Le "nah'y 'an il-munkar" fait par l'autorité par rapport à la "tâ'ïfa mumtani'a" (الطائفة الممتنعة) (II)

Cet article apporte un développement à la règle concernant la "tâ'ïfa mumtani'a" évoquée dans un autre article.

Le "groupe mumtani'" est de plusieurs types :

Soit le groupe se contente d'être dans le refus de quelque chose (G.A).
Soit il se trouve dans une posture où il combat (G.B).

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G.A) S'il est dans une posture de refus collectif, alors :
----- soit il a apostasié et refuse de revenir (G.A.1),
----- soit il refuse d'adhérer à l'orthodoxie dans la croyance (G.A.2),
----- soit il refuse de se conformer à quelque chose lié à la pratique dînî (G.A.3),
----- soit il refuse de reconnaître l'autorité de celui qui en est le détenteur (G.A.4).

G.B) Et s'il combat, alors :
----- soit il combat pour une cause dunyawî (
G.B.1),
----- soit il combat l'autorité en place pour un motif dînî (
G.B.2).

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Il y eut donc ainsi, d'une part :
G.A.1) les Murtaddûn établis en groupe ;
– G.A.2) les Kharijites, qui furent une Firqah dhâllah, et qui furent établis à l'époque de Alî (que Dieu l'agrée) en un groupe spatialement distinct, à Harûra ;
G.A.3) les Mâni'u-z-zakât, de même que les Ghayru muntahina 'an akh'dh ir-ribâ' : il s'agit des Mumtani'ûna 'an il-amali bi sharî'atin min sharâ'i' il-islam ;
– G.A.4) les Bughât bi bagh'yin mujarrad, ou al-Khârijûna 'an tâ'at il-amîr.

Et il y eut, d'autre part :
 G.B.1) les Muhâribûn wa sâ'ûn fi-l-ardhi fassâdan ;
– G.B.2) les Bughât khârijûn 'ala-l-amîr, yarûmûna khal'ahû, li ta'wîlin fâssid.

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Voici quelque développement au sujet de ces différents types :

G.B.1) Il y a ceux qui prennent les armes et sont dans la Muhâraba wa sa'y fi-l-ardhi fassâdan (المحاربة والسعي في الأرض فسادًا) (G.B.1: il s'agit de ceux dont les attaques :
--- sont menées contre les biens et/ou les personnes du commun des gens : pour que cela consiste en ce cas de figure, il faut qu'ils soient un groupe constitué et disposant d'une certaine force, qu'ils aient des armes (fussent-elles des bâtons d'après l'un des deux avis) et qu'ils agissent par la force (cf. Al-Mughnî 12/407-409 ; Ash-Shar'h ul-kabîr 12/407-408). (Le terme "sariqa" désigne quant à lui le fait de dérober de façon dissimulée quelque chose qui est gardé : cf. Al-Hidâya 2/356 ; Al-Mughnî 7/31, 12/323, 408) ;
--- ou bien sont menées contre le dirigeant mais sans que ce soit sur la base d'une ta'wîl sâ'ïgh : même s'ils disent agir au nom d'une règle dînî, cela est donc lui aussi considéré : "purement dunyawî" (لمنازعة في الملك من أجل الملك).
C'est (d'après ash-Shâfi'î, beaucoup de Hanbalites, un des deux avis relatés de Mâlik, al-Layth et al-Awzâ'ï) sans considération du lieu où cela se produit le désert ou la cité que ce cas de figure est concerné par la dénomination : "الَّذِينَ يُحَارِبُونَ اللّهَ وَرَسُولَهُ وَيَسْعَوْنَ فِي الأَرْضِ فَسَادًا" (Coran 5/33).
Ibn Hazm a fait un excellent développement permettant de bien cerner qui est le Muhârib visé dans ce verset (Al-Muhallâ, 12/272-288).
Des règles particulières à ce cas de figure G.B.1 existent en cas de repentir, elles figurent en Coran 5/34.
Par contre, ici, en cas d'arrestation sans repentir, les règles plus souples – d'interdiction de poursuivre les fuyards etc. – qui concernent le cas G.B.2 ne s'appliquent pas (
Al-Mughnî 12/71, 84). C'est pourquoi Ibn Taymiyya écrit des Mongols de Ghâzân venus envahir la Syrie à son époque que même s'ils prétendent agir pour le Dîn, ils ne peuvent pas être considérés comme des bughât 'ala-l-amîr bi bagh'yin mujarrad (avec les règles qui sont attachées à cette dénomination, notamment la règle de l'interdiction de poursuivre ceux d'entre eux qui fuient après avoir été combattus), car l'application de cette dénomination dépend de la présence d'une ta'wîl sâ'ïgh. Or l'invasion de la Syrie par les Mongols de Ghâzân ne repose sur aucune ta'wîl sâ'ïgh du point de vue de l'islam (MF 28/541-542) (lire notre article au sujet de ces Mongols).

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G.B.2) Et puis il y a le "Khurûj 'ala-l-amîr" (الخروج على الأمير) (G.B.2: il s'agit de "l'insurrection armée contre le dirigeant", et celle-ci est concernée par quelques hadîths, dont les 2 suivants : Salama ibn Yazîd demanda au Prophète (sur lui soit la paix) : "عن علقمة بن وائل الحضرمي، عن أبيه، قال: سأل سلمة بن يزيد الجعفي رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال: "يا نبي الله، أرأيت إن قامت علينا أمراء يسألونا حقهم ويمنعونا حقنا، فما تأمرنا؟" فأعرض عنه، ثم سأله، فأعرض عنه، ثم سأله في الثانية أو في الثالثة، فجذبه الأشعث بن قيس، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "اسمعوا وأطيعوا، فإنما عليهم ما حملوا، وعليكم ما حملتم" : "Prophète de Dieu, que faire si nous avons un jour des dirigeants qui réclament leur droit mais ne nous donnent pas le nôtre ? – Entendez et obéissez ; ils porteront leur péché et vous porterez le vôtre" (Muslim 1846/50). "عن أبي ذر قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "كيف أنتم وأئمة من بعدي يستأثرون بهذا الفيء؟" قلت: إذن والذي بعثك بالحق أضع سيفي على عاتقي ثم أضرب به حتى ألقاك، أو ألحقك، قال: "أولا أدلك على خير من ذلك تصبر حتى تلقاني" : "Comment serez-vous lorsque des dirigeants feront preuve de favoritisme à propos de (la répartition du) fay' ?" Abû Dharr dit alors : "Je mettrai alors mon épée sur mon épaule et frapperai jusqu'à ce que je vienne à ta rencontre [= je passe moi aussi de vie à trépas]. – Ne te montrerais-je pas ce qui est mieux que cela ? Tu feras preuve de patience jusqu'à venir à ma rencontre" (Abû Dâoûd 4759, dha'îf d'après al-Albânî) (voir MS 2/204, 346-347).
Nous avons parlé du caractère interdit de l'insurrection dans un autre article. L'insurgé est le "bâghî 'ala-l-amîr" (dont le pluriel est : "bughât 'ala-l-amîr bi bagh'yin mujarrad") (البغاة على الأمير). Il s'agit du groupe qui est insurgé contre le dirigeant, et ce sur la base d'une ta'wîl fâssid, erronée et fausse, mais dont on peut malgré tout dire qu'elle repose sur quelque chose digne de ce nom : il s'agit d'une ta'wîl sâ'ïgh (Al-Mughnî 12/71, 84). En fait, il s'agit du cas suivant : "لمنازعة في الملك، ولكنه غضبا للدين، من أجل جور الولاة، أو ترك عملهم بالسنة؛ وهذا ما فعله زيد بن زين العابدين، والنفس الزكية محمد بن عبد الله بن الحسن المثنى، وأخوه إبراهيم".
D'après al-Khallâl, même si ceux qui sont insurgés contre le dirigeant sur la base d'une ta'wîl sâ'ïgh sont seulement un petit groupe ne disposant pas de force, ils relèvent de ce cas de figure (et pas du cas ici désigné : "G.B.1") (Al-Mughnî, 12/66).

