La prière rituelle obligatoire, faut-il l'accomplir en groupe, ou bien peut-on l'accomplir seul ? S'il faut l'accomplir en groupe, faut-il l'accomplir en groupe à la mosquée, ou bien peut-on l'accomplir en groupe ailleurs ?

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I) Quelques hadîths existant sur le sujet :

--- 1) "La prière que l'homme accomplit avec un (autre) homme est meilleure que la prière qu'il accomplit seul. Et la prière que l'homme accomplit avec deux hommes est meilleure que la prière qu'il accomplit avec un homme. Et autant cela est plus important en nombre, autant cela est plus aimé par Dieu" : "عن أبي بن كعب أن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "صلاة الرجل مع الرجل أزكى من صلاته وحده. وصلاته مع الرجلين أزكى من صلاته مع الرجل. وما كان أكثر فهو أحب إلى الله" (Abû Dâoûd, 554, an-Nassâ'ï).

--- 2) Un hadîth très connu : "La prière rituelle accomplie en groupe dépasse de 27 degrés la prière rituelle accomplie individuellement" : "عن عبد الله بن عمر: أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "صلاة الجماعة تفضل صلاة الفذ بسبع وعشرين درجة" (al-Bukhârî, 619/645, Muslim, 650).

--- 3) Un autre hadîth très connu aussi : "La prière que l'homme accomplit en groupe est augmentée de 25 fois par rapport à la prière qu'il accomplit dans sa maison ou dans son marché. Cela est dû au fait que lorsqu'il procède aux ablutions et fait bien celles-ci puis sort (pour se rendre) à la mosquée - alors même que seule la prière l'a fait sortir -, il ne fait pas un pas sans que, à cause de celui-ci, un degré est élevé pour lui, et un péché est enlevé de lui..." : "عن الأعمش، عن أبي صالح، عن أبي هريرة قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "صلاة الرجل في الجماعة تضعف على صلاته في بيته وفي سوقه، خمسا وعشرين ضعفا؛ وذلك أنه إذا توضأ فأحسن الوضوء، ثم خرج إلى المسجد لا يخرجه إلا الصلاة، لم يخط خطوة إلا رفعت له بها درجة وحط عنه بها خطيئة؛، فإذا صلى، لم تزل الملائكة تصلي عليه ما دام في مصلاه: "اللهم صل عليه، اللهم ارحمه". ولا يزال أحدكم في صلاة ما انتظر الصلاة" (al-Bukhârî 620 etc., Muslim 649/272). "عن الزهري، قال: أخبرني سعيد بن المسيب وأبو سلمة بن عبد الرحمن، أن أبا هريرة، قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "تفضل صلاة الجميع صلاة أحدكم وحده، بخمس وعشرين جزءا. وتجتمع ملائكة الليل وملائكة النهار في صلاة الفجر" (al-Bukhârî 621 etc., Muslim 649/245-246). "عن أبي سعيد الخدري، أنه سمع النبي صلى الله عليه وسلم يقول: "صلاة الجماعة تفضل صلاة الفذ بخمس وعشرين درجة" (al-Bukhârî, 619/646).

--- 4) La parole de Ibn Mas'ûd est très connue qui insiste sur le fait que ce soit à la mosquée [en groupe] que la prière rituelle obligatoire soit accomplie : "عن عبد الله، قال: "لقد رأيتنا وما يتخلف عن الصلاة إلا منافق قد علم نفاقه، أو مريض؛ إن كان المريض ليمشي بين رجلين حتى يأتي الصلاة." وقال: "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم علمنا سنن الهدى، وإن من سنن الهدى الصلاة في المسجد الذي يؤذن فيه" (Muslim, 654/256) ; "عن عبد الله، قال: "من سره أن يلقى الله غدا مسلما، فليحافظ على هؤلاء الصلوات حيث ينادى بهن. فإن الله شرع لنبيكم صلى الله عليه وسلم سنن الهدى، وإنهن من سنن الهدى. ولو أنكم صليتم في بيوتكم كما يصلي هذا المتخلف في بيته، لتركتم سنة نبيكم، ولو تركتم سنة نبيكم لضللتم. وما من رجل يتطهر فيحسن الطهور، ثم يعمد إلى مسجد من هذه المساجد، إلا كتب الله له بكل خطوة يخطوها حسنة، ويرفعه بها درجة، ويحط عنه بها سيئة، ولقد رأيتنا وما يتخلف عنها إلا منافق معلوم النفاق، ولقد كان الرجل يؤتى به يهادى بين الرجلين حتى يقام في الصف" (Muslim, 654/257).

--- 5) 'Itbân ibn Mâlik vint trouver le Prophète (sur lui soit la paix) et lui dit : "Messager de Dieu, ma vue a baissé, et je dirige la prière pour les gens de mon (clan). Lorsqu'il y a des pluies, l'oued qui se trouve entre moi et eux coule, et je ne peux pas me rendre dans leur mosquée pour y diriger la prière. J'aimerais, ô Messager de Dieu, que tu viennes chez moi et accomplisses la prière dans ma maison, afin que je prenne ce (lieu) comme lieu de prière." Le Prophète lui promit : "Je le ferai, inshâ Allâh." Un jour, accompagné de Abû Bakr, le Prophète arriva donc chez 'Itbân dans la matinée, demanda la permission d'entrer, puis, l'ayant reçue de 'Itbân, demanda à celui-ci : "En quel endroit de ta maison veux-tu que j'accomplisse la prière ?" 'Itbân lui indiqua un coin de sa maison, et le Prophète y accomplit alors en groupe deux cycles de prière. Puis le propriétaire des lieux lui offrit une petite collation (al-Bukhârî 414, 415 etc., Muslim 33).
On voit ici 'Itbân ibn Mâlik faire cette demande au Prophète, et le Prophète accepter et donc approuver (taqrîr) par son action et sa parole le contenu de sa demande.

