Quand le Prophète (sur lui la paix) quitta ce monde

"Nous parlions du "pèlerinage d'adieu", raconte Abdullâh Ibn Omar ; le Prophète était parmi nous, et nous ne savions pas ce qu'était le "pèlerinage d'adieu"" (al-Bukhârî 4141). En fait le Prophète (sur lui la paix) avait dû employer cette formule, et ses Compagnons la répétaient. Mais ils ne comprenaient pas encore que l'"adieu" signifiait l'"adieu du Prophète" (Fat'h ul-bârî).

Ce fut pendant ce pèlerinage d'adieu, à Arafa, le vendredi 9 dhu-l-hijja de l'an 10 de l'hégire, que le Prophète reçut la révélation suivante : "Aujourd'hui J'ai complété pour vous votre religion et J'ai parachevé le bienfait dont Je vous ai comblé. Et J'ai agréé pour vous l'islam comme religion" (Coran 5/3) (al-Bukhârî). Selon Ibn Omar, c'est aussi pendant cette période, durant les jours qui suivirent ("awsatu ayyâm it-tashrîq"), que la sourate an-Nasr fut révélée au Prophète (al-Bazzâr, al-Bayhaqî, cité dans Fat'h ul-bârî, tome 8, et Al-Itqân, p. 63) : "Lorsque vient l'aide de Dieu et la victoire, et que tu vois les gens entrer par groupes entiers dans la religion de Dieu, alors proclame pureté de Dieu avec Sa louange et demande-Lui Son Pardon, Il est pardonneur". Ibn Abbâs commente ainsi cette sourate : "Lorsque vient l'aide de Dieu et la victoire" : "il s'agit de la conquête de la Mecque ; c'est là le signe de l'imminence de la fin de ta vie terrestre" ; "alors proclame pureté de Dieu avec Sa louange et demande-Lui Son Pardon, Il est pardonneur" (al-Bukhârî 4043).

Durant ce même pèlerinage d'adieu, le Prophète dit à ses Compagnons lors d'un discours : "Par Dieu, je ne sais pas, peut-être que je ne vous rencontrerai plus après ce jour en ce lieu..." (ad-Dârimî 227). Lors de ce pèlerinage d'Adieu, il dit aussi pendant un discours : "Vous serez questionnés (par Dieu) à mon sujet (le Jour Dernier). Que direz-vous donc ? Nous témoignerons que tu as transmis le message et que tu nous as conseillés sincèrement" répondirent les Compagnons. Le Prophète leva alors son doigt vers le ciel, l'inclina vers l'assemblée des gens et dit en trois fois : "O Dieu, sois-en témoin" (Muslim 1218, Abû Dâoûd, Ibn Mâja).

Quelques mois passèrent après le retour du Prophète du pèlerinage.

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Le début de la maladie du Prophète (sur lui soit la paix) :

Un jour, revenant d'un enterrement dans le cimetière de al-Baqî', à Médine, le Prophète rentra chez lui ; son épouse Aïcha se plaignait d'une migraine, et elle dit : "Ah, ma tête !" Le Prophète fit : "Ce serait plutôt à moi de me plaindre d'un mal de tête. Tu n'as pas à craindre de mourir avant moi : si cela devait arriver, je te donnerais le bain funéraire moi-même, t'envelopperais dans le linceul, ferais la prière sur toi et t'inhumerais moi-même". Elle répliqua : "Par Dieu, c'est comme si je voyais que si tu faisais cela, tu reviendrais ensuite dans mon appartement et y passerais du temps avec une autre de tes épouses !" Le Prophète sourit à cette boutade. Aïcha ajoute : "C'est ainsi que débuta sa dernière maladie" (ad-Dârimî 80).

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Mais c'est alors qu'il se trouvait dans l'appartement de son épouse Meymûna qu'il commença à se sentir vraiment mal (Muslim 418/91).

Alors qu'il était chez Meymûna (FB 8/185), des Epouses ainsi que des Compagnons présents à son chevet voulurent lui faire absorber un remède par les coins de la bouche (ladûd). Le Prophète, ne pouvant alors pas parler tellement il était faible, leur fit signe de ne pas le faire. Ils dirent : "(Ce n'est là que) aversion de tout malade pour le remède !" Et ils le lui firent avaler quand même. Plus tard, le Prophète leur reprocha cela : "Ne vous avais-je pas défendu de me faire prendre (ce remède) par le coin de la bouche ?". Ils dirent : "(Nous avons pensé que c'était de ta part une naturelle) aversion pour le remède !" Il dit alors : "A l'exception de al-Abbâs, que personne parmi vous ne reste à qui on ne fasse prendre ce remède par les coins de la bouche !"
"عن عائشة: لددنا رسول الله صلى الله عليه وسلم في مرضه، وجعل يشير إلينا: "لا تلدوني!" قال: فقلنا: "كراهية المريض بالدواء." فلما أفاق قال: "ألم أنهكم أن تلدوني؟" قال: قلنا: "كراهية للدواء!" فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا يبقى منكم أحد إلا لد وأنا أنظر إلا العباس، فإنه لم يشهدكم" (al-Bukhârî, 6501, Muslim).
En fait ils pensaient que le Prophète souffrait de pleurésie, mais le Prophète leur dit que Dieu ne lui infligerait pas cette maladie-là. Et ce fut pour leur reprocher de n'avoir pas obtempéré à sa demande qu'il leur fit absorber ce remède, de la même façon (FB 8/185).

Plus tard il demanda la permission à ses autres épouses de rester chez Aïcha, et elles la lui donnèrent. Il se rendit alors chez Aïcha en s'appuyant sur al-Abbâs et Alî ; ses pieds traînaient par terre tellement il était à bout de forces (al-Bukhârî, 195 etc., Muslim, 418/90).

Ce changement de résidence se passa un lundi (Fat'h ul-bârî, 8/177).

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Le dernier sermon du Prophète (sur lui soit la paix) :

En fait le Prophète (sur lui soit la paix), malgré la maladie, continuait à diriger les prières à la mosquée. Mais, épuisé, il ne pouvait plus enseigner à ses Compagnons.