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G.A.4) Différent de ce G.B.2 (que nous venons de citer) est le "Khurûj 'an tâ'at il-amîr" (الخروج عن طاعة الأمير) (G.A.4), qui consiste à "refuser, pour tout un groupe localisé, de reconnaître l'autorité qui devrait être reconnue par eux (parce qu'il s'agit du calife, par exemple)".
Ce "khurûj 'an tâ'at il-amîr" constitue du "bagh'y", de l'"insubordination". L'insubordonné est le "bâghî 'an tâ'at il-amîr" (dont le pluriel est "bughât 'an tâ'at il-amîr") (البغاة عن طاعة الأمير).
Le bagh'y est en soi interdit.
"عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم أنه قال: "من خرج من الطاعة وفارق الجماعة فمات، مات ميتة جاهلية، ومن" (Muslim, 1848). "عن ابن عباس، يرويه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من رأى من أميره شيئا يكرهه فليصبر، فإنه من فارق الجماعة شبرا، فمات، فميتة جاهلية" (Muslim, 1849/55). "عن ابن عباس، عن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "من كره من أميره شيئا، فليصبر عليه، فإنه ليس أحد من الناس خرج من السلطان شبرا، فمات عليه، إلا مات ميتة جاهلية" (Muslim, 1849/56).
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La Mufâraqat ul-Jamâ'ah (par rapport à l'autorité du Amîr) a 2 degrés :
--- le moindre est ce
bagh'y 'an tâ'at il-amîr (G.A.4) ;
--- plus accentué est le
bagh'y 'ala-l-amîr alors que cela n'est pas justifié, car le Amîr n'est pas murtadd (G.B.2).

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Comme cas de Bagh'y 'an il-amîr (G.A.4), on a l'action des Compagnons qui constituèrent un groupe autour de la non-reconnaissance de l'autorité de 'Alî (que Dieu les agrée) : Aïcha, Tal'ha et az-Zubayr d'une part, et Mu'âwiya et Amr ibn ul-Âs d'autre part (cependant, leur Bagh'y reposait sur un ijtihâd digne de ce nom, ce qui fait que le péché était enlevé d'eux (lire notre article au sujet de cet événement).

Nous avons ainsi le cas la cité de al-Kûfa, où se trouvait un gouverneur de la part de l'autorité califale (Mu'âwiya, puis Yazîd ibn Mu'âwiya) en la personne de an-Nu'mân ibn Bashîr, mais dont, en l'an 60 - et même depuis bien avant - nombre des habitants envoyèrent des lettres à al-Hussein, l'invitant à venir chez eux pour devenir leur émir, et se disant prêts à renvoyer le gouverneur alors en place. En cet an 60, Mu'âwiya étant décédé, al-Hussein, n'ayant personnellement pas fait allégeance au nouveau calife - Yazîd -, s'est montré intéressé par ces invitations, et a cherché à s'y rendre pour y établir un émirat autonome. Or 'Ubaydullâh ibn Ziyâd, nommé à la place de an-Nu'mân, veilla à ce que l'autorité de Yazîd n'y soit pas ôtée.

Abdullah ibn uz-Zubayr établi à La Mecque et dirigeant celle-ci hors autorité de Yazîd ibn Mu'âwiya, se trouva lui aussi dans un cas de Bagh'y 'an tâ'at il-amîr.

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Pour ce qui est de "faire sécession (mais sans faire d'insurrection armée contre l'autorité)" (c'est-à-dire : "pour une région, prendre son autonomie et se séparer de l'autorité alors que celle-ci était jusqu'alors déjà établie sur elle"), cela constitue un Bagh'y plus accentué que les cas ci-dessus, cependant je ne sais pas (لا أدري) :
--- si cela relève du même cas de figure que ce G.A.4 - avec le même
hukm -,
--- ou bien si le
hukm alors applicable est différent - en vertu de quoi il serait alors mashrû' au émir de prendre les armes contre les sécessionnistes.

Nous avons ainsi le cas de la ville de Médine, dont la majorité des habitants (après lui avoir fait allégeance) rejetèrent en l'an 63 l'autorité de Yazîd ibn Mu'âwiya : "عن نافع، قال: لما خلع أهل المدينة يزيد بن معاوية، جمع ابن عمر حشمه وولده، فقال: "إني سمعت النبي صلى الله عليه وسلم يقول: "ينصب لكل غادر لواء يوم القيامة". وإنا قد بايعنا هذا الرجل على بيع الله ورسوله، وإني لا أعلم غدرا أعظم من أن يبايع رجل على بيع الله ورسوله ثم ينصب له القتال. وإني لا أعلم أحدا منكم خلعه، ولا تابع في هذا الأمر، إلا كانت الفيصل بيني وبينه" (al-Bukhârî, 6694). "عن نافع، قال: جاء عبد الله بن عمر إلى عبد الله بن مطيع حين كان من أمر الحرة ما كان زمن يزيد بن معاوية؛ فقال: "اطرحوا لأبي عبد الرحمن وسادة!" فقال: "إني لم آتك لأجلس، أتيتك لأحدثك حديثا سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقوله: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من خلع يدا من طاعة، لقي الله يوم القيامة لا حجة له. ومن مات وليس في عنقه بيعة، مات ميتة جاهلية" (Muslim, 1851).
Cela n'aurait pas dû être réglé par un massacre, encore moins avec un pillage pendant 3 jours (voir : Al-Bidâya wa-n-Nihâya 8/244-245).

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Quant au hadîth : "عن أبي سعيد الخدري، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إذا بويع لخليفتين، فاقتلوا الآخر منهما" (Muslim, 1853 ; an-Nawawî : "هذا محمول على ما إذا لم يندفع إلا بقتله"), il parle certes d'un bagh'y 'an it-tâ'ah, mais beaucoup plus accentué : ce bagh'y s'accompagne automatiquement du fait de s'opposer à l'émir en place et à vouloir prendre sa place au même niveau et sur le même territoire (puisque le hadîth parle de l'émir suprême ; or pour tout le monde musulman il ne peut y avoir qu'un seul calife).

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G.A.3) A l'époque de Abû Bakr (que Dieu l'agrée) il y eut également ceux qui, sans renier son caractère obligatoire, refusèrent de s'acquitter de la zakât ; eux devinrent : "tâ'ïfa mumtani'a imtana'at 'an il-'amali bi hukmin zâhir mutawâtir" (G.A.3) (nous avons parlé de ce man' uz-zakat dans un autre article).

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G.A.2) Quant aux Kharijites de l'époque de 'Alî, ils furent une firqa dhâlla établie en groupe spatialement distinctet qui demeura dans le cas G.A.2 tant qu'ils n'eurent pas tué Abdullâh ibn Khabbâb et sa compagne, et n'eurent pas refusé de livrer le meurtrier à 'Alî. (Ils ne furent pas kafir d'après l'avis pertinent.)

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G.A.1) A l'époque de Abû Bakr (que Dieu l'agrée) il y eut encore :
--- ceux qui apostasièrent clairement et retournèrent à l'idolâtrie ou suivirent Mussaylima, Aswad ou Tulayha ; eux devinrent : "tâ'ïfa mumtani'a 'an qabûli fardhiyya zâhira mutawâtira" (G.A.1.1) et aussi, immédiatement, une : "tâ'ïfa murtadda" ;
--- et ceux qui déclarèrent que la zakât n'est plus obligatoire ; eux devinrent : "tâ'ïfa mumtani'a 'an qabûli fardhiyya zâhira mutawâtira" (G.A.1.2) et aussi, à partir du moment où iqâmat ul-hujja eut lieu, une : "tâ'ïfa murtadda".