--- 6) A un autre homme aveugle venu lui demander s'il pouvait ne pas venir à la mosquée pour y accomplir [en groupe] la prière rituelle obligatoire, et accomplir cette prière chez lui, le Prophète donna d'abord l'autorisation de faire ainsi. Mais ensuite il le rappela et lui dit : "Entends-tu l'appel à la prière ? - Oui. - Alors réponds-y [en venant à la mosquée]" : "عن أبي هريرة، قال: أتى النبي صلى الله عليه وسلم رجل أعمى، فقال: "يا رسول الله، إنه ليس لي قائد يقودني إلى المسجد"، فسأل رسول الله صلى الله عليه وسلم أن يرخص له، فيصلي في بيته. فرخص له. فلما ولى، دعاه، فقال: "هل تسمع النداء بالصلاة؟" قال: "نعم"، قال: "فأجب" (Muslim, 653).
Il s'agirait de Abdullâh ibn Ummi Maktûm (Shar'h Muslim, 5/155).

--- 7) Vu le 'âridh du risque que cela soit alors rendu obligatoire sur les musulmans, le Prophète enjoignit aux musulmans (au moins cette nuit-là) que ce ne soit pas en groupe qu'ils accomplissent la prière des tarâwîh, mais individuellement. Or, pour toute prière non-obligatoire accomplie individuellement, la règle générale est : "la meilleure prière est celle que l'homme fait dans sa maison - excepté la prière obligatoire" "عن زيد بن ثابت: أن النبي صلى الله عليه وسلم اتخذ حجرة في المسجد من حصير، فصلى رسول الله صلى الله عليه وسلم فيها ليالي حتى اجتمع إليه ناس، ثم فقدوا صوته ليلة، فظنوا أنه قد نام، فجعل بعضهم يتنحنح ليخرج إليهم، فقال: "ما زال بكم الذي رأيت من صنيعكم، حتى خشيت أن يكتب عليكم، ولو كتب عليكم ما قمتم به. فصلوا أيها الناس في بيوتكم، فإن أفضل صلاة المرء في بيته إلا الصلاة المكتوبة" (al-Bukhârî, 6860 etc., Muslim, 781).

Quelques hadîths relatifs aux mosquées (au sens a évoqué plus bas) :

--- 8) "Le Messager de Dieu (que Dieu l'élève et le salue) a dit de bâtir des mosquées dans les quartiers, et qu'elles gardées propres et qu'elle soient parfumées" :  "عن عائشة، قالت: "أمر رسول الله صلى الله عليه وسلم ببناء المساجد في الدور، وأن تنظف وتطيب" (Abû Dâoûd, 455). "عن سليمان بن سمرة، عن أبيه سمرة، أنه كتب إلى ابنه: "أما بعد. فإن رسول الله صلى الله عليه وسلم كان يأمرنا بالمساجد أن نصنعها في ديارنا، ونصلح صنعتها ونطهرها" (Abû Dâoûd, 456).

--- 9) "Ces mosquées ne conviennent pas pour quoi que ce soit de cette urine ni de saleté ! Elles ne sont que pour l'invocation de Dieu, la prière rituelle et la récitation du Coran" : "ثم إن رسول الله صلى الله عليه وسلم دعاه فقال له: "إن هذه المساجد لا تصلح لشيء من هذا البول ولا القذر، إنما هي لذكر الله - عز وجل - والصلاة وقراءة القرآن" (Muslim, 285). Cette parole, le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) l'a dite au bédouin qui, venu un jour prier en sa compagnie, s'est mis ensuite à uriner dans un coin de la mosquée (at-Tirmidhî 147).

--- 10) "Celui qui entend un homme annoncer qu'il recherche telle chose qu'il a égarée, qu'il lui dise : "Que Dieu ne la fasse pas revenir à toi ! Les mosquées n'ont pas été bâties pour ce (genre de choses)" : "ع أبا هريرة، يقول: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من سمع رجلا ينشد ضالة في المسجد، فليقل: "لا ردها الله عليك، فإن المساجد لم تبن لهذا" (Muslim, 568, Abû Dâoûd, 473).

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II) Comment expliquer la différence entre les hadîths 2 & 3 (qui parlent de la multiplication de la valeur de la prière en groupe) : 27 degrés plus élevée (d'après le hadîth n° 2) / 25 fois augmentée (d'après le hadîth n° 3) ?

Question classique, à laquelle plusieurs réponses ont été données, elles aussi connues et classiques.