Anas relate : "عن أنس بن مالك، قال: مر أبو بكر والعباس رضي الله عنهما بمجلس من مجالس الأنصار وهم يبكون، فقال: "ما يبكيكم؟" قالوا: "ذكرنا مجلس النبي صلى الله عليه وسلم منا." فدخل على النبي صلى الله عليه وسلم فأخبره بذلك، قال: فخرج النبي صلى الله عليه وسلم وقد عصب على رأسه حاشية برد، قال: فصعد المنبر، ولم يصعده بعد ذلك اليوم، فحمد الله وأثنى عليه، ثم قال: "أوصيكم بالأنصار، فإنهم كرشي وعيبتي، وقد قضوا الذي عليهم، وبقي الذي لهم، فاقبلوا من محسنهم، وتجاوزوا عن مسيئهم" : Abû Bakr et al-'Abbâs, passant près d'un groupe de Ansâr assis, remarquèrent qu'ils pleuraient. "Qu'est-ce qui vous fait pleurer ? demandèrent-ils. Nous pensions aux assemblées que le Prophète avait avec nous" répondit le groupe ansarite. On informa le Prophète de ce fait (al-Bukhârî 3588).

Aïcha relate : "عن عائشة زوج النبي صلى الله عليه وسلم، قالت: لما ثقل رسول الله صلى الله عليه وسلم واشتد به وجعه، استأذن أزواجه أن يمرض في بيتي، فأذن له، فخرج وهو بين الرجلين تخط رجلاه في الأرض، بين عباس بن عبد المطلب وبين رجل آخر.قال عبيد الله فأخبرت عبد الله بالذي قالت عائشة: فقال لي عبد الله بن عباس: «هل تدري من الرجل الآخر الذي لم تسم عائشة؟» قال: قلت: لا، قال ابن عباس: «هو علي بن أبي طالب». وكانت عائشة زوج النبي صلى الله عليه وسلم تحدث أن رسول الله صلى الله عليه وسلم لما دخل بيتي واشتد به وجعه قال: "هريقوا علي من سبع قرب، لم تحلل، أوكيتهن لعلي أعهد إلى الناس." فأجلسناه في مخضب لحفصة زوج النبي صلى الله عليه وسلم، ثم طفقنا نصب عليه من تلك القرب، حتى طفق يشير إلينا بيده،: "أن قد فعلتن." قالت: ثم خرج إلى الناس فصلى بهم وخطبهم" : le Prophète demanda que l'on verse sur lui l'eau de sept outres. La tête bandée, il sortit ensuite de chez lui. Il dirigea la prière ; puis il se dirigea vers la chaire (al-Bukhârî 4178).

Ce fut alors que se passa que ce que 'Uqba a relaté : le Prophète formula des salutations et des demandes de pardon à Dieu (istighfâr) en faveur des martyrs de Uhud puis il monta en chaire : "عن عقبة بن عامر قال: صلى رسول الله صلى الله عليه وسلم على قتلى أحد بعد ثماني سنين، كالمودع للأحياء والأموات، ثم طلع المنبر فقال" (al-Bukhârî, 3816) ; "عن عقبة بن عامر: أن النبي صلى الله عليه وسلم خرج يوما، فصلى على أهل أحد صلاته على الميت، ثم انصرف إلى المنبر، فقال" (al-Bukhârî, 1279) (voir aussi al-Bukhârî 3816, avec commentaire de Fat'h ul-bârî 7/436).

Anas relate que le Prophète monta en chaire, fit les louanges et les éloges de Dieu, puis dit : "Je vous recommande de bien agir envers les Ansâr. Ils sont mes confidents et mes proches. Ils se sont acquittés de leurs devoirs, il reste maintenant ce qu'ils méritent" : "فصعد المنبر، ولم يصعده بعد ذلك اليوم، فحمد الله وأثنى عليه، ثم قال: "أوصيكم بالأنصار، فإنهم كرشي وعيبتي، وقد قضوا الذي عليهم، وبقي الذي لهم، فاقبلوا من محسنهم، وتجاوزوا عن مسيئهم" (al-Bukhârî 3588).
Ibn Abbâs relate : "عن ابن عباس رضي الله عنهما، قال: خرج رسول الله صلى الله عليه وسلم في مرضه الذي مات فيه، بملحفة قد عصب بعصابة دسماء، حتى جلس على المنبر، فحمد الله وأثنى عليه، ثم قال: "أما بعد، فإن الناس يكثرون ويقل الأنصار، حتى يكونوا في الناس بمنزلة الملح في الطعام، فمن ولي منكم شيئا يضر فيه قوما وينفع فيه آخرين، فليقبل من محسنهم ويتجاوز عن مسيئهم." فكان آخر مجلس جلس به النبي صلى الله عليه وسلم" : "Le nombre des autres gens augmentera, mais celui des Ansâr diminuera, jusqu'à ce qu'ils ne soient plus que comme le sel dans la nourriture. Que celui parmi vous qui aura une responsabilité par le moyen de quoi il peut faire du tort à des gens et faire du bien à d'autres, accepte donc de celui (des Ansâr) qui fait le bien et pardonne à celui qui fait du mal". C'était, ajoute Ibn Abbâs, la dernière assise où le Prophète fut présent (al-Bukhârî 3429).

Abû Sa'ïd relate : "عن أبي سعيد الخدري، قال: خطب النبي صلى الله عليه وسلم فقال: "إن الله خير عبدا بين الدنيا وبين ما عنده فاختار ما عند الله"، فبكى أبو بكر الصديق رضي الله عنه، فقلت في نفسي ما يبكي هذا الشيخ؟ إن يكن الله خير عبدا بين الدنيا وبين ما عنده، فاختار ما عند الله، فكان رسول الله صلى الله عليه وسلم هو العبد، وكان أبو بكر أعلمنا، قال: "يا أبا بكر لا تبك، إن أمن الناس علي في صحبته وماله أبو بكر، ولو كنت متخذا خليلا من أمتي لاتخذت أبا بكر، ولكن أخوة الإسلام ومودته، لا يبقين في المسجد باب إلا سد، إلا باب أبي بكر" : Le Prophète dit : "Il y a un serviteur de Dieu à qui Dieu a donné de choisir entre ce qu'il veut de la fleur de ce monde et ce qui se trouve auprès de Lui ; (ce serviteur) a choisi ce qui se trouve auprès de Dieu". Abû Bakr pleura alors et s'exclama : "Nous donnons pour toi nos pères, nos mères, nos personnes et nos biens !" (Abû Sa'îd devait raconter : "Nous fûmes alors étonnés de la réaction de Abû Bakr : le Prophète raconte que Dieu a donné le choix à un homme, et lui pleure et dit : "Nous donnons pour toi nos pères et mères !" En fait cet homme dont le Prophète parlait, c'était lui-même, et Abû Bakr le comprit.") Le Prophète dit alors : "Abû Bakr, ne pleure pas. La personne envers qui je suis le plus redevable quant à sa compagnie et son aide est Abû Bakr. Si je devais prendre un ami intime, cet ami intime serait Abû Bakr ; mais [l'intimité du coeur est réservée à Dieu, et par rapport à Abû Bakr] il y a la fraternité et l'affection de l'islam. Qu'aucune petite porte menant à la mosquée ne soit gardée sauf celle de Abû Bakr" (al-Bukhârî 454, etc., Muslim 2382). Abû Sa'îd ajoute : "Le Prophète ne devait plus jamais monter en chaire" (ad-Dârimî, 77).

