Quand on accomplit une action des 'âdât qui est "obligatoire" ou "recommandée", faut-il avoir une intention particulière pour que cela rapproche de Dieu ?

Pour ce qui est de la validité de l'action du domaine des 'âdât :

Certaines de ces actions sont valides même sans aucune intention de la part de la personne.
----- Ainsi en est-il de toute action ne consistant qu'en le fait de s'abstenir de faire une action interdite (التروك).
----- Ainsi en est-il également de toute action consistant à enlever quelque chose (الإزالة) : c'est pourquoi un vêtement souillé sera devenu pur rituellement si une pluie diluvienne l'aura complètement lavé, même si son propriétaire n'avait nullement eu l'intention de le nettoyer par ce moyen : l'objectif est atteint : l'impureté a été enlevée.
----- De même que toute action consistant à s'acquitter d'une dette due à une créature (أداء الدَين) : le débiteur sera ainsi relevé de sa dette si quelqu'un la règle pour lui, même s'il ne l'en informe pas.

Pour leur part, d'autres de ces actions ne sont valides que si l'intention de les accomplir est présente.
C'est le cas des paroles induisant quelque chose (الإنشاءات) : une absence d'intention n'a aucune valeur juridique. C'est pourquoi une parole de talâq prononcée pendant le sommeil n'a aucune incidence.

D'autres encore, parmi ces actions, peuvent avoir plusieurs sens, et c'est le sens dont celui qui les fait (ou les dit, s'il s'agit de paroles) a l'intention, qui est déterminant.
Lire : Quand on prononce une Parole / on fait un Signe Gestuel / on fait certaines Actions / on arbore certains Objets : en tout cela, il y a : - ce dont le sens est extrêmement Clair (c'est telle chose, et rien d'autre) ; - ce qui est Clair (c'est tel de ses sens) ; - et ce dont le sens est Equivoque : cela peut être telle chose, ou bien telle autre chose (à probabilités égales) - الصريح والمحتمل.

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Qu'en est-il maintenant de la récompense auprès de Dieu pour cette action ?

Est-ce que le seul fait de pratiquer une action du domaine des 'âdât à qui les sources ont conféré tel caractère ta'abbudî (par exemple "obligatoire" ou "recommandé") rapproche-t-il de Dieu dès lors que cela aura été fait volontairement et de plein gré (sans istithqâl 'aqlî) par le musulman, même si celui-ci n'aura alors pas eu l'intention particulière de se conformer à ce que Dieu veut (itâ'at ullâh), ou d'obtenir telle récompense (ihtissâb) mentionnée dans la Sunna pour cette action, et n'aura fait celle-ci que par habitude ou par devoir imposé par la société ?

Ou bien faire cette action ne rapproche-t-il de Dieu que si cela est accompagné de l'intention de se conformer à ce que Dieu veut, ou d'obtenir les récompenses promises ?

Ainsi, dépenser de ses biens matériels pour les besoins nécessaires de sa famille est obligatoire. Cependant, un tel acte rapportera-t-il des récompenses même si on n'aura pas eu, en le faisant, une intention de ta'abbud ? Et même si sa famille aura dû prendre d'elle-même ce dont elle avait besoin (comme Hind a dû le faire vu que son mari Abû Sufyân ne lui donnait pas suffisamment d'argent) ?
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Lorsque l'homme fait pour sa famille une dépense dont il espère la récompense (auprès de Dieu), cela sera (compté) pour lui une aumône" (al-Bukhârî 55, Muslim 1002). Comme Ibn Hajar le souligne, dans ce hadîth, "être compté comme aumône", cela désigne le fait d'être récompensé, et "espérer la récompense" signifie "avoir l'objectif de rechercher la récompense" (al-qasd ilâ talab il-ajr) ; cela a-t-il valeur de condition sine qua non (qayd ihtirâzî) ?

La même question se pose par rapport au fait de s'abstenir de faire une action des 'âdât ou des mu'âmalât à qui les sources ont conféré tel caractère ta'abbudî, par exemple "interdit" ou "déconseillé" : suffit-il de s'en préserver pour se rapprocher de Dieu ? ou faut-il pour cela avoir, en sus, l'intention d'obéir à Dieu ?