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I) Bien cerner le(s) cas qui se présentent, afin de mieux comprendre l'objet de la divergence d'opinion qui sera plus bas évoquée :

D'une part) Les différents cas de figure suivants sont imaginables par rapport à l'ensemble des cas G.A (il s'agit, rappelons-le, d'un groupe constitué : "الاجتماع والتعسكر"):

Cas a) Le groupe exprime pour la première fois son refus (soit de reconnaître l'autorité, soit de partager l'orthodoxie en termes de croyances, soit de payer la zakât ou de s'abstenir de la pratique de l'intérêt) ; il est alors demandé à l'autorité d'engager un dialogue avec ce groupe pour le ramener à la raison…

Cas b) Suite à ces pourparlers engagés par l'autorité, deux cas se présentent :
–-- cas b.a) le groupe revient à la raison et met fin à son refus ;
–-- cas b.b) le groupe persiste dans son refus :
–----- b.b.a) soit il se contente de ce refus, mais n'exprime nullement qu'il a l'intention de combattre l'autorité ;
–----- b.b.b) soit il est établi qu'il s'apprête à passer à combattre l'autorité (الانتصاب للقتال).

Cas c) Le groupe prend l'initiative d'attaquer le premier l'autorité (البدء بالقتال) ou bien les cités qui sont sous contrôle de l'autorité, en vue d'étendre sa perception des choses.

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Le Cas c ne fait l'objet d'aucune divergence, car il est alors clair que l'autorité ne va avoir d'autre choix que celui de combattre si le groupe persiste à mener des attaques. Car dans ce Cas c, tous les groupes passent dans le cas G.B : ils sont alors devenus des "khârijûn 'ala-l-amîr" (soit le cas G.B.2) ou de "muhâribûna sâ'ûn fi-l-ardhi fassâdan" (G.B.1). Cependant, même par rapport au "khurûj 'ala-l-amîr" il faut engager des discussions avec le groupe avant de les combattre, même s'ils ont déjà mené certaines attaques : l'objectif est de les ramener à la raison avec le moins de dommages possibles (Al-Mughnî 12/72).

Le Cas a ne fait lui non plus l'objet d'aucune divergence, car il est systématiquement demandé à l'autorité d'engager un dialogue avec tout groupe de ce type avant toute autre action (cela lui est demandé soit istihbâban : Radd ul-muhtâr 6/415 ; soit wujûban : Al-Mughnî 12/72). Ibn Taymiyya a lui aussi mentionné la nécessité de commencer par leur parler si l'invitation à ces pratiques ne leur était pas parvenue (MF 28/506).

Le Cas b.a ne pose pas non plus de questionnement : revenu à la raison, le groupe reconnaît l'autorité établie et tout redevient normal. Ceci s'applique d'ailleurs également au groupe de type G.B.2 : et, d'après l'avis pertinent, s'il dépose les armes, il sera amnistié (Al-Mughnî 12/83).

En fait, la question se pose uniquement par rapport aux Cas de figure b.b.a et b.b.b : quand on relate (comme nous allons le voir) qu'il y a divergence d'avis entre les ulémas quant à la question de savoir si l'autorité peut, doit, ou ne peut pas combattre la première un tel groupe, c'est des cas b.b.a et b.b.b que l'on parle. Il n'est cependant pas toujours aisé de distinguer si celui des avis qui interdit à l'autorité de combattre la première parle du cas b.b.a uniquement, ou bien du cas b.b.a comme du cas b.b.b.

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D'autre part) Les différences entre les 6 groupes plus haut évoqués :

Il est évident, à propos du groupe G.B.2 (al-khârij 'ala-l-amîr), que d'une part ce qu'il fait est interdit, et que d'autre part l'autorité en place va se défendre.

La Sunna le lui a d'ailleurs enjoint [l'application concrète demande que cela n'entraîne pas une plus grande mafsada] :
--- "عن عرفجة قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم، يقول: "إنه ستكون هنات وهنات، فمن أراد أن يفرق أمر هذه الأمة وهي جميع، فاضربوه بالسيف، كائنا من كان" (Muslim, 1852/59) : "أي ادفعوا من خرج علي الإمام بالسيف، وإن كان أشرف وأعلم، وترون أنه أحق وأولي" (Shar'h ul-mishkât, at-Tîbî, sur 3677) ; une autre version du même hadîth se lit ainsi : "عن عرفجة قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم، يقول: "من أتاكم وأمركم جميع على رجل واحد، يريد أن يشق عصاكم أو يفرق جماعتكم، فاقتلوه" (Muslim, 1852/60).
--- "عن عبد الله بن عمرو بن العاص قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: (...) ومن بايع إماما فأعطاه صفقة يده، وثمرة قلبه، فليطعه إن استطاع؛ فإن جاء آخر ينازعه، فاضربوا عنق الآخر" (Muslim, 1844) : "فإن جاء آخر ينازعه، فاضربوا عنق الآخر": معناه: ادفعوا الثاني فإنه خارج على الإمام؛ فإن لم يندفع إلا بحرب وقتال فقاتلوه؛ فإن دعت المقاتلة إلى قتله، جاز قتله ولا ضمان فيه لأنه ظالم متعد في قتاله" (Shar'h Muslim, an-Nawawî, 12/234).
(Il n'y a que le cas où l'autorité est réellement devenue apostate qu'il est effectivement demandé aux musulmans se trouvant sous son autorité - ra'iyya - de la déposer, mais ce à condition qu'il y ait réellement qud'ra de mener à bien cette entreprise ; si toutes les conditions sont réunies, les musulmans qui cherchent à la renverser mènent un combat juste, et si l'autorité se défend, c'est elle qui commet un interdit supplémentaire, pour lequel elle devra rendre des comptes devant Dieu.)

Cependant, comme nous l'avons vu, il est nécessaire pour l'autorité d'engager des discussions avec les insurgés pour tenter de les ramener à la raison et à la droiture : ici, s'ils ont déjà mené des attaques et se trouvent dans le Cas c, l'autorité essaiera de les ramener. C'est s'ils persistent qu'elle n'aura d'autre choix que celui de se défendre. Si par contre ils se trouvent dans le Cas b.b.b, elle essaiera de les ramener à la raison, et peut, s'ils persistent dans leur refus de désarmer, les attaquer.

Il est également évident, à propos du groupe G.B.1 (terrorisme, grand banditisme), que l'autorité devra prendre les devants pour les arrêter et dissoudre leur groupe.

Par contre, pour ce qui est des autres groupes G.A.2, G.A.3 et G.A.4, il existe 3 Avis quant à la question de savoir si l'autorité musulmane peut ou non combattre ces groupes même s'ils ne combattent pas les premiers, et ce par rapport aux cas b.b.a et b.b.b… C'est de ces trois groupes se trouvant dans l'un de ces trois cas que nous allons parler ci-après...

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II) Les différents textes et événements :

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Premièrement) Ceux qui apostasièrent clairement à l'époque de Abû Bakr (G.A.1.1) :

Ibn Hajar cite al-Qâdhî 'Iyâdh et autre : "قال القاضي عياض وغيره: كان أهل الردة ثلاثة أصناف: صنف عادوا إلى عبادة الأوثان، وصنف تبعوا مسيلمة والأسود العنسي وكان كل منهما ادعى النبوة قبل موت النبي صلى الله عليه وسلم فصدق مسيلمة أهل اليمامة وجماعة غيرهم وصدق الأسود أهل صنعاء وجماعة غيرهم (...)، وصنف ثالث استمروا على الإسلام لكنهم جحدوا الزكاة وتأولوا بأنها خاصة بزمن النبي صلى الله عليه وسلم؛ وهم الذين ناظر عمر أبا بكر في قتالهم، كما وقع في حديث الباب" (FB 12/345).
"قال الخطابي: زعم الروافض أن حديث الباب متناقض، لأن في أوله أنهم كفروا، وفي آخره أنهم ثبتوا على الإسلام إلا أنهم منعوا الزكاة؛ فإن كانوا مسلمين فكيف استحل قتالهم وسبي ذراريهم؟ وإن كانوا كفارا فكيف احتج على عمر بالتفرقة بين الصلاة والزكاة (فإن في جوابه إشارة إلى أنهم كانوا مقرين بالصلاه)؟.
قال: والجواب عن ذلك أن الذين نسبوا إلى الردة كانوا صنفين: صنف رجعوا إلى عبادة الأوثان؛ وصنف منعوا الزكاة وتأولوا قوله تعالى "خذ من أموالهم صدقة تطهرهم وتزكيهم بها وصل عليهم إن صلاتك سكن لهم" فزعموا أن دفع الزكاة خاص به صلى الله عليه وسلم، لأن غيره لا يطهرهم ولا يصلي عليهم، فكيف تكون صلاته سكنا لهم. وإنما أراد عمر بقوله "تقاتل الناس": الصنف الثاني، لأنه لا يتردد في جواز قتل الصنف الأول" (FB 12/347).

