Question :
"As-salâmu 'alaykum.
J'habite [dans un pays musulman]. J'ai un gros cas de conscience et je n'arrive pas à avoir le courage de prendre la bonne décision. Je vis toujours chez mes parents, mais cela fait presque deux ans que je suis religieusement mariée avec mon cousin.
Ce dernier m'avait, deux ou trois fois, demandé en privé de l'épouser. Mais j'avais toujours décliné sa demande. Cependant, la famille s'en est ensuite mêlée, et j'ai accepté sous sa pression (convocation chez les tantes pour faire l'éloge du prétendant, en rajoutant la déception de la famille si je refusais). A cette époque, je vivais une grosse déception amoureuse, ce qui fait que je voyais tout en noir, mon avenir gâché...
Finalement, j'ai accepté pour faire plaisir à la famille et parce que j'avais peur de me retrouver seule. Mais tout cela s'est fait très rapidement je n'ai pas vraiment eu le temps d'y réfléchir, on m'a fait croire que j'allais juste me fiancer pour apprendre par la suite que j'étais mariée!
Après avoir bien réfléchi j'ai décidé de tout stopper mais j'ai eu droit à la colère de la famille, si je faisais cela ils me renieraient, sous prétexte qu'ils m'ont laissé le choix, que ce serait la honte...
Aujourd'hui je me retrouve donc mariée, et je vais bientôt devoir vivre avec mon mari. Or je n'aime pas celui-ci et l'idée de vivre avec lui me rend malheureuse. Que faire alors ? Faire plaisir à tout le monde et être malheureuse ? Ou dire non et choisir son bonheur ?"
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Réponse :
Wa 'alaykum us-salâm.
1) Dans le cas où une femme déteste profondément son mari ("naf'rah, karâhah shadîdah"), et ce pour une raison conséquente, l'islam offre à cette femme la possibilité :
– de demander à son mari de divorcer d'elle sans contrepartie (c'est le "talâq"),
– de proposer à son mari le "khul'" : elle lui rend le douaire ("mahr") qu'il lui a offert pour le mariage, et lui prononce la formule du divorce ("talâq"),
– et – au cas où son mari refuse – de demander au juge ("qâdhî") d'examiner son cas : ce juge peut ensuite prononcer la séparation ("taf'rîq") entre les deux époux pour cause d'aversion pour cause conséquente de la part de la femme. (Cf. Islam aur jadîd mu'asharatî massä'ïl, Khâlid Saïfullâh, pp. 203-205.)
Nous verrons plus bas le récit avec Thâbit ibn Qays et son épouse Jamîla.
2) Il faut cependant rappeler ici qu'il arrive que l'on passe par un moment où ses sentiments semblent faiblir. Si c'est le cas, il faut alors laisser passer ces petites périodes de turbulences et ne pas prendre une légère baisse de sentiments pour une aversion profonde. Il ne faut pas prendre dans la précipitation et sans raison sérieuse une décision qui engagera le reste de sa vie.
Par ailleurs, la Sunna adresse une menace dans l'autre monde concernant la dame qui demande la séparation sans raison valable : "عن ثوبان، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أيما امرأة سألت زوجها الطلاق في غير ما بأس، فحرام عليها رائحة الجنة" (Ibn Mâja, 2055). "عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم أنه قال: "المنتزعات والمختلعات هن المنافقات" (an-Nassâ'ï, 3461).
3) D'après l'avis qui semble pertinent, l'islam a donné entière possibilité à la femme de dire, avant qu'elle se marie, "Non merci" à une proposition de mariage avec celui qui ne lui plaît pas. D'après l'avis pertinent (sahîh), même le père d'une jeune femme qui n'a jamais été mariée ne peut pas obliger celle-ci à se marier avec quelqu'un (lire notre article sur le sujet). Pourquoi n'avez-vous pas utilisé ce droit et rappelé gentiment mais clairement à votre famille que personne ne peut contraindre une femme à se marier avec quelqu'un si elle ne le veut pas ?