Ibn Abbas relate lui aussi ce propos concernant Abû Bakr : "عن ابن عباس، قال: خرج رسول الله صلى الله عليه وسلم في مرضه الذي مات فيه، عاصب رأسه بخرقة. فقعد على المنبر، فحمد الله وأثنى عليه، ثم قال: "إنه ليس من الناس أحد أمن علي في نفسه وماله من أبي بكر بن أبي قحافة. ولو كنت متخذا من الناس خليلا لاتخذت أبا بكر خليلا، ولكن خلة الإسلام أفضل. سدوا عني كل خوخة في هذا المسجد، غير خوخة أبي بكر" (al-Bukhârî, 455).

Jundub relate : "عن جندب قال: سمعت النبي صلى الله عليه وسلم قبل أن يموت بخمس، وهو يقول: "إني أبرأ إلى الله أن يكون لي منكم خليل، فإن الله تعالى قد اتخذني خليلا، كما اتخذ إبراهيم خليلا. ولو كنت متخذا من أمتي خليلا لاتخذت أبا بكر خليلا. ألا وإن من كان قبلكم كانوا يتخذون قبور أنبيائهم وصالحيهم مساجد، ألا فلا تتخذوا القبور مساجد، إني أنهاكم عن ذلك" : le Prophète dit : "Je suis innocent d'avoir un ami intime en dehors de Dieu, car Dieu m'a pris comme ami intime comme Il a pris Abraham comme ami intime. Et si j'en étais à prendre un ami intime de ma Communauté, je prendrais Abû Bakr. Ecoutez : Ceux qui étaient avant vous prenaient les tombes de leurs prophètes et de leurs pieux comme lieux de prosternation. Ecoutez : Ne prenez pas les tombes comme lieux de prosternation, je vous interdis cela" (Muslim, 532).

'Uqba relate : "عن عقبة بن عامر قال: صلى رسول الله صلى الله عليه وسلم على قتلى أحد بعد ثماني سنين، كالمودع للأحياء والأموات، ثم طلع المنبر فقال: "إني بين أيديكم فرط، وأنا عليكم شهيد، وإن موعدكم الحوض، وإني لأنظر إليه من مقامي هذا، وإني لست أخشى عليكم أن تشركوا، ولكني أخشى عليكم الدنيا أن تنافسوها." قال: فكانت آخر نظرة نظرتها إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم" (al-Bukhârî, version 3816) ; "عن عقبة بن عامر: أن النبي صلى الله عليه وسلم خرج يوما، فصلى على أهل أحد صلاته على الميت، ثم انصرف إلى المنبر، فقال: «إني فرط لكم، وأنا شهيد عليكم، وإني والله لأنظر إلى حوضي الآن، وإني أعطيت مفاتيح خزائن الأرض - أو مفاتيح الأرض - وإني والله ما أخاف عليكم أن تشركوا بعدي، ولكن أخاف عليكم أن تنافسوا فيها" (al-Bukhârî, version 1279). S'adressant à l'ensemble de ses Compagnons, le Prophète dit : "Je vous précède. Je serai un témoin pour vous. Votre rendez-vous est au Bassin ; je le vois de là où je me trouve. Les clés des trésors de (cette) Terre m'ont été donnés. Et je ne crains pas, vous concernant, l'associationnisme, mais je crains que vous entriez en compétition pour (les richesses de) ce monde". C'était, affirme 'Uqba, le dernier regard que j'ai pu poser sur le Prophète (vivant) (al-Bukhârî, 1279, 3816).

Quand eu lieu ce dernier sermon ?
"5 jours" avant son décès, comme le prouve la relation de Jundub citée plus haut : "عن جندب قال: سمعت النبي صلى الله عليه وسلم قبل أن يموت بخمس، وهو يقول: "إني أبرأ إلى الله أن يكون لي منكم خليل" (Muslim, 532) ;
--- si on n'inclut pas le lundi du décès, alors ce sermon eut lieu : le mercredi précédant le décès ;
--- et si on compte le lundi (jour du décès) comme étant le premier jour dans le décompte à rebours de ces "5 jours", alors ce sermon eut lieu le jeudi précédant le décès ; Ibn Hajar, qui adhère à ce décompte, dit qu'il est possible que cela ait eu lieu après l'épisode dit "du papier" (Fat'h ul-bârî 8/178).

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Qu'est-ce que cette affaire dite "du papier", qui s'est produite le dernier jeudi ?

