم قال لي: يا أبا ذر! قلت: لبيك وسعديك. قال: كيف أنت إذا رأيت أحجار الزيت قد غرقت بالدم؟ قلت: ما خار الله لي ورسوله! قال: عليك بمن أنت منه. قلت: يا رسول الله أفلا آخذ سيفي وأضعه على عاتقي؟ قال: شاركت القوم إذن! قلت: فما تأمرني؟ قال: تلزم بيتك. قلت: فإن دخل علي بيتي؟ قال: فإن خشيت أن يبهرك شعاع السيف فألق ثوبك على وجهك يبوء بإثمك وإثمه" (Abû Dâoûd, 4261).
Ainsi, les qitâl de Jamal et de Siffîn furent deux qitâlu fitna.
Mu'âwiya fit une khata' ijtihâdî en refusant de se soumettre à l'autorité califale de Alî ; ensuite Ali fit une khata' ijtihâdî en marchant contre Mu'âwiya ; ensuite ce dernier fit une khata' ijtihâdî en marchant lui aussi à sa rencontre ; et, s'étant rencontrés à Siffîn, ils ne réussirent pas à trouver d'accord ; ce fut alors le début de combats. Simplement, le péché est suspendu de ce cas 6 lorsqu'il y a vraiment khata' ijtihâdî. Lire : Chaque croyance pure, ainsi que le statut de chaque action, cela est fixe (muta'ayyan) auprès de Dieu. Le ijtihad consiste à faire l'effort de trouver cela, éventuellement en interaction avec le Réel.

Ce sont les cas 4 et 6 qui sont concernés par ces hadîths : Ainsi que par les hadîths : "Celui qui dégaine l'arme contre nous ne fait pas partie des nôtres" : "عن عبد الله بن عمر، رضي الله عنهما، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "من حمل علينا السلاح فليس منا" (al-Bukhârî, 6480, Muslim, 98) ; "عن أبي موسى، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "من حمل علينا السلاح فليس منا" (al-Bukhârî, 6660, Muslim, 100) ; "عن أبي موسى الأشعري قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من شهر علينا السلاح فليس منا" (Ibn Mâja, 2577).
Ainsi que par ce célèbre hadîth : "عن أبي بكرة قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: إذا التقى المسلمان بسيفيهما فالقاتل والمقتول في النار. فقلت: يا رسول الله هذا القاتل، فما بال المقتول؟ قال: إنه كان حريصا على قتل صاحبه" : "Lorsque deux musulmans se rencontrent avec leur sabre, celui (des deux) qui aura tué (l'autre) ainsi que celui (des deux) qui aura été tué seront dans le Feu". Abû Bakra s'en étonna : "Celui qui a tué (je comprends), mais pourquoi aussi celui qui a été tué ?" ; le Prophète expliqua : "Il voulait tuer l'autre" (al-Bukhârî, 31, Muslim, 2888).
("وقال الخطابي: هذا الوعيد لمن قاتل على عداوة دنيوية أو طلب ملك مثلا. فأما من قاتل أهل البغي أو دفع الصائل فقتل، فلا يدخل في هذا الوعيد، لأنه مأذون له في القتال شرعا" : FB 12 ; par ailleurs, même dans ces cas autorisés, 7, 8 et 10, ici évoqués par al-Khattabî, s'il peut certes arriver que la personne se trouvant alors dans son bon droit de combattre l'autre soit amené à ôter la vie de cet autre, ce ne peut être qu'en dernier recours, et pas être son objectif dès le départ ; il n'est donc pas dans le cas de figure évoqué à la fin de ce hadîth de Abû Bak'ra : "il voulait tuer l'autre".)

Le cas 7 est comme suit : L'islam enseigne qu'il est légal (mashrû') à l'individu de défendre sa personne, sa famille et ses biens lorsque quelque chose de ceux-ci est agressé et qu'il n'y a pas moyen de faire autrement ('udwânan wa zulman, c'est-à-dire : le cas 5) ; il ne s'agit pas de tuer l'agresseur, mais de repousser son agression pour faire cesser celle-ci. Nous allons y revenir de façon plus détaillée.