C'est vrai, il ne sert à rien maintenant de revenir sur le passé, qui ne peut pas être changé. Tout en tirant de ce passé des leçons pour la prochaine fois, c'est maintenant le présent et l'avenir qu'il faut regarder. Mais à ce sujet, je ne peux que vous communiquer les enseignements de l'islam cités ci-dessus, et non pas vous dire ce qu'il serait souhaitable ou non souhaitable que vous fassiez. C'est à vous et à vous seulement de prendre votre décision. Priez Dieu. Demandez-Lui conseil par la prière du conseil (salât ul-istikhâra). Prenez conseil (istishâra) auprès d'une personne savante, sage et pieuse de votre entourage. A chacun et à chacune il arrive, dans sa vie, certains de ces moments où on a l'impression qu'on ne pourra pas s'en sortir. Il ne faut cependant pas sombrer dans le désespoir mais réfléchir et prier.
Que Dieu vous aide, sœur, ainsi que nous-même, à trouver ce qu'il faut faire de mieux face aux épreuves de l'existence.
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Comme nous l'avons vu plus haut, certains ulémas qui sont d'avis que le fait qu'une femme déteste profondément et durablement son mari ("naf'rah, karâhah shadîdah") est une raison qui rend possible le recours au khul' : elle propose à son mari qu'elle lui rende ce qu'il lui avait donné en douaire ("mahr"), et qu'il divorce ("talâq") d'elle.
Ces ulémas se fondent sur le récit rapporté par al-Bukhârî et d'autres auteurs, où il est rapporté que Jamîla bint Ubayy (ou bint 'Abdillâh ibn Ubayy) vint trouver le Prophète (sur lui la paix) et lui exposa qu'elle ne pouvait plus aimer son mari Thâbit ibn Qays, et que si elle restait mariée à lui, elle craignait de désobéir à Dieu dans les devoirs que chaque personne du couple a vis-à-vis de l'autre. Le Prophète demanda à cette femme si elle voulait rendre à son mari le verger qu'il lui avait donné en douaire ("mahr"), et il dit au mari d'accepter le verger et de divorcer d'elle.
Les termes que Jamîla employa et qui sont rapportés dans les différentes versions de ce Hadîth sont : "Ô Messager de Dieu, Thâbit ibn Qays, je n'ai de reproche à faire ni à propos de son caractère, ni à propos de sa pratique religieuse. Cependant je crains de tomber dans ce qui contredit (l'enseignement de) l'islam (au sujet du mari)" / "Mais je ne peux plus (vivre avec) lui" :
"حدثنا أزهر بن جميل، حدثنا عبد الوهاب الثقفي، حدثنا خالد، عن عكرمة، عن ابن عباس، أن امرأة ثابت بن قيس أتت النبي صلى الله عليه وسلم، فقالت: "يا رسول الله، ثابت بن قيس، ما أعتب عليه في خلق ولا دين، ولكني أكره الكفر في الإسلام"، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أتردين عليه حديقته؟" قالت: "نعم"، قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "اقبل الحديقة وطلقها تطليقة". قال أبو عبد الله: لا يتابع فيه عن ابن عباس.
حدثنا إسحاق الواسطي، حدثنا خالد، عن خالد الحذاء، عن عكرمة، أن أخت عبد الله بن أبي: بهذا، وقال: "تردين حديقته؟" قالت: "نعم"، فردتها، وأمره يطلقها.
وقال إبراهيم بن طهمان، عن خالد، عن عكرمة، عن النبي صلى الله عليه وسلم: "وطلقها".
وعن أيوب بن أبي تميمة، عن عكرمة، عن ابن عباس أنه قال: جاءت امرأة ثابت بن قيس إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم فقالت: "يا رسول الله، إني لا أعتب على ثابت في دين ولا خلق، ولكني لا أطيقه"، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "فتردين عليه حديقته؟" قالت: "نعم".
حدثنا محمد بن عبد الله بن المبارك المخرمي، حدثنا قراد أبو نوح، حدثنا جرير بن حازم، عن أيوب، عن عكرمة، عن ابن عباس رضي الله عنهما، قال: جاءت امرأة ثابت بن قيس بن شماس إلى النبي صلى الله عليه وسلم، فقالت: "يا رسول الله، ما أنقم على ثابت في دين ولا خلق، إلا أني أخاف الكفر"، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "فتردين عليه حديقته؟" فقالت: "نعم"، فردت عليه، وأمره ففارقها.
حدثنا سليمان، حدثنا حماد، عن أيوب، عن عكرمة، أن جميلة، فذكر الحديث" (al-Bukhârî, 4971-4972-4973).