Le jeudi précédant son décès, le Prophète (sur lui soit la paix) dit : "Apportez-moi (un support), que je fasse écrire un écrit après lequel vous ne dévierez jamais".
Or un désaccord quant à ce qu'il fallait alors faire se produisit chez les Compagnons présents dans l'appartement du Prophète :
----- Certains dirent : "Qu'a-t-il ? Aurait-il déliré ? Demandez-lui bien !"
----- Omar ibn ul-Khattâb dit pour sa part : "Le Messager de Dieu est malade. Et vous avez déjà le Coran. Le Livre de Dieu nous suffit."
----- D'autres dirent : "Amenez (un support), qu'il fasse écrire un écrit après lequel vous ne dévierez pas !"
Les voix s'élevèrent.
Lorsque beaucoup de bruit eut été fait de la sorte, le Prophète dit : "Arrêtez (قوموا) ! Il ne convient pas de se disputer auprès de moi. Laissez-moi, ce en quoi je suis est meilleur que ce à quoi vous m'appelez" (al-Bukhârî, 114, 4168, 4169, Muslim, 1637).
"عن ابن عباس، قال: لما اشتد بالنبي صلى الله عليه وسلم وجعه قال: "ائتوني بكتاب أكتب لكم كتابا لا تضلوا بعده." قال عمر: "إن النبي صلى الله عليه وسلم غلبه الوجع، وعندنا كتاب الله، حسبنا!" فاختلفوا وكثر اللغط، قال: "قوموا عني، ولا ينبغي عندي التنازع." فخرج ابن عباس يقول: "إن الرزية كل الرزية، ما حال بين رسول الله صلى الله عليه وسلم وبين كتابه" (al-Bukhârî, 114).
"عن سعيد بن جبير، قال: قال ابن عباس: يوم الخميس! وما يوم الخميس؟ اشتد برسول الله صلى الله عليه وسلم وجعه، فقال: "ائتوني أكتب لكم كتابا لن تضلوا بعده أبدا." فتنازعوا ولا ينبغي عند نبي تنازع، فقالوا: "ما شأنه، أهجر؟ استفهموه!" فذهبوا يردون عليه، فقال: "دعوني، فالذي أنا فيه خير مما تدعوني إليه." وأوصاهم بثلاث، قال: "أخرجوا المشركين من جزيرة العرب، وأجيزوا الوفد بنحو ما كنت أجيزهم"، وسكت عن الثالثة أو قال فنسيتها" (al-Bukhârî, 4168).
"عن ابن عباس رضي الله عنهما، قال: لما حضر رسول الله صلى الله عليه وسلم وفي البيت رجال، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "هلموا أكتب لكم كتابا لا تضلوا بعده." فقال بعضهم: "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم قد غلبه الوجع، وعندكم القرآن، حسبنا كتاب الله!" فاختلف أهل البيت واختصموا، فمنهم من يقول: "قربوا يكتب لكم كتابا لا تضلوا بعده"، ومنهم من يقول غير ذلك. فلما أكثروا اللغو والاختلاف، قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "قوموا!" قال عبيد الله، فكان يقول ابن عباس: "إن الرزية كل الرزية، ما حال بين رسول الله صلى الله عليه وسلم وبين أن يكتب لهم ذلك الكتاب، لاختلافهم ولغطهم" (al-Bukhârî, 4169).

Il s'agissait peut-être des points principaux sur lesquels les groupes déviants ont par la suite trébuché.
Et / ou (FB 1/276) des noms des califes après lui : il aurait alors fait écrire que Abû Bakr serait son premier successeur.

En fait :
----- ce qui a étonné le premier groupe et l'a amené à se demander si le Prophète n'aurait pas déliré, c'est que le Prophète avait toujours dit que le Coran et la Sunna suffisent pour ne jamais dévier. Pour autant, ils ne refusaient pas son ordre, vu qu'ils disaient : "Demandez-lui bien !" : ils voulaient seulement vérifier qu'il voulait bien qu'on lui apporte un support pour dicter ce qu'il voulait faire écrire.
----- Omar ibn ul-Khattâb raisonnait pour sa part comme suit : "Le Coran [ce qui inclut son nécessaire complément, la Sunna] est déjà suffisant pour ne pas dévier. Quant à cet écrit, il aurait été "un plus", mais, vu la circonstance - le Prophète était souffrant -, il valait mieux ne pas fatiguer celui-ci davantage" (FB 1/276 ; 8/168) ;
----- les autres demandaient à ce qu'on exécute l'ordre du Prophète sans plus discuter.

--- Si le Prophète avait en lui la décision ferme et catégorique (jazm) (degré "4" ou "5") de faire écrire cela, il n'aurait pas abandonné, malgré le désaccord qui éclata à ce sujet entre certains Compagnons, de faire amener un support et de dicter ce qu'il avait pensé dicter (FB 1/276 ; 8/169).
--- Mais il ne le fit pas. Il n'y avait donc pas, même avant l'expression de leur désaccord, eu jazm, mais seulement tarjîh de sa part quant au fait de faire écrire ce papier. Et après l'expression de leur désaccord, s'il ne demanda plus de mettre à exécution ce tarjîh, peut-être pensait-il toujours que faire écrire cela était Râjih (il maintenait donc ce qu'il avait pensé d'abord) ("ويحتمل أن يكون المعنى فإن امتناعي من أن أكتب لكم خير مما تدعونني إليه من الكتابة. قلت: ويحتمل عكسه أي الذي أشرت عليكم به من الكتابة خير مما تدعونني إليه من عدمها؛ بل هذا هو الظاهر" : FB 8/168) ; mais, ayant constaté leur désaccord, il ne le fit pas faire li 'âridh, avec un léger mécontentement (qui transparaît dans ce qu'il dit alors) par rapport à leur désaccord avec élévation de voix, qui eut lieu en sa présence par rapport à son hukm.
C'est bien parce que écrire cela était Râjih que Ibn Abbâs regretta que le Prophète (sur lui soit la paix) n'ait finalement pas fait écrire ce qu'il avait projeté de le faire, à cause de ce désaccord entre Compagnons.
(Lire aussi : Quand les Compagnons du Prophète le questionnaient et discutaient.)

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En fait, dès le tout début de sa maladie, depuis la migraine dont il avait parlé à Aïcha (voir plus haut), le Prophète avait pensé (hamm, maylân) faire mettre par écrit que Abû Bakr lui succéderait comme chef de la Communauté. Mais ensuite ce fut le tarjîh de ne pas faire mettre cela par écrit qui l'emporta.
- "عن القاسم بن محمد، قال: قالت عائشة: وا رأساه، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ذاك لو كان وأنا حي فأستغفر لك وأدعو لك." فقالت عائشة: "وا ثكلياه، والله إني لأظنك تحب موتي، ولو كان ذاك، لظللت آخر يومك معرسا ببعض أزواجك!" فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "بل أنا وا رأساه! لقد هممت - أو أردت - أن أرسل إلى أبي بكر وابنه وأعهد: أن يقول القائلون أو يتمنى المتمنون. ثم قلت: يأبى الله ويدفع المؤمنون، أو: يدفع الله ويأبى المؤمنون" (al-Bukhârî, 5342, 6791).
- "عن عائشة، قالت: قال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم في مرضه: "ادعي لي أبا بكر، أباك، وأخاك، حتى أكتب كتابا، فإني أخاف أن يتمنى متمن ويقول قائل: أنا أولى. ويأبى الله والمؤمنون إلا أبا بكر" (Muslim, 2387).