Celle à laquelle j'adhère est comme suit :

--- le hadîth 2 parle de l'augmentation (par 27) du fait d'accomplir la prière obligatoire en groupe, par rapport au fait de l'accomplir individuellement ;

--- quant au hadîth 3, il veut dire que le fait que la prière qu'on accomplit en groupe le soit à la mosquée (a) précisément, cela en augmente la valeur et la récompense de 25 fois, par rapport à la même prière accomplie elle aussi en groupe, mais ailleurs qu'à la mosquée : par exemple dans le mussallâ du souk, ou à la maison (b.a' ou b.b). Alî al-qârî relate cette interprétation ainsi : "وقيل: معناه أن الصلاة في المسجد جماعة تزيد على الصلاة في البيت وفي السوق جماعة وفرادى" (Mirqât ul-mafâtîh, 2/380) (interprétation également relatée en Fat'h ul-bârî 2/176, Nayl ul-awtâr 3/156, bien que les deux auteurs ne soient pas d'accord avec) (an-Nawawî non plus n'est pas d'accord avec cette interprétation, à laquelle il a fait allusion in Shar'h Muslim, 5/165).
(Certes, il vaut toujours mieux que cette prière accomplie au souk, ou à la maison, y soit accomplie en groupe plutôt qu'individuellement : en vertu du hadîth 2, elle vaudra alors quand même 27 fois plus.)

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III) Quelques avis existant sur ces 2 questions :
le fait que ce soit en groupe (et non pas individuellement) que la prière rituelle obligatoire soit accomplie ;
le fait que cet accomplissement en groupe soit accompli à la mosquée (et non pas ailleurs : à la maison, ou dans un lieu du marché, etc.) :

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Le fait que ce soit en groupe qu'on accomplit la prière rituelle obligatoire (au lieu de le faire individuellement), cela est :

--- mandûb mu'akkad : c'est l'un des deux avis présents dans l'école hanafite (Ad-Durr ul-mukhtâr 2/287), l'avis de l'école malikite (Ash-Shar'h ul-kabîr, 1/509), un avis présent dans l'école shafi'ite (Al-Majmû', 5/238-239), et un avis présent dans l'école hanbalite (Al-Mubdi', 2/49) ;

--- wâjib (au sens hanafite du terme) : c'est l'autre avis présent dans l'école hanafite (Ad-Durr ul-mukhtâr 2/290, Badâ'i' us-sanâ'i', 1/661) ;

--- fardh 'ala-l-'ayn : c'est l'avis de la plupart des hanbalites (Al-Mubdi', 2/48) ;

--- fardh 'ala-l-kifâya : c'est l'avis retenu (sahîh) dans l'école shafi'ite (Al-Majmû', 5/238) : cet avis signifie que tout le monde ne peut pas se suffire d'accomplir la prière en groupe dans leurs maisons : il faut que, dans une petite cité, il y ait ouvertement une assemblée d'accomplissement de chaque prière rituelle, et, dans une grande cité, il y en ait ouvertement plusieurs (Al-Majmû', 5/239).

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Et le fait que ce soit à la mosquée (au sens a du terme, comme nous le verrons plus bas) que cette prière en groupe soit accomplie, cela est :

--- mandûb : c'est l'avis de l'école hanafite (Radd ul-muhtâr 2/291, Badâ'i' us-sanâ'i', 1/665), l'avis de l'école shafi'ite (Al-Muhaddhab), un avis présent dans l'école hanbalite (Al-Muqni', 2/49-50) ;

--- fardh 'ala-l-kifâya : c'est un autre avis présent dans l'école hanbalite (Al-Mubdi', 2/50) ;

--- fardh 'ala-l-'ayn : c'est un autre avis présent dans l'école hanbalite (Al-Mubdi', 2/50).
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La cause (sabab) entraînant ce hukm est : le fait qu'on entende (de façon naturelle, c'est-à-dire sans les haut-parleurs et autres moyens d'amplifier la voie humaine) l'appel à la prière lancé dans la mosquée, conformément à ce qui est dit dans le hadîth : "Entends-tu l'appel à la prière ? - Oui. - Alors réponds-y [en venant accomplir la prière en groupe à la mosquée]" (hadîth 6).
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Par contre, il existe des excuses reconnues valables (a'dhâr) qui dérogent à l'application de ce hukm, et autorisent donc (rukhsa) le porteur de l'une d'elles à ne pas se joindre à l'accomplissement de prière en groupe à la mosquée : par exemple la cécité (comme le prouve le hadîth de 'Itbân : 5), ou la maladie, etc.

De même, le fait d'avoir le repas servi devant soi est un cas autorisant à ne pas se joindre à la congrégation avant d'avoir terminé son repas, ou en avoir suffisamment mangé. De même, le fait d'avoir mangé de l'oignon ou de l'ail est un cas autorisant à ne pas s'y joindre.
--- Pour certains ulémas, la première de ces 2 autorisations n'est pas restreinte au cas où la personne avait très grande faim, pas à un cas de hâja (FB 2/210) ; de même, la seconde autorisation a été stipulée bien que le fait de manger de l'oignon ou de l'ail n'est qu'autorisé - je ne parle pas des cas où il n'y avait rien d'autre à manger (FB 2/443).
--- D'après d'autres ulémas, la première autorisation n'est applicable que dans le cas où on avait très faim et qu'il s'agissait de manger de quoi apaiser cette faim (hâja) ; et la seconde est motivée par le fait de ne pas incommoder les autres fidèles présents et les anges, ce qui est une hâja.

