Zoroastre était-il un messager de Dieu ?

En parlant du Dhu-l-Qarnayn du Coran, nous avons relaté qu'il pourrait avoir été Cyrus II le Perse ; un avis de spécialistes étant que ce dernier était monothéiste, adorant Dieu le Créateur des cieux et de la terre (en arabe : "Allah").

Nous voudrions ici dire un mot de Zoroastre et du message qu'il a laissé aux Perses.

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L'Iran ancien et sa religion dualiste (de l'an 2000 avant l'ère chrétienne environ jusqu'au VIème siècle avant l'ère chrétienne environ) :

"L'Iran antique naît vers 2000 av. J.-C. avec l'invasion des cavaliers aryens venus du Turkestan. Et il ne prend fin qu'avec la conquête musulmane, en 642 apr. J.-C. Sa vie religieuse se développe et se transforme donc pendant 2 500 ans sur un territoire immense au contact d'autres grandes civilisations, celle de Babylone par exemple" (Mémo Larousse, p. 297).

Le Mémo Larousse nous raconte aussi comment les anciens Iraniens croyaient en un créateur de l'univers, Ahura-Mazdâ, mais croyaient également en d'autres divinités qu'ils adoraient :
- Mithra (dieu-pasteur),
- Anâhita (déesse des sources),
- Haoma (dieu du haoma, plante enivrante)...
Pour les Iraniens, toutes ces divinités formaient les forces du Bien, au monde de qui s'opposait l'empire des Ténèbres et du Mal, dont Ahriman (appelé au début Angra Mainyu) était considéré le chef (Mémo Larousse, p. 297).

Le Mémo Larousse nous enseigne également que les Iraniens honoraient Ahura-Mazdâ par le feu qu'ils faisaient rayonner au sommet des tours cultuelles ; qu'ils offraient à la plupart de leurs divinités des sacrifices sanglants ; qu'ils buvaient le haoma et tombaient dans une ivresse extatique ; qu'ils se racontaient les exploits des héros qui avaient consacré leur vie à lutter contre les forces du Mal.

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La réforme de Zoroastre (VIème siècle avant l'ère chrétienne environ) :

Au VIème siècle avant l'ère chrétienne environ apparaît un réformateur, Zoroastre (Zarathushtra), qui prêche dans la région de Bactriane.

Il enseigne que Ahura-Mazdâ est le seul Dieu, qui a tout créé, bien et mal.

Il a ainsi créé deux êtres invisibles, l'un du bien, l'autre du mal, et ce sont eux qui tentent, avec la permission de Dieu, d'influencer l'homme.

L'homme doit donc choisir, et est responsable de ses choix.

Adorer Dieu, enseigne Zoroastre, c'est garder le cœur pur, délaisser les idoles et leurs sacrifices sanglants, abandonner l'ivresse du haoma, honorer Dieu par le moyen de la prière (le feu n'en étant plus qu'un accompagnement).

A celui qui respecte ces enseignements, Ahura-Mazdâ donnera le bonheur éternel le jour où il se manifestera dans un embrasement de l'univers. (Ces éléments sont tous extraits du Mémo Larousse, p. 297.)

D'après as-Syohârwî, les empereurs Cyrus II, son fils Cambyse II et son petit-fils Darius suivaient tous trois l'enseignement authentique de Zoroastre (Qassas ul-qur'ân, 3/169). D'ailleurs, l'époque de Zoroastre soit précède de peu, soit coïncide avec celle de Cyrus II (qui régna de 556 à 530 approximativement avant le début de l'ère chrétienne).

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Un nouveau tournant (du IVème siècle avant l'ère chrétienne environ) :

Pendant quelques décennies, de nombreux Iraniens demeurent fidèles à l'enseignement originel de Zoroastre.

Mais peu à peu, au fil du temps, ils se mettent à ne plus suivre que partiellement son message originel. En effet, polythéisme, culte du feu, sacrifices sanglants, recours à la magie réapparaissent en grand nombre. C'est l'époque de l'autorité des confréries de mages.

Oublieux de la prédication de Zoroastre, le monde iranien fait bientôt de Mithra le premier des dieux, et le culte de celui-ci se répandra au fil des siècles jusque chez les Romains.

Ce qu'on appelle désormais "la religion zoroastrienne" (et qui deviendra la religion officielle de l'empire Perse Sassanide) est en fait une religion qui mélange des éléments extérieurs à ceux du message originel et authentique de Zoroastre. Cette religion "hybride" est également appelée parfois : "mazdéisme".

(La plupart de ces éléments sont extraits du Mémo Larousse, p. 297.)

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Les adeptes de cette religion hybride ne sont pas considérés par l'islam (d'après l'avis de la grande majorité de ses ulémas) comme des Gens du Livre, mais comme des polythéistes :

Ibn ul-Qayyim a longuement écrit sur le sujet.
Il dit : "ومعلوم أن العرب كانوا على دين إبراهيم عليه السلام، وكان له صحف وشريعة، وليس تغيير عبدة الأوثان لدين إبراهيم عليه السلام وشريعته بأعظم من تغيير المجوس لدين نبيهم وكتابهم لو صح" : "On sait que ces Arabes étaient sur le Dîn de Abraham, lequel avait laissé des écritures ("suhuf") et une voie ("sharî'a"). Les changements que ces Idolâtres [Arabes] avaient effectués dans la religion et la voie de Abraham ne sont pas plus grands que ceux que les Zoroastriens ont effectués dans la religion de leur prophète et dans leurs écritures si [l'existence d'un tel prophète et d'écritures parmi eux] est établie. (...)" (Zâd ul-ma'âd, 5/92). "بل كفر المجوس أغلظ. وعباد الأوثان كانوا يقرون بتوحيد الربوبية، وأنه لا خالق إلا الله، وأنهم إنما يعبدون آلهتهم لتقربهم إلى الله سبحانه وتعالى، ولم يكونوا يقرون بصانعين للعالم، أحدهما: خالق للخير، والآخر للشر، كما تقوله المجوس" : "(...) Le Kufr des Zoroastriens est plus épais [que celui des Idolâtres Arabes]. Les Idolâtres [descendants de Ismaël] reconnaissaient le Tawhid ur-Rubûbiyya, et qu'il n'y a de créateur que Dieu, et (ils disaient) qu'ils n'adoraient leurs divinités, c'était pour qu'elles les rapprochent de Lui, Pureté à Lui et Elevé soit-Il. Ils ne sont pas allés jusqu'à dire qu'il y aurait deux créateurs du monde, l'un du bien, l'autre du mal, comme le disaient les Zoroastriens" (Ibid., 5/91).

Quant aux chrétiens post-nicéens, s'ils sont considérés Gens du Livre malgré la présence d'une dose de polythéisme en eux, c'est parce que, comme l'a écrit Ibn Taymiyya : "فليسوا على التوحيد المحض؛ وليسوا كالمشركين الذين يعبدون الأوثان ويكذبون الرسل. فلهذا جعلهم الله نوعا من غير المشركين تارة؛ وذمهم على ما أحدثوه من الشرك تارة" : "Ils ne sont pas sur le pur monothéisme, mais ne sont pas non plus semblables aux polythéistes qui adorent les idoles et traitent de menteurs (tous) les envoyés de Dieu. Dieu a donc tantôt parlé des Chrétiens comme étant différents des Polythéistes, tantôt leur a reproché le shirk qu'ils ont innové" (Al-Jawâb us-sahîh, 2/49).
Lire :
--- Les Chrétiens qui invoquent ceux et celles qu'ils considèrent saint(e)s : adhèrent-ils à toute la "Aslu Tawhîd ir-Rubûbiyya" ? Sont-ils alors Mushrikûn ?
--- Les Chrétiens Trinitaires sont-ils des Gens du Livre (ahl ul-kitâb), ou bien des Polythéistes (mushrik) ?

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Le zoroastrisme (ou mazdéisme) se diffuse parfois même jusque sur les pourtours du monde iranien :

Ainsi, à l'époque du Prophète Muhammad (sur lui la paix) (VIIème siècle après le début de l'ère chrétienne), une minorité arabe convertie au zoroastrisme habite Hajar, sur la côte orientale de l'Arabie qui est bordée par le golfe Persique. Elle sera placée sous la protection (dhimma) des musulmans par le Prophète lui-même, comme Abd ur-Rahmân ibn 'Awf l'a relaté à 'Umar (rapporté par al-Bukhârî).

Un verset du Coran évoque d'ailleurs les zoroastriens ("al-majûs") (Coran 22/17).

Aujourd'hui, en Iran, une minorité zoroastrienne (environ 50 000 âmes) continue de vivre et de pratiquer son culte du feu. Sur la côte occidentale de l'Inde également (surtout à Bombay), une autre minorité zoroastrienne existe, dont les membres sont connus sous le nom de "Parsis" (qui signifie "originaires de la Perse").

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Il est à noter ici qu'une autre religion se forme également en Perse :

Présente chez les Iraniens depuis fort longtemps, la croyance en le dualisme revient sous la forme du "manichéisme", créé par Mani au IIIème siècle après le début de l'ère chrétienne, et qui sera bientôt combattu par les autorités sassanides.

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Comment considérer Zoroastre par rapport aux enseignements des sources musulmanes ?

Vous avez pu vous rendre compte des similitudes qu'offre l'enseignement authentique de Zoroastre avec les fondements de l'enseignement de Muhammad (sur lui la paix).

L'islam n'enseigne pas que le monothéisme aurait été une amélioration, imaginée par Abraham, du polythéisme, mais au contraire que le polythéisme a été une chute de l'homme, qui a oublié le monothéisme, l'attitude naturelle de tous les hommes.

Et si l'islam enseigne que les Fils d'Israël ont eu l'honneur de compter de très nombreux messagers de Dieu parmi eux, il enseigne également que tous les peuples ayant vécu sur la terre ont reçu au moins un messager venu leur rappeler le monothéisme originel. Dieu affirme dans le Coran : "Et à chaque peuple Nous avons envoyé (dans le passé) (au moins) un messager leur disant : "Adorez Dieu et préservez-vous d'(écouter) le Rebelle"" (Coran 16/36) ; "Dis (aux hommes, ô Muhammad) : Je ne suis pas une nouveauté en terme de messager..." (Coran 46/9) ; "Et Nous n'avons pas envoyé avant toi de messager sans lui révéler ceci : "Pas de divinité en dehors de Moi, adorez-Moi donc"" (Coran 21/25) ; "Muhammad n'est le père d'aucun d'entre vous, mais il est le messager de Dieu et le dernier des prophètes" (Coran 33/40) ; "Ô Gens du Livre, croyez en ce que Nous avons fait descendre (sur Muhammad), qui confirme ce que vous aviez déjà..." (Coran 4/47).

Les messages originels reçus de Dieu par différents messagers ont tous communiqué les mêmes choses en matière de fondements (monothéisme, croyances fondamentales, principes principaux du culte et de la vie en société) : "Dieu vous a donné en matière de religion ce qu'Il avait enjoint à Noé, ce que Nous t'avons révélé (ô Muhammad), ainsi que ce que Nous avions enjoint à Abraham, à Moïse et à Jésus" (Coran 42/13). Des différences ont cependant existé entre ces multiples messages à propos de certains points secondaires, comme les modalités du culte rendu à Dieu, etc. : "... A chacun (des peuples ayant reçu un message de Dieu) parmi vous, Nous avons donné un type (spécifique) de voie et un code" (Coran 5/48). Ces différences étaient d'autant plus justifiées qu'avant le message de Dieu communiqué au dernier messager, Muhammad, les autres messages de Dieu étaient destinés prioritairement à un peuple particulier.
Je dis bien "prioritairement" parce que ceux d'un autre peuple vivant alors au voisinage du peuple destinataire pouvaient et devaient suivre le message communiqué. C'est bien pourquoi Moïse et Aaron invitèrent le Pharaon de leur temps à ne plus adorer que Dieu (Coran 79/18), et qu'un égyptien de la famille du Pharaon avait accepté le message de Moïse (Coran 40/28).

Lire également : Loi de la Torah et Loi du Coran : pourquoi différentes si ayant toutes deux pour origine : Dieu ?.

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Le contenu de l'enseignement originel de Zoroastre semble correspondre à celui des messagers de Dieu. 

De là à affirmer que Zoroastre a été non pas seulement un réformateur mais un véritable Messager de Dieu, dépêché au monde iranien de l'Antiquité, cela engagerait notre responsabilité à un niveau trop important : cela demande des preuves plus approfondies, que nous ne possédons pas.

Dieu dit : "Et [ô Muhammad] Nous avons suscité des messagers avant toi : parmi eux il en est dont Nous t'avons raconté l'histoire [dans le Coran], et parmi eux il en est dont Nous ne t'avons pas raconté l'histoire" (Coran 40/78).

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Voisine est la position du 'âlim indien as-Syohârwî (Qassas ul-qur'ân, 3/167-171). Ce cheikh cite un passage des Zend-Avesta : et il dit que malgré le fait que ces Ecritures n'aient elles non plus pas pu être conservées dans leur authenticité, ce passage semble témoigner du caractère monothéiste et prophétique du message originel (Ibid., p. 168-169).

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Dieu sait mieux.
Que Ses bénédictions soient sur tous Ses Messagers, ceux dont nous avons connaissance et ceux dont Il ne nous a pas raconté l'histoire.

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Note :

Je voudrais souligner ici que les thèmes développés par l'Allemand Nietzsche dans son célèbre poème philosophique Ainsi parlait Zarathushtra ne correspondent pas forcément tous à l'enseignement originel du réformateur. Nietzsche n'a d'ailleurs voulu, en faisant ainsi, que présenter sa thèse du Surhomme en la prêtant à un personnage qui l'a fasciné.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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