Ce dialogue avec Aïcha, dans lequel on voit celle-ci exprimer qu'elle a mal à la tête et à la fin duquel on voit le Prophète exprimer qu'il avait pensé faire mettre par écrit que ce serait Abû Bakr le dirigeant de la Communauté, ce dialogue s'est passé au tout début de maladie, bien avant le dernier Jeudi, comme le prouve la relation suivante :
- "عن عائشة قالت: رجع إلي النبي صلى الله عليه وسلم ذات يوم من جنازة من البقيع، فوجدني وأنا أجد صداعا وأنا أقول: "وا رأساه!" قال: "بل أنا يا عائشة وا رأساه!" قال: "وما ضرك لو مت قبلي فغسلتك وكفنتك وصليت عليك ودفنتك؟" فقلت: لكأني بك والله لو فعلت ذلك لرجعت إلى بيتي فأعرست فيه ببعض نسائك، قالت: فتبسم رسول الله صلى الله عليه وسلم. ثم بدئ في وجعه الذي مات فيه" (ad-Dârimî, 81, Ahmad, al-Bayhaqî dans As-Sunan ul-Kub'râ). La 'an'ana de Ibn Is'hâq dans ces versions ne pose pas problème, vu qu'il y a sa tasrîh bi-samâ' dans la version suivante : "أخبرنا أبو عبد الله الحافظ، وأبو سعيد بن أبي عمرو قالا: حدثنا أبو العباس محمد بن يعقوب قال: حدثنا أحمد بن عبد الجبار قال: حدثنا يونس بن بكير، عن ابن إسحاق قال: حدثنا يعقوب بن عتبة بن المغيرة بن الأخنس، عن الزهري، عن عبيد الله بن عبد الله بن عتبة بن مسعود، عن عائشة قالت: دخل علي رسول الله صلى الله عليه وسلم وهو يصدع، وأنا أشتكي رأسي، فقلت: "وا رأساه!" فقال: "بل أنا والله يا عائشة وارأساه!" ثم قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "وما عليك لو مت قبلي فوليت أمرك، وصليت عليك وواريتك فقلت: والله إني لأحسب أنه لو كان ذلك، لقد خلوت ببعض نسائك في بيتي آخر النهار فأعرست بها، فضحك رسول الله صلى الله عليه وسلم، ثم تمادى برسول الله صلى الله عليه وسلم وجعه؛ فاستقر برسول الله صلى الله عليه وسلم (وهو يدور على نسائه) في بيت ميمونة. فاجتمع إليه أهله فقال العباس: "إنا لنرى برسول الله صلى الله عليه وسلم ذات الجنب، فهلموا فلنلده"، فلدوه. وأفاق رسول الله صلى الله عليه وسلم فقال: "من فعل هذا؟" فقالوا: "عمك العباس تخوف أن تكون بك ذات الجنب." فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إنها من الشيطان، وما كان الله ليسلطه علي، لا يبقى في البيت أحد إلا لددتموه، إلا عمي العباس." فلد أهل البيت كلهم، حتى ميمونة، وإنها الصائمة يومئذ، وذلك بعين رسول الله صلى الله عليه وسلم. ثم استأذن رسول الله صلى الله عليه وسلم نساءه، يمرض في بيتي. فخرج رسول الله صلى الله عليه وسلم إلى بيتي، وهو بين العباس وبين رجل آخر - لم تسمه تخط قدماه بالأرض إلى بيت عائشة. قال عبيد الله: فحدثت هذا الحديث ابن عباس فقال: تدري من الرجل الآخر الذي مع العباس، لم تسمه عائشة؟ قلت: لا قال: هو علي بن أبي طالب رضي الله عنه" (Dalâ'ïl un-nubuwwa de al-Bayhaqî).

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En tous cas, l'épisode dit "du papier" se produisit le jeudi, cela est certain.
Et, d'après Ibn Hajar, c'est après cet épisode que le Prophète (sur lui soit la paix) fit le sermon plus haut évoqué.

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Jusqu'à ce Jeudi, le Prophète dirigeait toujours les prières dans sa mosquée.

Arriva alors le moment où le Prophète dirigea la prière qui suit le coucher du soleil (salât ul-maghrib). Il récita pendant la prière la sourate Wa-l-mursalâti 'urfan. Umm ul-Fadhl raconte : "Il ne devait ensuite plus diriger aucune de nos prières [où la récitation se fait à voix haute]" (al-Bukhârî 4166 etc.). Cet événement sembla bien prendre place dans la mosquée : "عن ابن عباس، عن أمه أم الفضل، قالت: "خرج إلينا رسول الله صلى الله عليه وسلم وهو عاصب رأسه في مرضه، فصلى المغرب، فقرأ بالمرسلات. فما صلاها بعد حتى لقي الله عز وجل" (at-Tirmidhî 308), différemment de ce que la version de an-Nassâ'ï dit ("عن أنس، عن أم الفضل بنت الحارث قالت: "صلى بنا رسول الله صلى الله عليه وسلم في بيته المغرب فقرأ المرسلات. ما صلى بعدها صلاة حتى قبض صلى الله عليه وسلم" : an-Nassâ'ï, 985).

L'heure de la prière suivante (salât ul-ishâ) étant venue, le Prophète voulut se rendre à la mosquée pour diriger cette prière aussi, et il demanda : "Les gens ont-ils accompli la prière ? – Non, ils t'attendent, ô Messager de Dieu". Il demanda alors qu'on verse de l'eau dans une bassine ; il prit une douche. Mais, voulant se lever, il perdit connaissance. Revenant à lui quelques instants après, il demanda de nouveau si les gens avaient prié, et reçut la même réponse. Il prit de nouveau une douche mais, à nouveau, perdit ensuite connaissance. La scène se répéta une troisième fois encore. Il dit alors : "Dites à Abû Bakr de diriger la prière" (al-Bukhârî 655, Muslim 418). C'est ainsi que Abû Bakr dirigea la prière.

Si on retient que ce sont 17 prières que Abû Bakr a en tout dirigées durant la maladie du Prophète (sur lui soit la paix), alors, sachant que le Prophète est décédé lundi, cette première prière que Abû Bakr dirigea, de 'ishâ, fut celle de la soirée de jeudi à vendredi (appelée "nuit du vendredi" en islam, vu que la nuit précède la journée).