Quant au fait que, à Abdullâh ibn Ummi Maktûm, le Prophète (sur lui soit la paix) a dit de venir à la mosquée (alors qu'il était aveugle) [hadîth 6], an-Nawawî en dit que le hadîth de 'Itbân [hadîth 5] établir que, pour l'aveugle, venir à la mosquée pour y accomplir la prière en groupe n'est pas obligatoire ; dès lors, l'une des deux interprétations qui ont cours au sujet du hadîth 6 est que, en lui disant : "Eh bien réponds-y", le Prophète a seulement voulu dire à Abdullâh ibn Ummi Maktûm : "Malgré tout, le mieux pour toi est de venir à la mosquée""وفي هذا الحديث دلالة لمن قال الجماعة فرض عين. وأجاب الجمهور عنه بأنه سأل هل له رخصة أن يصلي في بيته وتحصل له فضيلة الجماعة بسبب عذره، فقيل لا؛ ويؤيد هذا أن حضور الجماعة يسقط بالعذر بإجماع المسلمين، ودليله من السنة حديث عتبان بن مالك المذكور بعد هذا. (وأما ترخيص النبي صلى الله عليه وسلم له ثم رده وقوله فأجب، فيحتمل أنه بوحي نزل في الحال، ويحتمل أنه تغير اجتهاده صلى الله عليه وسلم إذا قلنا بالصحيح وقول الأكثرين إنه يجوز له الاجتهاد.) ويحتمل أنه رخص له أولا وأراد أنه لا يجب عليك الحضور إما لعذر وإما لأن فرض الكفاية حاصل بحضور غيره واما للأمرين، ثم ندبه إلى الأفضل فقال: الأفضل لك والأعظم لأجرك أن تجيب وتحضر، فأجب. والله أعلم" (ShM 5/155).

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IV) Voici 3 sens du terme "Masjid" tel qu'employé dans la Sunna :

Le terme Masjid s'emploie avec des intensités différentes, pour désigner des types de lieux différents...

a) Le lieu qui est consacré (mawqûf) à l'accomplissement des 5 prières :

Il y a ici :

----- a.1) la Masjid qui est aussi Jâmi', c'est-à-dire où on accomplit aussi la grande prière du vendredi (la règle est que, autant que possible, on accomplisse celle-ci en un seul endroit de la ville) ;

----- a.2) la Masjid qui n'est pas Jâmi', c'est-à-dire où on accomplit les 5 prières rituelles quotidiennes en groupe, mais où n'accomplit pas la grande prière du vendredi (réservant l'accomplissement de celle-ci à la Masjid Jâmi' de la ville).
A l'époque du Prophète (sur lui soit la paix), à Médine il y avait 10 mosquées : 9 mosquées de type a.2, mais une seule de type a.1 : "وقد كان بالمدينة مساجد في قبائل الأنصار - وهي دورهم -، يصلون فيها الجماعات سوى الجمع. وروى ابن لهيعة، أن بكير بن الأشج حدثه أنه كان بالمدينة تسعة مساجد مع مسجد النبي - صلى الله عليه وسلم -، يسمع أهلها تأذين بلال على عهد رسول الله - صلى الله عليه وسلم -، فيصلون في مساجدهم: بني عمرو بن مبذول من بني النجار، ومسجد بني ساعدة، ومسجد بني عبيد، ومسجد بني سلمة، ومسجد بني رابح من بني عبد الاشهل، ومسجد بني زريق، ومسجد بني غفار، ومسجد أسلم، ومسجد جهينة. وشك في التاسع" (Fat'h ul-bârî de Ibn Rajab) (voir aussi le commentaire de al-'Aynî sur le hadîth du changement de Qib'la). Ce sont ces mosquées a.2 qui sont désignées dans les deux hadîths cités plus haut en 8.

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b) Le Mussallâ : c'est le lieu choisi par une personne ou un groupe de personnes pour accomplir des prières, mais qui n'est pas consacré (mawqûf) à cela :

Il y a ici :

----- b.1) le lieu public où des gens ont pris l'habitude de venir effectuer la prière ; c'est cela qui est désigné par le terme "Masjid" dans les paroles suivantes : "قالت عائشة: "لولا ذلك لأبرز قبره؛ خشي أن يتخذ مسجدا" (al-Bukhârî, 4177, Muslim, 529) ; "عن طارق بن عبد الرحمن، قال: انطلقت حاجا؛ فمررت بقوم يصلون، قلت: "ما هذا المسجد؟" قالوا: "هذه الشجرة، حيث بايع رسول الله صلى الله عليه وسلم بيعة الرضوان" (al-Bukhârî, 3930). "فلما قضى حجه ورجع، والناس يبتدرون؛ فقال: "ما هذا؟" فقالوا: "مسجد صلى فيه رسول الله صلى الله عليه وسلم". فقال: "هكذا هلك أهل الكتاب: اتخذوا آثار أنبيائهم بيعا. من عرضت له منكم فيه الصلاة، فليصل؛ ومن لم تعرض له منكم فيه الصلاة، فلا يصل" (Mussannaf Ibn Abî Shayba, n° 7632, 5/183) ;
----- b.1') Si ce lieu est "institué" (comme par exemple un lieu précis du marché où les gens ont pris l'habitude d'accomplir la prière de al-'asr), alors un tel mussallâ ne peut être institué que dans un lieu où on n'entend pas – de façon naturelle – l'appel à la prière prononcé dans une mosquée de type a). Al-Bukhârî écrit : "L'accomplissement de la prière dans les Masjid du souk" : "باب: الصلاة في مساجد السوق. وصلى ابن عون في مسجد في دار يغلق عليهم الباب" (Sahîh ul-Bukhârî, kitâb us-salât, bâb 87) ; j'en ai retenu l'interprétation suivante : "وقيل: المراد بالمساجد في الترجمة: مواضع إيقاع الصلاة، لا الأبنية الموضوعة لذلك؛ فكأنه قال: باب الصلاة في مواضع الأسواق" (FB 1/730 : Ibn Hajar l'a relatée mais ne l'a pour sa part pas approuvée).

