Qui est le fils de Abraham qui faillit être sacrifié : Isaac, ou Ismaël ? (عليهم السلام)

Question :

J'aurais une question à vous poser.
Les juifs et les chrétiens disent que c'était Isaac qui devait être sacrifié par Abraham puis ne l'a pas été, sur ordre de Dieu.
Or les musulmans disent que c'était Ismaël.
J'aimerais avoir plus de détails sur ce point.
D'autant plus que les premiers disent des musulmans qu'ils ont modifié les données des Ecritures, et que les musulmans leur répondent que ce sont eux qui ont falsifié la Torah et l'Evangile !
Mon frère, si vous pouvez m'éclairer je suis prêt à vous lire.

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Réponse :

Le passage coranique qui relate l'épisode où Abraham, après avoir reçu une révélation (wah'y manâmî) de la part de Dieu, était prêt à sacrifier son fils par amour pour Dieu, n'explicite pas de qui il s'agit.

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I) Voici le passage du Coran en question :

"وَقَالَ إِنِّي ذَاهِبٌ إِلَى رَبِّي سَيَهْدِينِ (99) رَبِّ هَبْ لِي مِنَ الصَّالِحِينَ (100) فَبَشَّرْنَاهُ بِغُلَامٍ حَلِيمٍ (101) فَلَمَّا بَلَغَ مَعَهُ السَّعْيَ قَالَ يَا بُنَيَّ إِنِّي أَرَى فِي الْمَنَامِ أَنِّي أَذْبَحُكَ فَانْظُرْ مَاذَا تَرَى قَالَ يَا أَبَتِ افْعَلْ مَا تُؤْمَرُ سَتَجِدُنِي إِنْ شَاءَ اللَّهُ مِنَ الصَّابِرِينَ (102) فَلَمَّا أَسْلَمَا وَتَلَّهُ لِلْجَبِينِ (103) وَنَادَيْنَاهُ أَنْ يَا إِبْرَاهِيمُ (104) قَدْ صَدَّقْتَ الرُّؤْيَا إِنَّا كَذَلِكَ نَجْزِي الْمُحْسِنِينَ (105) إِنَّ هَذَا لَهُوَ الْبَلَاءُ الْمُبِينُ (106) وَفَدَيْنَاهُ بِذِبْحٍ عَظِيمٍ (107) وَتَرَكْنَا عَلَيْهِ فِي الْآخِرِينَ (108) سَلَامٌ عَلَى إِبْرَاهِيمَ (109) كَذَلِكَ نَجْزِي الْمُحْسِنِينَ (110) إِنَّهُ مِنْ عِبَادِنَا الْمُؤْمِنِينَ (111)"
"Et il [= Abraham] dit : "Je pars vers mon Seigneur, Il me guidera. Seigneur, donne-moi (une progéniture) du nombre des pieux." Nous lui donnâmes la bonne nouvelle d'un garçon longanime. Puis, quand celui-ci atteignit le say' avec lui, (Abraham lui) dit : "O mon fils, je vois en songe que je suis en train de t'immoler. Vois donc ce que tu en penses." Il dit : "O mon père, fais ce qui t'est ordonné ; tu me trouveras, si Dieu le veut, du nombre des patients." Puis, lorsque tous deux se furent soumis et qu'il l'eut placé le côté du front (par terre), voilà que Nous l'appelâmes : "O Abraham, tu as confirmé le songe." C'est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants. C'était là l'épreuve manifeste. Et nous le rachetâmes d'une grande immolation. Et Nous perpétuâmes dans la postérité (cette parole) : "Paix soit sur Abraham !" Ainsi récompensons-Nous les bienfaisants. Il était du nombre de Nos serviteurs croyants" (Coran 37/99-111).

Qui est ce "garçon longanime" que Abraham reçut l'ordre d'immoler, en songe, par révélation divine (seuls les songes des prophètes sont formels, car constituant une forme de révélation), on le voit, le passage coranique ne l'explicite pas… Et il y a divergence d'avis à ce sujet entre les commentateurs du Coran (dont certains Compagnons eux-mêmes)...

1) Certains ulémas disent que c'était Isaac (sur lui soit la paix). Cet avis est relaté entre autres de Ibn Mas'ûd, Qatâda, Mas'rûq, 'Ikrima, 'Atâ, Muqâtil, az-Zuhrî (Tafsîr Ibn Kathîr 4/18).

2) D'autres ulémas disent qu'il s'agissait de Ismaël (sur lui soit la paix). Cet avis est relaté notamment de Ibn Omar, Abû Hurayra, al-Hassan al-Basrî, Mujâhid, Sa'ïd ibn ul-Mussayyib, ar-Rabî' ibn Anas, Muhammad ibn Ka'b al-Qurazî, al-Kalbî (Tafsîr Ibn Kathîr 4/19).

De Ibn Abbâs, ces deux avis 1 et 2 sont relatés (cf. Tafsîr ut-Tabarî).

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S'il s'agit de Isaac (1), alors :
----- 1.1) soit cela eut lieu à Shâm. La Torah précise que le sacrifice devait avoir lieu sur le mont Moriah précisément (qui est le Mont Sion, qui est le Mont sur lequel plus tard fut bâti le Lieu de Culte désigné par les juifs sous le nom du "Temple", et par les musulmans sous le nom de la "Masjid Aqsâ") ; la tradition juive dit que "le sacrifice" eut lieu sur le Roc du Mont ;
----- 1.2) soit cela eut lieu près de La Mecque : à Minâ : Isaac fut transporté miraculeusement jusqu'à La Mecque : "وقيل: طويت له الأرض حتى حمله إلى المنحر بمنى في ساعة" (Zâd ul-massîr) ; "وعلى تسليم الوقوع بمكة، لا مانع من أن يكون إبراهيم قد سار به من الشام إليها، بل قد روي القول به: أخرج عبد الله بن أحمد في زوائد الزهد عن سعيد بن جبير قال: "لما رأى إبراهيم في المنام ذبح إسحاق، سار به من منزله إلى المنحر بمنى مسيرة شهر في غداة واحدة؛ فلما صرف عنه الذبح وأمر بذبح الكبش، ذبحه ثم راح به رواحا إلى منزله في عشية واحدة مسيرة شهر؛ طويت له الأودية والجبال" (Rûh ul-ma'ânî).

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Et s'il s'agit de Ismaël (2), les deux options sont également possibles et ont été avancées :
----- 2.1) soit cela eut lieu à Shâm, sur le mont de Jérusalem ; cela se produisit alors avant l'éloignement de Ismaël et de sa mère ;
----- 2.2) soit cela eut lieu près de La Mecque (se produisant après l'éloignement de Ismaël et sa mère) : à Minâ (nous verrons des âthâr sur le sujet plus bas) ; le bélier de substitution fut descendu sur le Mont Thabîr (lequel se trouve à al-Muzdalifa) : "حدثنا ابن حميد، قال: ثنا سلمة، عن ابن إسحاق، عن عمرو بن عبيد، عن الحسن أنه كان يقول: ما فدي إسماعيل إلا بتيس من الأروي أهبط عليه من ثبير" (Tafsîr ut-Tabarî).

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De qui s'agissait-il donc : de Isaac, ou de Ismaël ?

At-Tabarî a donné préférence à l'avis 1 : il s'agissait de Isaac. Ibn ul-Jawzî affirme que les hanbalites appuient en général cet avis [1], même si les deux avis sont relatés de Ahmad ibn Hanbal (Zâd ul-massîr). Pour sa part, al-Qurtubî penche vers cet avis [1] (Tafsîr ul-Qurtubî).

Les arguments de at-Tabarî sont :
– le passage coranique sus-cité affirme que Abraham reçut la bonne nouvelle de la naissance prochaine d'un fils : "Nous lui donnâmes la bonne nouvelle d'un garçon longanime" (Coran 37/101) ;
– or, ailleurs dans le Coran, il est dit explicitement que c'est de la naissance de Isaac que Abraham reçut la bonne nouvelle : Dieu dit en effet : "Nous te donnons la bonne nouvelle d'un garçon doué de connaissance" (Coran 15/53) ; "et ils lui annoncèrent la bonne nouvelle d'un garçon doué de connaissance" (Coran 51/28) ; suit le récit de l'étonnement de l'épouse de Abraham, déjà très âgée (Coran 51/29) : or c'est Sarah – et non Hagar – qui enfanta son fils à un âge très avancé : c'est elle l'épouse qui s'étonna de la nouvelle de sa grossesse prochaine ; le fils dont Abraham reçut la bonne nouvelle est donc Isaac ; d'ailleurs un autre verset nomme explicitement "Isaac" (Coran 11/71-72) ;
– on en déduit que dans la sourate 37 aussi, le "garçon longanime" non nommé dont Abraham reçut la bonne nouvelle de la naissance est Isaac ;
– le passage disant que c'est ce "garçon longanime" que Abraham reçut l'ordre de sacrifier (sourate 37), le fils qui a failli être sacrifié était donc Isaac (argumentation relatée par Ibn Kathîr).

D'autres indices ont été ajoutés par certains contemporains, parmi lesquels celui-ci :
– par induction (istiqrâ') on sait que la bonne nouvelle donnée aux parents d'une naissance prochaine n'est relatée dans le Coran que lorsque cette naissance est miraculeuse. On le voit pour Jean-Baptiste, que Zacharie va avoir alors qu'il est vieux et que sa femme est stérile. On le voit pour Jésus, que Marie va avoir sans l'intervention d'un homme. Et on le voit pour Isaac, que Sarah va avoir alors qu'elle est vieille. Or la naissance d'Ismaël est naturelle : Hagar est alors encore jeune. Par confrontation avec le principe général, on peut déduire que, en Coran 37/101, ce n'est pas Ismaël dont la bonne nouvelle de la naissance est annoncée à Abraham, mais bien Isaac, comme cela est par ailleurs explicitement le cas en Coran 11/71, et comme c'est à l'unanimité des ulémas le cas en Coran 15/53 et en Coran 51/28.

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Az-Zajjâj a dit pour sa part ne pas pouvoir se prononcer : "وقال الزجاج: الله أعلم أيهما الذبيح. وهذا مذهب ثالث" (Tafsîr ul-Qurtubî, 15/101).
C'est aussi la dernière posture de as-Suyûtî (ainsi relaté de lui dans Rûh ul-ma'ânî).

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Ibn Kathîr a cité l'avis de at-Tabarî mais ne l'a pas trouvé très pertinent. Il écrit que l'avis correct à ce sujet est l'avis 2, qui dit que c'est Ismaël qui faillit être sacrifié. Et il a repris sur ce point l'argumentation de Muhammad ibn Ka'b al-Qurazî (voir Tafsîr Ibn Kathîr) (laquelle argumentation a été également rapportée dans Tafsîr ut-Tabarî, n° 29355).

Pour sa part, al-Âlûssî penche seulement vers cet avis : "والذي أميل أنا إليه أنه إسماعيل عليه السلام، بناء على ظاهر الآية يقتضيه وأنه المروي عن كثير من أئمة أهل البيت ولم أتيقن صحة حديث مرفوع يقتضي خلاف ذلك" (Rûh ul-ma'ânî).