"حدثنا ابن حميد قال، حدثنا يحيى بن واضح قال، حدثنا الحسن بن واقد، عن ثابت، عن عبد الله بن رباح، عن جميلة بنت أبي ابن سلول، أنها كانت عند ثابت بن قيس، فنشزت عليه، فأرسل إليها النبي صلى الله عليه وسلم، فقال: "يا جميلة، ما كرهت من ثابت؟" قالت: "والله ما كرهت منه دينا ولا خلقا، إلا أني كرهت دمامته". فقال لها: "أتردين الحديقة؟" قالت: "نعم"، فردت الحديقة، وفرق بينهما" (Tafsîr ut-Tabarî).
"عن معمر، عن أيوب، عن عكرمة قال: جاءت امرأة ثابت بن قيس إلى النبي صلى الله عليه وسلم، فقالت: "يا رسول الله لا والله ما أعتب على ثابت دينا ولا خلقا، ولكن أكره الكفر في الإسلام"، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "أتردين إليه حديقته؟"، قالت: "نعم"، فدعا النبي صلى الله عليه وسلم ثابتا، فأخذ حديقته، وفارقها. وهي جميلة بنت عبد الله بن أبي ابن سلول. قال معمر: وبلغني أنها قالت يومئذ: "أكره أن أعصي ربي". قال: وبلغني أنها قالت للنبي صلى الله عليه وسلم: "بي من الجمال ما ترى، وثابت رجل دميم"" ('Abd ur-Razzâq, 11759).
"عن ابن إسحق، قال: حدثني عبادة بن الوليد بن عبادة بن الصامت، عن ربيع بنت معوذ، قال: قلت لها: "حدثيني حديثك"، قالت: "اختلعت من زوجي، ثم جئت عثمان، فسألته: "ماذا علي من العدة؟" فقال: "لا عدة عليك إلا أن تكوني حديثة عهد به، فتمكثي حتى تحيضي حيضة". قال: "وأنا متبع في ذلك قضاء رسول الله صلى الله عليه وسلم في مريم المغالية: كانت تحت ثابت بن قيس بن شماس فاختلعت منه" (an-Nassâ'ï, 3498).
"وفي رواية معتمر بن سليمان عن فضيل عن أبي جرير عن عكرمة عن بن عباس: "أول خلع كان في الإسلام امرأة ثابت بن قيس. أتت النبي صلى الله عليه وسلم، فقالت "يا رسول الله لا يجتمع رأسي ورأس ثابت أبدا؛ إني رفعت جانب الخباء فرأيته أقبل في عدة فإذا هو أشدهم سوادا وأقصرهم قامة وأقبحهم وجها"، فقال: "أتردين عليه حديقته؟"، قالت "نعم، وإن شاء زدته". ففرق بينهما" (Fat'h ul-bârî, 9/495).
Thâbit ibn Qays avait auparavant (Fat'h ul-bârî, tome 9 p. 494) été marié à une autre femme, Habîba bint Sahl. Elle aussi était venue demander la séparation d'avec lui. Pour sa part, elle avait été frappée par lui. Le Prophète sépara les deux, en échange du retour du douaire.
"عن عبد الله بن أبي بكر بن محمد بن عمرو بن حزم، عن عمرة، عن عائشة، أن حبيبة بنت سهل كانت عند ثابت بن قيس بن شماس؛ فضربها فكسر بعضها، فأتت رسول الله صلى الله عليه وسلم بعد الصبح، فاشتكته إليه، فدعا النبي صلى الله عليه وسلم ثابتا، فقال: "خذ بعض مالها، وفارقها"، فقال: "ويصلح ذلك يا رسول الله؟"، قال: "نعم"، قال: "فإني أصدقتها حديقتين، وهما بيدها"، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "خذهما وفارقها"، ففعل" (Abû Dâoûd, 2228).
"عبد الرزاق قال: أخبرنا ابن جريج قال: أخبرني يحيى بن سعيد، أن عمرة بنت عبد الرحمن، حدثته أن حبيبة بنت سهل حدثتها أن ثابت بن قيس بن شماس بلغ منها ضربا لا يدري ما هو، فجاءت النبي صلى الله عليه وسلم في الغلس، فذكرت له الذي بها، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "خذ منها"، فقالت: "أما إن الذي أعطاني عندي كما هو"، قال: "فخذ منها"، فأخذ منها. فقالت عمرة: فقعدت عند أهلها" ('Abd ur-Razzâq, 11762).