----- b.2) le lieu de sa maison qu'on a déterminé pour y accomplir les prières rituelles facultatives : c'est cela qui est désigné par le terme "Masjid" dans la parole suivante : "عن عبد الله بن شداد، قال: سمعت خالتي ميمونة زوج النبي صلى الله عليه وسلم، أنها كانت تكون حائضا لا تصلي، وهي مفترشة بحذاء مسجد رسول الله صلى الله عليه وسلم، وهو يصلي على خمرته؛ "إذا سجد أصابني بعض ثوبه" (al-Bukhârî, 326) ("مساجد البيوت هي أماكن الصلاة منها؛ وقد كان من عادة السلف أن يتخذوا في بيوتهم أماكن معدة للصلاة فيها" : Fat'h ul-bârî de Ibn Rajab). Il y avait aussi 'Itbân ibn Mâlik qui avait demandé que le Prophète vienne "officialiser" qu'il accomplisse désormais les prières rituelles seulement dans sa masjid ul-bayt (b.2), et ce à cause de sa vue devenue mauvaise qui l'empêchait de se rendre à la mosquée de son quartier (a.2), séparée de lui par des oueds : "كنت أصلي لقومي بني سالم، فأتيت النبي صلى الله عليه وسلم، فقلت: "إني أنكرت بصري، وإن السيول تحول بيني وبين مسجد قومي، فلوددت أنك جئت، فصليت في بيتي مكانا حتى أتخذه مسجدا" (al-Bukhârî, 804, Muslim, 33).

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– c) Toute la terre (hormis le cimetière et les lieux d'aisance, plus quelques autres lieux d'après certains mujtahidûn) :

"عن أبي سعيد الخدري قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "الأرض كلها مسجد إلا المقبرة والحمام" : "Toute la terre est une Masjid, sauf le cimetière et le hammam" (at-Tirmidhî, 317, Abû Dâoûd, 492, Ibn Mâja, 745). Cela est au sens de : "un lieu où accomplir la prière rituelle est autorisé, et où celle-ci est valide".

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V) En vertu de tout ce qui précède, ci-après quatre cas de figure :

A) Celui qui accomplit la prière obligatoire en groupe, plutôt qu'individuellement :

Celui-là voit sa prière être augmentée de 27 fois par rapport au fait d'accomplir la même prière individuellement (conformément au contenu du hadîth 2).

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B) Et celui qui se rend à la mosquée (a) pour y accomplir la prière en groupe, plutôt que de l'accomplir en groupe ailleurs qu'à la mosquée :

Celui-là lui voit sa prière augmentée de encore 25 fois par rapport à celui qui accomplit la même prière en groupe mais ailleurs que dans une mosquée : par exemple dans le mussallâ du souk (b.a'), ou chez lui ; cela conformément au contenu du hadîth 3 (d'après l'interprétation que j'ai retenue et exposée plus haut).

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C) Que dire maintenant de celui qui accomplit la prière obligatoire individuellement, mais à la mosquée (parce qu'il a manqué l'heure de l'accomplissement de cette prière en groupe, sous la direction du imam de cette mosquée) : Sa prière accomplie individuellement à la mosquée a-t-elle une valeur supplémentaire par rapport à la même prière accomplie individuellement ailleurs ?

L'avis de al-Layth sur le sujet implique que : Oui.
L'avis que Ibn Wahb relate de Mâlik implique que Oui.
(Est-ce que, chez les tenants de l'un de ces deux avis, il y a aussi que l'accomplissement, de façon individuelle, de la prière à la mosquée confère à celle-ci une valeur 25 fois augmentée par rapport à la même prière accomplie individuellement ailleurs qu'à la mosquée ? Je ne sais pas : لا أدري.)

Par contre, l'avis de la majorité des mujtahidûn implique que : Non. La seule exception concerne la prière rituelle obligatoire (de même que, selon certains ulémas, la prière surérogatoire) ayant été accomplie(s) dans l'une des 3 Plus Importantes Mosquées : al-Masjid ul-Harâm à La Mecque ; al-Masjid un-Nabawî à Médine ; et al-Masjid ul-Aqsâ à Jérusalem.

Alors, certes, il est toujours bien de se rendre dans une mosquée, quelle qu'elle soit, et même si ce n'est plus l'heure d'y accomplir la prière en groupe sous la direction du imam.