Le cas 8 est aussi une forme de daf' us-sâ'ïl, sauf que c'est l'autorité publique qui repousse l'agression qu'un second groupe commet sur un groupe tiers.

Le cas 9 est lui aussi une forme de daf' us-sâ'ïl, mais de la part de l'autorité publique : c'est cette dernière qui repousse l'agression qu'un groupe commet sur elle.

Le cas 10 est encore une forme de daf' us-sâ'ïl de la part de l'autorité. C'est ce cas de figure 10 qui est concerné par les hadîths suivants : [l'application concrète demande bien sûr que cela n'entraîne pas une plus grande mafsada] : --- "عن عرفجة قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم، يقول: "إنه ستكون هنات وهنات، فمن أراد أن يفرق أمر هذه الأمة وهي جميع، فاضربوه بالسيف، كائنا من كان" (Muslim, 1852/59) : "أي ادفعوا من خرج علي الإمام بالسيف، وإن كان أشرف وأعلم، وترون أنه أحق وأولي" (Shar'h ul-mishkât, at-Tîbî, sur 3677). --- "عن عبد الله بن عمرو بن العاص قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: (...) ومن بايع إماما فأعطاه صفقة يده، وثمرة قلبه، فليطعه إن استطاع؛ فإن جاء آخر ينازعه، فاضربوا عنق الآخر" (Muslim, 1844) : "فإن جاء آخر ينازعه، فاضربوا عنق الآخر": معناه: ادفعوا الثاني فإنه خارج على الإمام؛ فإن لم يندفع إلا بحرب وقتال فقاتلوه؛ فإن دعت المقاتلة إلى قتله، جاز قتله ولا ضمان فيه لأنه ظالم متعد في قتاله" (Shar'h Muslim, an-Nawawî, 12/234).

Le cas 11 est institué.

Les cas 10 et 11 ont été évoqués dans notre article : Le "nah'y 'an il-munkar" fait par l'autorité par rapport à la "tâ'ïfa mumtani'a" (الطائفة الممتنعة) (II).

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On notera que :

- dans le cas 2, c'est sur la base d'une shub'ha mu'tabara que la tâ'ïfa fait l'insurrection contre l'autorité (sinon la tâ'ïfa serait dans le cas 1) ;
- et dans l'un des sous-cas du cas 6 aussi (le 6.2), au début c'est sur la base d'une shub'ha mu'tabara que l'autorité se met à combattre la tâ'ïfa.

Et que :
- dans le cas 2, si l'autorité se défend alors contre la ta'ïfa qui l'attaque, on assiste à un cas de simple daf' us-sâ'ïl (7) de la part de l'autorité ;
- dans le sous-cas 6.2 aussi, si la tâ'ïfa se défend alors contre l'autorité qui l'attaque, on assiste au début à un cas de simple daf' us-sâ'ïl (7) de la part de cette tâ'ïfa.

Cependant, dans ces deux cas 2 et 6.2, il peut arriver que le daf' us-sâ'ïl se transforme, s'il s'ensuit un conflit qui perdure et s'enlise, en qitâlu fitna (6).

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Le cas 7 : repousser celui qui vient, sans raison reconnue shar'an, nous agresser (دفع الصائل) (et, qui, lui, se trouve donc dans le cas 5) :

Il est alors légal (mashrû') de repousser l'agresseur par le moindre moyen qui fera cesser son agression (bi as'hali mâ yumkinu daf'uhû bihî) : c'est-à-dire que le cambrioleur, il n'est pas autorisé de prendre les armes pour le tuer : il s'agit de le repousser par le moindre moyen qui lui fera cesser la violation de domicile (Al-Mughnî 12/473).