Al-Qurazî fait valoir que, à lire le passage coranique en question, on s'aperçoit qu'il y a d'abord le verset qui relate l'annonce faite à Abraham de la naissance d'un "fils longanime" et que suit la relation de l'ordre divin de sacrifier ce fils une fois qu'il eut quelque peu grandi (verset 102). Mais on lit, ensuite, plus loin, un autre verset qui dit : "Et Nous lui donnâmes la bonne nouvelle de Isaac, prophète parmi les pieux" (verset 112) ; on relève que la citation de la bonne nouvelle de sa naissance est articulée avec ce qui précède par la conjonction "وَ", "Et", ce qui fait qu'il s'agit d'un propos différent, et non pas d'un récapitulatif de ce qui précède (car si c'était le cas, il y aurait eu la particule : "فَ", "Ainsi donc").
Ibn Kathîr qualifie donc cet avis de "correspondant à ce qui apparaît du sens immédiat de ce passage du Coran" : "الظاهر من القرآن" (Al-Bidâya wa-n-Nihâya 1/193).
Voici en effet l'intégralité du passage coranique :
"وَقَالَ إِنِّي ذَاهِبٌ إِلَى رَبِّي سَيَهْدِينِ.
رَبِّ هَبْ لِي مِنَ الصَّالِحِينَ فَبَشَّرْنَاهُ بِغُلَامٍ حَلِيمٍ فَلَمَّا بَلَغَ مَعَهُ السَّعْيَ قَالَ يَا بُنَيَّ إِنِّي أَرَى فِي الْمَنَامِ أَنِّي أَذْبَحُكَ فَانْظُرْ مَاذَا تَرَى قَالَ يَا أَبَتِ افْعَلْ مَا تُؤْمَرُ سَتَجِدُنِي إِنْ شَاءَ اللَّهُ مِنَ الصَّابِرِينَ فَلَمَّا أَسْلَمَا وَتَلَّهُ لِلْجَبِينِ وَنَادَيْنَاهُ أَنْ يَا إِبْرَاهِيمُ قَدْ صَدَّقْتَ الرُّؤْيَا إِنَّا كَذَلِكَ نَجْزِي الْمُحْسِنِينَ إِنَّ هَذَا لَهُوَ الْبَلَاءُ الْمُبِينُ وَفَدَيْنَاهُ بِذِبْحٍ عَظِيمٍ وَتَرَكْنَا عَلَيْهِ فِي الْآخِرِينَ سَلَامٌ عَلَى إِبْرَاهِيمَ كَذَلِكَ نَجْزِي الْمُحْسِنِينَ إِنَّهُ مِنْ عِبَادِنَا الْمُؤْمِنِينَ.
وَبَشَّرْنَاهُ بِإِسْحَاقَ نَبِيًّا مِنَ الصَّالِحِينَ.
وَبَارَكْنَا عَلَيْهِ وَعَلَى إِسْحَاقَ.
وَمِنْ ذُرِّيَّتِهِمَا مُحْسِنٌ وَظَالِمٌ لِنَفْسِهِ مُبِينٌ"
:
"Et il dit : "Je pars vers mon Seigneur, Il me guidera." "Seigneur, donne-moi (une progéniture) du nombre des pieux." Alors Nous lui donnâmes la bonne nouvelle d'un garçon longanime. Puis, quand celui-ci atteignit le sa'y avec lui, (Abraham lui) dit : "O mon fils, je vois en songe que je suis en train de t'immoler. Vois donc ce que tu en penses." Il dit : "O mon père, fais ce qui t'est ordonné ; tu me trouveras, si Dieu le veut, du nombre des patients." Puis, lorsque tous deux se furent soumis et qu'il l'eut placé le côté du front (par terre), voilà que Nous l'appelâmes : "O Abraham, tu as confirmé le songe." C'est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants. C'était là l'épreuve manifeste. Et nous le rachetâmes d'une grande immolation. Et Nous perpétuâmes dans la postérité (cette parole) : "Paix soit sur Abraham !" Ainsi récompensons-Nous les bienfaisants. Il était du nombre de Nos serviteurs croyants.
Et Nous lui donnâmes la bonne nouvelle d'Isaac, comme prophète d'entre les pieux.
Et Nous (les) bénîmes, lui et Isaac.
Et dans la descendance des deux il y a l'homme de bien et celui qui est manifestement injuste envers lui-même"
(Coran 37/99-113).
Voyez, disent al-Qurazî et Ibn Kathîr, à considérer l'intégralité de ce passage, on s'aperçoit rapidement que d'abord est évoqué le "fils longanime" (verset 101), ensuite Isaac est expressément nommé (verset 112). On en déduit que le "fils longanime" est autre que Isaac. Il s'agit donc d'Ismaël (Tafsîr Ibn Kathîr).
De plus, le passage se clôt sur ce verset : "Nous (les) bénîmes, lui et Isaac" (verset 113) : deux personnages sont ici mentionnés : l'un est désigné par le pronom personnel masculin singulier "lui" ; le second est expressément nommé : "Isaac". Le premier personnage est donc autre que Isaac. De qui s'agit-il ? Selon un des commentaires il s'agit de celui-là même qui, dans ce passage, avait été cité en premier (mais sans être expressément nommé) : il s'agit de l'autre fils de Abraham, autrement dit de Ismaël (Tafsîr ul-Qurtubî 15/112, Qassas ul-qur'ân 1/239). La même chose peut être dite à propos de la suite de la phrase de ce verset 113 : "Et dans la descendance des deux il y a l'homme de bien et celui qui est manifestement injuste envers lui-même" signifie que dans la descendance de Ismaël comme dans celle de Isaac il y a homme de bien et homme injuste.

La bonne nouvelle d'une naissance prochaine, donnée aux parents, ce n'est pas toujours dans le Coran parce qu'elle est miraculeuse. Ainsi, en Coran 11/71, il est relaté que la bonne nouvelle de la naissance prochaine de Isaac fut donnée à Sarah, et, après Isaac, de la naissance future de Jacob : "وَامْرَأَتُهُ قَآئِمَةٌ فَضَحِكَتْ فَبَشَّرْنَاهَا بِإِسْحَقَ وَمِن وَرَاء إِسْحَقَ يَعْقُوبَ" (Coran 11/71) ;
--- soit c'est tout de suite que cette seconde bonne nouvelle fut elle aussi donnée à Sarah ; et ce fut pour appuyer encore plus la bonne nouvelle de la naissance miraculeuse de Isaac : non seulement Sarah, bien que très âgée, aurait un fils, Isaac, mais celui-ci ne mourrait pas en bas-âge mais vivrait et, au moment voulu, enfanterait à son tour un fils nommé Jacob. Cependant, si c'est à ce moment-là que la bonne nouvelle de la naissance future de Jacob aussi fut donnée à Sarah en présence de Abraham, se pose alors la question de savoir quelle épreuve l'ordre de sacrifier ce fils va-t-elle vraiment induire quelques années plus tard, sachant que depuis avant sa naissance la bonne nouvelle avait été donnée de la part de Dieu à ses parents que Isaac vivrait et que de lui naîtrait Jacob... (ولأن الله تعالى قال: "وبشرناه بإسحاق نبيا" فكيف يأمره بذبحه وقد وعده أن يكون نبيا؟ وأيضا فإن الله تعالى قال: "فبشرناها بإسحاق ومن وراء إسحاق يعقوب" فكيف يؤمر بذبح إسحاق قبل إنجاز الوعد في يعقوب" : Tafsîr ul-Qurtubî) ;
--- soit c'est seulement plus tard que la bonne nouvelle de la naissance de Jacob fut donnée, et le verset 11/71 contient en fait une ellipse narrative (temporelle) ("أما قولهم: كيف يأمره بذبحه وقد وعده بأنه يكون نبيا، فإنه يحتمل أن يكون المعنى: وبشرناه بنبوته بعد أن كان من أمره ما كان، قاله ابن عباس وسيأتي. ولعله أمر بذبح إسحاق بعد أن ولد لإسحاق يعقوب. قال: لم يرد في القرآن أن يعقوب يولد من إسحاق" : Tafsîr ul-Qurtubî) (possibilité également évoquée dans Bayân ul-qur'ân). Mais alors on voit qu'il n'est pas vrai de dire que dans le Coran, la bonne nouvelle d'une naissance (prochaine ou future) a toujours lieu parce que celle-ci serait miraculeuse : en effet, la naissance de Jacob ne fut pas miraculeuse, et pourtant on lit ici qu'elle fut annoncée à ses grands-parents, ou à ses parents.
Sans compter que, quand Ismaël naquit, même si Hagar était jeune, Abraham, lui, était déjà très âgé (86 ans d'après le récit de la Torah). Abraham n'a-t-il pas dit, plus tard : "الْحَمْدُ لِلّهِ الَّذِي وَهَبَ لِي عَلَى الْكِبَرِ إِسْمَاعِيلَ وَإِسْحَقَ إِنَّ رَبِّي لَسَمِيعُ الدُّعَاء" : "Louange à Dieu qui m'a donné malgré la vieillesse Ismaël et Isaac. Mon Seigneur est vraiment Celui qui entend l'invocation" (Coran 14/39)... Voilà qui explique pourquoi Dieu lui donna la bonne nouvelle de la naissance prochaine de Ismaël. Cette bonne nouvelle se comprend d'autant plus que la dernière phrase de ce verset 14/39 fait allusion au fait que Abraham avait invoqué Dieu de lui accorder une descendance (car Sarah et lui n'avaient pas eu d'enfant) : bonne nouvelle lui fut donc donnée que son invocation avait été acceptée et qu'il allait avoir un fils de Hagar : "رَبِّ هَبْ لِي مِنَ الصَّالِحِينَ فَبَشَّرْنَاهُ بِغُلَامٍ حَلِيمٍ" : ""Seigneur, donne-moi (une progéniture) du nombre des pieux." Nous lui donnâmes alors la bonne nouvelle d'un garçon longanime" (Coran 37/100-101).
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--- C'est donc bien Ismaël (sur lui soit la paix) qui est le "غُلَام حَلِيم", "garçon longanime", évoqué en Coran 37/101. Et c'est l'avis 2 qui est correct (الراجح).
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--- Isaac (sur lui soit la paix) a pour sa part été qualifié, ailleurs dans le Coran, de "غُلَام عَلِيم", "garçon doué de connaissance" : Coran 15/53 ; Coran 51/28.

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Et quand, et où, se déroula cet épisode pendant lequel Abraham (sur lui soit la paix) fut ainsi prêt à sacrifier son fils unique, Ismaël, avant que Dieu lui dise de suspendre son geste ?

Le Coran donne seulement l'indication suivante, au sujet du moment : "فَلَمَّا بَلَغَ مَعَهُ السَّعْيَ قَالَ يَا بُنَيَّ إِنِّي أَرَى فِي الْمَنَامِ أَنِّي أَذْبَحُكَ فَانْظُرْ مَاذَا تَرَى" : "Puis, quand celui-ci atteignit avec lui le say', (Abraham lui) dit : "O mon fils..." (Coran 37/102).
Cela signifie :
--- soit que ce fils se mit à marcher ;
--- soit qu'il se mit à accompagner son père et à l'aider ;
--- soit qu'il atteignit l'âge de raisonner ;
--- soit qu'il se mit à accomplir des actes de dévotion à Dieu (prières et jeûnes) ;
--- soit qu'il atteignit l'âge de la puberté
"قوله تعالى: {فَلَمَّا بَلَغَ مَعَهُ السَّعْيَ} فيه ثلاثة أقوال: أحدها: أنّ المراد بالسّعي ها هنا: العمل، قاله ابن عباس. والثاني: أنه المشي، والمعنى: مشى مع أبيه، قاله قتاده. قال ابن قتيبة: بلغ أن ينصرف معه ويُعِينَه. قال ابن السائب: كان ابن ثلاث عشرة سنة. والثالث: أن المراد بالسعي: العبادة، قاله ابن زيد، فعلى هذا يكون قد بلغ" (Zâd ul-massîr).
"فلما بلغ معه" المبلغ الذي يسعى مع أبيه في أمور دنياه معينا له على أعمال "قال يا بني إني أرى في المنام أني أذبحك". وقال مجاهد:" فلما بلغ معه السعي" أي شب وأدرك سعيه سعي إبر أهيم. وقال الفراء: كان يومئذ ابن ثلاث عشرة سنة. وقال ابن عباس: هو احتلام. قتادة: مشى مع أبيه. الحسن ومقاتل: هو سعي العقل الذي تقوم به الحجة. ابن زيد: هو السعي في العبادة؛ ابن عباس: صام وصلى، ألم تسمع الله عز وجل يقول: "وسعى لها سعيها" (Tafsîr ul-Qurtubî).
Par ailleurs, on trouve chez certains commentateurs que Ismaël était alors âgé :
--- de 7 ans ;
--- de 13 ans (voir Tafsîr us-Sam'ânî etc.).

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a) Si on retient
, de ce passage du verset coranique sus-cité ("فَلَمَّا بَلَغَ مَعَهُ السَّعْيَ" : "quand (ce fils) atteignit avec lui le sa'y"), que lorsque l'épisode du sacrifice survint, Ismaël vivait dans la compagnie de son père... (ce qui en constitue un commentaire possible : "وجوّز تعلقه بـ"بلغ". ورُدَّ بأنه يقتضي بلوغهما معًا حد السعي لما سمعت من معنى "مع"، وهو غير صحيح. وأجيب بأن "مع" على ذلك لمجرد الصحبة، على أن تكون مرادفة "عند"، نحو: "فلان يتغنى مع السلطان" أي: عنده. ويكون حاصل المعنى: "بلغ عند أبيه وفي صحبته متخلقا بأخلاقه متطبعا بطباعه" : Rûh ul-ma'ânî)...

b) Et qu'on retient l'interprétation qui dit que ce n'est pas la totalité des détails du récit que Ibn Abbâs a fait de l'installation de Hagar et Ismaël dans le désert, loin de Shâm, qui a pour source le prophète Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) – et cela conformément à ce que Ibn Kathîr en pense ("والحديث - والله أعلم - إنما فيه مرفوع أماكن صرح بها ابن عباس عن النبي صلى الله عليه وسلم" : Tafsîr Ibn Kathîr 1/156 ; "وهذا الحديث من كلام ابن عباس وموشح برفع بعضه؛ وفي بعضه غرابة؛ وكأنه مما تلقاه ابن عباس عن الإسرائيليات. وفيه أن اسمعيل كان رضيعا إذ ذاك؛ وعند أهل التوراة أن إبراهيم أمره الله بأن يختن ولده اسمعيل وكل من عنده من العبيد وغيرهم فختنهم، وذلك بعد مضي تسع وتسعين سنة من عمره، فيكون عمر اسمعيل يومئذ ثلاث عشرة سنة" : Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 1/191 ; "وكأن بعض هذا السياق متلقى من الإسرائيليات ومطرز بشئ من المرفوعات" : Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 1/191)...

c) Alors on penche (مَيْلان) vers l'avis 2.1 :

... ce serait lorsque son fils Ismaël vivait encore dans sa compagnie, à Shâm, que Abraham (sur lui soit la paix) vit en rêve qu'il l'immolait ;
... et ce serait à Shâm que cet épisode du "sacrifice" d'Ismaël se déroula ;
... enfin, ce serait
quelque temps ou quelques années après cet épisode que Hagar et son fils Ismaël furent éloignés de Shâm suite à l'exigence de Sarah par rapport à son fils Isaac, et envoyés alors dans le désert, vers le sud.
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Et c'est ce que az-Zarkashî a écrit : le fils qui faillit être sacrifié est Ismaël, et cet événement se déroula à Jérusalem : ce fut sur le Roc du Mont (الصخرة) que Abraham sacrifia alors le bélier. Parlant de "الصخرة في المسجد الأقصى", il écrit ainsi : "ولما فُدِيَ إسماعيل بالكبش، ذبحه إبراهيم (عليهما السلام) عليها؛ فاختار الله ذلك الموضع لقربان خليله صلى الله عليه وسلم ومَنّ عليه بفداء ابنه" (
I'lâm us-sâjid, p. 205).