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L'événement suivant eut lieu après (peut-être le lendemain) : ce fut Omar qui dirigea une prière dans la mosquée, parce que Abû Bakr n'était pas présent ; mais le Prophète dit que ce devait être Abû Bakr : "عن أبي بكر بن عبد الرحمن بن الحارث بن هشام، عن عبد الله بن زمعة، قال: لما استعز برسول الله صلى الله عليه وسلم وأنا عنده في نفر من المسلمين دعاه بلال إلى الصلاة فقال: "مروا من يصلي للناس". فخرج عبد الله بن زمعة فإذا عمر في الناس، وكان أبو بكر غائبا، فقلت: "يا عمر قم فصل بالناس"، فتقدم فكبر. فلما سمع رسول الله صلى الله عليه وسلم صوته - وكان عمر رجلا مجهرا -، قال: "فأين أبو بكر؟ يأبى الله ذلك والمسلمون، يأبى الله ذلك والمسلمون". فبعث إلى أبي بكر فجاء بعد أن صلى عمر تلك الصلاة فصلى بالناس" (Abû Dâoûd, 4660) ; "عن عبيد الله بن عبد الله بن عتبة، أن عبد الله بن زمعة، أخبره بهذا الخبر، قال: لما سمع النبي صلى الله عليه وسلم صوت عمر قال ابن زمعة: خرج النبي صلى الله عليه وسلم حتى أطلع رأسه من حجرته ثم قال: "لا لا لا ليصل للناس ابن أبي قحافة" يقول ذلك مغضبا" (Abû Dâoûd, 4661).

Peut-être que la discussion suivante, que Aïcha eut avec le Prophète au sujet de l'imamat de Abû Bakr, eut lieu après cela encore. Aïcha dit au Prophète : "Abû Bakr est un homme au coeur tellement tendre que lorsqu'il se tiendra debout à ta place, il pleurera tellement que les fidèles ne pourront même pas entendre sa voix récitant le Coran. Dis (plutôt) à Omar de diriger la prière pour les gens." Cependant, le Prophète réitéra son ordre que ce soit Abû Bakr qui dirige les prières. Aïcha insista elle aussi. Elle dit également à Hafsa de dire la même chose. Alors le Prophète s'exclama : "Vous êtes (comme) les femmes de (l'époque de) Joseph ! Dites à Abû Bakr qu'il dirige la prière pour les gens !" : "عن الأسود، قال: كنا عند عائشة رضي الله عنها، فذكرنا المواظبة على الصلاة والتعظيم لها، قالت: لما مرض رسول الله صلى الله عليه وسلم مرضه الذي مات فيه، فحضرت الصلاة، فأذن؛ فقال: "مروا أبا بكر فليصل بالناس". فقيل له: "إن أبا بكر رجل أسيف إذا قام في مقامك لم يستطع أن يصلي بالناس"، وأعاد فأعادوا له. فأعاد الثالثة، فقال: "إنكن صواحب يوسف مروا أبا بكر فليصل بالناس" (al-Bukhârî, 633, Muslim, 418) ; "عن عائشة أم المؤمنين رضي الله عنها، أنها قالت: إن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال في مرضه: "مروا أبا بكر يصلي بالناس". قالت عائشة: قلت: "إن أبا بكر إذا قام في مقامك لم يسمع الناس من البكاء، فمر عمر فليصل للناس". فقالت عائشة: فقلت لحفصة: "قولي له: إن أبا بكر إذا قام في مقامك لم يسمع الناس من البكاء، فمر عمر فليصل للناس"، ففعلت حفصة. فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "مه إنكن لأنتن صواحب يوسف، مروا أبا بكر فليصل للناس". فقالت حفصة لعائشة: ما كنت لأصيب منك خيرا" (al-Bukhârî, 679).

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Plus tard – soit samedi soit dimanche (Ar-Rahîq ul-makhtûm, p. 526) – le Prophète ressentit quelque allègement. Aidé de al-Abbâs et de Alî, il se rendit dans la mosquée pour la prière du début de l'après-midi (zuhr). Abû Bakr était en train de diriger la prière, et le Prophète demanda qu'on le fasse s'asseoir à côté de lui (al-Bukhârî, 655, Muslim, 418) (Fat'h ul-bârî 2/227), à sa gauche (al-Bukhârî, 681).
--- Soit ce fut alors le Prophète qui dirigea la prière étant assis, pendant que Abû Bakr, debout, répétait les formules du takbîr pour les faire entendre aux autres fidèles (Muslim, 418).
--- Soit ce fut Abû Bakr qui continua alors de diriger la prière, le Prophète, assis, priant sous sa direction (Fat'h ul-bârî 2/201-202)...

Il y a aussi cet événement : 'Alî ibn Abî Tâlib (que Dieu l'agrée) sortit de chez le Prophète ; des gens lui dirent : "Comment va le Messager de Dieu, ce matin ?". 'Alî leur répondit : "Il est guéri, par la Louange de Dieu." Mais al-Abbâs (que Dieu l'agrée) lui prit la main et lui dit que le Prophète allait mourir avant que 3 jours s'écoulent : il avait reconnu sur le visage du Prophète (son neveu) les signes de la mort imminente que présentent les visages des fils de 'Abd ul-Muttalib : "عن عبد الله بن عباس أن علي بن أبي طالب رضي الله عنه خرج من عند رسول الله صلى الله عليه وسلم في وجعه الذي توفي فيه، فقال الناس: "يا أبا حسن، كيف أصبح رسول الله صلى الله عليه وسلم؟" فقال: "أصبح بحمد الله بارئا". فأخذ بيده عباس بن عبد المطلب فقال له: "أنت والله بعد ثلاث عبد العصا، وإني والله لأرى رسول الله صلى الله عليه وسلم سوف يتوفى من وجعه هذا، إني لأعرف وجوه بني عبد المطلب عند الموت" (al-Bukhârî, 4182).
Cela se passa-t-il le même jour où le Prophète sortit pour accomplir la prière à la mosquée ?

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Le dernier lundi :

La mosquée était orientée vers la Mecque, au sud, et l'appartement de Aïcha se trouvait dans la même direction : il était situé à gauche et en avant par rapport à la mosquée, tout en lui étant contigu, de sorte que le Prophète n'avait qu'à en écarter le rideau pour se rendre dans la mosquée.