Lire notre article au sujet de la sanction pour apostasie.

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 Deuxièmement) Les Mâni'u-z-zakât de l'époque de Abû Bakr (G.A.1.2 et G.A.3) :

En fait il y eut deux types de man' uz-zakât : "والمراد بالفرق من أقر بالصلاة وأنكر الزكاة جاحدا أو مانعا مع الاعتراف؛" (FB 12/347).

Ceux qui affirmèrent que la zakât n'est plus obligatoire après la mort du Prophète dirent une parole de kufr (G.A.1.2).

Et puis il y eut ceux qui, sans en renier le caractère obligatoire, refusèrent d'envoyer leur zakât à Abû Bakr comme ils le faisaient vis-à-vis du Prophète (par le biais de son collecteur) ("Wa minhum man-imtana'a min daf'ihâ ila-s-Siddîq" : Al-Bidâya wa-n-nihâya 6/352 ; Abû Bakr avait dit de même : "Wallâhi law mana'ûnî 'anâqan kânu yu'addûnahû ilâ rassûlillâh – sallallâhu 'alayhi wa sallam – la qâtaltuhum 'alayh"). Dès lors, les gens se trouvant dans ce cas de figure ne dirent parole de, ni ne firent acte de kufr akbar (contrairement à ceux du premier groupe) : "وإنما أطلق في أول القصة الكفر ليشمل الصنفين فهو في حق من جحد: حقيقة، وفي حق الآخرين: مجاز تغليبا؛ وإنما قاتلهم الصديق ولم يعذرهم بالجهل لأنهم نصبوا القتال فجهز إليهم من دعاهم إلى الرجوع فلما أصروا قاتلهم" (FB 12/347). C'est au sujet de gens se trouvant dans ce cas de figure ("mâni'an ma'a-'rtirâf il-wujûb") qu'il y eut débat entre Abû Bakr et Omar.

Que voulaient dire ce groupe quand ils affirmèrent : "Nous ne donnerons pas la zakât à Abû Bakr" ?
D'après un premier avis, leur propos signifiait qu'ils refusaient de s'en acquitter tout court : c'est l'avis de Abû Hanîfa et de Ahmad (MS 2/332, 4/317). Il s'agissait donc bien de ce que Ibn Hajar a décrit ainsi : "mâni'an ma'a-l-i'tirâf" (donc bel et bien un groupe G.A.3).
D'après un autre avis (et qui correspond à l'avis B.A que nous verrons plus bas), ceci signifiait qu'ils refusaient de remettre leur zakât au calife, par bagh'y envers l'autorité, bien qu'ils reconnaissaient que la zakât est obligatoire sur qui réunit un certain nombre de conditions et bien qu'ils s'en acquitteraient toujours en la faisant parvenir eux-mêmes aux pauvres (Shar'h Muslim 1/202). Ceci constitue donc un éventuel autre groupe encore (non cité par Ibn Hajar), lequel faisait du bagh'y 'an tâ'at il-imâm (un groupe G.A.4).

Pourquoi Abû Bakr a-t-il combattu ce groupe G.A.3 ?

Pour Ibn Taymiyya c'est parce qu'ils constituaient une "tâ'ïfa mumtani'a 'an il-amal" qui, malgré le rappel reçu, a refusé de pratiquer cet impératif (MF 35/57). Soit le Cas b.b.a.

Dans 'Umdat ul-qârî on lit que c'est parce qu'ils s'étaient apprêtés à combattre pour persister dans leur refus de payer la zakât : "فمن أبى أداء الزكاة وهو مقر بوجوبها، فإن كان بين ظهرانينا ولم يطلب حربا ولا امتنع بالسيف، فإنها تؤخذ منه قهرا وتدفع للمساكين ولا يقتل. وإنما قاتل الصديق رضي الله تعالى عنه مانعي الزكاة لأنهم امتنعوا بالسيف ونصبوا الحرب للأمة" ('Umdat ul-qârî 24/122). Al-'Aynî écrit d'ailleurs la même règle que Ibn Taymiyya a relatée être consensuelle, mais avec une nuance importante : selon lui : "وأجمع العلماء على أن من نصب الحرب في منع فريضة أو منع حقا يجب عليه لآدمي، وجب قتاله" ('Umdat ul-qârî 24/122). Soit le Cas b.b.b (et non pas le Cas b.b.a). Cela s'applique donc au célèbre propos de Abû Yûssuf et Muhammad ibn ul-Hassan : "قال (وإن صلى أهل المصر بجماعة بغير أذان ولا إقامة فقد أساءوا) لترك سنة مشهورة وجازت صلاتهم لأداء أركانها. والأذان والإقامة سنة ولكنهما من أعلام الدين فتركهما ضلالة؛ هكذا قال مكحول: "السنة سنتان: سنة أخذها هدي وتركها لا بأس به؛ وسنة أخذها هدي وتركها ضلالة، كالأذان والإقامة وصلاة العيدين"؛ وعلى هذا قال محمد رحمه الله تعالى: "إذا أصر أهل المصر على ترك الأذان والإقامة، أمروا بهما؛ فإن أبوا، قوتلوا على ذلك بالسلاح كما يقاتلون عند الإصرار على ترك الفرائض والواجبات". وقال أبو يوسف رحمه الله تعالى: "المقاتلة بالسلاح عند ترك الفرائض والواجبات. فأما في السنن فيؤدبون على تركها ولا يقاتلون على ذلك ليظهر الفرق بين الواجب وغير الواجب". ومحمد رحمه الله تعالى يقول: "ما كان من أعلام الدين، فالإصرار على تركه استخفاف، فيقاتلون على ذلك" (Al-Mabsût, as-Sarakhsî, 1/277). "قوله: هي كالواجب) بل أطلق بعضهم اسم الواجب عليه، لقول محمد: "لو اجتمع أهل بلدة على تركه، قاتلتهم عليه؛ ولو تركه واحد، ضربته وحبسته". وعامة المشايخ على الأول؛ والقتال عليه لما أنه من أعلام الدين وفي تركه استخفاف ظاهر به" (Radd ul-muhtâr, 2/48-49).

On lit la même chose dans Fat'h ul-bârî "والمراد بالفرق من أقر بالصلاة وأنكر الزكاة جاحدا أو مانعا مع الاعتراف؛ وإنما أطلق في أول القصة الكفر ليشمل الصنفين فهو في حق من جحد حقيقة وفي حق الآخرين مجاز تغليبا؛ وإنما قاتلهم الصديق ولم يعذرهم بالجهل لأنهم نصبوا القتال، فجهز إليهم من دعاهم إلى الرجوع، فلما أصروا قاتلهم" : "(Abû Bakr) as-Siddîq n'a combattu ces [gens du groupe G.A.3], et ne les a pas excusés pour ignorance, parce qu'ils s'étaient apprêtés à combattre ; il a donc dépêchés vers eux qui les a invités à revenir ; lorsqu'ils persistèrent, il les combattit" (Fat'h ul-bârî 12/347). Il s'agit bien du Cas b.b.b.