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Alors, bien sûr, ceux qui sont de l'avis 2.2 (selon lequel cela s'est passé à La Mecque) font valoir que dans "فَلَمَّا بَلَغَ مَعَهُ السَّعْيَ", "quand (ce fils) atteignit avec lui le sa'y", les termes "avec lui" ne signifient pas nécessairement : "vivant dans sa compagnie", mais sont à comprendre ainsi : "فلما بلغ رتبة أن يسعى معه في أشغاله وحوائجه؛ و"مع" ظرف لـ"السعي" (Rûh ul-ma'ânî) : "Lorsqu'il atteignit de pouvoir marcher / travailler, capable alors d'être avec son père" ; "or ceci se passa lors de l'une des visites de ce père à La Mecque" : ceci est une explication elle aussi tout à fait plausible. Selon elle, le passage signifie seulement que Abraham s'était rendu quelques temps à La Mecque pour pouvoir rendre visite à son fils et la mère de celui-ci, et c'est lors de l'un de ses séjours de ce type, alors même que Ismaël avait atteint de pouvoir travailler / ou autre, avec lui, qu'il vit ce rêve. "أي : كبر وترعرع وصار يذهب مع أبيه ويمشي معه. وقد كان إبراهيم - عليه السلام - يذهب في كل وقت يتفقد ولده وأم ولده ببلاد فاران وينظر في أمرهما؛ وقد ذكر أنه كان يركب على البراق سريعا إلى هناك، فالله أعلم" (Tafsîr Ibn Kathîr).
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L'avis 2.1 - c'est celui vers lequel je penche -, selon lequel le "sacrifice" de Ismaël se serait passé à Shâm, expliquerait comment à la fois les fils d'Ismaël (descendants du "sacrifié") et les fils d'Israël (demeurés alors à Shâm, le lieu du "sacrifice") relatent cet épisode.

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d) Certes, peuvent poser question par rapport à cela les hadîths suivants, marfû' et mawqûf, de Ibn Abbâs, qui parlent explicitement de al-'Aqaba et autre, dans la région de La Mecque, comme lieu du "sacrifice" :
Al-Albânî écrit : "ضعيف بهذا السياق. أخرجه أحمد (رقم 2795) من طريق حماد بن سلمة عن عطاء بن السائب عن سعيد بن جبير عن ابن عباس مرفوعا. وهذا إسناد ضعيف رجاله كلهم ثقات، وعلّته أن عطاء بن السائب كان قد اختلط وسمع منه حماد في هذه الحالة وقبلها أيضا، فقول الزرقاني في شرح المواهب (1/98) والشيخ أحمد شاكر في تعليقه على المسند: "إسناده صحيح": غير مسلّم. ومن المعروف عن الشيخ أحمد أنه يحتجّ في تصحيح هذا السند بأن حمادا سمع من عطاء قبل الاختلاط، ذكر ذلك في غير ما موضع من تعليقه على المسند وغيره. وهو ذهول عما ذكره الحافظ في تهذيب التهذيب عن بعض الأئمة أنه سمع منه في الاختلاط أيضا؛ فلا يجوز حينئذ تصحيح حديثه إلا بعد تبين أنه سمعه منه قبل الاختلاط.
والحديث أخرجه الحاكم (1/466) من طريق أخرى عن ابن عباس رفعه دون قصة الذبح، وصححه على شرط مسلم ووافقه الذهبي.
وأخرجه أحمد (رقم 2707) من طريق ثالث عنه أتم منه، وفيه القصة، وفيه تسمية الذبيح: إسماعيل؛ وهو الصواب لما تقدم بيانه في حديث: "الذبيح إسحاق" رقم (332)
" (Silsilat ul-ahâdîth idh-dha'îfa, 1/552, sous le n° 337).

----- d.a) "حدثنا يونس، أخبرنا حماد، عن عطاء بن السائب، عن سعيد بن جبير، عن ابن عباس، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "إن جبريل ذهب بإبراهيم إلى جمرة العقبة، فعرض له الشيطان، فرماه بسبع حصيات، فساخ، ثم أتى به الجمرة الوسطى، فعرض له الشيطان، فرماه بسبع حصيات، فساخ، ثم أتى به الجمرة القصوى، فعرض له الشيطان، فرماه بسبع حصيات، فساخ. فلما أراد إبراهيم أن يذبح ابنه إسحاق، قال لأبيه: يا أبت، أوثقني لا أضطرب، فينتضح عليك من دمي إذا ذبحتني؛ فشده؛ فلما أخذ الشفرة فأراد أن يذبحه، نودي من خلفه: {أن يا إبراهيم قد صدقت الرؤيا}" (Ahmad, 2794 ; Al-Bayhaqî, As-Sunan al-Kub'râ, 9694). Ici on trouve mention du récit de la résolution d'immoler son fils, et le matn est marfû', cependant la chaîne de narration est dha'îf à cause de 'Atâ ibn us-Sâ'ïb, de qui ce fut lorsque ses facultés mémorielles avaient décliné que Hammâd entendit cette narration (comme al-Albânî l'a dit).

----- d.b) "حدثنا أبو جعفر محمد بن صالح بن هانئ، ثنا أبو عبد الله محمد بن أحمد بن أنس القرشي، ثنا جعفر بن عبد الله، حدثني إبراهيم بن طهمان، ثنا الحسن بن عبد الله، عن سالم بن أبي الجعد، عن ابن عباس رفعه قال: "لما أتى إبراهيم خليل الله المناسك، عرض له الشيطان عند جمرة العقبة فرماه بسبع حصيات حتى ساخ في الأرض، ثم عرض له عند الجمرة الثانية فرماه بسبع حصيات حتى ساخ في الأرض، ثم عرض له عند الجمرة الثالثة فرماه بسبع حصيات حتى ساخ في الأرض." قال ابن عباس: "الشيطان ترجمون، وملة أبيكم تنعون." هذا حديث صحيح على شرط الشيخين، ولم يخرجاه" (Al-Hâkim, Al-Mustad'rak, 1713) ; "أخبرنا أبو عبد الله الحافظ، أنبأ أبو جعفر محمد بن صالح بن هانئ، ثنا أبو عبد الله محمد بن أحمد بن أنس القرشي، ثنا حفص بن عبد الله، حدثني إبراهيم بن طهمان، ثنا الحسن بن عبيد الله، عن سالم بن أبي الجعد، عن ابن عباس رفعه قال" (Al-Bayhaqî, As-Sunan al-Kub'râ, 9693 : à la fin, ici, on lit plutôt : "قال ابن عباس رضي الله تعالى عنه: "الشيطان ترجمون، وملة أبيكم تتبعون"). Cependant, comme l'a relevé al-Albânî, on ne trouve ici aucune mention du récit de la résolution d'immoler le fils, mais simplement de l'occasion où Abraham s'est rendu dans ces lieux des rites du pèlerinage. Car Abraham s'était bel et bien rendu dans ces lieux de pèlerinage : "عن عمرو بن عبد الله بن صفوان، عن يزيد بن شيبان، قال: أتانا ابن مربع الأنصاري ونحن وقوف بالموقف مكانا يباعده عمرو، فقال: "إني رسول رسول الله صلى الله عليه وسلم إليكم يقول: "كونوا على مشاعركم، فإنكم على إرث من إرث إبراهيم" (at-Tirmidhî, 883, Abû Dâoûd, an-Nassâ'ï, Ibn Mâja). Le Coran relate d'ailleurs que la Kaaba fut bâtie par Abraham et Ismaël (ce qui eut lieu quand Ismaël était déjà installé à La Mecque). Le prophète Esaïe (sur lui soit la paix) avait eu cette prophétie : "Réjouis-toi, stérile, toi qui n'enfantes plus ! Fais éclater ton allégresse et ta joie, toi qui n'as plus de douleurs ! Car les fils de la délaissée seront plus nombreux que les fils de celle qui est mariée, dit l'Eternel" (Esaïe, 54/1). Cette prophétie parle de La Mecque : elle n'enfantait plus d'hommes pieux (vu que, au fil du temps, la grande majorité de ses fils étaient devenus polycultistes). Mais, après la mission de Muhammad (sur lui soit la paix), le retour des fils d'Ismaël dans le monothéisme et leur prédication dans les régions alentour, il en résulte que, au final, le Jour de la Résurrection, les fils pieux de la (femme-esclave) qui a été délaissée car éloignée dans le désert (Hagar) seront plus nombreux que les fils pieux de la femme qui était mariée (et a été gardée auprès de Abraham) (Sarah).

----- d.c) "حدثنا سريج، ويونس، قالا: حدثنا حماد يعني ابن سلمة، عن أبي عاصم الغنوي، عن أبي الطفيل، قال: قلت لابن عباس: "يزعم قومك أن (...). قلت: ويزعم قومك أن رسول الله صلى الله عليه وسلم سعى بين الصفا والمروة، وأن ذلك سنة؟" قال: "صدقوا. إن إبراهيم لما أمر بالمناسك، عرض له الشيطان عند المسعى فسابقه، فسبقه إبراهيم. ثم ذهب به جبريل إلى جمرة العقبة، فعرض له شيطان - قال يونس: الشيطان - فرماه بسبع حصيات، حتى ذهب. ثم عرض له عند الجمرة الوسطى فرماه بسبع حصيات، قال: قد تله للجبين - قال يونس: وثم تله للجبين - وعلى إسماعيل قميص أبيض، وقال: يا أبت، إنه ليس لي ثوب تكفنني فيه غيره، فاخلعه حتى تكفنني فيه، فعالجه ليخلعه، فنودي من خلفه: {أن يا إبراهيم قد صدقت الرؤيا}، فالتفت إبراهيم، فإذا هو بكبش أبيض أقرن أعين. قال ابن عباس: لقد رأيتنا نتبع ذلك الضرب من الكباش. قال: ثم ذهب به جبريل إلى الجمرة القصوى، فعرض له الشيطان، فرماه بسبع حصيات حتى ذهب. ثم ذهب به جبريل إلى منى قال: هذا منى - قال يونس: هذا مناخ الناس -. ثم أتى به جمعا، فقال: هذا المشعر الحرام. ثم ذهب به إلى عرفة. فقال ابن عباس: هل تدري لم سميت عرفة؟ قلت: لا. قال: إن جبريل قال لإبراهيم: عرفت - قال يونس: هل عرفت؟ - قال: نعم. قال ابن عباس: فمن ثم سميت عرفة. ثم قال: هل تدري كيف كانت التلبية؟ قلت: وكيف كانت؟ قال: إن إبراهيم لما أمر أن يؤذن في الناس بالحج، خفضت له الجبال رءوسها، ورفعت له القرى، فأذن في الناس بالحج" (Ahmad, 2707) ; "أخبرنا أبو بكر محمد بن الحسن بن فورك، أنبأ عبد الله بن جعفر، ثنا يونس بن حبيب، ثنا أبو داود، ثنا حماد بن سلمة، عن أبي عاصم الغنوي، عن أبي الطفيل، قال: قلت لابن عباس" (Al-Bayhaqî, As-Sunan al-Kub'râ, 9695). Ici on trouve bien mention du récit de la résolution de l'immolation de Ismaël avec pour toile de fond des lieux aux alentours de La Mecque, cependant cela n'est pas marfû' mais est mawqûf 'alâ Ibn Abbâs.
Or tout ce qui est relaté mawqûfan 'ala-bni Abbâs en terme de récits antérieurs n'est pas toujours fî hukm il-marfû' :
----- nous avons déjà cité plus haut le propos de Ibn Kathîr au sujet du long récit fait par Ibn Abbâs : ("والحديث - والله أعلم - إنما فيه مرفوع أماكن صرح بها ابن عباس عن النبي صلى الله عليه وسلم" (Tafsîr Ibn Kathîr 1/156) ; "وهذا الحديث من كلام ابن عباس وموشح برفع بعضه؛ وفي بعضه غرابة وكأنه مما تلقاه ابن عباس عن الإسرائيليات" (Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 1/191) ; "وكأن بعض هذا السياق متلقى من الإسرائيليات ومطرز بشئ من المرفوعات" (Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 1/191) ;
----- voici un autre écrit de Ibn Kathîr au sujet d'un autre long récit fait par Ibn Abbâs : "وهو موقوف من كلام ابن عباس، وليس فيه مرفوع إلا قليل منه. وكأنه تلقاه ابن عباس رضي الله عنه مما أبيح نقله من الإسرائيليات عن كعب الأحبار أو غيره، والله أعلم. وسمعت شيخنا الحافظ أبا الحجاج المزي يقول ذلك أيضا" (Tafsîr Ibn Kathîr, sourate Tâ-hâ) ;
----- Alî al-qâri' cite cet autre dire de Ibn Kathîr au sujet d'un autre athar mawqûf de Ibn Abbâs : "حديث "الأرضون سبع في كل أرض نبي كنبيكم": يروى عن ابن عباس. قال ابن كثير بعد عزوه لابن جرير: وهو محمول، إن صح نقله - أي عن ابن عباس رضي الله عنهما -، أنه أخذه من الإسرائيليات. وذلك وأمثاله إذا لم يصح سنده إلى المعصوم فهو مردود على قائله" (Al-Asrâr ul-marfû'a fi-l-akhbâr il-mawdhû'a, hadîth n° 38).
Ibn Taymiyya écrit : "وحينئذ إذا لم نجد التفسير في القرآن ولا في السنة رجعنا في ذلك إلى أقوال الصحابة فإنهم أدرى بذلك لما شاهدوه من القرآن والأحوال التي اختصوا بها؛ ولما لهم من الفهم التام والعلم الصحيح والعمل الصالح؛ لا سيما علماؤهم وكبراؤهم كالأئمة الأربعة الخلفاء الراشدين؛ والأئمة المهديين مثل عبد الله بن مسعود (...)، ومنهم الحبر البحر عبد الله بن عباس (...). ولهذا غالب ما يرويه إسماعيل بن عبد الرحمن السدي الكبير في تفسيره عن هذين الرجلين: ابن مسعود وابن عباس. ولكن في بعض الأحيان ينقل عنهم ما يحكونه من أقاويل أهل الكتاب التي أباحها رسول الله صلى الله عليه وسلم حيث قال: "بلغوا عني ولو آية وحدثوا عن بني إسرائيل ولا حرج ومن كذب علي متعمدا فليتبوأ مقعده من النار" رواه البخاري عن عبد الله بن عمرو؛ ولهذا كان عبد الله بن عمرو قد أصاب يوم اليرموك زاملتين من كتب أهل الكتاب؛ فكان يحدث منهما بما فهمه من هذا الحديث من الإذن في ذلك. ولكن هذه الأحاديث الإسرائيلية تذكر للاستشهاد لا للاعتقاد؛ فإنها على ثلاثة أقسام: أحدها: ما علمنا صحته مما بأيدينا مما يشهد له بالصدق، فذاك صحيح؛ والثاني: ما علمنا كذبه بما عندنا مما يخالفه؛ والثالث: ما هو مسكوت عنه لا من هذا القبيل ولا من هذا القبيل، فلا نؤمن به ولا نكذبه، وتجوز حكايته لما تقدم" (MF 13/364-366). "ونظير هذا قول النبي صلى الله عليه وسلم في الحديث الذي رواه البخاري عن عبد الله بن عمرو: "بلغوا عني ولو آية وحدثوا عن بني إسرائيل ولا حرج ومن كذب علي متعمدا فليتبوأ مقعده من النار"، مع قوله صلى الله عليه وسلم في الحديث الصحيح: "إذا حدثكم أهل الكتاب فلا تصدقوهم ولا تكذبوهمفإنه رخص في الحديث عنهم، ومع هذا نهى عن تصديقهم وتكذيبهم. فلو لم يكن في التحديث المطلق عنهم فائدة، لما رخص فيه وأمر به؛ ولو جاز تصديقهم بمجرد الإخبار، لما نهى عن تصديقهم؛ فالنفوس تنتفع بما تظن صدقه في مواضع. فإذا تضمنت أحاديث الفضائل الضعيفة تقديرا وتحديدا مثل صلاة في وقت معين بقراءة معينة أو على صفة معينة، لم يجز ذلك، لأن استحباب هذا الوصف المعين لم يثبت بدليل شرعي. بخلاف ما لو روي فيه "من دخل السوق فقال: "لا إله إلا الله"، كان له كذا وكذا" فإن ذكر الله في السوق مستحب لما فيه من ذكر الله بين الغافلين كما جاء في الحديث المعروف: "ذاكر الله في الغافلين كالشجرة الخضراء بين الشجر اليابس" (MF 18/67).