Le lundi matin, les Compagnons qui habitaient dans le voisinage accomplissaient la prière de l'aube sous la direction de Abû Bakr, dans la mosquée de Médine. Anas raconte : "C'était Abû Bakr qui dirigeait les prières pendant que le Prophète était malade de sa dernière maladie. Lorsque nous fûmes lundi et que nous étions en train d'accomplir la prière, le Prophète écarta le rideau de la chambre et nous regarda, debout ; son visage était comme la page d'une copie ; puis il sourit ; nous faillîmes alors nous détourner de la prière à cause de la joie que nous ressentîmes en apercevant (ainsi) le Prophète. Abû Bakr recula pour rentrer dans le rang derrière lui, pensant que le Prophète allait venir diriger la prière. Mais celui-ci fit signe de sa main, voulant dire "Complétez la prière", et baissa le rideau. Nous n'eûmes plus l'occasion de le voir vivant. Il devait mourir dans la journée" (al-Bukhârî 648, 649, Muslim 419).

Dieu Seul sait quel bonheur étreignit le cœur du Prophète et le fit sourire de joie lorsqu'il vit, ce matin-là, le résultat de ses efforts : il avait, par la permission de Dieu, fait sortir ces hommes du paganisme et les avait amenés à l'adoration de l'Unique, et les voilà qui étaient debout, tournés vers Dieu, sous la direction du plus valeureux de ses Compagnons, Abû Bakr ; les voilà qui priaient Dieu ensemble, unis devant Lui.
Des Arabes de la
Jâhiliyya il avait fait les meilleurs hommes de sa Umma.
Il avait accompli sa mission : la Kaaba avait été rendue au culte de l'Unique, et après des années et des années d'efforts et de sacrifices, il avait vu les gens adhérer par groupes entiers au message que Dieu l'avait chargé de transmettre.
Il avait transmis le message, et il laissait une Communauté unie et éduquée dans la foi profonde.
Il pouvait s'en aller le cœur heureux.

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A mesure que la matinée de lundi avançait, l'état de santé du Prophète empira. Le Prophète souffrait à tel point que sa fille Fâtima se plaignit : "Comme mon père souffre !" Le Prophète lui dit alors : "Après aujourd'hui, ton père ne connaîtra jamais plus de souffrance" (al-Bukhârî 4193).
Appuyé sur Aïcha, il trempait sa main dans une écuelle d'eau placée à proximité puis la passait sur son visage et disait : "Il n'y a de divinité que Dieu. Il y a des affres (quand vient) la mort" (al-Bukhârî 6145). "O Dieu, aide-moi face aux affres de la mort" (at-Tirmidhî 978).
A un moment donné, le frère de Aïcha entra dans la pièce avec dans la main une branchette de siwâk ; le Prophète regarda celle-ci et Aïcha comprit ; elle prit le siwâk des mains de son frère, le nettoya et le donna au Prophète, qui se brossa alors les dents soigneusement (al-Bukhârî 4184).
Aïcha raconte qu'elle l'entendit murmurer : "O Dieu, pardonne moi et fais-moi miséricorde. Et fais-moi rejoindre les compagnons les plus élevés" (al-Bukhârî 4176, Muslim 2444, at-Tirmidhî 3496). "Avec les compagnons les plus élevés, dans le Paradis, avec ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits : les Prophètes, les Justes, les Martyrs et les Pieux. Et ceux-là sont d'excellents compagnons" (Ahmad 23315, Fat'h ul-bârî, 8/172). Aïcha raconte que, le regard levé vers le toit, le Prophète murmura : "O Dieu, les compagnons les plus élevés" ; ce furent les derniers mots qu'il prononça et il rendit le dernier soupir (al-Bukhârî 4194, Muslim 2444).

Fâtima, en proie à une intense émotion, s'exclama : "Mon père ! Il a répondu à Dieu qui l'a rappelé ! Mon père ! A Gabriel nous annonçons son décès ! Mon père ! Dans le jardin du Paradis se trouve son séjour" (al-Bukhârî 4193).

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La terrible nouvelle se propagea comme l'éclair, semant la douleur chez les Compagnons.

Abû Bakr, qui s'était rendu à Sunh, dans les faubourgs de Médine, accourut dès qu'il apprit la nouvelle. Les gens pleuraient (Fat'h ul-bârî, 8/180). Abû Bakr se rendit directement dans l'appartement de sa fille Aïcha, et se dirigea vers le Prophète, qu'on avait recouvert d'un drap ; il découvrit son visage, l'embrassa sur le front ; des larmes roulèrent sur ses joues et il dit : "Mon père et ma mère pour toi ! Dieu ne te fera pas connaître deux morts ; la mort qui t'était prédestinée, tu l'as connue". "Tu es agréable dans la vie comme dans la mort" (Fat'h ul-bârî 8/184).

Pendant ce temps, Omar ibn ul-Khattâb, d'habitude si fort, refusait de croire que le Prophète avait quitté ce monde, et il menaçait même ceux qui diraient pareille chose. Abû Bakr sortit et, à l'extérieur de l'appartement de Aïcha, annonça que le Prophète était mort ; puis il récita le verset : "Muhammad n'est qu'un messager ; d'autres messagers l'ont précédé ; s'il mourait ou était tué, retourneriez-vous sur vos pas ?" (Coran 3/144). "Je tombai alors par terre, mes jambes ne me portant plus, raconte Omar ; je venais de comprendre que le Prophète avait quitté ce monde" (al-Bukhârî 4187).

On demanda alors à Abû Bakr : "O Compagnon du Prophète, va-t-on accomplir la prière funéraire sur le Prophète ? – Oui. – Et comment ? Des personnes entreront dans la chambre, diront "Allâhu Akbar", invoqueront Dieu et enverront des salutations sur le Prophète, puis sortiront. Un autre groupe entrera ensuite, et fera de même. Et ainsi de suite jusqu'à ce que tous les gens soient entrés et aient fait ainsi. – O Compagnon du Prophète, le Prophète sera-t-il inhumé ? – Oui. – Et où ? – Là-même où Dieu a repris son âme. Car Dieu n'a repris son âme que dans un lieu qui convient (à son inhumation)" (Shamâ'ïl ut-Tirmidhî, n° 379). Abû Bakr rapporta aussi la volonté du Prophète lui-même : "Dieu ne rappelle à Lui un prophète que dans le lieu où celui-ci aimerait être enterré" ; puis il dit : "Qu'il soit inhumé à l'endroit où se trouvait son lit" (at-Tirmidhî 1018). Les gens surent alors que c'était ainsi qu'il fallait procéder. Puis Abû Bakr ordonna que les proches parents du Prophète lui donnent le bain funéraire. Ensuite un groupe de Muhâjirûn se rendirent auprès des Ansârs afin de se concerter et désigner celui qui succéderait au Prophète en tant que dirigeant de la Communauté des musulmans (Shamâ'ïl ut-Tirmidhî, n° 379).