Un célèbre hadîth dit ainsi : "عن أبي هريرة، قال: جاء رجل إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال: يا رسول الله، أرأيت إن جاء رجل يريد أخذ مالي؟ قال: فلا تعطه مالك. قال: أرأيت إن قاتلني؟ قال: قاتله. قال: أرأيت إن قتلني؟ قال: فأنت شهيد. قال: أرأيت إن قتلته؟ قال: هو في النار" : "Messager de Dieu, vois-tu s'il vient un homme voulant prendre mon bien matériel ? - Eh bien ne lui donne pas ton bien. - Vois-tu s'il me combat (alors, pour me prendre mon bien) ? - Eh bien combats-le. - Vois-tu s'il me tue (alors) ? - Eh bien tu es martyr. - Vois-tu si (c'est) moi (qui, en faisant face à son attaque et donc par légitime défense) ? - Il sera dans le Feu" (Muslim, 140).
On note que d'après la majorité des ulémas, l'impératif ici employé ("combats-le") n'induit pas une obligation, mais une autorisation (jawâz), car il est mieux de ne pas combattre pour défendre un bien matériel : mieux vaut perdre un bien matériel que de risquer sa vie à le défendre.

Au-delà de cette légalité (mashrû'iyya) de repousser l'agression, est-ce que ce repoussement est :
- obligatoire ?
- seulement recommandé ?
- seulement autorisé (jâ'ïz) ?

Il y a divergence entre les ulémas sur le sujet.

En fait cela dépend :
--- a) d'abord de déterminer à quoi l'agresseur cherche-t-il à s'en prendre : est-ce à la vie ou l'intégrité physique de la victime, est-ce à son bien matériel, est-ce à ses parties intimes (tentative de viol), est-ce à l'intégrité physique de sa famille ?
--- b) ensuite, s'il s'en prend à l'intégrité physique de la victime, de vérifier quelle est la situation : est-ce une situation de qitâlu fitna, ou pas ?

--- a) Nous avons déjà dit que repousser une attaque faite sur son bien matériel est seulement autorisé (jâ'ïz), et pas obligatoire.

--- b) Par ailleurs - et nous l'avons déjà dit aussi -, pour toute occasion qui s'avère être une qitâlu fitna (cas 6), il est interdit de se joindre à l'un ou l'autre groupe. "قعن أبي ذر قال قال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: يا أبا ذر! قلت: لبيك يا رسول الله وسعديك فذكر الحديث قال فيه: كيف أنت إذا أصاب الناس موت يكون البيت فيه بالوصيف يعني القبر؟ قلت: الله ورسوله أعلم أو قال ما خار الله لي ورسوله! قال: عليك بالصبر أو قال تصبر. ثم قال لي: يا أبا ذر! قلت: لبيك وسعديك. قال: كيف أنت إذا رأيت أحجار الزيت قد غرقت بالدم؟ قلت: ما خار الله لي ورسوله! قال: عليك بمن أنت منه. قلت: يا رسول الله أفلا آخذ سيفي وأضعه على عاتقي؟ قال: شاركت القوم إذن! قلت: فما تأمرني؟ قال: تلزم بيتك. قلت: فإن دخل علي بيتي؟ قال: فإن خشيت أن يبهرك شعاع السيف فألق ثوبك على وجهك يبوء بإثمك وإثمه" (Abû Dâoûd, 4261). Cependant, Ibn Omar et 'Imrân ibn ul-Hussein interdisaient eux aussi une telle participation, mais disaient par ailleurs que si, malgré tout, en pareille situation, si quelqu'un vient s'en prendre à la vie d'une personne restée neutre, il est autorisé (jâ'ïz) à celle-ci de se défendre : "وقد اختلف العلماء فى قتال الفتنة. فقالت طائفة: لايقاتل فى فتن المسلمين، وان دخلوا عليه بيته وطلبوا قتله فلا يجوز له المدافعة عن نفسه لأن الطالب متأول؛ وهذا مذهب أبى بكرة الصحابى رضى الله عنه وغيره. وقال ابن عمر وعمران بن الحصين رضى الله عنهم وغيرهما: لا يدخل فيها، لكن ان قصد دفع عن نفسه. فهذان المذهبان متفقان على ترك الدخول فى جميع فتن الاسلام" (Shar'h Muslim 18/10). Il s'agit seulement, même alors, de repousser l'agresseur ; et pas de chercher à le renverser s'il s'agit de l'autorité publique.