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d') Or encore, peut poser également question par rapport à cela les hadîth suivants, marfû' et mawqûf, qui parlent de la présence de deux cornes d'un bélier dans la Kaaba :

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"حدثنا سفيان، قال: حدثني منصور، عن خاله مسافع، عن صفية بنت شيبة أم منصور قالت: أخبرتني امرأة من بني سليم ولّدت عامةَ أهل دارنا: "أرسل رسول الله صلى الله عليه وسلم إلى عثمان بن طلحة" ـ وقال مرة: إنها سألت عثمان بن طلحة ـ: "لم دعاك النبي صلى الله عليه وسلم؟" قال: "إني كنت رأيت قرني الكبش حين دخلت البيت، فنسيت أن آمرك أن تخمرهما. فخمرهما فإنه لا ينبغي أن يكون في البيت شيء يشغل المصلي". قال سفيان: لم تزل قرنا الكبش في البيت حتى احترق البيت فاحترقا" (Ahmad, 16637, 23221 : l'incendie ici évoqué est celui qui s'est déclaré lors de l'assaut contre la cité de la Mecque en l'an 63 de l'hégire). "عن ابن عيينة، عن منصور بن صفية، عن خاله، عن أمه، عن امرأة من بني سليم قالت: سألت عثمان: لم أرسل إليك النبي صلى الله عليه وسلم بعد خروجه من الكعبة؟ قال: بعث إلي، فقال: "إني رأيت قرني الكبش، فلم آمرك أن تخمرها فإنه لا ينبغي أن يكون في البيت شيء يشغل مصلي" (Mussannaf Abd ir-Razzâq, 9083). "حدثنا ابن عيينة، عن منصور بن صفية، عن خاله مسافع، عن أخت صفية أم منصور، قالت: أخبرتني امرأة من أهل الدار من بني سليم، قالت: قلت لعثمان بن طلحة: "لم دعاك رسول الله صلى الله عليه وسلم حين خرج من البيت؟" قال: قال: "إني رأيت قرني الكبش فنسيت أن آمرك أن تخمرهما، وإنه لا ينبغي أن يكون في البيت شيء يشغل المصلي" (Mussannaf Ibn Abî Shayba, 4584). "أنبأ أبو عبد الله الحافظ، ثنا أبو العباس محمد بن يعقوب، ثنا أحمد بن شيبان، ثنا سفيان، عن منصور بن صفية، عن خاله مسافع بن شيبة، عن صفية بنت شيبة أم منصور، قالت: أخبرتني امرأة من بني سليم ولدت عامة أهل دارنا قالت: "أرسل النبي صلى الله عليه وسلم إلى عثمان بن طلحة، فقال: "إني رأيت قرني الكبش حين دخلت البيت، فنسيت أن آمرك تخمرهما فإنه لا ينبغي أن يكون في البيت ما يشغل مصليا" (al-Bayhaqî, as-Sunan ul-kub'râ, 4297).

--- "عن ابن جريج قال: أخبرني عبد الحميد بن شيبة بن عثمان، وسألته: "هل كان في البيت قرنا كبش؟" قال: "نعم كانا فيه". قلت: "أرأيتهما؟" قال: "حسبت. ولكن أخبرني عبد الرحمن بن بابيه أن قد رآهما". قال: وغيره ما قد رآهما فيه قال: "ويقولون: إنهما قرنا الكبش الذي ذبح إبراهيم". قال ابن جريج: وقالت صفية ابنة شيبة: "كان فيه قرنا الكبش." وحدثت أن ابن عباس قال: "كانا فيه". قال: وحدثت عن عجوز قال: "رأيتهما فيه بهما مغرة مشق" (Mussannaf Abd ir-Razzâq, 9083).

--- "حدثنا علي بن إسحاق، قال: أخبرنا عبد الله قال: أخبرنا محمد بن عبد الرحمن، عن منصور بن عبد الرحمن، عن أمه، عن أم عثمان ابنة سفيان - وهي أم بني شيبة الأكابر؛ قال محمد بن عبد الرحمن: وقد بايعت النبي صلى الله عليه وسلم - أن النبي صلى الله عليه وسلم دعا بشيبة ففتح. فلما دخل البيت ورجع وفرغ ورجع شيبة، إذا رسول رسول الله صلى الله عليه وسلم أن "أجب". فأتاه فقال: "إني رأيت في البيت قرنا، فغيبه"؛ قال منصور: فحدثني عبد الله بن مسافع، عن أمي، عن أم عثمان بنت سفيان، أن النبي صلى الله عليه وسلم قال له في الحديث: "فإنه لا ينبغي أن يكون في البيت شيء يلهي المصلين" (Ahmad, 16636, 23220). Mansûr est fils de Abdur-Rahmân ibn Tal'ha ibn il-Hârith ibn Tal'ha ibn Abî Tal'ha ; et ce Mansûr est fils de Safiyya bint Shayba. Quant à Ummu 'Uthmân bint Sufyân, c'est une Sahâbiyya. Cette narration est dha'îf à cause de Muhammad ibn Abd ir-Rahmân (frère de Mansûr) ; de plus, Abdullâh ibn Mussâfi' est maj'hûl ul-hâl. Il est à noter que ce n'est en réalité pas Shayba ibn 'Uthmân ibn Abî Tal'ha, mais son cousin Uthmân ibn Tal'ha ibn Abî Tal'ha qui avait été appelé par le Prophète.

---  "حدثنا ابن السرح وسعيد بن منصور ومسدد، قالوا: حدثنا سفيان، عن منصور الحجبي، حدثني خالي، عن أمي صفية بنت شيبة، قالت: سمعت الأسلمية تقول: قلت لعثمان: "ما قال لك رسول الله صلى الله عليه وسلم حين دعاك؟" قال: قال: "إني نسيت أن آمرك أن تخمر القرنين. فإنه ليس ينبغي أن يكون في البيت شيء يشغل المصلي". قال ابن السرح: خالي مسافع بن شيبة" (Abû Dâoûd, 2030). L'oncle maternel de Mansûr est Mussafi' ibn Shayba, comme spécifié à la fin. Quant à Safiyya bint Shayba, il y a divergence quant à savoir si c'est une Sahâbiyya ou une Tâbi'iyya (thiqa) ; Ibn Hajar est du premier avis dans Al-Issâba ; ad-Dâraqutnî et al-'Ajalî du second. Au sujet de al-Aslamiyya ici évoquée, ash-Shawkânî écrit : "والأسلمية المذكورة لم أقف على اسمها" (Nayl ul-awtâr). Voir tout son commentaire sur hadîth 651).
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Cependant, at-Tabarî a fait allusion à ces hadîths d', mais (lui qui est non seulement d'avis que cet épisode a eu lieu à Shâm mais également que le fils ayant failli être sacrifié est Isaac) lui dit ne pas y voir une preuve formelle que le "sacrifice" aurait eu lieu près de La Mecque ; il écrit : "il n'est pas impossible que ces cornes aient été transférées de Shâm à la Kaaba" : أما اعتلال من اعتلّ بأن قرن الكبش كان معلقا في الكعبة، فغير مستحيل أن يكون حُمل من الشام إلى الكعبة. وقد رُوي عن جماعة من أهل العلم أن إبراهيم إنما أمر بذبح ابنه إسحاق بالشام، وبها أراد ذبحه" (Tafsîr ut-Tabarî).
La même réponse est donc
a fortiori valable si le fils ayant failli être sacrifié à Shâm est Ismaël ("a fortiori" parce que Ismaël fut pour sa part installé à La Mecque).


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II) Quel âge avait Ismaël (sur lui soit la paix) quand sa mère et lui furent éloignés en Arabie ?

Le hadîth marfû' du Prophète (sur lui soit la paix) dit que la course (sa'y) du pèlerin entre les monticules Safâ et Marwa, à La Mecque, a pour origine la course que Hagar fit lorsque, extrêmement inquiète de ne plus avoir d'eau, elle alla de l'un de ces monticules à l'autre pour scruter le fond du oued et voir si quelque caravane ne s'approchait pas.
Ibn Abbâs raconte : "(...) jusqu'à ce que l'outre fut terminée. Elle et son fils connurent alors la soif. Elle le regardait se tortiller. Elle se déplaça pour ne plus le voir ainsi. Elle vit que as-Safa était le plus proche monticule d'elle, elle y grimpa alors, puis se tourna vers la vallée, regardant si elle voyait quelqu'un. Elle ne vit personne. Elle descendit de as-Safa, releva le pan de sa robe lorsqu'elle atteignit (le fond du) vallon, puis courut comme le fait l'homme en difficulté jusqu'à traverser le vallon, puis arriva à al-Marwa. Elle s'y tint debout et regarda si elle voyait quelqu'un. Elle ne vit personne. Elle fit ainsi sept fois." Ibn Abbâs ajoute ici : "Le Prophète (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) a dit : "C'est là [l'origine du] parcours que les hommes font entre ces deux (collines)" : "حتى إذا نفد ما في السقاء عطشت وعطش ابنها، وجعلت تنظر إليه يتلوى، أو قال يتلبط. فانطلقت كراهية أن تنظر إليه. فوجدت الصفا أقرب جبل في الأرض يليها، فقامت عليه، ثم استقبلت الوادي تنظر هل ترى أحدا. فلم تر أحدا. فهبطت من الصفا حتى إذا بلغت الوادي رفعت طرف درعها، ثم سعت سعي الإنسان المجهود حتى جاوزت الوادي، ثم أتت المروة فقامت عليها ونظرت هل ترى أحدا. فلم تر أحدا. ففعلت ذلك سبع مرات". قال ابن عباس: قال النبي صلى الله عليه وسلم: "فذلك سعي الناس بينهما" (al-Bukhârî, 3184).