De même, lorsque le Prophète (sur lui soit la paix) dit à Abû Dharr que la relation intime qu'il avait avec son épouse était elle aussi une aumône [donc source de récompenses], celui-ci exprima son étonnement : "L'un d'entre nous satisferait-il son désir et serait-il récompensé ?" Puis le Prophète lui demanda : "Si tu le faisais dans l'illicite, ferais-tu un péché ? - Oui" répondit Abû Dharr. - Vous attendez-vous donc à la rétribution pour le péché, et n'espérez-vous pas la rétribution (tahtasibûna) pour le bien ?" : "عن أبي البختري، عن أبي ذر، قال: قلت: يا رسول الله، ذهب الأغنياء بالأجر، يصلون ويصومون ويحجون! قال: "وأنتم تصلون وتصومون وتحجون." قلت: يتصدقون ولا نتصدق! قال: "وأنت فيك صدقة: رفعك العظم عن الطريق صدقة، وهدايتك الطريق صدقة، وعونك الضعيف بفضل قوتك صدقة، وبيانك عن الأرثم صدقة، ومباضعتك امرأتك صدقة" قال: قلت: يا رسول الله، نأتي شهوتنا ونؤجر؟ قال: "أرأيت لو جعلته في حرام، أكنت تأثم؟" قال: قلت: نعم. قال: "فتحتسبون بالشر ولا تحتسبون بالخير" (rapporté par Ahmad, 21363, 21469 ; munqati' bayn Abi-l-Bakhtarî et Abî Dharr).
S'agit-il donc, ici aussi, d'espérer la récompense pour être récompensé pour cet acte ? ou bien le seul fait de le faire dans le cadre licite rapporte-t-il une récompense ?

Ash-Shâtibî est d'avis que celui qui aura pratiqué sans intention de ta'abbud une action qui est obligatoire ou recommandée et qui relève du domaine des 'âdât, celui-là se sera, sur le plan juridique, acquitté du devoir qui lui incombait ; cependant, il n'aura pas de récompense dans l'au-delà pour cette action (Al-Muwâfaqât, 1/264, 494, 599, 611 ; Al-I'tissâm 1/336).

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I) En fait ash-Shâtibî distingue plusieurs cas de figure à propos de l'accomplissement d'une action relevant du domaine des 'âdât et faisant l'objet d'un caractère ta'abbudî :

Il écrit : "إذ لا يخلو الفعل العادي - إذا خلا عن قصد التعبد - أن يفعل بقصد؛ أو بغير قصد. والمفعول بقصد إما أن يكون القصد مجرد الهوى والشهوة من غير نظر في موافقة قصد الشارع أو مخالفته؛ وإما أن ينظر مع ذلك في الموافقة فيفعل أو في المخالفة فيترك. إما اختيارا؛ وإما اضطرار. فهذه أربعة أقسام" : j'ai cru pouvoir chez l'érudit andalou distinguer les 5 cas qui suivent, le 5ème étant l'action fait avec qasd ut-ta'abbud et qui est citée ailleurs qu'en ce passage) :

1) si le musulman fait cette action sans aucun objectif, à l'instar du dormeur qui s'agite pendant son sommeil, alors il n'aura aucune récompense dans la vie dernière pour cette action : "أحدها: أن يفعل من غير قصد؛ كالغافل والنائم؛ فقد تقدم أن هذا الفعل لا يتعلق به خطاب اقتضاء ولا تخيير، فليس فيه ثواب ولا عقاب؛ لأن الجزاء في الآخرة إنما يترتب على الأعمال الداخلة تحت التكليف؛ فما لا يتعلق به خطاب تكليف، لا يترتب عليه ثمرته" (Ibid., 1/264) ;

2) si le musulman fait cette action des 'âdât avec l'unique objectif d'obtenir le plaisir temporel (hadhdh, gharadh, ladhdha) qu'elle procure, ou s'il la fait parce que le caractère obligatoire de cette action lui a été inculqué par la société (muwâfaqat ur-rasm), ou s'il la fait par pure habitude ('adâ), ou s'il se préserve d'une action interdite parce qu'il déteste cela naturellement (bi hukm it-tab'), et qu'il ne cherche même pas à vérifier si cela correspond ou pas à ce que Dieu a déclaré licite, ou s'il n'a aucune considération pour le fait que Dieu a déclaré cela un devoir, alors : même dans le cas où l'action correspond réellement à ce que Dieu veut, ce musulman n'aura aucune récompense dans la vie dernière pour cette action : "والثاني: أن يفعل لقصد نيل غرضه مجردا؛ فهذا أيضا لا ثواب له على ذلك، كالأول، وإن تعلق به خطاب التكليف أو وقع واجبا (كأداء الديون، ورد الودائع والأمانات، والإنفاق على الأولاد، وأشباه ذلك). ويدخل تحت هذا ترك المنهيات بحكم الطبع. لأن الأعمال بالنيات" (Ibid., 1/264), ni non plus aucun péché (Ibid., 1/516) ; cette action ne le rapproche donc ni ne l'éloigne de Dieu ;