Mais pourquoi seulement "autorisé", alors ?
Parce qu'il demeure recommandé, alors, de ne même pas se défendre, comme cela est dit dans les 2 hadiths suivants : "قعن أبي ذر قال قال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: يا أبا ذر! قلت: لبيك يا رسول الله وسعديك فذكر الحديث قال فيه: كيف أنت إذا أصاب الناس موت يكون البيت فيه بالوصيف يعني القبر؟ قلت: الله ورسوله أعلم أو قال ما خار الله لي ورسوله! قال: عليك بالصبر أو قال تصبر. ثم قال لي: يا أبا ذر! قلت: لبيك وسعديك. قال: كيف أنت إذا رأيت أحجار الزيت قد غرقت بالدم؟ قلت: ما خار الله لي ورسوله! قال: عليك بمن أنت منه. قلت: يا رسول الله أفلا آخذ سيفي وأضعه على عاتقي؟ قال: شاركت القوم إذن! قلت: فما تأمرني؟ قال: تلزم بيتك. قلت: فإن دخل علي بيتي؟ قال: فإن خشيت أن يبهرك شعاع السيف فألق ثوبك على وجهك يبوء بإثمك وإثمه" (Abû Dâoûd, 4261). "عن ابي موسى الاشعري عن النبي صلى الله عليه وسلم انه قال :"إن بين يدي الساعة لفتنا كقطع الليل المظلم، يصبح الرجل فيها مؤمنا ويمسي كافرا، ويمسي مؤمنا ويصبح كافرا؛ القاعد فيها خير من القائم، والقائم خير من الماشي، والماشي خير من الساعي؛ كسروا قسيكم وقطعوا أوتاركم واضربوا بسيوفكم الحجارة؛ فإن دخل على أحد بيته، فليكن كخير ابني آدم" (Abû Dâoûd, 4259, at-Tirmidhî, 2204).

Ahmad ibn Hanbal a élargi ce caractère "autorisé mais mieux de ne pas faire" à tous les cas où l'agresseur est un musulman.
Abû Hanîfa, par contre, est d'avis que la règle normale est qu'il est obligatoire de défendre sa vie lorsque quelqu'un (quel qu'il soit) vient s'en prendre à elle, et que le caractère "autorisé mais mieux de ne pas faire" ne vaut exceptionnellement que pour le cas d'une qitâlu fitna.

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En tous cas, l'homme qui meurt en repoussant la personne qui agresse l'une des choses susmentionnées, alors même qu'il se trouvait dans une situation où cela est légal (mashrû'), celui-là meurt martyr (shahîd) :

Un hadîth dit ainsi : "عن سعيد بن زيد قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من قتل دون ماله فهو شهيد، ومن قتل دون دينه فهو شهيد، ومن قتل دون دمه فهو شهيد، ومن قتل دون أهله فهو شهيد" (at-Tirmidhî, 1421, Abû Dâoûd, an-Nassâ'ï).

Mais le musulman qui repousse ainsi l'agresseur, est-il dans le chemin de Dieu ?

Au sens particulier de la formule "fî sabîl-illâh" : Non, car c'est là une action à finalité Dunyawî, et non pas Dînî ; cependant, ce qu'il fait là est autorisé par sur le plan Dînî, et, s'il meurt en faisant ainsi, il meurt martyr (il s'agit du martyre au sens secondaire du terme).

Il faut cependant qu'il y ait réellement un agresseur, l'autre ne faisant que se défendre légitimement.

Parce que si tous deux : i) d'une part ont opté pour le fait de combattre l'autre, et ii) alors que d'autre part la raison pour laquelle ils combattent n'est pas reconnue par l'islam (bi ghayri mubarrir shar'î), c'est le propos de cet autre hadîth (déjà cité) qui s'applique alors : "عن أبي بكرة قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: إذا التقى المسلمان بسيفيهما فالقاتل والمقتول في النار. فقلت يا رسول الله هذا القاتل فما بال المقتول؟ قال: إنه كان حريصا على قتل صاحبه" : "Lorsque deux musulmans se rencontrent avec leur sabre, celui (des deux) qui aura tué (l'autre) ainsi que celui (des deux) qui aura été tué seront dans le Feu" (al-Bukhârî, 31, Muslim, 2888). Et cela revient alors au cas 5.