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– Troisièmement) Ceux de la ville de Tâ'ïf qui refusèrent de s'abstenir de prendre l'intérêt, et ce qu'un verset du Coran vint dire à leur sujet (il s'agit du cas de figure G.A.3 plus haut cité) :

Le Coran dit : "O les croyants, craignez Dieu, et délaissez ce qui reste d'intérêt si vous êtes croyants. Si vous ne faites pas [ainsi], alors recevez l'annonce d'une guerre de la part de Dieu et de Son Messager…" (Coran 2/278-279).
Il s'agissait de tout un groupe de musulmans résidant à Tâ'ïf, qui avaient persisté à vouloir récupérer la somme importante d'intérêt pour un prêt qu'ils avaient accordé, avant la période de l'Islam, à un autre groupe de musulmans (Ad-Durr ul-manthûr, Tafsîr Ibn Kathîr). Ibn Taymiyya écrit de même : "Ce verset a été révélé à propos des gens de Tâ'ïf ; ils étaient entrés en islam, avaient fait la prière et jeûné, mais ils pratiquaient l'intérêt ; Dieu révéla donc ce verset, et y ordonna aux croyants de délaisser ce qui reste d'intérêt" (MF 28/511). "Dieu explicita donc que s'ils ne s'abstenaient pas de l'intérêt, ils seraient parmi ceux qui combattent Dieu et Son Messager" (MF 22/52).
Pour Ibn Taymiyya, ce verset est le fondement coranique de la règle concernant la "tâ'ïfa mumtani'a 'an-'amal" ; il écrit : "L'intérêt est la dernière chose à avoir été interdite dans le Coran ; et il s'agit d'un bien qui est pris avec le consentement des deux parties" (…) ; "Si celui qui ne s'abstient pas de l'[intérêt] est (considéré comme) combattant Dieu et Son Messager, qu'en sera-t-il de celui qui ne s'abstient pas d'autres choses que (l'intérêt) parmi les interdits qui ont été formulés avant lui et qui sont plus graves encore ?" (MF 28/512).

Pour Ibn Taymiyya, ce genre de groupes doit être combattu même si eux ne combattent pas (voir par exemple MF 35/57 et bien d'autres passages).

Cheikh Thânwî écrit lui aussi que ce verset veut dire cela, mais avec une différence conséquente. Lui aussi écrit que le dirigeant fera d'abord le rappel verbal à pareil groupe ; en cas de persistance de leur part, il leur fera respecter l'interdit par la force de la loi. Cependant, c'est seulement dans le cas où, pour empêcher le dirigeant de leur faire respecter l'interdit, les gens de ce groupe sont prêts à se battre (soit le Cas b.b.b), que le dirigeant les combattra. Il ajoute qu'ils seront alors des bughât ("imâm ké kehné sé bâz na â'é to us par jabr karnâ tchâh'yé ; (…) aur agar jabr ko na mâné balké guirôh banâ kar ba-muqâbala péch â'é, to us par jihâd karnâ tchâh'yé. (…) Aur ayssé lôgôn kâ hukm bâghiyôn kâ sâ hôgâ" : Bayân ul-qur'ân tome 1 p. 167).

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 Quatrièmement) Les gens de Jamal puis de Syrie à l'époque de 'Alî (G.A.4) :

Ces deux groupes auxquels 'Alî fit face étaient dans le Cas b.b.a : ils n'exprimaient pas à l'autorité qu'ils s'apprêtaient à la combattre.

Les gens de Jamal (menés par Aïcha, Tal'ha et az-Zubayr), de même que ceux de Syrie (menés par 'Mu'âwiya et 'Amr ibn ul-'As), refusèrent de reconnaître le califat de 'Alî tant que celui-ci n'appliquerait pas le talion aux assassins de 'Uthmân. Ils ne prétendirent cependant pas vouloir être calife à place de 'Alî (FB 13/71 pour les gens de Jamal ; FB 13/107 pour Mu'âwiya) (avant l'arbitrage, jamais Mu'âwiya ne prétendait au califat).

Ces 2 groupes disposaient de forces de combat, mais ils n'avaient ni laissé entendre ni montré qu'ils allaient le combattre (à propos des gens de Jamal : "ولم يكن قصدهم القتال لكن لما انتشبت الحرب لم يكن لمن معها بد من المقاتلة. ولم يرجع أبو بكرة عن رأي عائشة وإنما تفرس بأنهم يُغلَبون لمّا رأى الذين مع عائشة تحت أمرها، لِمَا سمع في أمر فارس. قال: ويدل لذلك أن أحدا لم ينقل أن عائشة ومن معها نازعوا عليا في الخلافة ولا دعوا إلى أحد منهم ليولوه الخلافة وإنما أنكرت هي ومن معها على عليّ منعه مِن قتل قتلة عثمان وترك الاقتصاص منهم" : FB 13/71).

Alî a marché avec une armée vers le groupe des gens de Jamal, puis plus tard vers celui de Mu'âwiya qui refusaient de reconnaître son autorité. Dans les deux cas il a parlementé avec ces insubordonnés (bughât min tâ'ati-hî).

Dans le cas des gens de Jamal, Alî n'est pour rien dans le début concret des combats (puisque c'est suite à une méprise pendant la nuit que celui-ci se fit), cependant il y est malgré tout allé avec une armée, avec l'intention première de réaliser la concorde ("قال فسرت أنا ورجلان من قومي إلى علي وسلمنا عليه وسألناه فقال: عدا الناس على هذا الرجل فقتلوه وأنا معتزل عنهم. ثم ولوني. ولولا الخشية على الدين لم أجبهم. ثم استأذنني الزبير وطلحة في العمرة فأخذت عليهما العهود وأذنت لهما. فعرضا أم المؤمنين لما لا يصلح لها. فبلغني أمرهم. فخشيت أن ينفتق في الإسلام فتق فأتبعتهم. فقال أصحابه: والله ما نريد قتالهم إلا أن يقاتلوا وما خرجنا إلا للإصلاح"" : partie du récit de Kubayb al-Jarmî rapporté par at-Tabarî : FB 13/72), mais aussi l'intention, seconde, d'avoir recours au combat si persistance il y avait dans le refus de reconnaissance ("جاء رجل إلى علي وهو بالزاوية فقال: علام تقاتل هؤلاء؟ قال: على الحق! قال: فإنهم يقولون إنهم على الحق! قال: أقاتلهم على الخروج من الجماعة ونكث البيعة" : rapporté par Umar ibn Shabba : FB 13/72). Questionné par Qays au sujet de cette marche qu'il a entreprise [vers l'Irak] : avait-elle comme source un dire du Prophète ou bien un avis personnel, Alî répondra : "Le Messager de Dieu ne m'avait rien recommandé à ce sujet, ce n'est qu'un avis personnel" : ":عن قيس بن عباد، قال: قلت لعلي رضي الله عنه: "أخبرنا عن مسيرك هذا أعهد عهده إليك رسول الله صلى الله عليه وسلم، أم رأي رأيته؟" فقال: "ما عهد إلي رسول الله صلى الله عليه وسلم بشيء، ولكنه رأي رأيته" (Abû Dâoûd, 4666). En effet, il n'y a pas de hadîth disant de combattre ceux qui sont bughât 'an il-amîr : "وليس عن النبي صلى الله عليه وسلم في قتال البغاة حديث، إلا حديث كوثر بن حكيم عن نافع، وهو موضوع" (MF 4/451).

Dans le cas des gens de Syrie, Alî a marché vers eux avec une armée, avec l'intention première de les ramener à la raison (puisqu'il y est allé suite à l'échec de ses échanges avec Mu'âwiya et la persistance de ce dernier de conditionner son allégeance à l'application par 'Alî du talion aux assassins de 'Uthmân), mais aussi l'intention, seconde, d'avoir recours au combat si persistance il y avait dans le refus de reconnaissance ("فلما طال الأمر خرج علي في أهل العراق طالبا قتال أهل الشام" : FB 12/355). C'est alors que Mu'âwiya se mit lui aussi en marche avec une armée, avec l'intention de le combattre par défense ("فخرج معاوية في أهل الشام قاصدا إلى قتاله فالتقيا بصفين" : FB 12/355). Les deux se firent face à Siffîn, mais là aussi échangèrent, avec l'objectif de trouver une issue pacifique à la crise (FB 13/107-108). N'y parvenant cependant pas, ils se battirent (Ibid.).