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Le Prophète était mort lundi quand la matinée était très avancée (Fat'h ul-bârî 8/180).

Toute la journée de mardi passa dans la prière funéraire que les Compagnons récitèrent sur lui de la façon que Abû Bakr avait décrite.

Le Prophète fut ensuite inhumé dans la nuit de mardi à mercredi ("laylat al-arbi'â") (Ahmad, n° 25145).

Fâtima devait ensuite dire à Anas ibn Mâlik : "Anas, vos âmes ont-elles été d'accord à répandre la terre sur le Messager de Dieu ?" (al-Bukhârî 4193).

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La douleur resta longtemps vive. Les Compagnons se souvenaient tant de la personnalité, de l'apparence physique et des qualités du dernier Messager !

Anas disait : "Il était le plus beau des hommes, il était le plus généreux des hommes, et il était le plus courageux des hommes. Une nuit, les gens de Médine furent la proie d'un effroi à cause d'un fracas qu'ils entendirent ; des hommes s'avancèrent alors dans la direction de là où était venu le bruit ; mais ils virent le Prophète revenir, qui les avait précédés pour se rendre compte de ce dont il s'agissait ; il était monté sur un cheval à cru, l'épée ceinte autour du cou et il disait : "Vous n'avez rien à craindre, vous n'avez rien à craindre"" (al-Bukhârî 5686 etc., Muslim 2307).

Anas se souvenait encore : "J'ai été son serviteur pendant 10 ans ; jamais il ne m'a dit : "Fff !", ni : "Pourquoi donc as-tu fait ainsi ?" ni : "Ah, si tu avais pu faire ainsi !" (al-Bukhârî 5691, Muslim 2309).

Son épouse Aïcha disait : "Jamais le Prophète ne s'est vengé pour lui-même…" (al-Bukhârî 3367) ; "Le Prophète n'a jamais frappé quelqu'un de sa main : ni une femme ni un serviteur ; le seul cas où il ait pu frapper fut quand il était sur le champ de bataille, dans le chemin de Dieu…" (Muslim 2328).

Alî décrivait le Prophète et concluait en disant : "Celui qui le rencontrait de façon soudaine était impressionné. Et celui qui le fréquentait et apprenait à le connaître l'aimait. Toute personne qui le décrit ne peut dire que ceci : "Ni avant lui ni après lui je n'ai vu quelqu'un de comparable à lui"" (at-Tirmidhî 3638).

Les Compagnons se souvenaient avec émotion de ces jours matériellement difficiles mais ô combien heureux, quand le Messager de Dieu était parmi eux. Et ils se souvenaient que le Prophète leur avait dit un jour : "Par Celui dans la Main de qui se trouve l'âme de Muhammad, un jour viendra où aucun d'entre vous ne pourra plus me voir. Pouvoir me voir lui sera alors plus cher que sa famille et ses biens" (Muslim 2364).

Mais que pouvaient-ils faire ? Le Prophète n'avait-il pas dit aussi : "Qu'ai-je à faire de ce monde ? Je suis comme un voyageur qui s'est reposé à l'ombre d'un arbre ; puis le voyageur est reparti, laissant là l'arbre" (at-Tirmidhî 2377).

Et de fait, à sa mort il n'avait laissé ni pièce d'or, ni pièce d'argent (al-Bukhârî 4192) ; sa cotte de mailles se trouvait alors placée en gage chez un juif de Médine, auprès de qui il avait acheté de l'orge à crédit pour nourrir sa famille (al-Bukhârî 4197). Lui qui avait institué la zâkât, il avait exclu sa personne, les gens de sa famille – les Banû Hâshim – et sa descendance jusqu'à la fin des temps de la liste de ceux qui pouvaient en bénéficier.

Les Compagnons se consolaient, se disant que là où le Prophète était allé était bien meilleur pour lui que la vie de ce monde et tout ce que celui-ci contient.
Un jour, après le décès du Prophète, Abû Bakr dit à Omar : "Allons rendre visite à Umm Ayman, comme le Prophète le faisait." Anas raconte : "Comme nous arrivâmes chez elle, elle pleurait. "Pourquoi pleures-tu ? lui dirent Abû Bakr et Omar. Ne sais-tu donc pas que ce qui se trouve auprès de Dieu est meilleur pour le Prophète ? – Je ne pleure pas, répondit-elle, parce que je ne saurais pas que ce qu'il y a auprès de Dieu est meilleur pour le Prophète. Je pleure parce que la révélation ne viendra plus jamais du ciel". Elle les fit alors pleurer tous les deux aussi" (Muslim 2454).

Les Compagnons avaient encore les paroles du Prophète qui résonnaient à leurs oreilles : "Votre rendez-vous est au Bassin" ; c'était ce qu'il leur avait dit quelques jours avant de mourir, lors de son dernier discours. Ils se consolaient en se remémorant ces paroles-là aussi ; le Prophète leur avait donné rendez-vous le Jour Dernier, près du Bassin, là où il donnerait à toute sa Communauté à boire de l'eau de al-Kawthar.

Ce jour-là viendra et alors ils le rencontreraient de nouveau.

Oui, ce jour-là ils le rencontreraient : il leur avait donné rendez-vous.

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"Dieu et Ses anges prient sur le Prophète. O vous qui avez apporté foi, appelez sur lui les prières et les salutations de paix" (Coran 33/56).

O Dieu, nous témoignons que Ton Dernier Prophète a transmis le message, s'est acquitté du dépôt, a conseillé sincèrement l'humanité, T'a adoré et a lutté dans Ton chemin jusqu'à ce que Tu l'aies rappelé à Toi. Salue-le de notre part et déverse sur lui Tes Bénédictions.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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