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Par contre, repousser l'envahisseur de la Dâr ul-islâm, cela n'est pas seulement autorisé, cela est un devoir, qui s'applique à chaque "envahi" en fonction des possibilités dont il dispose...
-
3 cas de figure existent ainsi quant au musulman de la Dâr ul-islâm dont la terre est envahie et qui lutte pour repousser l'envahisseur :

--- A) soit il lutte avec la perspective que c'est là une terre d'Islam, et donc une terre où c'est l'Islam qui est le référent : il lutte donc non pas seulement pour repousser l'envahisseur et préserver sa terre et ses biens, mais également pour préserver le fait que c'est l'Islam qui est le référent de sa terre ; celui-là est "dans le chemin de Dieu" ;
--- B) soit il lutte pour repousser, de la terre où il habite, l'agresseur, et ce :
----- B.A) sans autre perspective ; ce musulman-là n'est pas dans le chemin de Dieu, et ce par rapport à l'absence d'intention à finalité de dîn, mais ce qu'il fait est malgré tout légal (mashrû') : il est dans un cas de pur "دَفْعُ الصائل", "repousser l'agresseur" (cas 7) ; s'il meurt lors de cet effort, il meurt martyr (à condition qu'il se trouve dans la disposition intérieure qui, dans notre article sur les intentions, a été numérotée "3.2" ou "4") ;
----- B.B) avec, ensuite, le projet d'établir autre chose que l'Islam comme référent sur cette terre, là son intention est mauvaise.

En l'an 3 de l'hégire, aux Hypocrites (en apparence c'étaient aussi des Musulmans) qui s'en retournaient pour ne pas combattre l'agresseur mecquois arrivé aux portes de Médine, quelqu'un alla leur dire ce que Dieu relata plus tard ainsi :
"وَقِيلَ لَهُمْ تَعَالَوْاْ قَاتِلُواْ فِي سَبِيلِ اللّهِ أَوِ ادْفَعُواْ"
:
"Et il leur a été dit : "Venez, combattez dans le chemin de Dieu, ou (au moins) repoussez !""
(Coran 3/167).
Il s'agit bien des deux cas de figure A et B.A : "Si vous ne repoussez pas ces agresseurs de cette terre pour la cause du Dîn, eh bien venez les repousser au moins de la terre où vous habitez, pour la cause du Dunyâ : par rapport à vos biens ; et surtout par rapport à vos épouses et filles, car celles-ci risquent, en cas de victoire de l'ennemi, d'être emportées en captives"... (c'est l'un des tafsîrs : cf. Zâd ul-massîr).

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Ecrits de 2 grands ulémas quant au fait de repousser l'agresseur d'une terre musulmane :

Ibn ul-'Uthaymîn écrit :
"قوله: "في سبيل الله": ضابطه أن يقاتل لتكون كلمة الله هي العليا، لا للحمية أو الوطنية أو ما أشبه ذلك. لكن إن قاتل وطنية وقصد حماية وطنه لكونه بلدا إسلاميا يجب الذود عنه، فهو في سبيل الله. وكذلك من قاتل دفاعا عن نفسه أو ماله أو أهله؛ فإن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "من قتل دون ذلك، فهو شهيد." فأما من قاتل للوطنية المحضة فليس في سبيل الله؛ لأن هذا قتال عصبية يستوي فيه المؤمن والكافر، فإن الكافر يقاتل من أجل وطنه" :
""Etre dans le chemin de Dieu" : le critère pour cela est que la lutte soit faite pour que la parole de Dieu soit la plus élevée, et pas par esprit de clan, par patriotisme ou chose semblable.
Mais si (le musulman) lutte par patriotisme en ayant l'objectif de défendre sa patrie parce que celle-ci est une terre musulmane qu'il faut défendre, alors il est (aussi) dans le chemin de Dieu.
De même en est-il de celui qui lutte pour défendre sa personne, ou ses biens, ou sa famille, car le Prophète, que Dieu le bénisse et le salue, a dit : "Celui qui est tué en défendant cela est martyr."
Quant à celui qui lutte par patriotisme pur, celui-là n'est pas dans le chemin de Dieu, car c'est là une lutte clanique, par rapport à laquelle il n'y a pas de différence entre un musulman et un non-musulman : ce dernier aussi lutte pour sa patrie"
(Al-Qawl ul-mufîd, p. 726).