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 Cinquièmement) Les Kharijites / al-Harûriyyûn (du nom de la localité de Harûrâ), à l'époque de 'Alî (G.A.2) :

C'est suite au retour de 'Alî de Siffîn où il a accepté le principe du recours à un arbitrage que des gens du camp de 'Alî le quittent : ils sortent de son camp. Ils lui reprochent trois choses, l'une étant d'avoir accepté l'arbitrage pour faire apparaître qui est dans le vrai, alors que seul Dieu est arbitre (FB 12/370). Après s'être séparés de lui, ils se réunissent à Harûrâ', une localité tout près de Kufa, où ils sont au nombre de 6 000, 8 000 ou 10 000 (FB 12/355).

Alî explique aux gens que, contrairement à ce que prétendent "les gens de Harûrâ", sa démarche ne contredit en rien le Coran et la Sunna (FB 12/370), puis il envoie Ibn Abbâs à ces gens. Suite aux explications de celui-ci, près de 4 000 d'entre eux reviennent (FB 12/355, 370).

Alî se rend ensuite auprès d'eux, et, leur ayant parlé, ils rentrent avec lui à Kufa (FB 12/355), mais leur apparente soumission cache une autre volonté (FB 12/370). En effet, peu après, ils répandent la rumeur que 'Alî s'est repenti d'avoir eu recours à l'arbitrage. 'Alî doit démentir cette affirmation dans la mosquée, en public (FB 12/355). Les Kharijites crient alors dans la mosquée : "Rendre le jugement revient à Dieu seulement !" Alî leur répond : "Parole de vérité, par laquelle on veut dire une fausseté (kalimatu haqq yurâdu bihâ bâtil)" (FB 12/355) ; "عن عبيد الله بن أبي رافع، مولى رسول الله صلى الله عليه وسلم أن الحرورية لما خرجت وهو مع علي بن أبي طالب رضي الله عنه، قالوا: "لا حكم إلا لله"، قال علي: "كلمة حق أريد بها باطل! إن رسول الله صلى الله عليه وسلم وصف ناسا، إني لأعرف صفتهم في هؤلاء" (Muslim 1066/157). Alî 'ajoute : "Nous vous garantissons (malgré tout) trois droits : nous ne vous empêcherons pas de venir dans les mosquées, nous ne vous priverons pas de votre part dans la distribution du fay', et nous ne vous combattrons pas tant que vous-mêmes ne créerez pas l'oppression (fassâd)" (FB 12/355). "Nous ne vous combattrons pas les premiers" (Al-Mughnî, 12/80).
Les Kharijites se déplacent ensuite à Nehrawân. Alî ne cesse de correspondre avec eux pour leur demander de revenir. Ils refusent et lui demandent de reconnaître d'abord qu'il a, lui, apostasié en acceptant l'arbitrage, et donc de se repentir (FB 12/355). C'est peut-être à cette étape-là que 'Alî leur dit : "Soyez où vous voulez, le pacte entre nous et vous étant que vous ne versiez pas de sang sacré, ne coupez pas de chemin et ne créiez pas d'oppression. (Car) si vous faites cela, je vous ferai la guerre" (FB 12/370).

Alî continue sa correspondance, mais cette fois ils sont à deux doigts d'assassiner son émissaire (FB 12/355). Puis 'Abdullâh ibn Khabbâb ibn il-Aratt – responsable administratif, nommé par 'Alî, d'une région – passe près d'eux, parce que, à leur demande de leur relater une parole du Prophète, il a eu le "malheur" de leur citer un hadîth qui ne leur plaît pas, ils le tuent, puis tuent sa femme-esclave enceinte et lui ouvrent le ventre (FB 12/355, 371). Alî les somme de lui livrer l'assassin, ils répondent : "Chacun de nous l'a tué" (FB 12/371, Al-Mughnî 12/69). Alors seulement Alî part les combattre.

En chemin vers les Kharijites, Alî fit un discours à ses troupes dans lequel il rappela que ces gens avaient tué des musulmans : "عن زيد بن وهب الجهني، أنه كان في الجيش الذين كانوا مع علي رضي الله عنه، الذين ساروا إلى الخوارج، فقال علي رضي الله عنه: "أيها الناس! إني سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "يخرج قوم من أمتي يقرءون القرآن، ليس قراءتكم إلى قراءتهم بشيء، ولا صلاتكم إلى صلاتهم بشيء، ولا صيامكم إلى صيامهم بشيء، يقرءون القرآن يحسبون أنه لهم وهو عليهم، لا تجاوز صلاتهم تراقيهم يمرقون من الإسلام كما يمرق السهم من الرمية. لو يعلم الجيش الذين يصيبونهم، ما قضي لهم على لسان نبيهم صلى الله عليه وسلم، لاتكلوا عن العمل. وآية ذلك أن فيهم رجلا له عضد، وليس له ذراع، على رأس عضده مثل حلمة الثدي، عليه شعرات بيض". فتذهبون إلى معاوية وأهل الشام وتتركون هؤلاء يخلفونكم في ذراريكم وأموالكم؟ والله، إني لأرجو أن يكونوا هؤلاء القوم، فإنهم قد سفكوا الدم الحرام، وأغاروا في سرح الناس. فسيروا على اسم الله" (Muslim, 1066/156).

Et il les écrase à Nehrawân (FB 12/355, 370).

Certaines versions affirment que [juste avant, ou juste après, avoir assassiné Abdullâh ibn Khabbâb], ils prennent comme résolution que tout musulman n'appartenant pas à leur groupe pourra être tué et dépouillé, et qu'ils le font réellement avec plusieurs personnes, et que c'est alors que 'Alî part les combattre (FB 12/355).

"عن طارق بن شهاب، قال: كنت عند عليّ، فسئل عن أهل النهر: أهم مشركون؟ قال: من الشرك فروا! قيل: فمنافقون هم؟ قال: إن المنافقين لا يذكرون الله إلا قليلا! قيل له: فما هم؟ قال: قوم بغوا علينا"" :
Après qu'il les ait combattus, quelqu'un demande à 'Alî à propos des Gens du Nahr : "Sont-ils des Mushrik ? - Du Shirk ils ont fui, répond-il. - Sont-ils des Munâfiq ? - Les Munâfiq n'évoquent Dieu que peu ! - Qui sont-ils donc ? - Des gens qui ont fait Bagh'y contre nous" (Ibn Abî Shayba, n° 37942) (MS 3/94-95).

Alî ne les a donc pas combattus le premier : il a attendu pour cela qu'ils fassent le premier pas. Mais quel fut donc ce premier pas de leur part ? On dit souvent qu'ils devirent "khârijûn 'alâ 'Alî". En fait, ce qui s'est passé c'est que quelques-uns parmi eux ayant tué 'Abdullâh ibn Khabbâb et son esclave, 'Alî a exigé d'eux qu'ils lui livrent le(s) coupable(s) ; mais ils refusèrent et répondirent : "Nous tous l'avons tué" ; c'est alors que 'Alî les combattit.
Y a-t-il donc des ulémas qui auraient écrit qu'ils devinrent alors "tâ'ïfa mumtani'a imtana'at 'an iqâmat il-amîr hadda quttâ'i it-tarîq 'alayhim", et c'est pourquoi 'Alî les combattit jusqu'à les écraser complètement ?
Et y a-t-il des ulémas qui auraient écrit que les bughât ne seront combattus que si soit ils deviennent "khârijîna 'ala-l-imâm yarûmûna khal'ahû", soit ils deviennent "sâfikîna-d-dam al-harâm" / "muhâribîna sâ'îna fi-l-ardhi fassâdan" ?

Un premier cas de figure est que : lorsque un groupe mumtani' ont des croyances semblables à celles des Kharijites et cherchent à renverser l'autorité, ou versent le sang d'innocents, alors il n'y a pas de divergence quant à la nécessité pour l'autorité de les combattre alors. Nous venons de voir que lorsque les Kharijites de l'époque de 'Alî firent ainsi, celui-ci les combattit.