3) si le musulman fait cette action des 'âdât avec l'objectif d'obtenir le plaisir temporel (hadhdh, gharadh, ladhdha) qu'elle procure, mais après avoir vérifié si elle est conforme ou pas à ce que Dieu agrée, ou si elle a été rendue obligatoire ou pas par Dieu, se contentant de faire ensuite ce qui est licite, s'abstenant de faire ce qui est illicite, ou faisant ce qui est obligatoire, alors :

–--- 3.1) si cependant il agit ainsi uniquement parce que la pression familiale ou sociale le presse de se conformer à ce que Dieu veut, et qu'il ne peut donc pas parvenir à son objectif par un autre moyen, ou parce que sinon il subirait une sanction dunyawî (par exemple pour adultère), ne pouvant pas commettre l'action interdite ou ne pouvant pas délaisser l'accomplissement du devoir ; en un mot : il ne se conforme à la norme qu'extérieurement, à contrecœur intérieurement ('aqlî) ; alors : il n'aura pas de récompense dans la vie dernière pour cette action : "والثالث: أن يفعل مع استشعار الموافقة اضطرارا؛ كالقاصد لنيل لذته من المرأة الفلانية، ولما لم يمكنه بالزنى - لامتناعها أو لمنع أهلها - عقد عليها عقد نكاح ليكون موصلا له إلى ما قصد؛ فهذا أيضا باطل بالإطلاق الثاني، لأنه لم يرجع إلى حكم الموافقة إلا مضطرا ومن حيث كان موصلا إلى غرضه، لا من حيث أباحه الشرع؛ وإن كان غير باطل بالإطلاق الأول. ومثل ذلك الزكاة المأخوذة كرها؛ فإنها صحيحة على الإطلاق الأول (إذ كانت مسقطة للقضاء ومبرئة للذمة)، وباطلة على هذا الإطلاق الثاني. وكذلك ترك المحرمات خوفا من العقاب عليها في الدنيا، أو استحياء من الناس، أو ما أشبه هذا" (Ibid. 1/264) ; cette action ne le rapproche donc pas de Dieu ;

–--- 3.2) et s'il agit ainsi par soumission pleinement consentie à ce que Dieu veut (irâda shar'iyya), alors : il aura des récompenses dans la vie dernière pour cette action : "والرابع: أن يفعل لكن مع استشعار الموافقة اختيارا؛ كالفاعل للمباح بعد علمه بأنه مباح، حتى إنه لو لم يكن مباحا لم يفعله؛ فهذا القسم إنما يتعين النظر فيه في المباح، أما المأمور به يفعله بقصد الامتثال، أو المنهي عنه يتركه بذلك القصد أيضا؛ فهو من الصحيح بالاعتبارين" (Ibid. 1/265) ;

4) et si le musulman fait cette action relevant du domaine des 'âdât avec l'objectif de ta'abbud, alors : il sera récompensé encore plus pleinement (dans la vie dernière) pour cette action.

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La différence entre les cas 2 et 3.2 semble se jouer au niveau de l'istish'âr :
le cas 2 évoque le cas où on ne s'est à aucun moment soucié de la conformité ou de la non-conformité de l'action avec ce que disent les sources : même si l'action est apparue conforme à ce que Dieu agrée, il n'y a alors pas de récompense ;
– quant au cas 3.2, il évoque le cas où, pour satisfaire ce désir ou pour obtenir ce plaisir, on a eu recours à ce cadre ou à ce moyen, cependant on l'a fait parce qu'on cherche bien à se conformer au cadre voulu par Dieu, et on s'y conforme avec consentement.