"عبد الرزاق، قال: أخبرنا ابن جريج، عن داود ابن أبي عاصم، أن سعيد بن المسيب أخبره أن امرأة كانت تحت ثابت بن قيس بن شماس، وكان أصدقها حديقة، وكان غيورا، فضربها فكسر يدها، فجاءت النبي صلى الله عليه وسلم، فاشتكت إليه، فقالت: "أنا أرد إليه حديقته"، قال: "أو تفعلين؟"، قالت: "نعم"، فدعا زوجها، فقال: "إنها ترد عليك حديقتك"، قال: "أو ذلك لي؟" قال: "نعم"، قال: "فقد قبلت يا رسول الله"، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "اذهبا، فهي واحدة". ثم نكحت بعده رفاعة العابدي، فضربها، فجاءت عثمان، فقالت: "أنا أرد إليه صداقه"، فدعاه عثمان، فقبل، فقال عثمان: "اذهبي، فهي واحدة". قال ابن جريج: "وأخبرني عن عمرو بن شعيب مثل خبر داود إلا أنه قال: شجها" ('Abd ur-Razzâq, 11757).
"عن مالك، عن يحيى بن سعيد، عن عمرة بنت عبد الرحمن، أنها أخبرته عن حبيبة بنت سهل أنها كانت تحت ثابت بن قيس بن شماس، وأن رسول الله صلى الله عليه وسلم خرج إلى الصبح، فوجد حبيبة بنت سهل عند بابه في الغلس، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من هذه؟" قالت: "أنا حبيبة بنت سهل يا رسول الله"، قال: "ما شأنك؟" قالت: "لا أنا ولا ثابت بن قيس" لزوجها. فلما جاء ثابت بن قيس، قال له رسول الله صلى الله عليه وسلم: "هذه حبيبة بنت سهل قد ذكرت ما شاء الله أن تذكر". فقالت حبيبة: "يا رسول الله، كل ما أعطاني عندي"، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم لثابت: "خذ منها"، فأخذ منها وجلست في أهلها" (an-Nassâ'ï, 3462).
"عن عمرو بن شعيب، عن أبيه، عن جده، قال: كانت حبيبة بنت سهل تحت ثابت بن قيس بن شماس، وكان رجلا دميما، فقالت: "يا رسول الله، والله، لولا مخافة الله، إذا دخل علي لبصقت في وجهه"، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أتردين عليه حديقته؟" قالت: "نعم". قال: فردت عليه حديقته. قال: ففرق بينهما رسول الله صلى الله عليه وسلم" (Ibn Maja, 2057).
"أخبرنا أبو علي محمد بن يحيى المروزي، قال: أخبرني شاذان بن عثمان، أخو عبدان، قال: حدثنا أبي، قال: حدثنا علي بن المبارك، عن يحيى بن أبي كثير، قال: أخبرني محمد بن عبد الرحمن، أن الربيع بنت معوذ بن عفراء أخبرته: أن ثابت بن قيس بن شماس ضرب امرأته فكسر يدها - وهي جميلة بنت عبد الله بن أبي -، فأتى أخوها يشتكيه إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فأرسل رسول الله صلى الله عليه وسلم إلى ثابت فقال له: "خذ الذي لها عليك وخل سبيلها"، قال: "نعم". فأمرها رسول الله صلى الله عليه وسلم أن تتربص حيضة واحدة، فتلحق بأهلها" (an-Nassâ'ï, 3497). Dans cette narration-ci, il semble y avoir eu erreur quant à l'identité de l'épouse de Thâbit : ce n'est en effet pas Jamîla qui avait été frappée (elle ayant dit au contraire qu'elle n'avait aucun reproche à faire quant au caractère et comportement de son mari, ne pouvant seulement plus supporter son physique).
Il est à noter ici que, durant sa vie, le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) remplissait plusieurs fonctions à Médine (dont celles de imam, de mufti, de juge, etc.), et que lorsque ces femmes vinrent le rencontrer pour exposer leur cas, ce fut en sa qualité de juge. De toutes les fonctions que le Prophète remplissait (excepté bien sûr celle de Messager de Dieu, recevant la révélation de la part de Dieu), différents Compagnons se spécialisèrent ensuite chacun dans la fonction pour laquelle il était doué, suivant en cela les principes laissés par le Prophète : qui fut mufti, qui juge, qui savant en Hadîths, qui spécialiste de la récitation du Coran, qui fin stratège, qui administrateur exceptionnel, etc.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux)