Ce qui est dit au sujet de la plus grande valeur de l'accomplissement de la prière dans les 3 Mosquées les plus importantes, cela vaut-il : - seulement pour les espaces "historiques originels" de ces mosquées ? ou également pour les espaces ayant été au fil du temps incorporés à elles, par agrandissement ? ou encore pour l'espace de chacune de ces 3 cités ?

I) Sur le plan des récompenses auprès de Dieu, et donc de la valeur auprès de Lui :

une prière rituelle accomplie dans al-Masjid ul-Harâm (à La Mecque), vaut plus de 100 000 prières rituelles accomplies ailleurs sur Terre (hormis les deux Mosquées qui vont être citées ci-après) ;

une prière rituelle accomplie dans al-Masjid un-Nabawî (à Médine) vaut plus de 1 000 prières rituelles accomplies ailleurs sur Terre (hormis les deux autres Mosquées ici citées) ;

une prière rituelle accomplie dans al-Masjid ul-Aqsâ (à Jérusalem) vaut 500 prières rituelles accomplies ailleurs sur Terre (hormis les deux autres Mosquées).

--- "عن جابر، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "صلاة في مسجدي أفضل من ألف صلاة فيما سواه إلا المسجد الحرام. وصلاة في المسجد الحرام أفضل من مائة ألف صلاة فيما سواه" (Ibn Mâja, 1406, Ahmad).
--- "عن عبد الله بن الزبير، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "صلاة في مسجدي هذا أفضل من ألف صلاة فيما سواه من المساجد، إلا المسجد الحرام. وصلاة في المسجد الحرام أفضل من مائة صلاة في هذا" (Ahmad, 16117).
--- "عن أبي الدرداء رضي الله عنه قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "فضل الصلاة في المسجد الحرام على غيره مئة ألف صلاة؛ وفي مسجدي ألف صلاة؛ وفي مسجد بيت المقدس خمسمئة صلاة" (al-Bazzâr : FB 3/87). "عن عبد الله بن عمرو، عن رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أن سليمان بن داود صلى الله عليه وسلم لما بنى بيت المقدس، سأل الله عز وجل خلالا ثلاثة: سأل الله عز وجل حكما يصادف حكمه فأوتيه؛ وسأل الله عز وجل ملكا لا ينبغي لأحد من بعده فأوتيه؛ وسأل الله عز وجل حين فرغ من بناء المسجد أن لا يأتيه أحد لا ينهزه إلا الصلاة فيه أن يخرجه من خطيئته كيوم ولدته أمه" (an-Nassâ'ï, 693).

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Ces hadîths rappellent la valeur des 3 Mosquées les plus Importantes : al-Masjid ul-Harâm, al-Masjid un-Nabawî et al-Masjid ul-Aqsâ
:

La Kaaba a été fondée par Abraham (sur lui soit la paix).
La mosquée de Médine a été fondée par Muhammad (que Dieu l'élève et le salue).
Et la mosquée de Jérusalem, sa fondation a été placée par Abraham, puis elle a été bâtie plus tard par David et Salomon (sur eux soit la paix) ; de nombreux prophètes des fils d'Israël étaient venus au fil des siècles y adorer Dieu.

"ولا يحج إلا إلى بيته. فالحج الواجب ليس إلا إلى أفضل بيوته وأقدمها وهو المسجد الحرام. والسفر المستحب ليس إلا إلى مسجدين لكونهما بناهما نبيان: فالمسجد النبوي مسجد المدينة أسسه على التقوى خاتم المرسلين؛ ومسجد إيليا قد كان مسجدا قبل سليمان" (MF 27/351).

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II) Cette plus grande valeur que confère à la prière rituelle le fait d'avoir été accomplie en ces lieux, cela vaut-il pour toute prière, fût-elle surérogatoire (nafl) ?

Il y a divergence d'opinions sur ce point.

Cette augmentation de la valeur de la prière se produit...

--- avis A) ... pour toute prière rituelle accomplie là, qu'elle soit obligatoire ou surérogatoire : c'est l'avis des shafi'ites ;

--- avis B) ... seulement pour les prières obligatoires accomplies là, et pas pour les prières surérogatoires : c'est l'avis des hanafites (Radd ul-muhtâr, 2/432 ; FB 3/83), ainsi que des malikites (Subul us-salâm 2/761). Cet avis signifie que la multiplication, déjà valable pour toute prière obligatoire accomplie en groupe (augmentation qui est de l'ordre de 27 fois), est multipliée une nouvelle fois par : 100 000, 1 000 et 500 (respectivement, dans le cas de chacune des 3 Mosquées les plus Importantes), contre : 25 (dans le cas d'une mosquée lambda).

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III) Par ailleurs, cette plus grande valeur que confère à la prière le fait de l'accomplir dans ces 3 Mosquées, cela vaut-il pour leurs espaces historiques seulement ? ou pour les agrandissements leur ayant été adjoints aussi ?

Au moins à propos des 2 premières Mosquées, il y a divergence d'opinions sur ce point aussi. Concernant la Première Mosquée, c'est seulement quelques avis qui seront exposés ci-après...

--- 1) En ce qui concerne al-Masjid ul-Harâm, à la Mecque, la multiplication de la valeur de la prière est établie :

------- 1.1) seulement pour celui qui effectue la prière à l'intérieur de la Kaaba et du Hatîm (c'est l'avis d'un 'âlim shafi'ite : I'lâm us-sâjid, p. 85). Autrement dit : cela vaut pour seulement l'espace originellement consacré au Culte de Dieu par Abraham (sur lui soit la paix) ;

------- 1.2) seulement pour celui qui effectue la prière à l'intérieur de la mosquée qui a été bâtie autour de la Kaaba, y compris tous les agrandissements réalisés au fil du temps (c'est l'avis de al-Muhibb at-Tabarî, de Taqiyy ud-dîn al-Yamanî : I'lâm us-sâjid, p. 84, p. 85 ; cela semble être aussi l'avis des hanafites, si on lit l'argumentation relatée ainsi par al-Qudûrî : "فإن قيل: الصلاة في المسجد الحرام أفضل، فلذلك أمره بها. قلنا: قوله "صل هاهنا" إنما أراد به مكة، ولم يخصه بالمسجد؛ والصلاة بمكة ليست أفضل من الصلاة في بيت المقدس" : At-Tajrîd) ;

------- 1.3) pour celui qui effectue la prière n'importe où dans tout le Haram Makkî (lequel englobe et dépasse la cité de La Mecque) : an-Nawawî est de cet avis 1.3 (FB 3/86) dans son Manâssik (différemment de ce qu'il semble dire dans son Majmû', où il paraît être de l'avis 1.2 : I'lâm us-sâjid, p. 83) ; Waliyy ud-Dîn al-Irâqî aussi est de cet avis 1.3 (Radd ul-muhtâr 2/432). Ibn ul-Qayyim aussi (ZM 3/303).

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Cette problématique provient de l'appellation "al-Masjid ul-Harâm", qui peut désigner des choses différentes : an-Nawawî écrit : "واعلم أن "المسجد الحرام" قد يطلق ويراد به الكعبة فقط؛ وقد يراد به المسجد وحولها معها؛ وقد يراد به مكة كلها؛ وقد يراد به مكة مع الحرم حولها بكماله. وقد جاءت نصوص الشرع بهذه الأقسام الأربعة" (Al-Majmû', 4/241). En fait, au sens strict et à l'origine, cette appellation désigne le 1.1 : la Kaaba (comme en Coran 2/44 ; "فول} أي: حول {وجهك شطر المسجد الحرام}، أي: نحوه؛ وأراد به الكعبة؛ و"الحرام": المحرم" : Tafsîr ul-Baghawî) ; mais c'est par élargissement (tawassu', توسع) qu'elle s'est mise à désigner les 3 autres choses (au début par tajawwuz, à cause de la mahalliyya, ou de la mujâwara).

Cela de façon similaire au fait que le terme coranique "al-Bayt" ne désigne que la Kaaba ("قوله تعالى: {وإذ جعلنا البيت مثابة للناس}، البيت هاهنا: الكعبة" : Zâd ul-massîr). Cependant, parfois, par élargissement (tawassu'), ce terme "al-Bayt", et même celui - tout à fait explicite - de "al-Ka'ba", se sont mis à désigner les mêmes 3 autres choses que celles que "al-Masjid ul-harâm" s'est mis à désigner (comme dans : "هَدْيًا بَالِغَ الْكَعْبَةِ" - Coran 5/95 -: il s'agit ici d'une règle s'appliquant à tout le Haram : "قال القاضي أبو يعلى: وصف البيت بالأمن، والمراد جميع الحرم؛ كما قال: {هديا بالغ الكعبة}، والمراد: الحرم كله، لأنه لا يذبح في الكعبة، ولا في المسجد الحرام. وهذا على طريق الحكم، لا على وجه الخبر فقط" : Zâd ul-massîr).

L'analogie (qiyâs) est un élargissement qui concerne la règle, hukm : elle consiste en la transmission du hukm à autre chose que la chose stipulée dans le texte, laquelle autre chose ne porte donc pas le même nom que la chose stipulée, mais renferme au moins une même propriété qu'elle, laquelle propriété constitue ce à quoi ce hukm est lié (manât ul-hukm).
Mais il s'agit ici d'un autre type d'élargissement, qui concerne cette fois le nom, ism : il y a l'application, à autre chose, du même nom que la chose originelle, et ce par tajawwuz (tasmiyat ush-shay' il-kull b'ismi juz'i-hî al-ashraf / tasmiyat ul-mahall b'ism ish-shay' il-hâll fîhi / tasmiyat ush-shay' b'ismi mujâwarihî) (dans certains cas, c'est même l'application élargie qui peut devenir l'application usuelle : al-ghâlib fi-l-'urf)). Or, vu que cette application élargie consiste en un sens figuré, ce ne sont pas forcément tous les ahkâm concernant la chose portant ce nom de façon originelle qui sont transmis en même temps que le nom (on le voit avec le terme "Kaaba" dans le verset 5/95 : c'est dans n'importe quelle partie - étant pour cela appropriée - du Haram qu'il s'agit de sacrifier l'animal, alors même qu'on ne peut pas prendre la direction de n'importe quelle partie du Haram pour accomplir la prière rituelle : cela ne doit se faire que vers la Kaaba - ou vers sa direction quand on ne peut pas la voir).

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--- 2) En ce qui concerne al-Masjid un-Nabawî, à Médine, la multiplication de la valeur de la prière vaut :

------- 2.1) seulement pour celui qui effectue la prière à l'intérieur de l'espace qui constituait, à l'époque du Prophète, sa mosquée : les shafi'ites - donc an-Nawawî et Ibn Hajar aussi - ainsi que certains hanbalites - parmi lesquels Ibn 'Aqîl et Ibn ul-Jawzî - sont de cet avis ;

------- 2.2) pour celui qui effectue la prière à l'intérieur de la mosquée dite "Masjid Nabawî", ce qui inclut les agrandissements réalisés depuis l'époque du Prophète (sur lui soit la paix) : c'est l'avis de Ibn Taymiyya ("وقد جاءت الآثار بأن حكم الزيادة في مسجده حكم المزيد: تضعف فيه الصلاة بألف صلاة. كما أن المسجد الحرام حكم الزيادة فيه حكم المزيد، فيجوز الطواف فيه؛ والطواف لا يكون إلا في المسجد لا خارجًا منه" : Ar-Radd 'ala-l-Ikhnâ'ï) (voir aussi MF 26/146) ;

------- 2.3) même pour celui qui effectue la prière n'importe où dans la ville de Médine (ce n'est qu'une possibilité, seulement exprimée en tant que "réflexion" par Cheikh Abdullâh ibn Sulaymân al-Manî').

(3 écoles considèrent l'espace de la ville de Médine comme étant le "Haram Madanî", c'est-à-dire : "un lieu sacré où, comme le Haram autour de la cité de La Mecque, il est interdit d'abattre des animaux sauvages et de couper les plantes y poussant d'elles-mêmes".)

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--- 3) En ce qui concerne al-Masjid ul-Aqsâ, à Jérusalem, la multiplication de la valeur de la prière est établie :

-------- pour celui qui effectue la prière n'importe où sur l'Esplanade des Mosquées, ce qui inclut al-Masjib ul-Qib'lî, Mussallâ al-Qubba (ou Dôme du Rocher), etc. : il s'agit de tout l'espace mesurant - à ce qu'il paraît - 144 000 mètres carrés : "والحقيقة أن المسجد الأقصى يشمل كل المساحات والأشجار وقبة الصخرة والمساحة التي بينها وبين المصلى؛ كل هذا هو ما يطلق عليه في الأصل: "المسجد الأقصى" (islamway.net). Ibn Taymiyya pense lui aussi qu'il s'agit de tout l'espace, même si, précise-t-il, effectuer la prière dans al-Masjid ul-Qib'lî est mieux que partout ailleurs sur l'Esplanade : "ولهذا بنى عمر بن الخطاب مصلى المسلمين في مقدم المسجد الأقصى. فإن "المسجد الأقصى" اسم لجميع المسجد الذي بناه سليمان عليه السلام. وقد صار بعض الناس يسمي "الأقصى" المصلى الذي بناه عمر بن الخطاب رضي الله عنه في مقدمه. والصلاة في هذا المصلى الذي بناه عمر للمسلمين أفضل من الصلاة في سائر المسجد" (MF 27/11). Il est à noter qu'il n'est pas autorisé dans la Shar'u Muhammad (cela est ghayr mashrû') de se diriger vers le Rocher en tant que Qib'la pour effectuer la prière rituelle ou une prosternation ; quant au Dôme qui a été bâti sur lui, son premier prototype a été placé là par Abd ul-Malik ibn Marwân, avec un objectif qui n'était pas des meilleurs : "وأما الصخرة، فلم يصل عندها عمر رضي الله عنه ولا الصحابة. ولا كان على عهد الخلفاء الراشدين عليها قبة بل كانت مكشوفة في خلافة عمر وعثمان وعلي ومعاوية ويزيد ومروان. ولكن لما تولى ابنه عبد الملك الشام ووقع بينه وبين ابن الزبير الفتنة، كان الناس يحجون فيجتمعون بابن الزبير؛ فأراد عبد الملك أن يصرف الناس عن ابن الزبير، فبنى القبة على الصخرة وكساها في الشتاء والصيف ليرغب الناس في زيارة بيت المقدس ويشتغلوا بذلك عن اجتماعهم بابن الزبير. وأما أهل العلم من الصحابة والتابعين لهم بإحسان، فلم يكونوا يعظمون الصخرة فإنها قبلة منسوخة، كما أن يوم السبت كان عيدا في شريعة موسى عليه السلام ثم نسخ في شريعة محمد صلى الله عليه وسلم بيوم الجمعة" (MF 27/12).

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IV) Au sujet de la multiplication de la valeur de la prière faite à Médine (2), personnellement je trouve que :

--- les avis 2.1 ("la multiplication vaut pour seulement l'espace de la Masjid Nabawî originelle") et 2.2 ("la multiplication vaut pour toute la Masjid Nabawî, y compris ses agrandissements") se marient mieux avec l'avis B ("la multiplication de la valeur se produit pour les prières obligatoires seulement, et pas pour les prières surérogatoires") ;

--- tandis que l'avis A ("cette multiplication se produit pour les prières surérogatoires aussi") se marie mieux avec la possibilité 2.3 ("cette multiplication vaudrait non plus seulement pour la Masjid Nabawî, mais pour tout l'espace de Médine").

Car si la multiplication des prières, d'un côté englobe les prières surérogatoires aussi (conformément à l'avis A), mais, de l'autre côté, vaut seulement pour l'espace de la Masjid Nabawî (conformément aux avis 2.1 et 2.2), on se demande bien pourquoi le Prophète a, à Médine, enjoint ses Compagnons à accomplir leurs prières surérogatoires dans leurs maisons, délaissant alors l'espace de la Masjid Nabawî (Radd ul-muhtâr, 2/432).

Certes, une tentative d'explication du mariage de ces avis 2.1 et 2.2 avec l'avis A existe : "il s'agit de 2 perspectives différentes" (I'lâm us-sâjid, p. 87).
Personnellement elle me laisse cependant quelque peu sur ma faim (mais ce n'est qu'une appréciation personnelle)...

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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