En effet, la mosquée est bâtie principalement pour que les 5 prières quotidiennes y soient accomplies en groupe, mais aussi pour le rappel (الوعظ), pour l'enseignement religieux (التعليم والتعلم), pour l'assistance apportée aux démunis (السعي للمساكين), et, à l'époque, le Prophète y rendait même les jugements face aux litiges qu'on lui portait (القضاء). Par ailleurs, il y règne une ambiance spirituelle qui ne règne pas ailleurs. "عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إذا مررتم برياض الجنة فارتعوا". قلت: يا رسول الله وما رياض الجنة؟ قال: "المساجد". قلت: وما الرتع يا رسول الله؟ قال: "سبحان الله والحمد لله ولا إله إلا الله والله أكبر" (at-Tirmidhî, 3509, dha'îf). "عن أنس بن مالك، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "إذا مررتم برياض الجنة فارتعوا". قالوا: وما رياض الجنة؟ قال: "حلق الذكر" (at-Tirmidhî, 3510).

Certes. Cependant, cela est par maslaha dîniyya (et pas par ta'abbud) : l'avis sus-cité, de la majorité des mujtahidûn, semble indiquer que la prière obligatoire accomplie individuellement (parce qu'on a raté le moment de son accomplissement en groupe avec l'imam de la mosquée) a autant  de valeur lorsqu'elle est accomplie dans la mosquée que lorsqu'elle est accomplie ailleurs (dans n'importe quel lieu où il est autorisé d'accomplir la prière rituelle).

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D) Reste le cas d'un groupe de personnes qui parviennent à la mosquée au moment où la prière en groupe a fini d'être accomplie sous la direction du imam appointé : vaut-il mieux pour elles d'établir une seconde assemblée d'accomplissement en groupe de cette prière, dans cette mosquée (afin d'obtenir l'augmentation par au moins 27 fois, si ce n'est par 27 x 25 fois) ? ou bien vaut-il mieux pour elles d'accomplir cette prière individuellement, chacune dans son coin (revenant alors au cas de figure C) ?

--- Dans une mosquée prévue ainsi (par exemple une mosquée se trouvant dans un aéroport, comme on en trouve dans certains pays musulmans), il est normal qu'il y ait plusieurs groupes d'accomplissement de prière rituelle qui s'y tiennent.

--- Dans toute autre mosquée :
------- faire ainsi de façon régulière mais pour une raison reconnue valable, et avec l'autorisation du responsable de la mosquée (mutawalli-l-masjid) (par exemple établir une assemblée à tel horaire, pour les lycéens qui ne peuvent pas faire autrement) : cela est autorisé ;
------- faire ainsi de façon régulière mais sans raison reconnue valable (par exemple un groupe décide de venir accomplir tous les jours une assemblée d'accomplissement de la prière qui sera faite après celle tenue par le imam) : cela est mauvais, car source de divisions à venir bien prévisible ;
------- faire ainsi de façon occasionnelle : cela fait l'objet d'avis divergents : certains mujtahids disent que cela est autorisé (et même recommandé) ; d'autres disent que cela est déconseillé : ces gens devraient plutôt accomplir la prière de façon individuelle : "عن أبي سعيد الخدري أن رسول الله صلى الله عليه وسلم أبصر رجلا يصلي وحده، فقال: "ألا رجل يتصدق على هذا فيصلي معه" (Abû Dâoûd, 574). عن أبي سعيد، قال: جاء رجل وقد صلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال: "أيكم يتجر على هذا؟" فقام رجل فصلى معه. وفي الباب عن أبي أمامة وأبي موسى والحكم بن عمير. وحديث أبي سعيد حديث حسن. وهو قول غير واحد من أهل العلم من أصحاب النبي صلى الله عليه وسلم وغيرهم من التابعين، قالوا: لا بأس أن يصلي القوم جماعة في مسجد قد صلى فيه جماعة، وبه يقول أحمد وإسحاق. وقال آخرون من أهل العلم: يصلون فرادى؛ وبه يقول سفيان وابن المبارك ومالك والشافعي، يختارون الصلاة فرادى" (at-Tirmidhî, 220). Al-Bukhârî écrit : "باب فضل صلاة الجماعة. وكان الأسود إذا فاتته الجماعة ذهب إلى مسجد آخر. وجاء أنس بن مالك إلى مسجد قد صلي فيه، فأذن وأقام وصلى جماعة" (Sahîh ul-Bukhârî, kitâb ul-adhân, bâb 30).

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Le fait de se déplacer vers la mosquée pour y accomplir la prière rituelle obligatoire, c'est la Muqaddima pour l'accomplissement de la prière rituelle obligatoire en groupe dans la mosquée. En soi ce déplacement n'est pas une Qurba.

Le surcroît de récompenses promis dans le hadîth pour celui qui doit venir de plus loin à la mosquée (al-Bukhârî 623, Muslim 662), cela concerne celui qui se trouve dans une situation particulière (soit qu'il n'a pas les moyens financiers pour habiter une demeure plus proche ; soit qu'il n'a pas trouvé demeure libre plus proche ; soit qu'il doit rester là où il est par maslaha). Mais en tous cas augmenter sciemment la longueur du déplacement n'est pas une action ta'abbudî.

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Par contre, lorsqu'on a recours à cette Muqaddima, c'est une Qurba que cette Muqaddima soit effectuée à pied.