Par contre – second cas de figure –, s'ils ne sont seulement insubordonnés à l'autorité (bughât 'an tâ'at il-amîr) mais ne versent pas le sang d'innocents, alors : un des deux avis hanafites est qu'il n'est pas permis de les combattre ; tandis qu'ici l'avis shafi'ite est qu'il est permis à l'autorité de les combattre, puisqu'ils sont bughât au moins comme les gens de Jamal et de Siffîn (à propos desquels l'avis shafi'ite est ce que 'Alî a eu raison de les combattre).

Apparemment, le fait qu'ils soient simplement organisés en "tâ'ïfa mumtani'a" sans être de facto insubordonnées à l'autorité (bughât 'an tâ'at il-imâm), cela constitue un troisième cas de figure ; ici, l'avis de Ibn Taymiyya est qu'ils doivent être combattus (voir par exemple MF 28/511).

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III) Les groupes de type G.B, il est évident que l'autorité les combattra ; cela inclut les Bughât de type G.B.2 (الخارجون على الأمير). Ce n'est pas d'eux que nous parlerons ci-après, mais des groupes "Bughât" du type G.A, à savoir : "les groupes qui refusent de faire quelque chose mais ne combattent pas l'autorité" : à leur sujet, 3 avis existent :

Avis A) Une première tendance est celle à laquelle Ibn Qudâma et Ibn Taymiyya ont donné préférence :

L'autorité légitime doit faire une différence entre sa conduite vis-à-vis de ceux qui sont khârij 'an sharî'atin min sharâ'ï' il-islâm (comme les Harûriyyûn, G.A.2, et les Mâni'u-z-zakât, G.A.3), et de ceux qui sont bughât 'an tâ'at il-amîr bi bagh'yin mujarradin (G.A.4) :
--- les premiers elle doit combattre même s'ils ne combattent pas (MF 35/56-57, 28/551) (Al-Mughnî 12/66-70) ; c'est-à-dire dès qu'ils sont dans le cas b.b.a ;
--- le dernier groupe, elle n'a pas le droit de combattre tant qu'il ne combat pas (MF 35/57) ; c'est-à-dire tant qu'ils ne sont pas dans le cas c, voire b.b.b.

Cette tendance distingue le groupe de type G.A.4 et les groupes G.A.2 et G.A.3. Pour cette tendance :
--- les Harûriyyûn (G.A.2), et les Mâni'u-z-zakât / les Ghayru muntahîna 'an akh'dh ir-ribâ' (G.A.3) sont des khârij 'an sharî'atin min sharâ'ï' il-islâm : eux l'autorité a le devoir (si elle dispose de la qud'ra, bien sûr) de les combattre même s'ils ne combattent pas ;
--- tandis que les Bughât simples (G.A.4) sont des khârij 'an tâ'at il-imâm : eux l'autorité ne doit pas en aucun cas les combattre (sauf s'ils se transforment en G.B.2, c'est-à-dire deviennent un groupe qui combat l'autorité). "على أن من الفقهاء الأئمة من يرى أن أهل البغي الذين يجب قتالهم هم الخارجون على الإمام بتأويل سائغ؛ لا الخارجون عن طاعته. وآخرون يجعلون القسمين: بغاة" (MF 25/504).

Pour ces ulémas, Abû Bakr combattit les Mâni'u-z-zakât dès qu'ils persistèrent dans leur refus (MF 35/57). Et 'Alî fit une erreur (khata' ijtihâdî) en marchant contre les gens de Jamal puis contre les gens de Syrie avec l'éventualité de les combattre s'ils n'écoutaient pas ses rappels. Par contre, il aurait pu combattre le premier les Kharijites et ne pas attendre qu'ils prennent l'initiative de verser le sang.
Pourquoi donc 'Alî (que Dieu l'agrée) marcha-t-il le premier contre les gens de Jamal et de Siffîn, mais pas contre les Harûriyyûn ? Cela est traité dans notre article consacré à ce point.

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B) Une seconde tendance classe les 3 groupes (G.A.2, G.A.3 et G.A.4) sous une même étiquette : "bughât 'an il-amîr" :

Cette tendance dit que, qu'ils soient bughât bi bagh'yin muqtarin bi bid'a (G.A.2), ou khârij 'an il-'amal bi sharî'atin min sharâ'ï' il-islâm (G.A.3), ou bughât 'an il-amîr bi bagh'yin mujarrad (G.A.4), c'est, en la matière, la même règle qui s'applique. Ibn Qudâma relate cet avis en ces termes (avis que lui-même ne partage pas) : "فظاهر قول الفقهاء من أصحابنا المتأخرين أنهم بغاة، حكمهم حكمهم؛ وهذا قول أبي حنيفة والشافعي وجمهور الفقهاء وكثير من أهل الحديث" (Al-Mughnî, 12/66-70).

Quelle est cette règle, 2 avis existent ensuite :

----- Avis B.A) Certains ulémas (cela est relaté de ash-Shâfi'î lui-même (MS 2/334), et c'est l'avis de ulémas shafi'ites et de certains ulémas hanbalites (MF 4/450) ; c'est aussi l'un des deux avis présents chez les ulémas hanafites (Al-Hidâya 1/587)) pensent que l'autorité légitime parlementera d'abord avec les bughât : si ceux-ci ont subi une injustice, elle réparera le tort commis à leur égard ; s'ils ont une objection à propos de ce que fait l'autorité, celle-ci leur expliquera. Mais s'ils persistent dans leur refus (Cas b.b.a), elle engagera la première le combat contre eux (Radd ul-muhtâr 6/416 ; avis également relaté dans MF 4/450). Sauf si bien sûr il y a le risque, en engageant ce combat, de créer un problème plus grand que celui qu'on entend résoudre (MF 4/442).
Ces ulémas se fondent sur le hadîth disant de façon inconditionnelle (mutlaqan) de combattre les Harûriyyûn (cf. Shar'h Muslim sur 1066) et pensent que le principe motivant ('illa) de cette règle est l'insurrection (bagh'y). Les gens de Jamal et de Siffîn ayant été eux aussi bughât dans le Cas b.b.a (fût-ce sur la base d'un ijtihad reconnu comme tel), la règle temporelle s'applique à eux aussi : Alî eut donc raison de marcher vers eux avec l'éventualité de les combattre s'ils n'écoutaient pas ses rappels. Ils soutiennent aussi que Abû Bakr combattit les mâni'u-z-zakât sans qu'ils combattent les premiers (c'est la première interprétation plus haut citée).

----- Avis B.B) D'autres ulémas pensent que l'autorité légitime ne doit pas combattre les bughât tant que eux-mêmes n'emploient pas les premiers la violence (ni les bughât 'an il-amîr bi bagh'yin mujarrad (G.A.4), ni les khârij 'an il-'amal bi sharî'atin min sharâ'ï' il-islâm (G.A.3), ni les Harûriyyûn (G.A.2)) : c'est l'avis des hanafites d'après al-Qudûrî (Al-Hidâya 1/587). L'autorité ne doit donc les combattre que s'ils combattent de facto les premiers (Cas c) (donc deviennent G.B), ou s'ils s'apprêtent à combattre (Cas b.b.b).

Les ulémas partisans de cet avis B.B parlent explicitement des Harûriyyûn (G.A.2). Plus encore, ils voient dans la conduite de 'Alî face à ces derniers ("Nous ne vous combattrons pas les premiers", leur avait-il dit), la preuve que l'autorité ne doit pas combattre les Harûriyyûn tant qu'ils ne combattent pas.
Par ailleurs, d'après une autre version du Hadîth lui-même, avant les mots : "لئن أدركتهم لأقتلنهم قتل عاد", on lit explicitement : "يقتلون أهل الإسلام" : "ils tueront des musulmans" (al-Bukhârî 3166, 6995, Muslim 1064). C'est cela, le pivot (manât), le principe motivant (illa), de la règle (hukm). Quant à la version qui est inconditionnelle : "لئن أدركتهم لأقتلنهم قتل ثمود" (al-Bukhârî, 4094, Muslim, 1064), Ibn Hajar l'a commentée ainsi : "وقد استشكل قوله "لئن أدركتهم لأقتلنهم" مع أنه نهى خالدا عن قتل أصلهم. وأجيب بأنه أراد: إدراك خروجهم واعتراضهم المسلمين بالسيف؛ ولم يكن ظهر ذلك في زمانه؛ وأول ما ظهر في زمان علي، كما هو مشهور" (FB 8/87).