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Quant à la différence entre les cas 3.2 et 4, elle semble tenir au fait que :
dans le cas 3.2, on a eu l'objectif principal d'obtenir l'avantage temporel que l'action procure, ou de se conformer à ce que sa nature aime ou à ce que la société lui a inculqué être un devoir, tout en étant conscient de chercher à réaliser ainsi ce que Dieu veut (ta'abbud), et on s'y conforme avec consentement ;
– alors que dans le cas 4, on a eu principalement l'objectif de ta'abbud, tandis que la recherche de l'avantage temporel (hadhdh dunyawî) a été secondaire (tab'î) et incluse dans l'action (dhimnî) (quand l'action est telle qu'elle confère un avantage temporel), ou bien on n'a même pas pensé (ishtish'âr) à la recherche de cet avantage temporel. Car la recherche de cet avantage est naturelle dans ce genre d'action, vu que l'action elle-même est quelque chose qui est recherché par l'homme pour la satisfaction de ses besoins et désirs terrestres, l'islam n'y ayant apporté que des limites et des règles (Ibid. 1/516-518). Et si l'action est un devoir social, alors c'est la recherche de la conformité avec le canon de la société qui aura été secondaire.

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Ainsi, le port de la barbe est requis par l'islam, et cela a pour objectif que l'homme demeure avec ce qui fait sa beauté physique.
Cependant, le musulman qui garde la barbe avec le seul objectif de beauté (cas 1 ou 2), sans même penser à la conformité ou la non-conformité de cela avec ce que Dieu veut, ce musulman-là ne sera pas récompensé pour cette action dans l'au-delà.
– Et, de même, s'il garde la barbe à cause de la pression sociale, pour être en conformité avec les normes de la société, bien que personnellement il n'a pas d'idée quant la beauté, ou pas, de la barbe (cas 3.1), il ne sera pas non plus récompensé pour cette action dans l'au-delà
Pour être récompensé auprès de Dieu, il faut qu'il ait gardé la barbe avec l'objectif de réaliser ce qui fait sa beauté physique mais d'avoir été conscient que c'est là ce que Dieu veut de lui (cas 3.2), ou avec l'objectif de se conformer à ce que Dieu veut, l'avantage de beauté étant soit seulement secondaire, soit totalement absente (cas 4).

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Il est à noter ici que ash-Shâtibî a aussi écrit ceci : "فإن قيل: فطالب الحظ إذا فرضناه لم يقصد الامتثال على حال، وإنما طلب حظه مجردا، بحيث لو تأتى له  على غير الوجه المشروع لأخذ به، لكنه لم يقدر عليه إلا بالوجه المشروع، فهل يكون القصد الأول في حقه موجودا بالقوة أم لا؟ فالجواب أنه موجود له بالقوة أيضا؛ لأنه إذا لم يكن له سبيل إلى الوصول إلى حظه على غير المشروع، فرجوعه إلى الوجه المشروع قصد إليه، وقصد الوجه المشروع يتضمن امتثال الأمر أو العمل بمقتضى الإذن، وهو القصد الأول الأصلي وإن لم يشعر به على التفصيل" (p. 519).
Cependant, cela concerne le cas 3.2, quand la motivation principale est la recherche du plaisir, le souci de la conformité étant secondaire.
Cela ne concerne pas le cas 2, quand la motivation unique est la recherche du plaisir, sans souci aucune de la conformité ou de la non-conformité.

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II) Qu'est-ce que "avoir une intention de ta'abbud" ?

Quand on dit qu'il s'agit d'avoir l'intention de ta'abbud en accomplissant une action, cela peut prendre l'une des formes suivantes :

– l'intention d'obéir à Dieu, en accomplissant de son plein gré l'action qu'Il a rendu obligatoire ou recommandée (et qui est donc ta'abbudî du domaine des 'âdât), ou en se préservant de son plein gré de ce qu'Il a interdit ou déconseillé ;

– l'intention de se rapprocher de Dieu en se conformant à ce qu'Il veut ;

– l'intention d'obtenir dans l'autre monde la récompense promise pour cette action obligatoire ou recommandée ;

– l'intention de réaliser, par le moyen de cette action instituée en son élémentarité (matlûb bi juz'iyyatihî), l'objectif général (maqsad min al-maqâssid ul-'ulyâ) dont Dieu a voulu la réalisation ou la préservation.

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III) Et qu'en est-il du fait de s'abstenir d'une action interdite (al-kaff 'an il-harâm) : faut-il aussi avoir alors une intention de ta'abbud pour que cela rapproche de Dieu ?

La réponse est "Oui".

De ce que nous avons vu plus haut, il ressort que :

si un musulman se préserve, avec une volonté en bonne et due forme, et avec l'intention de ta'abbud, d'un acte interdit, alors cela correspond au cas 3 ou au cas 2.2 plus haut évoqués : ainsi, le musulman qui, se retrouvant contre son gré en présence d'une personne trop peu vêtue, maîtrise son regard pour Dieu (li waj'h illâh) sera récompensé pour cela auprès de Dieu ;

par contre, si ce musulman maîtrise alors son regard non par pour Dieu mais uniquement parce qu'il est frustré intérieurement (bi hukm it-tab'), ou encore pour se conformer aux usages de la société (li muwâfaqat ir-rasm), alors cela correspond au cas 1, et il n'aura pas de récompense pour cette abstention ; il en est de même si le musulman s'abstient de commettre un grave péché par crainte d'une sanction temporelle : c'est bien qu'il s'abstienne de commettre ce grave péché, mais il n'aura pas de récompense auprès de Dieu pour cette abstention (cliquez ici) ;

de même, si ce musulman maîtrise alors son regard seulement par honte du "qu'en diront les gens" (istih'yâ'an min an-nâs), alors il se trouve dans le cas 2.1 et n'aura pas de récompenses auprès de Dieu.

Par ailleurs, si c'est parce qu'il est occupé à faire autre chose que ce musulman ne fait pas tel acte interdit, sans même qu'il pense s'en préserver, alors cela correspond au cas 1, et ce musulman ne touchera aucune récompense pour cela. Ainsi, quand on reste assis chez soi à lire un livre au contenu licite, ce sont quantité d'actes interdits que l'on aurait pu faire et qu'on ne fait pas ; mais n'ayant pas eu l'intention de s'en préserver, on ne touchera pas de récompense pour en être resté préservé (Fiqh-é hanafî ké ussûl-o-dhawâbit, Cheikh Thânwî, p. 175).
Par contre, si ce musulman s'est fixé comme ligne de conduite de se préserver des assemblées où ce genre de péchés est commis et que c'est volontairement qu'il en demeure à l'écart, il touchera une récompense pour cela : il pratique là en fait une émigration spatiale (cliquez ici pour en savoir plus).

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IV) Récapitulatif :

Quand on parle d'une action des 'âdât qu'il s'agit d'accomplir avec l'objectif de ta'abbud, il peut s'agir d'une des actions suivantes :
– parmi tous les moyens existant sur Terre pour satisfaire un besoin humain naturel, se contenter de l'action-moyen que Dieu a déclarée licite ; ainsi, avoir recours au cadre du mariage pour vivre sa sexualité ;
– pratiquer l'action qui d'une part relève du devoir admis par les humains, et d'autre part a été déclarée obligatoire par Dieu ; ainsi, subvenir aux besoins de ses enfants ;
– se préserver de l'action qui est telle que d'une part ses méfaits ont été mis en exergue par des humains, et que d'autre part Dieu a interdite ; ainsi, lors des relations intimes pratiquées dans le cadre des relations matrimoniales, se préserver de la sodomie.

A) Quand c'est à contrecœur ou avec lassitude entretenue (istithqâl 'aqlî) que l'on "se rabat" sur le moyen qui est licite pour satisfaire tel besoin naturel, que l'on accomplit telle action des 'âdât qui est obligatoire, ou que l'on se préserve de telle action des 'âdât qui est interdite :

Cet état d'esprit est mauvais, et l'action accomplie avec pareil état d'esprit ne rapproche nullement de Dieu. Il s'agit d'une sorte de mécontentement intérieur ('aqlî et non pas tab'î) contre ce que Dieu a prescrit, interdit ou rendu obligatoire.

B) Quand la motivation est autre que celle mentionné en A :

Alors plusieurs cas se présentent...

--- B.A) Quand on fait ainsi uniquement par rapport au regard des hommes de la société :

----- B.A.A) Faire ainsi avec l'objectif d'acquérir la notoriété (jâh) :

Cet objectif est interdit, et l'action faite avec pareil objectif ne rapprochera nullement de Dieu.

Ainsi, respecter les normes islamiques en matière même de 'âdât avec l'intention que les gens le sachent et disent : "ll respecte beaucoup les règles islamiques !"
Ainsi encore, porter des beaux vêtements avec l'intention de se faire une renommée parmi les gens, ou porter des vêtements qui assurent de façon certaine la renommée parmi les gens. Le Prophète a dit : "Celui qui dans ce monde porte des vêtements de renommée ("shuh'ra"), Dieu lui fera porter des vêtements d'humiliation le jour du jugement…" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 3399). (Il s'agit, d'après Ibn Taymiyya, du vêtement de très haut niveau, tellement haut qu'il sort de l'ordinaire, ou du vêtement de tellement bas niveau qu'il sort de l'ordinaire : MF 22/138.)

----- B.A.B) Faire l'action obligatoire uniquement pour éviter le blâme de ses proches ou de ses voisins ("istih'yâ'an min an-nâs" écrit ash-Shâtibî : 1/264), ou uniquement pour éviter une sanction temporelle ("khawfan min al-'iqâb 'alayh fi-d-dunyâ") ; de même, n'avoir recours au moyen qui rend l'action licite que parce qu'on ne peut pas parvenir à son objectif par un autre moyen ("ma'a-s'tish'âr il-muwâfaqati idhtirâran") :

Cette intention ne rapproche ni n'éloigne de Dieu. Elle correspond à ce que nous avions numéroté plus haut comme étant le cas 2.1.

----- B.A.C) Faire ainsi avec l'objectif principal d'obéir à Dieu, et avec l'objectif secondaire (tâbi') d'éviter que les gens aient une mauvaise idée de soi (al-ijtinâb 'an sû'i zann in-nâs) :

Ce genre d'objectif n'est pas interdit, mais il doit rester secondaire par rapport à l'objectif d'obéir à Dieu (Al-Muwâfaqât 1/512-513).

--- B.B) Faire ainsi par habitude personnelle ('âda shakhsiyya tab'iyya) : ainsi, s'il s'agit d'une action obligatoire, la pratiquer parce qu'on a coutume de l'accomplir chaque semaine / chaque mois / chaque année ; ou encore, s'il s'agit d'une action interdite, s'en abstenir uniquement parce que personnellement on éprouve du dégoût pour elle ("tark ul-manhiyyât bi hukm it-tab'" : 1/ 264), sans égard aucun pour le norme voulue par Dieu en la matière :

Ce genre d'intention ne rapproche ni n'éloigne de Dieu. Elle correspond à ce que nous avions numéroté plus haut comme étant le cas 1.

--- B.C) Faire ainsi avec l'objectif d'acquérir un avantage temporel qui n'est pas lié avec le regard des gens :

Il y a alors 2 sous-cas...

----- B.C.A) Faire l'action requise avec un objectif qui est en soi autorisé mais qu'il est néanmoins interdit d'avoir par rapport à cette action précise :

Cet objectif est interdit.

----- B.C.B) Faire l'action requise avec l'objectif (unique ou premier) d'acquérir un avantage temporel autre que celui mentionné en B.A :

------- B.C.B.A) … et ce sans avoir aucune considération pour ce que Dieu veut sur le sujet ("li qasdi nayli gharadhihî mujarradan") :

Ce genre d'intention ne rapproche ni n'éloigne de Dieu. Elle correspond à ce que nous avions numéroté plus haut comme étant le cas 1. L'objectif d'acquérir l'avantage temporel est ici unique.

------- B.C.B.B) … et après avoir vérifié ce que Dieu veut sur le sujet, et ce par un élan venant de soi-même ("ma'a-s'tish'âr il-muwâfaqati ikhtiyâran") :

Cette intention rapproche de Dieu. Elle correspond à ce que nous avions numéroté plus haut comme étant le cas 2.2. L'objectif d'acquérir l'avantage temporel est ici non pas unique mais premier.

--- B.D) Faire l'action requise, ou se préserver de l'action interdite, avec l'objectif premier de se conformer à ce que Dieu veut (itâ'at ullâh / "qasd ut-ta'abbud" : 1/264), l'objectif d'acquérir l'avantage temporel étant secondaire :

Cette intention constitue un degré encore plus élevé que le précédent (B.C.B.B). Elle correspond à ce que nous avions numéroté plus haut comme étant le cas 3.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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