Il y a ici 2 possibilités :

--- Soit on retient sur ce point la donnée de la Torah : Ismaël était âgé d'environ 15 ans quand il dut quitter Shâm avec sa mère Hagar : le fait est qu'il a connu Isaac né quelques 14 années après lui. C'est la posture de Cheikh Sulaymân an-Nadwî (Ardh ul-qur'ân, pp. 282-283).
Cette possibilité, qui concerne l'âge de l'éloignement, se marie avec les différentes possibilités de moments induits, quant à l'âge du "sacrifice", par les trois types de commentaires sus-cités de "بَلَغَ مَعَهُ السَّعْيَ" :
----- "marcher" (âge très peu élevé) ;
----- "accompagner et aider" ; "être capable de raisonner" (âge de 7 ans) ;
----- "atteindre la puberté" (âge de 13 ans).

Une question surgit alors naturellement ici : Ne serait-ce pas plutôt la tâche d'un fils déjà dans la force de l'âge (15 ans) de s'acquitter du devoir de chercher de l'eau pour deux personnes, la seconde étant sa mère, et d'aller scruter les horizons pour s'assurer de la survie de cette mère ?

A cela, la réponse possible est qu'une mère demeure soucieuse du bien-être de son fils, fût-il déjà jeune homme ; ces va-et-vient témoignent de son extrême inquiétude. Cela alors même que ce fils était alors déjà pubère mais peut-être pas encore aussi expérimenté qu'elle : elle, pour sa part, s'inquiétait de la suite. De plus, le texte de la Torah dit que Ismaël était allongé sous un arbre ; en commentaire, Rachi - un érudit, حَبر, juif - dit qu'il était tombé malade (fin de citation), ce qui constitue un possible élément d'explication supplémentaire.

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--- Soit on constate que le zâhir (le sens induit de façon littérale par le texte, sans ta'wîl) de certains détails du passage de la Torah consacré à l'épisode de l'éloignement, contredit ce que la Torah dit par ailleurs concernant l'âge de cet éloignement (environ 15 ans).
En effet, voici le récit présent dans la Torah détaillant cet éloignement (voyez ce que j'ai souligné) : "Abraham se leva de bon matin, prit du pain et une outre d'eau qu'il donna à Hagar. Il mit l'enfant sur son épaule et la renvoya. Elle s'en alla errer dans le désert de Béer-Shéva. Quand l'eau de l'outre fut épuisée, elle jeta l'enfant sous l'un des arbustes. Puis elle alla s'asseoir à l'écart, à la distance d'une portée d'arc. Elle disait en effet : "Que je n'assiste pas à la mort de l'enfant !" Assise à l'écart, elle éleva la voix et pleura. Dieu entendit la voix du garçon, et, du ciel, l'ange de Dieu appela Hagar. Il lui dit : "Qu'as-tu, Hagar ? Ne crains pas, car Dieu a entendu la voix du garçon, là où il est. Lève-toi ! Relève l'enfant et tiens-le par la main car de lui je ferai une grande nation." Dieu lui ouvrit les yeux et elle aperçut un puits avec de l'eau. Elle alla remplir l'outre et elle fit boire le garçon. Dieu fut avec le garçon qui grandit et habita au désert. C'était un tireur d’arc ; il habita dans le désert de Parân, et sa mère lui fit épouser une femme du pays d'Égypte" (Genèse 21/14-21).
Certes, parmi ces phrases dont le zâhir semble aller dans le sens d'un âge bien moindre que 15 ans lors de l'éloignement :
--- "mettre l'enfant sur son épaule" est peut-être simplement une périphrase pour dire : "le lui confier" ?
--- "relève l'enfant et tiens-le par la main", et "elle fit boire le garçon" (au lieu que ce soit le jeune homme qui serve à boire à sa mère elle aussi assoiffée) : cela est envisageable si ce jeune homme était alors malade (comme le pense Rachi).
Par contre :
--- "elle jeta l'enfant sous un arbre" : une mère dépose-t-elle précipitamment un enfant de 15 ans ? 
--- le garçon "grandit" après cet événement : dit-on cela d'un garçon de 15 ans, surtout à cette époque où les enfants devenaient plus rapidement matures qu'aujourd'hui ?
Ces deux dernières données n'iraient-elle pas dans le sens d'un âge moins avancé que celui de 15 ans ?

Si on retient de ces données-ci qu'elles induisent que, au moment de son éloignement, Ismaël était âgé de bien moins que 15 ans, cela ne se marie qu'avec, de la phrase coranique "Lorsqu'il atteignit avec lui le say'", les commentaires qui induisent, pour le moment du "sacrifice", un âge en-deçà de celui de la puberté : par exemple l'âge de 7 ans.

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III) L'identité du fils qui faillit être sacrifié dans le texte de la Torah (Genèse) :

Ce que le texte de la Torah dit à ce sujet est que Dieu dit à Abraham : "Prends ton fils, ton unique, que tu aimes, Isaac" (Genèse 22/2).

Or le même texte dit clairement que lorsque Ismaël est né, Abraham ("Abram") avait 86 ans (Genèse 16/17) et que lorsque Isaac est né, Abraham avait 100 ans (Genèse 21/5). On en déduit que Ismaël est resté fils unique de Abraham durant plus de 13 ans.

Ce passage de la Torah 22/2 est donc quelque peu étrange :
soit le mot "unique" est justifié, et l'ordre "Prends ton fils, ton unique, que tu aimes" concernait Ismaël, fils unique de Abraham dans le sens où Isaac n'était alors tout simplement pas encore né ; et alors le nom "Isaac" est de trop ;
soit l'ordre du sacrifice concernait bien Isaac, mais alors c'est le mot "unique" qui est de trop, car Isaac n'a jamais été "fils unique", contrairement à Ismaël, qui est demeuré "fils unique de Abraham" pendant un peu plus de 13 années. Car Ismaël est bel et bien qualifié de "fils de Abraham" (et je dis bien : "fils de AbraHAm", et pas seulement : "fils de Abram") dans la Torah, et ce, avant comme après la naissance de Isaac.

Certes, Ismaël est le fils que Abraham a eu de la servante Hagar. Lorsque l'esclavage existait, lorsqu'un homme avait des enfants de son esclave femme, ces enfants étaient ses enfants reconnus. Mais pour qu'un homme ait le droit d'avoir des relations intimes avec une esclave, il faut qu'elle lui appartienne et qu'elle ne soit pas mariée à quelqu'un d'autre. Sarah avait donc donné Hagar à son mari Abraham. Cette dernière était à l'origine "la servante de Sarah" ; elle devint dès lors "la servante de Abraham". Ismaël est, ainsi, lui aussi un fils reconnu de Abraham, que celui-ci a eu de sa servante Hagar.
Pour sa part, Isaac est le fils que Abraham a eu, 14 années après, de son épouse Sarah. L'Alliance a été conclue, parmi les deux fils de Abraham, d'abord par le courant de Isaac, puis, parmi les deux fils de ce dernier, par le courant de Jacob-Israël (à l'exclusion de Esaü bien que celui-ci soit lui aussi de la descendance de Sarah et de Isaac).

Certes, Ismaël est parfois qualifié dans la Torah de : "fils de la servante" ; cependant il y est aussi qualifié de : "fils d'Abraham".
D'ailleurs, Isaac y est parfois lui aussi qualifié de : "fils de Sarah" : c'est la même chose : cela n'empêche pas qu'il y soit aussi qualifié de : "fils d'Abraham".

Genèse, chapitre 17, relatif à un épisode s'étant déroulé avant la naissance de Isaac, alors qu'un ange est venu de la part de Dieu annoncer à Abraham (alors âgé de 99 ans) qu'il aura l'an prochain un fils de Sarah :
"Abraham se jeta face contre terre et il rit ; il se dit en lui-même : "Un enfant naîtrait-il à un homme de cent ans ? Ou Sara avec ses quatre-vingt-dix ans pourrait-elle enfanter ?" Abraham dit à Dieu : "Puisse Ismaël vivre en ta présence !" Dieu dit : "Mais non ! Ta femme Sara va t'enfanter un fils et tu lui donneras le nom d'Isaac. J'établirai mon alliance avec lui comme une alliance perpétuelle pour sa descendance après lui. Pour Ismaël, je t'exauce. Vois, je le bénis, je le rends fécond, prolifique à l'extrême ; il engendrera douze princes et je ferai sortir de lui une grande nation. Mais j'établirai mon alliance avec Isaac, que Sara te donnera l'année prochaine à cette date." Quand Dieu eut achevé de parler avec Abraham, il s'éleva loin de lui.
Abraham prit son fils Ismaël, tous les esclaves nés dans sa maison ou acquis à prix d'argent, tous les mâles de sa maisonnée ; il circoncit la chair de leur prépuce le jour même où Dieu avait parlé avec lui. Abraham avait quatre-vingt-dix-neuf ans quand fut circoncise la chair de son prépuce, et Ismaël avait treize ans quand fut circoncise la chair de son prépuce. C'est le même jour qu'Abraham et son fils Ismaël furent circoncis ; toute sa maisonnée, les esclaves nés dans la maison ou acquis à prix d'argent d'origine étrangère furent circoncis avec lui"
(Genèse 17/17-27).

Genèse, chapitre 21, relatif à un épisode se déroulant après la naissance de Isaac :
"Le Seigneur intervint en faveur de Sara comme il l'avait dit, il agit envers elle selon sa parole. Elle devint enceinte et donna un fils à Abraham en sa vieillesse à la date que Dieu lui avait dite. Abraham appela Isaac le fils qui lui était né, celui que Sara lui avait enfanté. Il circoncit son fils Isaac à l'âge de huit jours comme Dieu le lui avait prescrit. Abraham avait cent ans quand lui naquit son fils Isaac. Sara s'écria : "Dieu m'a donné sujet de rire ! Quiconque l'apprendra rira à mon sujet." Elle reprit : "Qui aurait dit à Abraham que Sara allaiterait des fils ? Et j'ai donné un fils à sa vieillesse !" L'enfant grandit et fut sevré. Abraham fit un grand festin le jour où Isaac fut sevré. Sara vit s'amuser le fils que Hagar l'Égyptienne avait donné à Abraham. Elle dit à ce dernier : "Chasse la servante et son fils, car le fils de cette servante ne doit pas hériter avec mon fils Isaac." Cette parole fâcha beaucoup Abraham parce que c'était son fils. Mais Dieu lui dit : "Ne te fâche pas à propos du garçon et de ta servante. Écoute tout ce que te dit Sara, car c'est par Isaac qu'une descendance portera ton nom. Mais du fils de la servante, je ferai aussi une nation, car il est de ta descendance""
(Genèse 21/1-13).

Genèse, chapitre 25, relatif au décès de Abraham :
"Voici le nombre des années de la vie d'Abraham : cent soixante-quinze ans. Puis Abraham expira ; il mourut dans une heureuse vieillesse, âgé et comblé. Il fut réuni aux siens. Ses fils Isaac et Ismaël l'ensevelirent dans la caverne de Makpéla, au champ d'Ephrôn fils de Çohar, le Hittite, en face de Mamré, au champ qu'Abraham avait acquis des fils de Heth. C'est là qu'on enterra Abraham et sa femme Sara. Après la mort d'Abraham, Dieu bénit son fils Isaac. Il habitait à côté du puits de Lahaï-Roï.
Voici la famille d'Ismaël fils d'Abraham, celui que donna à Abraham Hagar, l'Égyptienne servante de Sara" (Genèse 25/7-12).
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On voit que, selon le texte de la Torah, Isaac a été appelé "fils d'Abraham", mais Ismaël aussi a été appelé : "fils d'Abraham", et ce même quand Isaac était déjà né et même quand Dieu avait déjà annoncé que c'est avec Isaac qu'Il établirait Son alliance (annonce faite avant même la naissance de Isaac selon Genèse 17/19).
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Dès lors : "Prends ton fils, ton unique, que tu aimes" (Genèse 22/2) : de qui s'agit-il donc ?

Voici tout le passage de la Torah relatif au sacrifice : "Or, après ces événements, Dieu mit Abraham à l'épreuve et lui dit : "Abraham" ; il répondit : "Me voici." Il reprit : "Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu aimes. Pars pour le pays de Moriah et là, tu l'offriras en holocauste sur celle des montagnes que je t'indiquerai."
Abraham se leva de bon matin, sangla son âne, prit avec lui deux de ses jeunes gens et son fils Isaac. Il fendit les bûches pour l'holocauste. Il partit pour le lieu que Dieu lui avait indiqué.
Le troisième jour, il leva les yeux et vit de loin ce lieu. Abraham dit aux jeunes gens : "Demeurez ici, vous, avec l'âne ; moi et le jeune homme, nous irons là-bas pour nous prosterner ; puis nous reviendrons vers vous."
Abraham prit les bûches pour l'holocauste et en chargea son fils Isaac ; il prit en main la pierre à feu et le couteau, et tous deux s'en allèrent ensemble. Isaac parla à son père Abraham : "Mon père", dit-il, et Abraham répondit : "Me voici, mon fils." Il reprit : "Voici le feu et les bûches ; où est l'agneau pour l'holocauste ?" Abraham répondit : "Dieu saura voir l'agneau pour l'holocauste, mon fils."
Tous deux continuèrent à aller ensemble. Lorsqu'ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait indiqué, Abraham y éleva un autel et disposa les bûches. Il lia son fils Isaac et le mit sur l'autel au-dessus des bûches. Abraham tendit la main pour prendre le couteau et immoler son fils.
Alors l'ange du Seigneur l'appela du ciel et cria : "Abraham ! Abraham !" Il répondit : "Me voici." Il reprit : "N'étends pas la main sur le jeune homme. Ne lui fais rien, car maintenant je sais que tu crains Dieu, toi qui n'as pas épargné ton fils unique pour moi." Abraham leva les yeux, il regarda, et voici qu'un bélier était pris par les cornes dans un fourré. Il alla le prendre pour l'offrir en holocauste à la place de son fils.
Abraham nomma ce lieu "le Seigneur voit" ; aussi dit-on aujourd'hui : "C'est sur la montagne que le Seigneur est vu"
(Genèse 22/1-14).