Et est-ce que ces ulémas ont le même avis à propos des "gens de Tâ'ïf refusant de s'abstenir de prendre l'intérêt" et des "Mâni'u-z-zakât" (G.A.3) ? En effet, nous avons cité plus haut le propos de Cheikh Thânwî au sujet des premiers, et le propos de al-'Aynî au sujet des seconds, disant que c'est si, après les rappels de l'autorité, ils s'apprêtent à combattre celle-ci qu'elle se mettra à la combattre. Selon ces ulémas, c'est donc pour cette raison que Abû Bakr combattit les "Mâni'u-z-zakât".
Pour les ulémas tenants de cet avis, 'Alî fit une erreur (khata' ijtihâdî) en marchant contre les gens de Jamal puis contre les gens de Syrie avec l'éventualité de les combattre s'ils n'écoutaient pas ses rappels.

C'est à cet Avis B.B que j'adhère.

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IV) Les combats une fois engagés, et les insurgés une fois en déroute, l'autorité doit-elle poursuivre les fuyards ?

Ensuite, en conformité avec les conditions de chacun de ces 3 avis (A, B.A, et B.B), le combat ayant été engagé et l'autorité étant sur le point de remporter la victoire, doit-elle poursuivre les fuyards (afin de tuer dans l'œuf tout risque de reconstitution du groupe) ou au contraire les laisser (car le bagh'y est terminé) ?

La tendance A fait une distinction entre les types de bughât : la non poursuite des fuyards concerne le groupe G.B.2, mais pas les groupes G.A.2 et G.A.3 : ceux-là doivent être combattus jusqu'à ce qu'ils reviennent à respectivement l'orthodoxie musulmane et la pratique correcte musulmane (MF 28/551).

– Par contre, la tendance B ne fait pas de distinction entre les types de bughât. Dès lors :
--- s'ils ne disposent pas de groupe (fi'a), alors à l'unanimité elle ne doit pas poursuivre les fuyards ;
--- si par contre ils disposent d'un groupe, alors d'après les hanafites il est autorisé de poursuivre les fuyards, mais d'après les shafi'ites et les hanbalites : même alors, cela n'est pas autorisé.
""مسألة: قال: (وإذا دفعوا، لم يتبع لهم مدبر، ولا يجاز على جريحهم، ولم يقتل لهم أسير، ولم يغنم لهم مال، ولم تسب لهم ذرية) وجملته أن أهل البغي إذا تركوا القتال، إما بالرجوع إلى الطاعة، وإما بإلقاء السلاح، وإما بالهزيمة إلى فئة أو إلى غير فئة، وإما بالعجز لجراح أو مرض أو أسر، فإنه يحرم قتلهم واتباع مدبرهم. وبهذا قال الشافعي. وقال أبو حنيفة إذا هزموا ولا فئة لهم، كقولنا؛ وإن كانت لهم فئة يلجئون إليها، جاز قتل مدبرهم وأسيرهم والإجازة على جريحهم؛ وإن لم يكن لهم فئة، لم يقتلوا لكن يضربون ضربا وجيعا ويحبسون حتى يقلعوا عما هم عليه، ويحدثوا توبة؛ ذكروا هذا في الخوارج. ويروى عن ابن عباس نحو هذا. واختاره بعض أصحاب الشافعي، لأنه متى لم يقتلهم، اجتمعوا ثم عادوا إلى المحاربة. ولنا ما روي عن علي رضي الله عنه أنه قال يوم الجمل: "لا يذفف على جريح، ولا يهتك ستر، ولا يفتح باب، ومن أغلق بابا أو بابه فهو آمن، ولا يتبع مدبر." وقد روي نحو ذلك عن عمار. وعن علي رضي الله عنه أنه ودى قوما من بيت مال المسلمين قتلوا مدبرين. وعن أبي أمامة، أنه قال: "شهدت صفين، فكانوا لا يجيزون على جريح، ولا يقتلون موليا، ولا يسلبون قتيلا." وقد ذكر القاضي في "شرحه" عن عبد الله بن مسعود أن النبي - صلى الله عليه وسلم - قال: "يا ابن أم عبد، ما حكم من بغى على أمتي؟" فقلت: الله ورسوله أعلم. فقال: "لا يتبع مدبرهم، ولا يجاز على جريحهم، ولا يقتل أسيرهم، ولا يقسم فيؤهم". ولأن المقصود دفعهم وكفهم، وقد حصل، فلم يجز قتلهم، كالصائل. ولا يقتلون لما يخاف في الثاني، كما لو لم تكن لهم فئة. إذا ثبت هذا، فإن قتل إنسان من منع من قتله [من البغاة]، ضمنه، لأنه قتل معصوما لم يؤمر بقتله. وفي القصاص وجهان؛ أحدهما، يجب، لأنه مكافئ معصوم؛ والثاني: لا يجب، لأن في قتلهم اختلافا بين الأئمة، فكان ذلك شبهة دارئة للقصاص، لأنه مما يندرئ بالشبهات. وأما أسيرهم، فإن دخل في الطاعة، خلي سبيله؛ وإن أبى ذلك، وكان رجلا جلدا من أهل القتال، حبس ما دامت الحرب قائمة، فإذا انقضت الحرب، خلي سبيله، وشرط عليه أن لا يعود إلى القتال؛ وإن لم يكن الأسير من أهل القتال، كالنساء والصبيان والشيوخ الفانين، خلي سبيلهم، ولم يحبسوا، في أحد الوجهين، وفي الآخر: يحبسون، لأن فيه كسرا لقلوب البغاة. وإن أسر كل واحد من الفريقين أسارى من الفريق الآخر، جاز فداء أسارى أهل العدل بأسارى أهل البغي. وإن قتل أهل البغي أسارى أهل العدل، لم يجز لأهل العدل قتل أساراهم؛ لأنهم لا يقتلون بجناية غيرهم، ولا يزرون وزر غيرهم. وإن أبى البغاة مفاداة الأسرى الذين معهم، وحبسوهم، احتمل أن يجوز لأهل العدل حبس من معهم، ليتوصلوا إلى تخليص أساراهم بحبس من معهم، ويحتمل أن لا يجوز حبسهم ويطلقون، لأن الذنب في حبس أسارى أهل العدل لغيرهم.
فصل: فأما غنيمة أموالهم، وسبي ذريتهم، فلا نعلم في تحريمه بين أهل العلم خلافا؛ وقد ذكرنا حديث أبي أمامة، وابن مسعود؛ ولأنهم معصومون، وإنما أبيح من دمائهم وأموالهم ما حصل من ضرورة دفعهم وقتالهم، وما عداه يبقى على أصل التحريم" (Al-Mughnî, 12/86-89).

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Récapitulatif :

Sur le plan moral, il est certain qu'il faut différencier l'acte de bagh'y des bughât bi bagh'yin mujarrad tels que les gens de Jamal et de Siffîn, et l'acte de bagh'y des bughât bi bagh'yin muqtarin bi bid'a comme les Harûriyyûn : la bagh'y est en soi un acte interdit, mais si elle repose sur un ijtihâd, comme ce fut le cas des gens de Jamal et de Siffîn, alors il n'y a pas de péché. A la différence des Harûriyyun et des Mâni'u-z-zakât : eux sortirent de la voie orthodoxe.

Par contre, pour ce qui est de la conduite de l'autorité musulmane à l'égard de tels groupes, on voit qu'il y a sur le sujet des avis divergents. Certes, Ibn Taymiyya est d'avis qu'il ne s'agit pas de classer tous ces groupes sous l'étiquette "bughât" avec une même règle à suivre. Cependant, d'autres mujtahids, eux, le font : il existe ainsi l'avis B.B ; et les arguments sur lesquels cet avis repose sont conséquents, nous les avons vus plus haut.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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