--- Lorsqu'on se rend dans le lieu où on va accomplir une action du domaine des 'ibâdât, se déplacer à pied est effectivement un élément ta'abbudî (Al-Mughnî 13/457).
C'est bien ce qui explique qu'un Compagnon, dont l'habitation était très éloignée de la mosquée et à qui quelqu'un suggéra qu'il achète un animal à monter pour parcourir les chemins brûlants ou les moments de forte obscurité dans son cheminement vers la mosquée, déclina la suggestion, et répondit à cet ami : "Cela ne me contenterait pas que ma demeure soit à côté de la mosquée. Je voudrais que mon cheminement à pied vers la mosquée, de même que mon retour (à pied) vers ma famille, soient écrits en ma faveur [auprès de Dieu]". Le Prophète approuva son propos : "عن أبي بن كعب، قال: كان رجل لا أعلم رجلا أبعد من المسجد منه، وكان لا تخطئه صلاة، قال: فقيل له: أو قلت له: لو اشتريت حمارا تركبه في الظلماء، وفي الرمضاء! قال: "ما يسرني أن منزلي إلى جنب المسجد؛ إني أريد أن يكتب لي ممشاي إلى المسجد، ورجوعي إذا رجعت إلى أهلي." فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "قد جمع الله لك ذلك كله" (Muslim 663, Abû Dâoûd 557).
Sur ce hadîth, Abû Dâoûd a titré : "باب ما جاء في فضل المشي إلى الصلاة" : "De ce qui a été dit de la valeur de marcher pour se rendre à la prière" (Sunan Abî Dâoûd, kitâb us-salât, bâb 49).
As-Sahâranpûrî commente ce titre ainsi : "أي: في فضل المشي على الأقدام إلى الصلاة على الركوب" : "De la valeur du fait de partir à pied pour la prière, par rapport au fait de (s'y rendre) sur une monture" (Badhl ul-maj'hûd, 3/394).
C'est ce qui explique aussi que si quelqu'un fait le vœu de se rendre à la Mecque en effectuant le déplacement à pied, son vœu est établi et il fera le pèlerinage à pied jusqu'à la Ville sainte (Al-Mughnî 13/455 ; d'après l'une des deux interprétations présentes dans l'école hanafite, c'est si ensuite il sait qu'il n'a pas les capacités physiques d'effectuer le voyage à pied, qu'il devra donner une compensation).

--- Mais ce n'est une Qurba Ghayr Maqsûda (Badâ'i us-sanâi', 6/339) : le vœu dont vous venons de parler a été reconnu istihsânan, à cause du propos de 'Alî ibn Abî Tâlib sur le sujet.

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VI) Bâtir des mosquées, entretenir leurs bâtiments, et veiller à leur bon fonctionnement, certes, mais aussi...

--- Un verset (révélé avant la conquête de La Mecque par le Prophète) dit que les Polythéistes Mecquois ne sont pas les Awliyâ' de al-Masjid ul-Harâm : "وَمَا كَانَ اللّهُ لِيُعَذِّبَهُمْ وَأَنتَ فِيهِمْ وَمَا كَانَ اللّهُ مُعَذِّبَهُمْ وَهُمْ يَسْتَغْفِرُونَ وَمَا لَهُمْ أَلاَّ يُعَذِّبَهُمُ اللّهُ وَهُمْ يَصُدُّونَ عَنِ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ وَمَا كَانُواْ أَوْلِيَاءهُ إِنْ أَوْلِيَآؤُهُ إِلاَّ الْمُتَّقُونَ وَلَكِنَّ أَكْثَرَهُمْ لاَ يَعْلَمُونَ وَمَا كَانَ صَلاَتُهُمْ عِندَ الْبَيْتِ إِلاَّ مُكَاء وَتَصْدِيَةً" (Coran 8/33-35).

--- Un autre verset dit que les Polythéistes ne peuvent "pas faire la 'Imâra de" "al-Masjid ul-Harâm" (à La Mecque), et ajoute : "Ne fait la 'Imâra des Massâjid ullâh que celui qui croit en Dieu et au Jour Dernier, établit la prière rituelle et donne la zakât, et ne craint que Dieu" : "مَا كَانَ لِلْمُشْرِكِينَ أَن يَعْمُرُواْ مَسْجِدَ* الله شَاهِدِينَ عَلَى أَنفُسِهِمْ بِالْكُفْرِ أُوْلَئِكَ حَبِطَتْ أَعْمَالُهُمْ وَفِي النَّارِ هُمْ خَالِدُونَ. إِنَّمَا يَعْمُرُ مَسَاجِدَ** اللّهِ مَنْ آمَنَ بِاللّهِ وَالْيَوْمِ الآخِرِ وَأَقَامَ الصَّلاَةَ وَآتَى الزَّكَاةَ وَلَمْ يَخْشَ إِلاَّ اللّهَ فَعَسَى أُوْلَئِكَ أَن يَكُونُواْ مِنَ الْمُهْتَدِينَ. أَجَعَلْتُمْ سِقَايَةَ الْحَاجِّ وَعِمَارَةَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ كَمَنْ آمَنَ بِاللّهِ وَالْيَوْمِ الآخِرِ وَجَاهَدَ فِي سَبِيلِ اللّهِ لاَ يَسْتَوُونَ عِندَ اللّهِ وَاللّهُ لاَ يَهْدِي الْقَوْمَ الظَّالِمِينَ" (Coran 9/17-19) (* c'est l'une des deux qirâ'ah) (** c'est la seule qirâ'ah).