(Il est à noter que dans les textes de la Sunna on trouve ce hadîth marfû' sahîh : "عن واثلة بن الأسقع قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "إن الله اصطفى كنانة من ولد إسماعيل، واصطفى قريشا من كنانة، واصطفى من قريش بني هاشم، واصطفاني من بني هاشم" (Muslim 2276). Cependant, la phrase supplémentaire qui figure au début de ce hadîth marfû' tel que rapporté par at-Tirmidhî, 3609, à savoir : "إن الله اصطفى من ولد إبراهيم إسماعيل", cette phrase supplémentaire n'est pour sa part pas sahîh : elle est shâddh (cf. Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, tome 1, pp. 610-612, p. 933). Ce n'est pas, parmi les fils d'Abraham alors vivants, Ismaël qui fut "choisi" pour l'Alliance, mais bel et bien Isaac ; ensuite ce fut, parmi les deux fils de celui-ci, Jacob-Israël qui fut choisi : le fait est que c'est avec ces personnages et leur descendance que la Première Alliance fut conclue. (Plus tard, après de multiples ruptures, Dieu a entériné la rupture du Pacte, et a conclu une ultime Alliance, mais cette fois par le courant d'Ismaël.)
Par contre, dans le hadîth sahîh sus-cité, la mention de Kinâna s'explique par le fait qu'il vivait apparemment (si on multiplie 14 par 40), à l'époque de Jésus ou juste après ; donc après le changement d'Alliance, celle-ci ayant quitté les fils d'Israël. C'est ce qui explique que le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) ait dit ici que c'est ce Kinâna et sa descendance qui furent "choisis" à ce moment-là : il voulait dire : "pour que ce soit chez eux que le dernier Messager soit suscité et que par lui la Dernière Alliance soit conclue".)

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La Torah, falsifiée ?

Un point, cependant : vous relatez le terme "falsification".

Pour ma part je ne suis pas de l'avis qui dit que les fils d'Israël auraient falsifié la Torah : il y a eu altération, et ce à cause des déportations qu'ils ont subies et des épisodes de réécriture et de reconstitution ; mais pas falsification.

Je suis sur ce point Ibn Khaldûn, qui écrit : "وأما ما يقال من ان علماءهم بدلوا مواضع من التوراة بحسب أغراضهم في ديانته، فقد قال ابن عباس على ما نقل عنه البخاري في صحيحه: إن ذلك بعيد. وقال: معاذ الله ان تعمد أمة من الامم إلى كتابها المنزل على نبيها فتبدله أو ما في معناه. قال: وانما بدلوه وحرفوه بالتأويل. ويشهد لذلك قوله تعالى: {وعندهم التوراة فيها حكم الله}؛ ولو بدلوا من التوراة ألفاظها، لم يكن "عندهم التوراة التى فيها حكم الله". وما وقع في القرآن الكريم من نسبة التحريف والتبديل فيها إليهم، فإنما المعنى به: التأويل. اللهم إلا أن يطرقها التبديل في الكلمات على طريق الغفلة وعدم الضبط وتحريف من لا يحسن الكتابة بنسخها، فذلك يمكن في العادة؛ لا سيما وملكهم قد ذهب وجماعتهم انتشرت في الآفاق واستوى الضابط منهم وغير الضابط والعالم والجاهل ولم يكن وازع يحفظ لهم ذلك لذهاب القدرة بذهاب الملك؛ فتطرق من أجل ذلك إلى صحف التوراة في الغالب تبديل وتحريف غير معتمد من علمائهم وأحبارهم. ويمكن مع ذلك الوقوف على الصحيح منها إذا تحرى القاصد لذلك بالبحث عنه" : "Quant à ce qui est dit que leurs érudits ont modifié des passages de la Torah conformément à leurs intérêts religieux, Ibn Abbâs a dit, d'après ce que al-Bukhârî a rapporté de lui dans son Sahîh : "Cela est peu probable". Il a dit en substance : "A Dieu ne plaise qu'une nation parmi les nations falsifie volontairement le livre qu'elle a reçu, révélé à son prophète !" Il a dit : "C'est par une interprétation erronée ("ta'wîl") (de certains passages) de leur part qu'il y a modification [du sens de certaines parties du message donné par Dieu] [et non par une falsification délibérée du texte même]." Va dans le sens de ces propos la parole de Dieu qui dit : "alors qu'auprès d'eux se trouve la Torah dans laquelle se trouve le jugement de Dieu" : s'ils avaient modifié les mots de la Torah, il n'y aurait pas "auprès d'eux la Torah dans laquelle se trouve le jugement de Dieu". Et ce qui dans le Coran est dit de changement volontaire de leur part, cela concerne l'interprétation (qu'ils font de certains de leurs textes). Sauf qu'une modification dans les mots a pu se glisser par la voie de l'inattention, de l'absence de précision, et d'une modification de la part de qui ne sait pas bien écrire en recopiant ; cela est possible habituellement. D'autant que leur royaume a été détruit et que leur communauté a été dispersée en différents horizons ; que sont devenus (alors) égaux celui qui a la maîtrise et celui qui ne l'a pas, le connaisseur et l'ignorant ; et qu'ils ne disposaient pas d'une cause qui aurait préservé cela pour eux, à cause de la disparition de la capacité, due à la disparition du royaume. A cause de cela, s'est glissé dans les feuilles de la Torah un changement involontaire dans les mots, de la part de leurs connaisseurs et érudits. Malgré cela, il est possible de prendre connaissance de ce qui en est authentique, lorsque le chercheur recherche cela en l'explorant" (Târîkh Ibn Khaldûn, 2/7-8).
Ibn Khaldûn fait apparemment allusion, ici, à la destruction du royaume de Juda par Nabuchodonosor en - 587 : il s'agit en effet d'un tournant dans l'histoire des fils d'Israël et de la conservation de leurs Ecritures : plus tard, on tenta de reconstituer le texte.
Par contre, ce que Ibn Khaldûn attribue ici à Ibn Abbâs sur la foi de al-Bukhârî, cela est certes présent dans le Jâmi' Sahîh de al-Bukhârî (kitâb ut-tahwîd, bâb 55), mais est-ce réellement Ibn Abbâs qui a dit cela, ce point fait l'objet d'une discussion de la part de Ibn Hajar (cf. Fat'h ul-bârî 13/641-642).

En tous cas ce propos de Ibn Khaldûn rejoint ce que Max Dimont, auteur juif bien connu, écrit : "The final fusion of the Five Books of Moses, called the Pentateuch, occurred around 450 B.C. – in other words, not until eight to sixteen hundred years after some of the events narrated in them took place. Is it not reasonable to suppose that in that period of time [i. e. before 450 B.C.], before there were any written records, many changes and alterations must have occurred as the stories and legends were handed down orally from generation to generation ?" (Jews, God and History, New American Library, 2nd edition, p. 31).
Décrivant cette entreprise de fusion s'étant déroulée vers la moitié du 5ème siècle avant J.C., Dimont écrit : "As a second move toward forging a national religious and spiritual Jewish character, Ezra and Nehemia decided not only to revise the Book of Deuteronomy but to add to it four other Books of Moses. Under their direction, priest and scholar labored diligently to fuse the most important of the divergent Mosaic documents, including the Deuteronomy of Josiah, into the five books of the Pentateuch, namely, Genesis, Exodus, Leviticus, Numbers, and Deuteronomy. All Five Books of Moses were now made divine. From here on, no deletions, changes or additions to the Pentateuch could be made, nor have any been made" (Ibid., p. 63). "There are two versions of many, many other events, as the perceptive reader of Old Testament may have noticed. Are we dealing with two versions of the same story, or with two different stories merged into one ?" (Ibid., p. 28). (Lire notre article au sujet de l'authenticité des textes des Révélations antérieures.)

L'usage antique était d'insérer des notes et des commentaires dans le texte même, à la suite des passages à commenter. Etudiant le texte sous la conduite d'un maître, le fidèle apprenait à distinguer le texte originel des notes des commentateurs. Et il semble que, lors de la reconstitution du texte de la Torah, des commentaires et des développements, écrits auparavant par des scribes en tant que notes, aient été incorporés au texte lui-même.

Ce phénomène s'est produit également lors de la compilation des Hadîths : un transmetteur a ajouté un petit développement à la fin du propos du Prophète qu'il relatait, ou une petite introduction au début de ce propos, ou encore un commentaire au milieu ou à la fin de ce propos ; un des transmetteurs postérieurs relate le tout du transmetteur sans préciser qui en est l'auteur ; et, quelques générations plus tard, il peut arriver qu'un autre retransmetteur croie effectivement que le tout est parole du Prophète. On appelle ce phénomène "id'râj" ("incorporation"), et le commentaire ainsi incorporé à tort : "mud'raj ul-matn" ("propos incorporé dans le texte du hadîth"). En islam, c'est dès les premiers temps que les érudits religieux ont été conscients que dans l'ensemble de ce qui est attribué au prophète Muhammad (que la paix soit sur lui), il y a, à côté de l'authentique, du non-authentique. Ceci a créé un effort pour distinguer ce non-authentique. C'est ce qui a donné une discipline à part entière, la science des Hadîths. Et les spécialistes du Hadîths ont également fait des efforts pour distinguer les mots incorporés des propos véritables du Prophète. Ils parviennent à cerner ces mots "mud'raj" par le moyen entre autres de la comparaison entre les différentes narrations, ou de l'établissement d'une contradiction avec des faits ou des textes établis. Lire notre article au sujet du mud'raj min kalâm ir-râwî.

Or il est des commentaires – tant de Hadîths que de versets du Coran – qui sont corrects, et d'autres commentaires qui sont erronés (khata'). Si aucune incorporation (id'râj) n'a eu lieu dans le texte du Coran, il arrive que certains commentaires en soient erronés. Ainsi, on lit dans certains ouvrages de Commentaires du Coran, en l'occurrence Tafsîr ul-Jalâlayn : "ويسألونك أي اليهود عن ذي القرنين اسمه الإسكندر ولم يكن نبيا" : "Et ils te questionnent – les juifs – au sujet de Dhu-l-Qarnayn, dont le nom était Alexandre, et qui n'était pas prophète. Dis : "Je vais vous en réciter une mention" (fin de citation).
Le texte coranique n'est, ici, en fait que ce qui suit : "وَيَسْأَلُونَكَ عَنْ ذِي الْقَرْنَيْنِ" : "Et ils te questionnent au sujet de Dhu-l-Qarnayn. Dis : "Je vais vous en réciter une mention" (Coran 18/83).
Mais le style du Tafsîr des deux Jalâl ud-dîn est d'insérer leurs commentaires entre les mots du texte coranique, ce qui nous donne, pour ce verset, ce que nous avons cité : "ويسألونك أي اليهود عن ذي القرنين اسمه الإسكندر ولم يكن نبيا" : "Et ils te questionnent – les juifs – au sujet de Dhu-l-Qarnayn, dont le nom était Alexandre, et qui n'était pas prophète" (Tafsîr ul-Jalâlayn). Or l'avis selon lequel il s'agirait d'Alexandre est erroné, car il contredit des faits établis.
(Attention à ne pas confondre "erreur d'interprétation" – khata' –, qui rapporte une récompense de la part de Dieu à son auteur, et "propos de déviance" – dhalâl istilâhî. Attention, de même, à ne pas confondre "le fait de relever que tel avis constitue une erreur" – takhti'a – et "le fait de dénigrer l'auteur de cet avis" – ta'n – ou "de se présenter comme étant supérieur à l'auteur de cet avis" – tanqîs. Cela est très différent.)

Imaginez maintenant (cela ne va pas arriver, et cela ne peut pas arriver au Coran, vu que Dieu a pris la garantie de le préserver comme il a été révélé : "إِنَّا نَحْنُ نَزَّلْنَا الذِّكْرَ وَإِنَّا لَهُ لَحَافِظُونَ" : Coran 15/9 ; c'est seulement quelque chose que je vous demande d'imaginer, afin de comprendre plus facilement ce qui a pu arriver à des passages de la Torah ou du Tanakh : "إِنَّا أَنزَلْنَا التَّوْرَاةَ فِيهَا هُدًى وَنُورٌ يَحْكُمُ بِهَا النَّبِيُّونَ الَّذِينَ أَسْلَمُواْ لِلَّذِينَ هَادُواْ وَالرَّبَّانِيُّونَ وَالأَحْبَارُ بِمَا اسْتُحْفِظُواْ مِن كِتَابِ اللّهِ وَكَانُواْ عَلَيْهِ شُهَدَاء" : Coran 5/44) ; imaginez donc que, lisant le Tafsîr ul-Jalâlayn, quelqu'un ne sache pas distinguer ce qui est réellement la parole de Dieu et ce qui en est seulement un commentaire, lui-même n'exprimant qu'un avis parmi plusieurs, et considère tout le propos comme étant de même niveau : il pensera alors que c'est Dieu Lui-même qui a dit que Dhu-l-Qarnayn est Alexandre. Or il ne s'agit que de l'avis de certains ulémas, comme conclusion de leur effort pour cerner qui était le personnage que le texte coranique désigne sous le nom de "Dhu-l-qarnayn".

C'est la même chose qui a pu arriver à propos du passage de la Torah sus-cité : il est possible que l'explication de la mention de ce nom "Isaac" après celle de "ton fils unique" réside dans le fait que dans les temps ayant précédé la catastrophe de - 587, un scribe, pensant par erreur que le fils qui avait failli être sacrifié était Isaac, ait écrit ce nom en commentaire – des commentateurs musulmans tels que at-Tabarî ne l'ont-ils pas, bien plus tard, eux aussi pensé ! –, et que lors de la collation ayant suivi le retour des fils d'Israël, vu qu'on ne pouvait plus distinguer le texte originel du commentaire, ce dernier ait été incorporé au texte.

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IV) Une question se pose ici : "Dieu n'ordonne de faire que ce qui est en soi bien. Or procéder au sacrifice d'un être humain est en soi un mal. Comment Dieu a-t-Il donc pu ordonner à Abraham d'immoler son fils ?"

La réponse est que ce cas de figure relève de la Catégorie 3 dans mon article parlant du fait que Dieu n'ordonne de faire que ce qui est bien, et n'interdit de faire que ce qui est mal.
Et, en cette Catégorie 3, justement, l'action ne constitue pas en soi une Maslaha, mais n'est Maslaha que dans la mesure où elle fait l'objet d'un ordre divin, lequel a comme seul objectif la mise à l'épreuve ; aussi, sitôt la personne prête à faire l'action, Dieu abroge (Naskh) celle-ci.

Le caractère "bien" n'est, ici, pas inhérent à l'action mais dépend entièrement de l'impératif de la révélation (al-wah'y munshi' li-l-husn).
Et l'objectif de cet impératif est seulement l'épreuve (alors que dans les autres catégories, la dimension de l'épreuve, bien qu'existante dans la mesure où la fidélité est demandée, n'est pas la seule dimension en jeu : là, la réalisation de l'action est également voulue). Ici, l'homme ayant eu la ferme intention d'effectuer l'action demandée, et ayant fait un geste ou dit une parole allant vers la mise en pratique de cette action, l'impératif est abrogé par Dieu avant que l'homme ait pu réaliser l'action. Ceci car l'objectif est atteint : l'homme a réussi le test.

Ainsi en est-il de cet ordre donné par Dieu à Abraham de sacrifier son fils. Ibn Taymiyya souligne que le fait de sacrifier son fils ne constitue pas une maslaha (MF 17/203), et l'objectif était seulement l'épreuve. Père et fils eurent-ils montré leur volonté de mettre en pratique cet impératif que, avant même sa réalisation, l'impératif fut abrogé (soit le commentaire B.b que nous verrons ci-après).

Ibn Taymiyya écrit ainsi : "والنوع الثالث: أن تكون الحكمة ناشئة من نفس الأمر، وليس في الفعل البتة مصلحة، لكن المقصود ابتلاء العبد هل يطيع أو يعصي؟ فإذا اعتقد الوجوب وعزم على الفعل، حصل المقصود بالأمر فينسخ حينئذ. كما جرى للخليل في قصة الذبح، فإنه لم يكن الذبح مصلحة، ولا كان هو مطلوب الرب في نفس الأمر، بل كان مراد الرب ابتلاء إبراهيم ليقدم طاعة ربه ومحبته على محبة الولد، ولا يبقي في قلبه التفات إلى غير الله، فإنه كان يحب الولد محبة شديدة، وكان قد سأل الله أن يهبه إياه وهو خليل الله؛ فأراد تعالى تكميل خلته لله بألا يبقي في قلبه ما يزاحم به محبة ربه. {فَلَمَّا أَسْلَمَا وَتَلَّهُ لِلْجَبِينِ وَنَادَيْنَاهُ أَنْ يَا إِبْرَاهِيمُ قَدْ صَدَّقْتَ الرُّؤْيَا إِنَّا كَذَلِكَ نَجْزِي الْمُحْسِنِينَ إِنَّ هَذَا لَهُوَ الْبَلَاء الْمُبِينُ" (MF 17/203).
Ibn Taymiyya précise ensuite que les Mutazilites n'ont pas su saisir l'existence des catégories [numérotées dans ledit article comme étant : "2.2", "2.3", et "3"].
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En fait il y a d'une part ce que Abraham a réellement vu en rêve, et d'autre part ce qu'il a réalisé.
Or il y a ici 3 paliers :

palier 1) allonger le fils par terre, outil contondant en main, avec l'intention de procéder au sacrifice de ce fils (إضجاع الابن مع السكين باليد) ;
palier 2) passer l'outil contondant sur la partie voulue du corps de ce fils (إمرار السِكّين على حلق الابن) ;
palier 3) réaliser ainsi ce qui résulte normalement du passage de cet outil sur cette partie corporelle (قطع الحلقوم).

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– Le Palier 1 ne constitue certes pas le "ذبح", mais seulement la "مقدّمة للذبح".
– Par contre :
–--- Est-ce seulement le Palier 3 qui constitue le "ذبح" ?
–--- Ou bien le Palier 2 suffit-il à constituer le "ذبح", car le Palier 3 n'est que la conséquence normale du Palier 2, étant
mutawallid de ce dernier ? 

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A) Certains commentateurs ont dit qu'en rêve Abraham a vu seulement le palier 1, et, ayant réalisé dans le réel ce palier 1, Dieu lui a dit : "Tu as réalisé le rêve" ("وعلى القول الثاني إنه تعالى ما أمره بالذبح وإنما أمره بمقدمات الذبح" : Tafsîr ur-Razî). Selon cette option, il n'y a pas eu de Naskh.

Ce commentaire n'est cependant pas très pertinent : "وقال بعضهم: إن إبراهيم ما أمر بالذبح الحقيقي الذي هو فري الأوداج وإنهار الدم، وإنما رأى أنه أضجعه للذبح فتوهم أنه أمر بالذبح الحقيقي؛ فلما أتى بما أمر به من الإضجاع قيل له: "قد صدقت الرؤيا". وهذا كله خارج عن المفهوم. ولا يظن بالخليل والذبيح أن يفهما من هذا الأمر ما ليس له حقيقة حتى يكون منهما التوهم" (Tafsîr ul-Qurtubî).

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B) D'autres commentateurs ont dit qu'en rêve Abraham a vu au moins le palier 2. Ensuite, dans le réel, il y a eu ici abrogation (Naskh) de l'action demandée :
--- soit abrogation de l'objet de l'action, et remplacement de cet objet par un autre (B.a) ;
--- soit abrogation de l'action elle-même (B.b).

--- B.a) Soit Abraham a réalisé le palier 1 ainsi que le palier 2, mais miraculeusement le palier 2 n'a pas produit le palier 3 (lequel en est le résultat normal) ; cependant, en rêve il n'avait vu que le palier 2. Dieu lui a alors dit : "Tu as réalisé le rêve", vu qu'il avait pleinement réalisé tout ce qu'il avait vu en rêve : le palier 2. Selon cette option, il n'y a pas eu de Naskh.

--- B.a') Soit Abraham a réalisé le palier 1 ainsi que le palier 2, mais miraculeusement le palier 2 n'a pas produit le palier 3 (lequel en est le résultat normal), alors même qu'en rêve il avait vu le palier 3 aussi. Dans ce cas, en lui disant "Tu as réalisé le rêve", Dieu a voulu lui dire qu'il avait réalisé l'ordre tashrî'î qui lui avait été donné en rêve, même si takwînan Dieu n'a pas fait se réaliser le résultat normal de cette action, résultat que Abraham avait vu en rêve (palier 3) mais dont la réalisation n'était pas de son ressort en tant que créature. Selon cette option, il n'y a pas eu de Naskh : c'est simplement qu'il lui a été rendu impossible, takwînan, de réaliser ce dont l'ordre lui a été donné tashrî'an.
Quant à la compensation, elle fut due au fait que toute action commencée doit être achevée (يلزم العمل بالشروع فيه) : le sacrifice a donc dû être mené jusqu'à son terme (إراقة دم الأضحية), mais c'est l'objet du sacrifice (الأضحية) qui fut remplacé, et ce sur un nouvel ordre tashrî'î de Dieu, ayant abrogé le précédent. "وقالت طائفة: ليس هذا مما ينسخ بوجه، لأن معنى "ذبحت الشيء": قطعته؛ واستدل على هذا بقول مجاهد: قال إسحاق لإبراهيم "لا تنظر إلي فترحمني، ولكن اجعل وجهي إلى الأرض"، فأخذ إبراهيم السكين فأمرها على حلقه فانقلبت. فقال له "ما لك؟" قال: "انقلبت السكين"؛ قال اطعني بها طعنا. وقال بعضهم: كان كلما قطع جزءا التأم. وقالت طائفة: وجد حلقه نحاسا أو مغشى بنحاس، وكان كلما أراد قطعا وجد منعا. وهذا كله جائز في القدرة الإلهية. لكنه يفتقر إلى نقل صحيح، فإنه أمر لا يدرك بالنظر وإنما طريقه الخبر. ولو كان قد جرى ذلك لبينه الله تعالى تعظيما لرتبة إسماعيل وإبراهيم صلوات الله عليهما، وكان أولى بالبيان من الفداء" (Tafsîr ul-Qurtubî). "وفيه قولان: أحدهما: قد عملت ما أمرت؛ وذلك أنه قصد الذبح بما أمكنه، وطاوعه الابن بالتمكين من الذبح، إلا أن الله تعالى صرف ذلك كما شاء، فصار كأنه قد ذبح وإن لم يتحقق الذبح. والثاني: أنه رأى في المنام معالجة الذبح، ولم ير إراقة الدم، فلما فعل في اليقظة ما رأى في المنام، قيل له: "قد صدقت الرؤيا" (Zâd ul-massîr).

--- B.b) Soit Abraham n'a réalisé que le palier 1, mais, dès lors, l'ordre d'immoler son fils, que Dieu lui avait donné en rêve, Dieu l'a, tashrî'an, abrogé par le nouvel ordre d'arrêter le processus, et de remplacer le sacrifice de son fils par celui d'un animal. Selon cette option, il y a eu Naskh. Quant à : "Tu as réalisé le rêve", cela signifie : "Tu en as réalisé ce qui était en ton possible, puis tu as arrêté d'aller plus loin parce que Nous avons abrogé l'ordre précédent et t'avons ordonné d'arrêter le processus". La preuve en est que Dieu a désigné une compensation (fidâ') : le bélier ; or s'il avait pleinement réalisé ce qui lui avait été demandé en rêve, il n'y aurait pas eu besoin d'une compensation : "فقال أهل السنة: إن نفس الذبح لم يقع، وإنما وقع الأمر بالذبح قبل أن يقع الذبح. ولو وقع لم يتصور رفعه. فكان هذا من باب النسخ قبل الفعل. لأنه لو حصل الفراغ من امتثال الأمر بالذبح، ما تحقق الفداء. وقوله تعالى "قد صدقت الرؤيا": أي "حققت ما نبهناك عليه وفعلت ما أمكنك، ثم امتنعت لما منعناك". هذا أصح ما قيل به في هذا الباب" (Tafsîr ul-Qurtubî). (Parlant des autres commentaires : "وأيضا لو صحت هذه الأشياء، لما احتيج إلى الفداء" : Ibid.).

L'explication de Ibn ul-'Arabî est légèrement différente : selon lui il n'y a pas vraiment eu abrogation, mais naskh uz-zâhir (soit le sens "5" du terme "naskh") : "قد بينا في كتب الأصول والحديث حقيقة الرؤيا، وقد قدمنا في هذا الكتاب نبذة منها، وأن الباري تبارك وتعالى يضربها للناس، ولها أسماء وكنى؛ فمنها رؤيا تخرج بصفتها؛ ومنها رؤيا تخرج بتأويلها وهو كنيتها. وفي صحيح الحديث أن النبي صلى الله عليه وسلم قال لعائشة: "أريتك في سرقة من حرير. فقال الملك: هذه زوجك، فاكشف عنها، فإذا هي أنت. فقلت: "إن يك هذا من عند الله يمضه"." ولم يشك صلى الله عليه وسلم فيه لقوله: فقال لي الملك، ولا يقول الملك إلا حقا. ولكن الأمر احتمل عند النبي صلى الله عليه وسلم أن تكون الرؤيا باسمها أو تكون بكنيتها؛ فإن كانت باسمها فتكون هي الزوجة، وإن كانت الرؤيا مكناة فتكون في أختها أو قرابتها أو جارتها أو من يسمى باسمها أو غير ذلك من وجوه التشبيهات فيها؛ وهذا أصل تقرر في الباب فليحفظ وليحصل، فإنه أصله. (...) فقال إبراهيم لابنه: "رأيت أني أذبحك في المنام"، فأخذ الوالد والولد الرؤيا بظاهرها واسمها، وقال له: "افعل ما تؤمر" (إذ هو أمر من قبل الله تعالى، لأنهما علما أن رؤيا الأنبياء وحي الله)، واستسلما لقضاء الله (هذا في قرة عينه، وهذا في نفسه)، أعطي ذبحا فداء وقيل له: "هذا فداؤك"، فامتثل فيه ما رأيت، فإنه حقيقة ما خاطبناك فيه، وهو كناية لا اسم؛ وجعله مصدقا للرؤيا بمبادرته الامتثال. فإنه لا بد من اعتقاد الوجوب والتهيؤ للعمل؛ فلما اعتقدا الوجوب وتهيآ للعمل (هذا بصورة الذابح، وهذا بصورة المذبوح)، أعطي محلا للذبح فداء عن ذلك المرئي في المنام، يقع موضعه برسم الكناية وإظهار الحق الموعود فيه" (Ahkâm ul-qur'ân 4/32).