Ibn ul-'Uthaymîn exprime le même propos par ces termes également :
"فإن قاتل لأجل الوطن: فمن قاتل لأنه وطن إسلامي تجب حمايته وحماية المسلمين فيه، فهذه نية إسلامية صحيحة. وإن كان للقومية أو الوطنية فقط، فهو حمية وليس في سبيل الله. وقوله: "في سبيل الله": تشمل النية والعمل. فالنية: سبقت. والعمل: أن يكون الغزو في إطار دينه وشريعته، فيكون حسبما رسمه الشارع" : ici il dit de plus que pour être dans le chemin de Dieu il faut que la lutte soit également menée dans le cadre de ce que la Shar' a tracé (Ibid., p. 1067).

Al-Qaradhâwî écrit quant à lui :
"وإذا كان جهاد الصحابة والتابعين من أجل دعوة الإسلام [لإزالة القوى الطاغية المتجبرة التي صدت عن سبيل الله بالعنف، وقاومت دعوةَ الله بالسيف، وقتلَتْ دُعاتَها بالظلم والغدر]، فإن جهاد نور الدين وصلاح الدين وقطز من أجل دار الإسلام. والجهاد كما يفرض لحماية العقيدة الإسلامية، يفرض لحماية الأرض الإسلامية. والعقيدة الإسلامية كالأرض الإسلامية، كلتاهما يجب أن تحفظ وتصان من كل عدوان. وإنما نزلت الأرض هذه المنزلة وجعل الدفاع عنها عبادة وفريضة مقدسة، لأنها "دار الإسلام" وحماه ووعاؤه، لا مجرد أنها أرض الآباء والأجداد. فالمسلم قد يهجر وطن آبائه وأجداده، على حبه له وتعلقه به، إذا لم يكن للإسلام فيه راية ترفع ولا كلمة تسمع؛ كما فعل الرسول وأصحابه حين تركوا مكة مهاجرين في سبيل الله" :
"Et si la lutte (armée) qu'ont menée les Compagnons et leurs Suivants était pour la cause de la Da'wat ul-islâm (face à l'empêchement), la lutte de Nûr ud-dîn, de Salâh ud-dîn (Saladin) et de Qutuz était (quant à elle) pour la cause de la Dâr ul-islâm. Et comme la lutte a été instituée pour protéger la croyance musulmane, elle est instituée pour protéger la terre musulmane.
Croyance musulmane et Terre musulmane, toutes deux doivent être protégées de l'agression.
Si la terre a obtenu cette place, et si la défendre a été considéré comme un acte cultuel et un devoir sacré, c'est parce qu'elle est terre d'islam : son abri ; et pas parce qu'elle est seulement terre des pères et des grands-pères.
(Au contraire), il arrive que le musulman quitte la terre de ses pères et grands-pères, malgré toute l'affection qu'il lui porte et tout l'attachement qu'il éprouve pour elle, lorsque l'islam n'y a aucun étendard élevé ni parole écoutée. Comme le Messager (sur lui soit la paix) et ses Compagnons, quand ils ont quitté La Mecque, émigrant dans le chemin de Dieu"
(Fiqh uz-zakât, pp. 705-707). Voir aussi p. 941.

Les différents cas de lutte armée sont visibles, avec les versets coraniques, dans notre article : La paix est ce que nous souhaitons – Les différents cas de combat (défensif /offensif) évoqués dans le Coran : la lutte armée purement défensive (difâ') y est numérotée : B.1 ; et l'offensive (iqdâm) : B.5.
--- Ce que al-Qaradhâwî désigne ici par "la lutte (armée) qu'ont menée les Compagnons et leurs Suivants" relève du cas B.5, iqdâm,
--- et ce qu'il évoque comme "la lutte de Nûr ud-dîn, de Salâh ud-dîn (Saladin) et de Qutuz" constitue le cas B.1, difâ'.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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