--- Un troisième verset dit : "Et qui serait plus injuste que celui qui empêche, au sujet des Massâjid ullâh, que le Nom de Dieu y soit évoqué, et s'efforce de les ruiner (Kharâb)" : "وَمَنْ أَظْلَمُ مِمَّن مَّنَعَ مَسَاجِدَ*** اللّهِ أَن يُذْكَرَ فِيهَا اسْمُهُ وَسَعَى فِي خَرَابِهَا أُوْلَئِكَ مَا كَانَ لَهُمْ أَن يَدْخُلُوهَا إِلاَّ خَآئِفِينَ لهُمْ فِي الدُّنْيَا خِزْيٌ وَلَهُمْ فِي الآخِرَةِ عَذَابٌ عَظِيمٌ" (Coran 2/114) (*** c'est la seule qirâ'ah). Chez des commentateurs, on trouve que ce verset évoque [notamment] le cas de :
----- Bayt ul-Maqdis ; et ce, soit dans la mesure où elle fut détruite par Nabuchodonosor en -587 ; soit dans la mesure où, des siècles plus tard, sous les Romains, elle fut souillée par des ordures déposées là sciemment ;
----- la Kaaba, que les Polythéistes Mecquois souillaient par leurs idoles, et par rapport à laquelle ils empêchaient les Croyants de venir y effectuer ouvertement la prière.
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Les termes "'Imâra" et "Kharâb" sont deux opposés.

"عَمَر" ("construire", "entretenir", "habiter") (verbe à la forme "I", dont le nom d'action est "'Imâra") (et qui est présent sous sa forme verbale - "يَعْمُرُ" - ainsi que sous sa forme nominale - "عِمَارَة" - en Coran 9/17-18) est en effet le contraire de "أخْرَب" ("rendre à l'état de ruine") (verbe qui est à la forme forme dite "IV", et qui est présent sous cette forme en Coran 59/2) (et dont le nom d'action - "Kharâb" - du verbe à la forme dite "I" - "être en ruine" - est présent en Coran 2/114) (cf. Muf'radât ur-Râghib).

En fait, les Polythéistes Mecquois construisaient et entretenaient certes le Sanctuaire de La Mecque ("أَجَعَلْتُمْ سِقَايَةَ الْحَاجِّ وَعِمَارَةَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ كَمَنْ آمَنَ بِاللّهِ وَالْيَوْمِ الآخِرِ وَجَاهَدَ فِي سَبِيلِ اللّهِ").
Cependant, "construire et entretenir", au sens complet (et nécessaire) du terme, ce n'est pas seulement bâtir des murs et veiller à la propreté et au bon fonctionnement des lieux : c'est aussi y instaurer le Dhikr ullâh, la Salât, la récitation du Coran, la retraite spirituelle (I'tikâf), l'enseignement et le rappel (at-ta'lîm wa-t-tadhkîr) ; c'est pourquoi Dieu dit : "Ne fait la 'Imâra des Massâjid ullâh que celui qui croit en Dieu et au Jour Dernier, établit la prière rituelle et donne la zakât, et ne craint que Dieu" : "إِنَّمَا يَعْمُرُ مَسَاجِدَ اللّهِ مَنْ آمَنَ بِاللّهِ وَالْيَوْمِ الآخِرِ وَأَقَامَ الصَّلاَةَ وَآتَى الزَّكَاةَ وَلَمْ يَخْشَ إِلاَّ اللّهَ فَعَسَى أُوْلَئِكَ أَن يَكُونُواْ مِنَ الْمُهْتَدِينَ".

De même, "s'efforcer de ruiner" la mosquée, ce n'est pas seulement démolir ses murs ; empêcher que le Nom de Dieu y soit évoqué, que les pieux puissent y venir accomplir la prière, etc., c'est aussi "ruiner une mosquée" : (أما اعتماده** على أن قريشا لم تسع في خراب الكعبة، فأي خراب أعظم مما فعلوا؟ أخرجوا عنها رسول الله صلى الله عليه وسلم وأصحابه، واستحوذوا عليها بأصنامهم وأندادهم وشركهم، كما قال تعالى: {وما لهم ألا يعذبهم الله وهم يصدون عن المسجد الحرام وما كانوا أولياءه إن أولياؤه إلا المتقون ولكن أكثرهم لا يعلمون}، وقال تعالى: {ما كان للمشركين أن يعمروا مساجد الله شاهدين على أنفسهم بالكفر أولئك حبطت أعمالهم وفي النار هم خالدون. إنما يعمر مساجد الله من آمن بالله واليوم الآخر وأقام الصلاة وآتى الزكاة ولم يخش إلا الله فعسى أولئك أن يكونوا من المهتدين}، (...). فإذا كان من هو كذلك مطرودا منها مصدودا عنها، فأي خراب لها أعظم من ذلك؟ وليس المراد من عمارتها زخرفتها وإقامة صورتها فقط؛ إنما عمارتها بذكر الله فيها وإقامة شرعه فيها ورفعها عن الدنس والشرك" : Tafsîr Ibn Kathîr) (** اي ابن جرير الطبري).
"فان قيل: قد يعمر مساجد الله من ليس فيه هذه الصفات!؟ فالجواب: أن المراد أنه من كان على هذه الصفات المذكورة، كان من أهل عمارتها. وليس المراد أن من عمرها، كان بهذه الصفة" (Zâd ul-massîr).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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