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Je penche vers l'option B.b :
--- en rêve Abraham avait vu qu'il pratiquait le palier 2 sur son fils Ismaël. Ce fut là l'ordre de faire cette action, comme Ismaël le comprit : "يَا أَبَتِ افْعَلْ مَا تُؤْمَرُ" ;
--- cependant, dans le réel, dès que Abraham eut mis en pratique le palier 1, Dieu abrogea l'ordre initial. Et quand Il lui dit : "Tu as réalisé le rêve", cela signifie : "Tu en as réalisé ce qui était en ton possible, puis tu as arrêté d'aller plus loin parce que Nous avons abrogé l'ordre précédent et t'avons ordonné d'arrêter le processus". C'est bien pourquoi Dieu assigna une compensation (fidâ') : un bélier.

Si on retient cette option B.b, il se sera agi d'une abrogation (naskh) avant la mise en pratique de l'ordre donné, mais après que l'homme à qui cet ordre a été donné ait disposé du temps pour le mettre en pratique (هل يقع نسخ الأمر بعد علم المكلف به وبعد دخول وقته ولكن قبل مباشرة المكلف إياه). Or il n'y a pas de divergence quant au fait que ce cas de figure peut se produire dans la Tashrî'.

La divergence existant entre la plupart des shafi'ites d'un côté, et la plupart des hanafites de l'autre côté, porte sur deux cas différents :
--- peut-il y avoir abrogation d'un ordre après que l'homme ait reçu cet ordre, mais avant qu'il ait disposé du temps minimal pour mettre en pratique celui-ci (هل يقع نسخ الأمر بعد علم المكلف به ولكن قبل دخول وقته) ?
--- peut-il y avoir abrogation d'un ordre après que celui-ci ait été énoncé par Dieu mais avant que l'homme l'ait seulement reçu (هل يقع نسخ الأمر قبل علم المكلف به) ?

--- "القسم الأول: أن يكون قبل علم المكلف بوجوبه، كما إذا أمر الله سبحانه جبريل أن يعلم النبي صلى الله عليه وسلم بوجوب شيء على الأمة، ثم ينسخه قبل وصوله إليه. فجزم الماوردي والروياني في باب القضاء بأنه لا يجوز ورود النسخ عليه، لأن من شرط النسخ أن يكون بعد استمرار الفرض ليخرج عن البداء إلى الإعلام بالمدة. (...) وقد حكى ابن السمعاني في ذلك الاتفاق. وليس كذلك، بل في المسألة وجهان لأصحابنا، حكاهما الأستاذ أبو منصور وإلكيا. (...) وقال ابن برهان في "الوجيز" في آخر باب النسخ: نسخ الحكم قبل علم المكلف بوجوبه جائز عندنا؛ ومنعته المعتزلة وأصحاب أبي حنيفة، وبنوا على ذلك أن عزل الوكيل لا يثبت قبل العلم، وزعموا أن النسخ قبل العلم يتضمن تكليف المحال. قال: وهذه المسألة فرع تكليف ما لا يطاق؛ فإذا قضينا بصحته صح النسخ حينئذ. قال: واحتج علماؤنا في هذه المسألة بقصة المعراج، فإن الله تعالى أوجب على الأمة خمسين صلاة، ثم نسخها قبل علمهم بوجوبها. وهذا لا حجة فيه، لأن النسخ إنما كان بعد العلم، فإن رسول الله صلى الله عليه وسلم أحد المكلفين، وقد علم؛ ولكنه قبل علم جميع الأمة؛ وعلم الجميع لا يشترط، فإن التكليف استقر بعلم رسول الله صلى الله عليه وسلم، فلا اعتماد على هذا الحديث. اهـ" (Al-Bah'r ul-muhît, az-Zarkashî).
--- "القسم الثالث: أن يعلم المكلف بوجوبه عليه، لكن لم يدخل وقته، إما أن يكون موسعا (كما لو قال: "اقتلوا المشركين غدا"، ثم نسخ عنهم في ذلك اليوم)، أو يكون على الفور ثم ينسخ قبل التمكن من الفعل، أو يؤمر بالعبادة مطلقا ثم ينسخ قبل مضي وقت التمكن من فعلها. فهاهنا اختلفوا" (Ibid.).
--- "القسم الرابع: أن يدخل وقت المأمور به، لكن ينسخ قبل فعله، إما لكونه موسعا، وإما لأنه أراد أن يشرع، فينسخ. فقال سليم وابن الصباغ في "العدة": "إنه لا خلاف بين أهل العلم في جوازه"، وجعلا الخلاف فيما قبل دخول الوقت. وكذلك فعل ابن برهان في "الأوسط"، والقاضي من الحنابلة. وكذا نقل فيه الإجماع صاحب "الكبريت الأحمر": قال: "للمعنى الذي جاز نسخه بعد إيجاده، وهو انقلاب المصلحة مفسدة". وكذا الآمدي في أثناء الاستدلال، فإنه قال: " والخلاف إنما هو فيما قبل التمكن، لا بعده". وكلام إمام الحرمين في "البرهان" مصرح به" (Al-Bah'r ul-muhît, az-Zarkashî). La même chose est visible dans Al-Musawwada.

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V) Une analyse pertinente de la différence de styles de narration entre le texte de la Torah et le texte du Coran quant à ce même événement : l'épreuve du sacrifice de Abraham :

Tariq Ramadan écrit :
"Certes les histoires des Prophètes, et notamment celle d'Abraham, sont rapportées respectivement dans les traditions juive, chrétienne et musulmane, de façon semble-t-il similaire.
A l'étude, on s'aperçoit cependant que les narrations sont différentes et ne présentent pas toujours ni les mêmes faits ni les mêmes leçons"
(Muhammad, Vie du Prophète, Presses du Châtelet, Paris, 2006, pp. 20-21).

"On lit dans la Genèse : "Or, après ces événements, Dieu mit Abraham à l'épreuve et lui dit : 'Abraham' ; il répondit : 'Me voici.' Il reprit : 'Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu aimes. Pars pour le pays de Moriah et là, tu l'offriras en holocauste sur celle des montagnes que je t'indiquerai.' (...) Abraham prit les bûches pour l'holocauste et en chargea son fils Isaac ; il prit en main la pierre à feu et le couteau, et tous deux s'en allèrent ensemble. Isaac parla à son père Abraham : 'Mon père', dit-il, et Abraham répondit : 'Me voici, mon fils.' Il reprit : 'Voici le feu et les bûches ; où est l'agneau pour l'holocauste ?' Abraham répondit : 'Dieu saura voir l'agneau pour l'holocauste, mon fils.' Tous deux continuèrent à aller ensemble."
Abraham vit l'épreuve essentielle de la foi : il doit témoigner de son amour pour Dieu en le préférant à l'amour de son fils. La tension est extrême et Abraham va la vivre seul : à la question de son fils, il répond de façon elliptique et cache à son enfant la vérité et le sens de ce qu'il est en train d'accomplir. Cette mise à l'épreuve est tragique et son caractère en est doublement renforcé par l'infinie solitude qui l'accompagne, et dont atteste la figure de style que Abraham doit utiliser pour ne rien avouer à son fils : seul, face à l'ordre divin irrationnel, faut-il se soumettre ou se révolter ? La tension est au cœur de la foi et rien ne vient apaiser le prophète. (...)

[Dans les références musulmanes,] l'histoire même d'Abraham est rapportée en des termes qui, d'emblée, donnent une couleur particulière au rapport entre l'homme et l'ordre divin. Il y a certes l'épreuve d'avoir à sacrifier l'être le plus aimé, son fils, pour témoigner de sa foi, mais l'expérience tragique, la solitude, la réponse allusive sont ici absentes : Abraham parle à son fils qui, habité de la même foi, rassure son père, se soumet de la même soumission et joint son témoignage de foi à celui de son père : [Suit le passage coranique sus-cité, Coran 37/101-109].
Les enseignements que l'on peut tirer de ces versets sont multiples, mais nous nous bornerons ici à mettre en évidence la force de foi supplémentaire que le fils offre à son père. Pas de solitude, pas de figure de style, pas de déchirements entre les deux amours : "tous deux se sont soumis" ; la patience du fils fait écho à l'intime fidélité du père. L'épreuve de la foi est, hors de la tension tragique, celle de la patience et de l'acceptation. Et si, par ailleurs, chacun aura à rendre compte de ses actes, seul ; la foi se vit avec l'autre... son amour et sa fraternité accompagnent mes pas, apaisent mon cœur, vivifient ma conviction. La foi partagée, la fraternité de la foi, qui est le fondement de l'islam, s'oppose à toute idée de conscience tragique" (Islam, le face à face des civilisations, Tawhid, Lyon, 1995, pp. 285-289).

"L'épreuve est terrible : au nom de son amour et de sa foi en Dieu, Abraham doit sacrifier son fils, maîtriser et dépasser son amour de père. L'épreuve de la foi s'exprime ici dans cette tension entre deux amours. C'est pourtant son propre fils, objet du sacrifice, qui le réconforte et l'accompagne comme un signe et une confirmation lorsqu'il lui murmure : "O mon père ! Fais ce qui t'est ordonné. Tu me trouveras patient, si Dieu le veut !"
Comme ce fut le cas quelques années plus tôt avec Hagar**, il [= Abraham] trouve en autrui des signes qui lui permettent de faire face à l'épreuve. Ces signes, expression de la présence du divin au cœur de l'épreuve, ont une fonction fondamentale dans l'expérience de la foi et façonnent le mode d'être avec soi et avec Dieu. Lorsque Dieu fait subir une épreuve terrible à Son Envoyé et qu'Il accompagne cette dernière de signes de Sa Présence et de Son soutien (les propos de confirmation de la femme ou de l'enfant, une vision, un rêve, une inspiration, etc.), Il l'éduque dans la foi (...). De fait, l'épreuve de la foi n'est jamais "tragique" dans la tradition islamique.
En ce sens, l'histoire d'Abraham, si elle est rapportée [dans le Coran] de façon similaire en beaucoup de points en ce qui concerne l'histoire de Hagar et d'Ismaël, est fondamentalement différente de celle de la Bible quant à l'expérience du sacrifice"
(Muhammad, Vie du Prophète, pp. 18-19).

** Comme exposé plus haut dans cet article, il existe une autre possibilité : l'exil de Hagar depuis Shâm aurait plutôt eu lieu après cet épisode du sacrifice du fils unique, lequel se serait déroulé à Shâm.

L'épisode auquel il a été fait ici allusion concernant Hagar est celui-ci :
"فوضعهما هنالك، ووضع عندهما جرابا فيه تمر، وسقاء فيه ماء، ثم قفى إبراهيم منطلقا، فتبعته أم إسماعيل فقالت: "يا إبراهيم، أين تذهب وتتركنا بهذا الوادي، الذي ليس فيه إنس ولا شيء؟" فقالت له ذلك مرارا، وجعل لا يلتفت إليها، فقالت له: "آلله الذي أمرك بهذا؟" قال "نعم"، قالت: "إذن لا يضيعنا." ثم رجعت. فانطلق إبراهيم حتى إذا كان عند الثنية حيث لا يرونه، استقبل بوجهه البيت، ثم دعا بهؤلاء الكلمات، ورفع يديه فقال: "رب {إني أسكنت من ذريتي بواد غير ذي زرع عند بيتك المحرم} حتى بلغ {يشكرون}" :
"Il les laissa là, et il plaça près d'eux un sac dans lequel se trouvaient des dattes ainsi qu'une outre dans laquelle il y avait de l'eau. Puis Abraham s'en retourna pour s'en aller.
La mère de Ismaël le suivit et dit : "Abraham, où pars-tu en nous laissant dans cette vallée où il n'y a ni humain ni rien ?"
Elle lui dit ces paroles plusieurs fois.
Et lui ne se retournait pas vers elle.
Alors elle lui dit : "Est-ce Dieu qui t'a ordonné cela ?
Oui, dit-il.
Alors Il ne nous détruira pas", dit-elle.
Et elle s'en retourna.
Abraham continua jusqu'à ce que, lorsqu'il fut auprès du col, là où ils ne le voyaient plus, il dirigea sa face vers [le lieu où il devait bâtir plus tard] la Maison et pria en ces termes, les mains levées : "Mon Seigneur, j'ai installé une partie de ma descendance dans une vallée sans champ, auprès de Ta Maison sacrée, Seigneur, afin qu'ils accomplissent la prière. Fais donc les cœurs d'humains se pencher vers eux, et accorde-leur des fruits, afin qu'ils soient reconnaissants""
(al-Bukhârî, 3184).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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